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Le migrant africain du grand- Lyon. L'" agir " social et économique à  construire. Enjeux, discours d'acteurs, pratiques, stratégies et cadres d'intégration, de mobilisation et valorisation des compétences des migrants sub- sahariens de l'agglomération lyonnaise

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par Issopha NSANGOU
Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne  - Master 2 Pro en ingénierie du développement social  2012
  

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3. Comment s'organisent et se structurent les réseaux diasporiques africains du Grand Lyon?

Le maintien des contacts avec les pays d'origine remonte aussi loin que les vagues successives de la migration africaine en France. Mais c'est à partir de 1981 que les premières associations villageoises verront le jour avec un statut juridique officiel, dans le prolongement des caisses de solidarité d'alors. La composition interne des communautés évoluant, avec l'accentuation de la migration familiale (femmes et enfants venant rejoindre le mari ou le conjoint en France) à la même époque, les associations communautaires, habituellement repliées sur elles-mêmes, vont dans le même temps rechercher plus souvent l'ouverture vers des réseaux qui ne relèvent plus de la stricte logique villageoise.

Les contacts dès lors vont se multiplier grâce et à travers les réseaux diasporiques primaires et secondaires de niveau 1 au sens de la classification précédente: associations ethno-régionalistes, associations nationales, collectifs d'associations, associations professionnelles, étudiantes, diasporas scientifiques.

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Dans le Grand Lyon, des diasporas, il en existe plusieurs, originaires d'une même région. Aussi, parler d'Une diaspora africaine parait inadéquat étant donné les caractéristiques sociologiques, socio-politiques, linguistiques et culturelles ainsi que les trajectoires historiques propres à chaque groupe de migrants, et à l'intérieur de chaque groupe.

Dans le cas de l'Afrique, plurielle par ses peuples et leurs cultures, la variété de ses trajectoires historiques, économiques et socio-politiques, les déterminants, les formes et les destinations, bref les dynamiques migratoires sont très différentes d'un groupe diasporique à l'autre. L'histoire de l'immigration en France depuis 1945 atteste de ces variations, nous l'avons vu. L'immigration maghrébine et subsaharienne en France, si elles ont été déterminées à la fois par l'effort de guerre durant les deux conflagrations mondiales du 20e siècle, puis par les besoins de l'industrie française en main d'oeuvre durant les Trente Glorieuses, les formes et la temporalité ont quelque peu divergé. L'immigration subsaharienne en France s'étant accrue depuis les années 90, féminisée à souhait et vu émerger des migrants africains venus de pays n'ayant eu aucun passé historique direct sinon de façon marginale avec la France. Ainsi note-t-on aujourd'hui dans le Grand Lyon par exemple une communauté importante de Ghanéens et de Congolais de la République démocratique.

Les cultures et sous-cultures propres à chaque groupe pays, les facteurs politiques et socio-économiques des pays d'origine de même que les projets migratoires collectifs ou individuels des migrants sont autant de marqueurs puissants qui soulignent la spécificité de chaque migrant ou chaque groupe de migrants, selon qu'ils seront

Camerounais, malgaches, burkinabés ou centrafricains. Le contexte migratoire (ensemble des conditions socio-

culturelles, politiques et économiques locales, nationales et internationales) influe également sur les
comportements individuels ou collectifs, et forge les représentations, les attitudes qui irriguent de façon complexe et variable (selon le lieu, le temps et le groupe) :

§ la relation des migrants avec la communauté nationale du pays d'accueil,

§ les contacts d'une communauté de migrants avec son pays d'origine

§ la force des liens entre membres de la même communauté d'origine en France

§ les relations entre communautés originaires du même pays mais dispersées dans différentes villes et
régions de France et d'Europe: les Burkinabé de Lyon, Bordeaux, Paris, Londres&

§ les rapports entre communautés ethnolinguistiques originaires des pays du continent africain :
maghrébins et subsahariens par exemple.

3.1. Caractéristiques générales des organisations associatives de migrants dans le Grand Lyon : Entre lieu de stabilisation identitaire et émergence d'un ghetto identitaire

Le mouvement associatif migrant originaire de l'Afrique subsaharienne tant au niveau national que local s'est beaucoup transformé au cours de son histoire. De l'époque des caisses de solidarité villageoises à la constitution des 1981 des premières associations de migrants en France résolument tournées vers l'entraide des membres et les transferts des ressources financières, relationnelles et symboliques à la communauté villageoise dans le pays d'origine , les associations subsahariennes se sont aussi différenciées parallèlement, conjointement au changement de la société. En dépit du fait que nous disposions de peu de données sur le développement historique de la vie associative des migrants africains, spécifiquement dans le périmètre lyonnais, nous nous sommes appuyés sur l'histoire récente de ce mouvement associatif pour dégager quelques grandes tendances générales toujours en vigueur aujourd'hui.

Figure 5. Synthèse des différents types de diasporas, inspirés de la classification proposée par Natalia Buga (inspirée de sa thèse sur les réseaux diasporiques).

Figure a. Réseau diasporique primaire Figure b. Réseaux secondaires de type 1

Migrants dans pays d'accueil -Région C

Migrants dans pays d'accueil -Région 1

Migrants dans pays d'accueil -Région 2

Migrants dans pays

d'accueil-Région D

Migrants dans le pays d'accueil A

Migrants dans le pays d'accueil B

Pays d'origine (Le Centre)

Migrants dans le pays d'accueil C

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Figure c. Réseaux secondaires de type 2

Migrants Allemagne Migrants

Migrants Canada

Migrants France

Pays d'origine

Migrants Afrique du

Sud

Migrants USA

Légende:

Figure a: Migrants sans aucun lien dans le pays d'accueil (dominante associations communautaires)

Figure b : Migrants inter reliés dans différents territoires du même pays d'accueil (type fédérations régionales ou COSIM)

Figure c : Faisceau de relations entre collectifs de migrants dans le même pays d'accueil et interreliés à d'autres collectifs de migrants dans

différents pays d'installation.

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3.1.1. Plus identitaires et communautaires que revendicatives

Par le socle communautaire (ethnique, nationale ou continentale) sur lequel elles se constituent et par la nature des activités qu'elles mènent et des objectifs qu'elles s'assignent, les associations de migrants subsahariens sont plus souvent identitaires que revendicatives.

§ Elles sont plus souvent Identitaires au sens où elles s'attachent, à quelque niveau que ce soit (association familiale, villageoise ou réseau continental), à maintenir un équilibre identitaire, eu égard au contexte fragilisé qui tend à déstabiliser. Elles ont en ce sens pour vocation de répondre au besoin de s'individualiser par une appartenance, en jouant ainsi un rôle de stabilisation des moeurs et des valeurs dans ce contexte trouble , sans repères et l' environnement pluraliste , toutes choses qui forcent soit à l'assimilation pure et simple à la culture dominante ( nationale ou régionale) soit à la réaffirmation de sa spécificité culturelle, au requestionnement et à la réinvention de son identité. Dans le même ordre d'idées, Sandro Cattacin et Morena La barba soulignent que : « Ces associations [identitaires communautaires] créent la confiance, de la sécurité ontologique, de l'estime de soi; des archipels dans une société plurielle »151.

§ Elles sont moins revendicatives en Rhône-Alpes dans la mesure où très peu d'actions portées par elles, individuellement ou collectivement, s'orientent vers la promotion et la défense des droits sociaux spécifiques aux migrants ou encore l'accompagnement de ceux-ci vers les dispositifs de droit commun, ne serait-ce que pour ceux des publics ciblés par les politiques locales d'intégration et d'insertion. En clair, une implication collective et organisée fort marginale dans l'intégration sociale, prise dans ses multiples dimensions.

§ En revanche quelques prémices d'actions revendicatives commencent à se dessiner , nous l'avons souligné déjà, portées par le collectif Africa 50, fondée sur une base continentale donc transculturelle, tout au moins en ce qui concerne la valorisation de la mémoire et l'histoire des migrants dans la Région , leurs apports divers au développement de la cité lyonnaise, puis les actions de prévention et lutte contre les discriminations liées notamment à l'origine , d'où l'accent mis sur les démarches de sensibilisation à l'inter et à la transculturalité. De ce point de vue, les réseaux associatifs de migrants produisent des ressources sociétales152 « qui doivent être prise en compte dans la politique d'inclusion des migrants dans les sociétés d'accueil ». Cette position d'entre-deux confère au Collectif africa 5O un caractère de réseau associatif communautaire, politique et social, fondé sur une base continentale et non plus seulement ethnique.

3.1.2. Une stratégie identitaire gagnante à petite échelle mais un risque réel d'auto-exclusion dans l'accès aux subventions publiques

Si elles apparaissent plus faibles dans leur poids social et politiques, elles restent néanmoins plus fortes dans leurs effets de stabilisation identitaire. Le marquage identitaire des associations subsahariennes du Grand Lyon a donc ses bénéfices en dépit des a priori négatifs qui découlent des discours des pouvoirs publics, souvent principaux bailleurs de fonds de ces organisations. Et comme nous le soulignions déjà, la société française, aveugle aux différences, a tendance à se méfier des regroupements spatiaux et ethno-régionalistes de personnes d'origine immigrée, même lorsqu'elle tend à les y enfermer, du fait de préjugés tenaces qui fragilisent la cohésion sociale.

