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Les apprentissages entre pairs: construction d'une identité plurielle

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par Carine Amouriaux-Menou
Université Rennes 2-Haute Bretagne - Master 2 Education, apprentissage et Didactique. Département des Sciences de l'éducation 2013
  

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4.1.3 Les modèles d'apprentissages entre pairs

4.1.3.1 Différents concepts

Ces pratiques dans lesquelles les étudiants interagissent avec d'autres étudiants afin d'atteindre un but, que ce soit l'accomplissement d'un geste de soin technique, la justesse d'un diagnostic, la pertinence d'une proposition de prise en charge thérapeutique ou la qualité de la communication avec le patient... m'invite à être attentive aux différentes connaissances détenues par les groupes et à ainsi concevoir l'apprentissage dans sa dimension collective. Les propos des étudiants permettent de reconnaître que ce ne sont pas seulement les individus pris individuellement qui améliorent leurs compétences dans les situations entre pairs mais que cette progression dans les savoirs et savoir-faire est le fait des ensembles qu'ils forment. Il est opportun de parler d'apprentissage collectif ou coopératif quand un individu partage ses connaissances avec un ou plusieurs autres membres de son groupe et que ceux-ci approfondissent ensemble l'objet d'apprentissage, ici l'exercice d'un métier de soin à la personne.

d'expérimentation, celui des puzzles. Il a pu montrer que donner un temps limite (soit une contrainte) dans la réalisation de la tâche baissait la motivation intrinsèque, par contre demander « d'aller le plus vite possible » n'induisait pas d'effet négatif. Les auteurs ont proposé une première théorie expliquant les motivations en termes de continuum en fonction de l'autodétermination des individus (intérêt pour l'activité elle-même). Plus l'individu est autodéterminé, plus il est motivé intrinsèquement et inversement, plus la cause de l'activité est parue externe (ex : école obligatoire), plus l'individu est extrinsèquement motivé. Tout ce qui entrave le libre arbitre soit les contraintes de temps limite, le contrôle, la pression, diminue la motivation intrinsèque. La motivation extrinsèque est liée au besoin de renforcements (argent, prix, ...) et la motivation intrinsèque est liée à l'intérêt de la tâche pour elle-même.

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Les différents travaux sur les apprentissages en groupe et entre pairs se sont multipliés depuis plusieurs décennies. Ils ont largement influencé les pratiques des enseignants et contribué à l'émergence de concepts, tel l'apprentissage en collaboration, l'apprentissage coopératif ainsi que les communautés d'apprentissage.

L'apprentissage en collaboration peut être décrit comme une stratégie d'apprentissage où un petit groupe d'apprenants travaille à atteindre un but commun sans séparation des tâches au préalable ; tout le monde est susceptible de prendre part et de participer à l'entièreté du processus.

Le terme d'apprentissage coopératif a des origines Outre-Atlantique. Ainsi, Johnson & Johnson, cités par Alain Baudrit, le caractérisent en un travail en petits groupes, dans un but commun, qui permet d'optimiser les apprentissages de chacun. Pour ces auteurs, les élèves des groupes coopératifs « peuvent atteindre leurs objectifs d'apprentissage si, et seulement si, les autres élèves avec qui ils sont comparativement associés atteignent les leurs.129» Le succès collectif semble ainsi être lié à l'efficacité de chaque membre, de l'investissement individuel dans la réalisation du projet commun. Ce fonctionnement se nomme interdépendance et suppose des rapports de réciprocité étroits à l'intérieur des groupes. Alain Baudrit insiste sur le fait que les groupes doivent présenter une certaine hétérogénéité, afin de favoriser les interactions et dynamiser les échanges. Ces notions d'interdépendance et d'hétérogénéité « font que les échanges entre élèves gagnent en coordination et en intensité, ce qui assure une certaine efficacité collective mais aussi des gains personnels130.» Les membres de ces groupes peuvent améliorer leurs connaissances et leurs compétences, en agissant activement ensemble. Ils sont donc amenés à progresser individuellement. Les propos de Chris, P3, qui compare les deux instituts qu'il a fréquenté, illustrent ce phénomène : « moi je sens qu'ici [le 2ème institut fréquenté] on peut facilement discuter, donner notre avis, ce qui va, ne va pas, on sent qu'il y a toujours une remise en question de l'école, de ce qui est fait. [...]Ici, on va plus facilement vers les livres, vers les profs, on pose plus facilement des questions parce qu'on est face à des gens plus ouvert ; donc, même en groupe, ça créer une dynamique. Les étudiants échangent, `'tiens moi y'a un prof qui m'a dit ça'Ç on se passe les infos et du coup, on sait qu'on peut aider, comme en clinique ou en soin. On dit à l'autre, `'tiens y'a ça qui va mais ça tu peux

129 A. Baudrit, L'apprentissage coopératif: Origines et évolutions d'une méthode pédagogique. Paris. De Boeck. 2007, p.94.

130 A. Baudrit, op. cit, p.7.

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faire autrement, ou là, tu te trompes». Ainsi, tout le monde s'interroge sur comment faire, et même les P1 ou les P2, quand on est en groupe, voient des choses qu'ils n'ont pas encore apprises et ça leur donne envie d'avancer131. » La motivation dans les apprentissages apparaît clairement ; c'est un élément important à intégrer dans le concept d'apprentissage coopératif.

Du coté européen, Philippe Meirieu132 développe une conception du fonctionnement groupal assez proche de celui exposé par Johnson & Johnson. Pour lui, ce type de groupes se distingue par « un mode de fonctionnement impliquant chacun à la tâche commune, de façon à ce que cette implication soit un moyen d'accès à l'objectif que l'on se propose d'atteindre.133 » L'idée que les élèves participent à une activité collective et que celle-ci leur permette d'acquérir des savoirs est développée également chez Robert Pléty134 lorsqu'il parle d'apprentissage coopérant. Selon cet auteur, ce travail de groupe permet à un certain nombre d'élèves, en situation d'échec, de réussir par le travail collectif. Pour cela, les groupes doivent être interactifs, faire preuve d'une véritable activité de « ce que les élèves peuvent s'apporter les uns aux autres, du fait de leur capacité en intelligence, action et organisation.135» La synergie créée par la collaboration fait donc émerger des facultés de représentation, de création et d'apprentissage supérieures à celles des individus isolés.

Certains processus du concept de collaboration s'appliquent à la situation observée dans les apprentissages entre pairs pédicures-podologues, à savoir :

- Les étudiants doivent se mettre d'accord sur l'objectif de soin et organiser leurs actions pour le réaliser.

- Il y a négociation par la discussion entre les étudiants.

- La collaboration à un acte de soin est la cause de l'apprentissage (c'est parce que les étudiants coopèrent qu'ils apprennent, même si d'autres situations leurs permettent d'acquérir des compétences).

131 Cf. annexes entretiens Chris 28 et 32.

132 P. Meirieu, Apprendre oui mais comment? ESF. Paris. 1998.

133 P. Meirieu, op.cit., p.15.

134 R. Pléty, L'apprentissage coopératif, Paris. Retz. 1996.

135 R. Pléty, op. cit, p. 153.

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Apprendre, travailler ensemble relève également du concept de communauté d'apprentissage. Divers auteurs, comme Etienne Wenger136, se sont attachés à décrire une perspective sociale de l'apprentissage au travers de collectifs particuliers définis sous le terme de communauté de pratique. Classiquement, on distingue trois éléments essentiels à la constitution d'une communauté de pratique d'apprentissage :

- l'engagement mutuel,

- la négociation d'actions communes,

- un répertoire partagé.

Selon Etienne Wenger, l'appartenance à une communauté de pratique est un engagement des individus dans des actions dont ils négocient le sens, la finalité.

Concernant les actions communes, elles sont nécessairement négociées, ce qui crée des relations de responsabilités mutuelles entre les membres de la communauté.

Enfin, le répertoire partagé est l'ensemble des ressources qui réunissent des supports physiques, des outils, des procédures, des concepts que la communauté a créé ou adopté (par exemple, dans la situation observée, les concepts d'hygiène, de stérilisation, la façon d'utiliser les instruments de soin...) et qui sont incorporés dans les pratiques.

Ce principe de communauté de pratique suppose un rapport d'entraide entre les acteurs, condition nécessaire pour qu'il y ait partage des connaissances sur une pratique.

Etienne Wenger évoque aussi le fait que les communautés émergent de manière spontanée et informelle et que, dans ce contexte, les expériences, les interrogations des acteurs incitent au partage et à une recherche de solutions coconstruites. Sa définition met en évidence la maîtrise des connaissances, d'habileté ou d'habitudes comme des raisons d'être de la communauté.

La théorie des communautés de pratique invite à concevoir l'apprentissage du point de vue « participation sociale ». Ceci sous-entend que la participation n'est pas seulement un engagement de personnes dans certaines activités mais également un processus de « collaboration active aux pratiques d'une communauté sociale et de la construction d'identités en lien avec elle137». Etre acteur dans un groupe ou une équipe, constitue une forme d'appartenance à un type d'activité. Cet engagement transforme l'acte

136 E. Wenger, La théorie des communautés. Paris. Presses De L'université Laval. 2005.

137 E. Wenger, op. cit,. p. 2.

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d'agir mais aussi la manière d'être et de l'interpréter. Le phénomène décrit par Etienne Wenger correspond à la notion d'étudiant auteur/acteur que j'ai observée chez les étudiants pédicures-podologues.

Que l'on parle d'apprentissage collaboratif, coopératif ou de communauté de pratique, le dénominateur commun à ces différentes théories reste le groupe, cette structure dont l'intérêt est d'être propice à la mise en commun des idées, au partage d'information, à l'échange donc aux interactions sociales. J'ai mis en évidence que des dimensions individuelles et socio-organisationnelles cohabitent. C'est donc de et dans leurs interactions que les individus peuvent réaliser une partie de leurs apprentissages138.

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