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Le nominalisme de Guillaume d'Ockham et la naissance du concept de droits de l'homme

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par Yann Kergunteuil
Université catholique de Lyon - Master 2 2006
  

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Considération intermédiaire

Le dépouillement de l'onto-théologie d'Ockham est extrême. D'un côté, les étants irréductiblement singuliers, de l'autre, la toute-puissance divine. Sa modernité réside dans cette opposition qu'il est le premier à penser sans intermédiaires. Cette simplicité retenue par l'histoire comme le « rasoir d'Ockham » est la source d'une triple rupture : a) Rupture métaphysique : penser Dieu selon sa toute-puissance et sa parfaite unité permet de dépasser les apories ontologiques de la substance pour les résoudre sur le plan théologique. L'étant singulier est fondamentalement un. b) Rupture cosmologique : notre monde n'est qu'une addition de substances juxtaposées spatialement. Incomplet, imparfait, il pourrait même ne pas être unique. Les relations n'existent pas, les possibles sont infinis, la causalité naturelle relève de l'accident. Les substances sont unes mais isolées au sein d'un univers où la toute-puissance divine, impénétrable, se substitue à tout principe d'individuation et reste seule à leur faire face. c) Rupture épistémologique enfin : n'étant plus qu'un agrégat arbitraire, ce monde est livré au pouvoir de l'esprit humain. La causalité efficiente régit seule les rapports entre substances, la technique est une pure combinatoire libérée des formes naturelles. Le monde n'est plus un cosmos sacré mais une possibilité singulière.

Ockham annonce ainsi la modernité en redéfinissant la place de l'homme. Ontologiquement, chacun d'entre nous est absolument un et parfait, nous ne correspondons pas aux idées de Dieu, nous sommes ses idées. Heuristiquement, nous sommes capables d'une intellection des singularités, donc du monde, puisque ce dernier s'y réduit. Ockham pose les fondements du sujet, de l'objet, et des sciences modernes qui doivent renoncer à la connaissance totale. Identifiant pour l'ontologie un champ propre bien que plus réduit, Ockham la dégage de l'emprise de la théologie. Circonscrivant leur tâche respective, il laïcise la connaissance. Enfin, bien que l'homme ne soit pas encore maître de la nature, le monde est déjà une vaste machine offerte à son pouvoir scientifique et technique.

Il est risqué d'affirmer un lien direct entre nominalisme et droits de l'homme. Si Heidegger a pu voir chez Ockham les sources de la rationalité instrumentale et technique moderne, il est

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impossible d'établir un lien direct sans une trop grande violence interprétative1. Ockham pense certes un monde nouveau, mais sans avoir conscience des innombrables bouleversements auxquels il participe. Ceux-ci sont trop nombreux, et surtout, son objectif est de défendre ses croyances et son ordre, non de révolutionner la pensée. Ockham veut retrouver la tradition, réinterpréter les grands textes religieux et philosophiques qu'une lecture abusive aurait dévoyés au fil des siècles. En revanche, sa pensée apparaît au terme de ce deuxième chapitre comme une vaste entreprise de déconstruction de l'univers conceptuel de l'Antiquité.

Cette première partie s'est attachée à montrer le caractère novateur de l'ontologie de Guillaume d'Ockham. Les espèces se révèlent n'être que des séries d'étants singuliers, les relations ne sont plus horizontales (terrestres) mais verticales (terre-ciel), un monde arbitraire se substituent au cosmos naturel. Le système d'Ockham déploie une métaphysique à la source des concepts modernes de substance, du monde et de la connaissance. L'ensemble des éléments que nous avons regroupés indique ainsi qu'il est légitime de voir dans cette pensée un pilier de la modernité occidentale, ce qui affermit, sans pour autant valider, l'intuition de Michel Villey. Le nominalisme ockhamien ayant joué un rôle important dans la naissance de l'individu et du monde modernes, il est possible que son rôle soit important quant à l'élaboration de la théorie des droits de l'homme. Peut-on cependant identifier des liens plus clairs, plus directs, entre la pensée d'Ockham et ces derniers ? Pour ce faire, notre hypothèse est qu'il convient de compléter l'analyse de la métaphysique ockhamienne par l'étude de ses versants juridiques et politiques.

1 L'oubli de la question de l'être prendrait selon Heidegger sa source dans l'univocité scotiste de la notion d'être et la réduction ockhamienne de l'être à l'étant. Les étants singuliers seraient dès lors isolés et manipulables. Cf. « Séminaire du Thor » dans Questions IV, Paris, Gallimard, 1976, pp. 220-221 : « En prélude historique à cet avènement [de la vérité comme certitude et de la Nature comme simple Objet pour un Sujet], on peut constater que la recherche d'une certitude apparaît d'abord dans le domaine de la foi, comme recherche de la certitude du salut (Luther), puis dans celui de la physique, comme recherche de la certitude mathématique de la nature (Galilée) - recherche préparée de loin, sur le terrain du langage, par la séparation nominalisme des mots et des choses (Guillaume d'Occam). Le formalisme occamien, en évacuant le concept de réalité, rend possible l'idée d'une clef mathématique du monde ». Pierre Alféri qui cite ce texte en souligne également les sérieuses limites (op. cit., pp. 139-140, note 218 et 219).

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