3.1.3. Les associations subsahariennes reflètent aussi une hétérogénéité interne du point de vue des statuts divers des membres

151 Sandro Cattacin et Morena LA Barba : « Migration et Association : La vie associative des migrants - une exploration de leur rôle et développement en Europe occidentale », octobre 2007.

152 Au sens qu'en donnent les deux auteurs pré-cités : « la capacité de créer ponctuellement des liens sociaux et fonctionnels entre les différents groupes et sous-systèmes d'une société territorialement précisée par des horizons communs de ses composants », op.cit.

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Il n'est par exemple plus possible de lire les associations dans une logique relativement cohérente du point de vue des motifs de migration ; on peut trouver dans la même association, par exemple, des requérants d'asile, des clandestins ou des personnes avec un statut de séjour stable. Des migrants primo-arrivants, des immigrés d'ancienne installation et des immigrés naturalisés, davantage d'hommes que de femmes dans les associations mixtes, toutes les générations aussi s'y côtoient, ce qui occasionne parfois un choc des valeurs, des cultures et amènent à des crises internes qui peuvent conduire au blocage au niveau de l'exécutif, comme nous le verrons plus loin.

3.1.4. Les associations des migrants cherchent des coalitions dans une logique plus pluraliste mais peu de partenariats stratégiquement forts. Les choix stratégiques des associations migrantes d'Afrique subsaharienne se trouvent ainsi ballotés entre clôture communautaire, inclusion de la population immigrée elle-même et partenariat avec les acteurs étatiques et de la société civile.

Nos investigations nous ont permis d'identifier 3 types d'attitudes ou de réactions qui fondent les stratégies relationnelles des associations migrantes vis-à-vis du pays d'accueil. La classification à venir s'inspire des travaux de Sandro Cattacin et Morena La Barba déjà cités sur les associations de migrants dans l'Europe occidentale d'après-guerre. L'enjeu et les gains potentiels de chacune des stratégies varient d'un groupe à l'autre.

§ la stratégie « Exit» ou d'auto-exclusion: Cette réaction caractérise particulièrement les associations

communautaires qui relèvent des réseaux diasporiques primaires. Ici, tout tourne et s'oriente vers la communauté du pays d'accueil et du pays de départ. Les lieux de rencontre sont souvent homogènes (membres du groupe ethnique) et la visée de ces regroupements se résume à la stabilisation identitaire. Ce sont des associations globalement refermées sur elles-mêmes, même si leurs membres peuvent , à titre individuel, participer activement à la vie sociale de la cité et s'impliquer dans d'autres mouvements pour défendre par exemple certaines causes.

§ La stratégie « Voice » ou de lutte de reconnaissance : les associations pluriethniques, nationales ou

continentales, entrent dans cette catégorie et visent avant tout à affirmer la spécificité de leur identité, leur double culture, une particularité qu'elles souhaitent voir prises en compte dans les politiques publiques d'accueil et d'intégration des populations migrantes. Elles sont souvent engagées sur le front de la lutte contre les discriminations, la xénophobie et le racisme, réclament du respect et la reconnaissance citoyenne des immigrés anciens ou primo-arrivants, en déployant des actions à destination des populations concernées mais aussi des pouvoirs publics souvent peu regardants des particularismes. Cette catégorie d'associations pratiquent déjà une certaine ouverture vis-à-vis des acteurs extérieurs au groupe dans le pays d'accueil, multiplient des partenariats avec des acteurs multiples appartenant à d'autres réseaux: organisations de migrants et des non migrants, les administrations étatiques, le monde de l'entreprise et les fondations.

§ La stratégie « Loyalty » ou stratégie de coopération ou de participation aux initiatives d'inclusion : une troisième stratégie consiste à «entamer par le regroupement de migrants un dialogue avec les autorités du pays d'accueil. Cette stratégie de coopération permet aussi de profiter de subsides pour réaliser des mesures spécifiques d'inclusion et fait des associations de migrants des ponts entre les besoins des migrants et les options politiques ».

Si de manière générale l'augmentation en poids de la stratégie de coopération est caractéristique du monde associatif migrant contemporaine, il reste que l'implication des associations migrantes africaines dans les mesures d'inclusion sociale dans le Rhône est marginale. Cela permet de penser que cette stratégie de coopération reste à construire, à renforcer pour le bénéfice des populations migrantes mais aussi des administrations locales dont l'intérêt est de voir s'intégrer tous les migrants résidant sur son territoire pour une longue durée du moins, en dépit des résistances qui se manifestent de part et d'autre, et réaffirmer la cohésion sociale au niveau de sa population globale.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille