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Les apprentissages entre pairs: construction d'une identité plurielle

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par Carine Amouriaux-Menou
Université Rennes 2-Haute Bretagne - Master 2 Education, apprentissage et Didactique. Département des Sciences de l'éducation 2013
  

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4.1.3.2 Développement de sentiments

D'une certaine façon, cette conception d'apprentissage privilégie une interdépendance entre les étudiants, met en avant des relations de réciprocité où entraide et soutien mutuel occupent une large part. Regrouper des étudiants, les amener à étudier ensemble, les associer sur des projets, favoriser la discussion, les échanges entre eux, instituer donc des situations collectives de travail ont permis de mettre en évidence des conduites sociales comme l'altruisme et l'empathie.

Les sentiments ont effectivement une large place dans les propos recueillis chez les étudiants pédicures-podologues. Amel, P1, décrit que « le fait que l'on soit accompagné par un P3, je trouve ça plus confortable, en tout cas pour les débuts, que d'être avec un professeur, c'est moins stressant parce qu'il a une vision qui va lui permettre de nous dire que ce qu'on fait ce n'est pas bien, mais c'est vrai que l'on a l'impression qu'on a plus le droit à l'erreur.139» Elle précise : « à mon premier soin j'étais très stressée et le fait que justement ce soit un P3 à côté de moi m'a peut-être plus détendue, je pense, que si ça avait été un professeur, j'aurais plus eu peur de mal faire140.» Etre accompagné par un autre étudiant dans l'exécution de l'acte de soin auprès d'un patient rassure. « Moi je préférais être à deux que tout seul, même en fin d'année, j'étais plus rassurée » rapporte Amel. Les étudiants P3 se souviennent très clairement et rapportent avec beaucoup d'émotion leurs expériences passées, comme Charlène, P3, lorsqu'elle évoque son expérience de tutorée : « c'est un soutien d'être

138 Propos de Solveig Fernagu-Oudet, socio-pédagogue, recueillis en mars 2014 lors d'une Conférence-débat dans le cadre des formations SIFA de Rennes 2.

139 Cf. annexes entretiens Am.2.

140 Cf. annexes entretiens Am.4.

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avec l'autre. Ici, à l'institut, on est dans notre petit cocon, et pour un P1, c'est ça qui est bien ,
· on se sent en sécurité. Au moins au début, c'est bien de sentir qu'on n'est pas tout seul, qu'on peut nous aider [...] ; on est content de travailler à deux.
» Clara, P3, retrace également son passé d'accompagnée : « même si on n'a pas vraiment peur de demander aux profs, c'est moins stressant de demander à un autre étudiant [...] pour des petits trucs, car on sait que l'autre est capable de nous montrer. C'est plus facile de demander et en plus, il est juste à coté ! » La proximité physique et la posture de même statut, celui d'étudiant, facilite les rapports et la possibilité de demander de l'aide. Ce qu'explique clairement François, P1 : « Je ne vais pas trop aller demander à un professeur parce que des fois que ça passe mal, mais à un P3, je n'ai pas de problème141.» La notion de confiance dans les apprentissages est prégnante dans le discours des étudiants, comme dans celui de François : « ça permet au début d'année de mettre en confiance parce qu'on n'est pas à l'aise face au patient, et puis de faire des soins ; on ne sait pas bien utiliser les instruments, on ne sait pas comment se comporter, on ne sait pas trop comment faire, on a juste les bases et le fait qu'il y ait quelqu'un à côté de nous, ça rassure, on peut se dire qu'il pourrait éventuellement rattraper les gaffes parce que lui sait le faire et il a le niveau pour au pire rattraper les bêtises que l'on fait142Le regard posé par le tuteur étudiant sur le travail effectué par le novice est perçu comme bienveillant, ce qui influe sur la prise de confiance des P1. Amel, P1, précise à ce sujet : « Ça joue beaucoup, pour moi, oui. Ça m'est déjà arrivé que le P3 regarde ce que j'avais fait et me dise `'c'est bon» et ça fait du bien. C'est très appréciable. Je pense même que c'est super important qu'on nous dise que c'est bien143.» Cette confiance se retrouve chez les P3 pour qui le rôle de tuteur « c'est avoir de la rigueur dans les connaissances, dans l'approche avec le patient mais aussi de la confiance parce que quelqu'un qui nous regarde avec des yeux plus novices, ceux qui sont en demande de connaissances, qui nous regardent en se disant `'toi, tu connais plus». Donc, forcément, ça donne de la confiance.144» Baptiste, P3, explique que devenir tuteur l'a « aidé à grandir dans les apprentissages [...], qu'en P3, on se sent plus fort. Que s'il n'y avait pas ça (les binômes), si on était tout seul, ce serait différent. Tout seul, il faut que tu montres que tu es crédible ,
· là, d'emblée, sans que tu fasses rien, on te montre que, oui, tu es plus crédible, donc c'est dans ce sens là, la

141 cf. annexes entretiens F. 21.

142 cf. annexes entretiens F. 1.

143 cf. annexes entretiens Amel 54.

144 cf. annexes entretiens B. 2 et 10.

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confiance. Ça, c'est confortable. » Passer à un statut de tuteur est d'emblée une posture de sachant pour l'étudiant, posture qui se vérifie par la pratique puisque « quand on commence la deuxième année et que les P1 arrivent et qu'ils savent rien, c'est vachement bien parce qu'on se rend compte qu'on sait plein de choses! C'est aussi valorisant145Si la grande majorité des étudiants interrogés évoque un sentiment d'altruisme, « c'est agréable de pouvoir aider », « on aime bien aider », « moi, j'aime donner des conseils, des petites astuces », « c'est bien de partager », certains stagiaires comme Charlène, P3, analyse les situations de façon plus distanciée : « bah, c'est peut-être avoir une reconnaissance, en fait. Se prouver quelque chose à soi-même, montrer qu'on est compétent ; c'est aussi se valoriser soi ; y'a une part de partage mais aussi une part d'égoïsme, je pense. Oui, c'est agréable de sentir qu'on a des compétences, qu'on peut expliquer ça à d'autres. En les aidants, on se fait du bien146! »

L'ensemble de ces propos expriment un lien social très prégnant, où l'altruisme, au sens de prendre soin de l'autre, coexiste avec un individualisme, un « prendre soin de soi », qui rassure l'étudiant sur sa propre évolution au cours de la formation. Si cette cohabitation de sentiments, somme toute antinomiques, peut exister, c'est que certainement individualisme dans les situations étudiées ne signifie pas narcissisme ou défaut d'empathie. Cet équilibre entre les différents sentiments est certainement une des raisons qui expliquent la réussite de la formation entre pairs, l'acceptation, par les étudiants, des règles de fonctionnement dictées par l'institution. Chacun y trouve son compte. Car il ne suffit pas de regrouper des élèves et de leur confier une tâche commune pour que se produisent des interactions et que celles-ci débouchent sur un résultat probant. Une des problématiques majeures de l'apprentissage coopératif tient donc au moyen d'induire des interactions fructueuses entre pairs.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard