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Le droit de garder silence: mise en oeuvre de l'équitabilité du procès en droit international des droits de l'homme

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par Briba Mussa Mbuya
Université de Goma - Licence 2015
  

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Section 2. Nature et portée du droit au silence

Cette section traitera d'une part de la nature du droit de garder silence (§1) et d'autre part de sa portée (§2).

§1. Nature du droit de garder silence

L'homme le plus honnête, le plus respecté, peut faire l'objet d'une arrestation. L'individu entre alors dans un univers qui lui est inconnu, il ne sait pas pour quelles raisons il se trouve devant une autorité judiciaire. On lui pose un tas de question, et il ne sait toujours pas pourquoi il a été interpellé, il ne sait pas ce qu'il peut ou ce qu'il doit faire143(*).

C'est en effet à ce niveau qu'il doit lui être rappelé qu'il a le droit de garder silence. Ce droit signifie avant tout, que le refus d'explication et le manque d'explication de la personne poursuivie ne peuvent, seuls entrainer la preuve tacite de sa culpabilité. Ce droit sert de transition entre deux principes diamétralement opposés : la présomption d'innocence et la présomption de culpabilité. La première veut que lorsque le législateur a établi des règles dans l'intérêt de la société atteinte par une infraction. Il doit aussi empêcher qu'un innocent ne soit injustement poursuivi et condamné.

Il assure ainsi en même temps la protection de l'intérêt de l'individu notamment ses droits fondamentaux. Si la justice commande que le coupable de l'infraction soit puni, elle exige aussi que celui qui est poursuivi s'entoure de garanties des dits droits fondamentaux : qu'il puisse se défendre, qu'il ne puisse être privé de sa liberté tant que sa responsabilité pénale n'a pas été établie par un tribunal144(*).

Cette présomption d'innocence est très respectable et très respectée. Qui aujourd'hui, dans un Etat de droit oserait le remettre en cause? Il a même été rappelé dans plusieurs instruments internationaux éminemment symboliques.

La seconde, c'est-à-dire la présomption de culpabilité se fonde même sur les terminologies employées à l'arrestation par les autorités de police judiciaire et les magistrats de parquet145(*). Pour nous et sur le plan de la logique, lorsque les indices sérieux de faire croire que l'infraction a été commise sont observés, il est logique d'en déduire une culpabilité présumée.

L'expression de «présomption de culpabilité» est volontairement provocante car elle montre en quoi le principe de la présomption d'innocence, compris comme charge de la preuve, n'est pas absolu. Ces présomptions mettent à la charge de la partie poursuivie la preuve de son innocence.

Cependant, il faut, en se plaçant dans une approche agonistique préciser que ces deux présomptions sont au coeur du débat. Les termes de «présomption d'innocence» sont empreints d'équivoque car la présomption d'innocence n'est pas l'innocence146(*). Artificialité et précarité la définissent.

La présomption d'innocence est une innocence artificielle. En effet, on ne peut pas confondre l'innocence avec la présomption d'innocence car dans le premier cas l'innocence se suffit à elle-même alors que dans le second cas l'innocence nécessite le recours à une présomption. Or qu'est ce qu'une présomption si ce n'est un artifice juridique147(*)? D'ailleurs, l'artificiel, l'artefact n'a t-il pas pour fonction de produire une représentation illusoire de la réalité? Dire de quelqu'un qu'il est présumé innocent n'est-ce pas insinuer qu'il est coupable? Cette remarque commande des explications.

A certains égards, la présomption d'innocence peut paraître absurde: une présomption ne recoupe-t-elle pas le vraisemblable? Si une présomption est un « mode de raisonnement juridique en vertu duquel, de l'établissement d'un fait on induit un autre fait qui n'est pas prouvé »148(*) n'est-il pas paradoxal de fonder la présomption d'innocence sur une présomption de culpabilité? En effet n'est-il pas incohérent de dire d'une personne qu'elle est présumée innocente parce qu'elle est mise en cause par la police et la justice? Il serait plus cohérent qu'une personne réellement mise en cause soit juridiquement présumée coupable.

Ainsi, les termes même de «présomption d'innocence» traduisent déjà une certaine forme de culpabilité. Cette ambivalence se manifeste parfaitement au sacra-saint article 17 in fine de notre Constitution149(*). Cet article énonce que « toute personne accusée d'une infraction étant présumée innocente jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ... ». Pourquoi reconnaître qu'un homme est artificiellement innocent alors qu'il l'est nécessairement avant son jugement? N'est-ce pas reconnaître qu'il est déjà réellement coupable et que son innocence n'est que l'aboutissement d'un artifice juridique150(*)?

Mais la présomption d'innocence n'est pas seulement une innocence artificielle, elle est aussi une innocence précaire parce que nécessairement réfragable. A plus ou moins long terme, l'artifice à vocation à s'effacer. Or, on n'est (verbe être, indicatif présent) jamais innocent, toujours présumé (verbe présumer, forme passive) innocent, toujours coupable ou innocent151(*).

A bien des égards le langage nous trahit car le droit positif peine à instaurer une répression fondée exclusivement sur le procès. Comme tous les principes, la présomption d'innocence se heurte à des difficultés. Difficultés d'ordre, d'après nous, logique.

En effet s'il est injuste de punir un innocent, n'est-il pas injuste d'épargner le temps de la procédure le coupable? Cette remarque nous conduit à apprécier le contenu logique de la présomption d'innocence est développée en doctrine l'idée selon laquelle la présomption d'innocence serait un principe inexistant152(*). Il s'agirait simplement d'aménager le sort de l'individu objet des soupçons en le plaçant dans un statut intermédiaire entre celui d'innocent et celui de coupable. Accoler les termes de « présomption » et d' « innocence » serait une erreur dans la mesure où la présomption d'innocence n'est pas une présomption au sens juridique du terme153(*). En effet, elle ne consiste pas à tirer d'un fait prouvé un fait non prouvé puisqu'il serait particulièrement étrange d'affirmer que l'on tire de l'existence de soupçons à l'encontre d'une personne la preuve de l'innocence de celle-ci. Au contraire, l'existence de soupçons serait davantage à même de laisser présumer la culpabilité. La présomption d'innocence a ainsi un mode de fonctionnement allant à l'opposé de celui caractérisant une vraie présomption : au lieu d'accélérer l'établissement de la preuve, elle la freine. La présomption d'innocence serait alors un simple mode d'attribution de la charge de la preuve n'ayant pas pour fondement un quelconque rapport entre deux faits mais la volonté de favoriser l'une des parties au litige. Les suspects seraient présumés innocents, non parce que cela semble correspondre à la vérité, mais en raison de la nécessité de garantir leurs intérêts154(*). Par ailleurs, l'existence d'une véritable présomption d'innocence devrait logiquement conduire à traiter l'individu comme innocent ce qui signifierait que jusqu'à l'intervention d'un jugement définitif constatant sa culpabilité, l'intéressé ne devrait subir aucune arrestation, garde à vue, détention provisoire... .

Cette position doctrinale est indubitablement fondée sur un raisonnement juridique logique. Cependant, elle met trop d'ardeur à démontrer l'inexistence d'un principe fondamental tourné vers la protection de l'individu. Certes, parler de « présomption d'innocence » n'est peut-être pas juridiquement correct mais il n'en demeure pas moins que partir du principe que l'individu est innocent et n'abandonner ce postulat qu'après une décision définitive de condamnation est profondément nécessaire155(*).

Le fait qu'un accusé ou un suspect choisisse de demeurer silencieux ne peut en lui-même donner lieu à une présomption de culpabilité ou a fortiori à une déclaration de culpabilité. Son silence rajoute dans sa thèse. Le silence allait recouvrir le principe de la présomption d'innocence156(*).

L'accusé ou le suspect doit être informé le plus tôt possible par le procureur ou l'enquêteur de sa faculté de "garder le silence et de ne pas contribuer à s'incriminer ". C'est en fait lui dire qu'il a le droit de chercher à s'innocenter en préparant sa défense, en se mettant en contact avec l'avocat de son choix...

Mais peut-on concevoir ce droit de se taire comme un droit absolu ? Relativisons, si le droit au silence constitue un véritable droit, il ne peut revêtir un caractère aussi absolu sans mettre en échec l'intérêt social ". Pour tenir compte de tous les intérêts engagés dans le procès pénal, il importe de préciser la nature de cette prérogative et d'en fixer les limites. Le point de vue original exposé ici est que l'on ne peut parler d'un" droit véritable ", c'est-à-dire effectif, que si celui-ci est clarifié dans ses limites et donc par essence relatif. L'absolutisme d'un droit consacre son caractère inutilisable car non conforme à la réalité humaine. M. Essaïd parle alors d'un" droit à effet atténué " et rejette l'idée d'une" simple faculté"157(*). Le " droit au silence" se trouve de par sa nature entre le "droit absolu" et la " simple faculté ".158(*)

Le droit de garder silence n'est pas un droit absolu et dans la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l'homme, le raisonnement va du sens que le droit de ne pas s'incriminer soi-même et le droit de garder le silence ne sont pas absolus et que leur application peut se trouver limitée face à d'autres buts légitimes d'intérêt public159(*).

La présente espèce du droit de l'accusé ne concerne pas seulement une règle de preuve par l'aveu, mais aussi l'existence du droit fondamental a` ne pas être contraint de s'incriminer soi-même.

Ce droit est relatif à partir du moment où toutes les garanties du procès sont respectées. C'est ainsi qu'avant tout interrogatoire, la personne doit être avertie qu'elle a le droit de garder le silence, que toute déclaration de sa part pourra être utilisée à charge contre elle et qu'elle a le droit d'être assistée d'un avocat, désigné par elle ou d'office. L'accusé peut renoncer à ces droits, à condition qu'il y renonce volontairement et en connaissance de cause. Toutefois, s'il indique de quelque manière que ce soit et à quelque stade que ce soit qu'il souhaite consulter un avocat avant de parler, l'interrogatoire ne peut avoir lieu. De même, si la personne est seule et indique de quelque manière que ce soit qu'elle ne souhaite pas répondre à des questions, la police ou le magistrat ne peut pas l'interroger. L'accusé peut ou ne pas exercer son droit au silence. Elle le peut pour deux raison estimons nous : lorsqu'elle estime que les garanties de sa défense ne sont pas respectées, par exemple lorsqu'elle n'a pas encore pris contact avec son avocat d'une part et d'autre part lorsqu'elle pense que ses déclarations sont ou seront de nature à l'incriminer. C'est en fait, une façon de légitimer le droit au mensonge c'est-à-dire que toutes les fois que le mis en examen n'aura pas le moyens nécessaire pour sa défense, pour se disculpabiliser, il pourra exercer son droit au silence.

En définitive, il faut bien voir que le droit au silence n'est pas un droit absolu. La Northern Ireland Standing Advisory Commission on Human Rights estime pour sa part réitère ce droit n'est pas absolu mais plutôt une garantie pouvant, dans certains cas, être enlevée à la condition d'introduire pour les accusés d'autres protections appropriées qui contrebalanceront le risque éventuel de condamnations injustes160(*).

Dans certaines circonstances, il peut être déduit du silence, des conséquences défavorables, surtout s'il est observé du début à la fin de la procédure, alors que certaines situations appelaient des explications161(*)et lorsque toutes les garanties des droits de la défense ont été respectées. C'est de ce point de vue, qu'il convient de préciser la portée de ce droit.

* 143 A. FICHEAU, les erreurs judiciaires, mémoire D.E.A, Université LILLE II, Fac des sciences juridiques, politiques et sociales, année universitaire 2001-2002, p.70 disponible sur http://edoctorale74.univlille2.fr/fileadmin/master_recherche/T_l_chargement/memoires/justice/ficheaua02, consulté le 23/04/2016 à 18h22.

* 144 A. MANANJARA, Réflexion sur le principe de la présomption d'innocence en droit pénal, Université de TOLIARA, Mémoire de maitrise en droit privé et sciences criminelles, Année Universitaire : 2013 - 2014, p.3.

* 145 L'emploi de la terminologie, « auteur présumé » renvoie à la présomption de culpabilité et c'est sur base de cette présomption que la personne est gardée à vue. Il faut dire qu'au parquet en RDC, le terme devient enfonçant, culpabilisant « Inculpé ».

* 146 V. THIERY, La présomption d'innocence, Mémoire DEA de droit privé, Ecole doctorale n° 74, Université Lille 2, Session 1999/2000, p.4.

* 147 Ibidem.

* 148 Valérie LADEGAILLERIE, Lexique des termes juridiques, Anaxagora, collection numérique, smd, V°Présomption, p.129. Lire également G. CORNU, Vocabulaire Juridique, PUF, 9e éd. Paris, 2011, V° Présomption, p.789. la présomption est encore définie comme conséquence que la loi ou le juge tire d'un fait connu à un fait inconnu (par exemple la paternité) dont l'existence est rendue vraisemblable par le premier. Procédé technique qui entraine, pour celui qui en bénéficie, la dispense de prouver le fait connu le fait connu (d'où un déplacement de la preuve, par son adversaire, de l'existence du fait inconnu) présumé.

* 149 Constitution de la RDC du 18 Février 2006 telle que modifiée par modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011, In J.O.RDC 52ème Année Numéro Spécial.

* 150 V. THIERY, Op. Cit. p.5.

* 151 Ibidem.

* 152 S. DETRAZ, La prétendue présomption d'innocence, Dr. pén. 2004, chron. N°3. Cité par M. POUIT, les atteintes à la présomption d'innocence en droit pénal de fond, Master II Droit pénal et sciences pénales, Université Paris II Panthéon - Assas, Paris, 2013, p.13.

* 153 M. POUIT, Les atteintes à la présomption d'innocence en droit pénal de fond, Master II Droit pénal et sciences pénales, Université Paris II Panthéon - Assas, Paris, 2013, p.13.

* 154 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, tome II, Procédure pénale, n° 148, « Le principe actori incumbit probatio est imposé [...] par la sûreté des individus » noté par M. POUIT, Op. Cit. P.13.

* 155 M. POUIT, Op. Cit. P.14.

* 156 P. FEROT La présomption d'innocence : essai d'interprétation historique, Thèse de doctorat, Sciences de l'Homme et Société. Université du Droit et de la Santé - Lille II, 2007, 320.

* 157 ESSAID, La présomption d'innocence, Thèse de droit, Paris, 1969 cité par Ch. GIRARD, culpabilité et silence en droit comparé, Éditions l'Harmattan, Paris, 1997, p.129.

* 158 Ch. GIRARD, culpabilité et silence en droit comparé, Éditions l'Harmattan, Paris, 1997, p.129.

* 159 C.E.D.H, Affaire O'halloran et Francis c. Royaume-Uni, ARRÊT, STRASBOURG 29 juin 2007, p.12.

* 160 C.E.D.H, AFFAIRE JOHN MURRAY c. ROYAUME UNI, Arrêt du 8 février 1996, §42.

* 161 LOUIS-EDMOND PETTITI, « Le droit au silence », p.8 (140), disponible sur http://www.gddc.pt/actividade-editorial/pdfs-publicacoes/7576-e.pdf.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote