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Le droit de garder silence: mise en oeuvre de l'équitabilité du procès en droit international des droits de l'homme

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par Briba Mussa Mbuya
Université de Goma - Licence 2015
  

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CHAPITRE II. LES CONSEQUENCES DU DROIT DE GARDER SILENCE DANS LE CADRE DU PROCES PENAL

Dans le cadre de ce chapitre, nous allons dans une section étudier les conséquences du silence à l'égard du bénéficiaire et vis-à-vis des autorités policières et/ou judiciaires. Le fait de persister sur ce silence dans la phase juridictionnelle face à l'intérêt social de punir ceux qui enfreignent les lois pénales (section1) et dans une seconde section, le système d'indemnisation en cas d'erreur judiciaire.

Section 1. Conséquence juridique du droit au silence du gardé à vue ou du mis en examen

Cette section analysera en deux temps, les conséquences du silence dans une procédure pénale. D'une part, lors de la garde à vue et d'autre part, lors de l'inculpation au parquet.

Deux conséquences surviennent lorsque le droit au silence est observé ou pas.

§1. A l'égard du gardé à vue

Tout homme pense Kant a une prétention légitime au respect de son prochain, et réciproquement il est obligé lui aussi au même respect envers chacun des autres hommes. L'humanité elle-même est une dignité, car l'homme ne peut être utilisé par aucun homme simplement comme moyen, mais il faut toujours qu'il le soit en même temps comme une fin, et c'est en cela précisément que consiste sa dignité211(*).

Reconnaître pour une personne suspectée ou poursuivie un droit au silence ne va pas de soi. Il s'agit d'une prérogative qui a d'ailleurs longuement été débattue et contestée.

Bentham écrivait que « l'innocence ne se prévaut jamais du droit au silence, elle réclame le droit de parler comme le crime invoque le privilège de se taire »212(*). Pourquoi se taire lorsque l'on a rien à se reprocher ? tel est l'argument utilisé par les tenants du devoir de parler devant les acteurs chargés de découvrir la vérité judiciaire213(*).

Néanmoins, en vertu du principe de la présomption d'innocence, ce n'est pas à la personne soupçonnée de prouver qu'elle n'a pas participé aux faits poursuivis. Alors que la « question préalable » était encore utilisée et que l'aveu était considéré comme la « reine des preuves »214(*), JOUSSE écrivait déjà que « le silence de l'accusé ne le fait pas regarder comme coupable des faits sur lequel il est interrogé », mais il nuançait ses propos en précisant que « néanmoins ce silence peut former un indice contre lui dans le cas où il n'apporte aucune raison pour le justifier »215(*). Le débat juridique qui s'est instauré autour du silence reprend son ambivalence philosophique216(*). Il peut aussi bien relever d'un mutisme qui est souvent suspect et peut ainsi marginaliser son auteur, que symboliser la méditation, la réflexion voire le courage par la capacité de se taire dans les moments difficiles alors qu'il paraitrait plus simple de prendre la parole pour contredire.

Le non respect du droit de garder silence à la garde à vue porte le jalon d'une éventuelle erreur judiciaire, puis que c'est au début de l'enquête policière que commence souvent toute poursuite pénale. C'est en fait à ce niveau que peuvent se situer les dérapages.

De même lorsque le droit de garder silence a été rappelé au gardé à vue et respecté, il est indéniablement fait rappeler au gardé à vue son droit de se faire assister par un avocat ou à tout le moins lui en chercher un. Ce qui pose une première pierre du respect des droits de la défense.

Dans de telles circonstances, la présence d'un avocat à la première heure de garde à vue a pour but de rassurer la personne, même si l'avocat ne connait encore rien de l'affaire. L'avocat pourra lui dire qu'il a le droit de garder le silence, s'il désire, et s'il le désire et surtout qu'il ne faut pas qu'il avoue quoi que ce soit217(*). La présence de l'avocat permet donc d'éviter que des faux aveux ne soient donnés, aveux qui seront sans aucun doute rétractés par la suite. Cela permet donc de limiter au maximum l'une des causes des erreurs judiciaires, car des aveux donnés dans ces circonstances sont relativement fréquents218(*).

Cependant, en France la loi du 4 mars 2002 a précisé la nature de la notification du droit au silence de la personne gardée à vue et a ainsi prévu que « la personne gardée à vue est également immédiatement informée qu'elle a le choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire »219(*). Alors que la loi du 18 mars 2003220(*) a cette fois purement et simplement supprimé la notification du droit au silence. Si cela ne signifie pas pour autant que le droit au silence ait disparu, sa notification formelle à la personne mise en cause n'est plus assurée221(*). Il ressort des dispositions de la loi de 18 Mars 2003 en France que le droit au silence n'est pas admis au niveau de l'enquête policière, il faut désormais attendre le stade de l'instruction préparatoire pour obtenir la notification du droit au silence. Le juge d'instruction doit en effet, lorsqu'il procède à l'interrogatoire de première comparution, aviser la personne « qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée ». L'accord de la personne mise en examen pour être interrogée immédiatement doit être recueilli devant son avocat222(*).

A en croire l'affaire Brusco contre France devant la Cour Européenne des droits de l'homme, où le requérant, un ressortissant français, a été placé en garde à vue à la suite d'une agression pour laquelle on le soupçonnait d'en avoir été le commanditaire. Il a avoué sa participation à cette affaire lors de l'interrogatoire mais n'a rencontré son conseil que le lendemain. Il a alors saisi la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris d'une requête en annulation des procès-verbaux des auditions de la garde à vue, et des actes subséquents. Sa requête a été rejetée au motif que le fait d'avoir interrogé le requérant en qualité de témoin et donc de lui faire prêter serment « de dire toute la vérité, rien que la vérité » était conforme à la loi.

L'affaire a été renvoyée devant le Tribunal correctionnel de Paris qui a rejeté les exceptions de nullité de procédure et condamné le requérant à cinq ans d'emprisonnement, dont 1 an avec sursis. Ce jugement a ensuite été entièrement confirmé par la Cour d'appel de Paris puis par la Cour de cassation. Invoquant l'article 6 §1 et §3 de la Convention223(*), le requérant se plaint d'avoir été obligé de prêter serment avant son interrogatoire ainsi que d'avoir été privé du droit de se taire et de ne pas s'auto-incriminer.

La Cour européenne relève que lorsque le requérant a été placé en garde à vue et a dû prêter serment, il faisait l'objet d'une accusation en matière pénale et bénéficiait par conséquent du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence garanti par l'article 6 §1 et §3 de la Convention.

Cette Cour estime que le fait d'avoir dû prêter serment avant de répondre aux questions de la police a constitué une forme de pression sur l'intéressé mais elle note, par ailleurs, que depuis 2004, la loi a changé et que l'obligation de prêter serment et de déposer n'est plus applicable aux personnes gardées à vue sur commission rogatoire d'un juge d'instruction. La Cour constate, également, que le requérant n'a pas été informé au début de son interrogatoire de son droit de se taire, de ne pas répondre aux questions posées, ou encore de ne répondre qu'aux questions qu'il souhaitait. Elle relève, en outre, qu'il n'a pu être assisté d'un avocat que vingt heures après le début de la garde à vue. Partant, la Cour conclut à la violation de l'article 6 §1 et 63 de la Convention224(*).

En Afrique, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples quand à elle rappelle que le droit à un procès équitable nécessite certains critères objectifs, dont le droit à l'égalité de traitement, le droit à la défense par un avocat, particulièrement lorsque l'intérêt de la justice le dicte, ainsi que l'obligation pour les cours et tribunaux de se conformer aux normes internationales afin de garantir un procès équitable pour tous225(*).

En outre, ces personnes sont gardées au secret sans aucun contact avec les avocats, les médecins, les amis ou les membres de leurs familles. Couper le contact entre le détenu et son avocat constitue une violation flagrante de l'article 7(1) (c) relatif au « droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix226(*). Au niveau de la police, le silence pose le jalon d'une mise oeuvre sans conteste du droit à un procès équitable, par ce que d'une part le silence exige à l'OPJ de respecter au moins l'assistance du gardé à vue par un avocat ou défenseur judiciaire, d'autre part le silence permet à ce niveau au gardé à vue de ne pas tomber dans une situation telle qu'il doit s'avouer coupable. Son silence n'a donc aucune incidence sur la réduction de sa culpabilité.

* 211 E. KANT, Métaphysique des moeurs, 1797 cité par C. BIRMAN, Op. Cit. p.77.

* 212 J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, tome second ; Bruxelles, Hauman et Ce, 3ème édition, 1840. Cité par Pierre BOLZE, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Université de Nancy 2, Faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion, Thèse de doctorat, 2010, p.29.

* 213 Ibidem.

* 214 J. LARGUIER et P. CONTE, Op. Cit. p.303.

* 215 D. JOUSSE, Nouveau commentaire de l'ordonnance criminelle de 1670, titre XVIII, sous l'article VIII ; Paris, éd. Debure père, 1763, p. 385 cité dans la thèse de Pierre BOLZE, Op. Cit. p.29.

* 216 Ibidem.

* 217 A. FECHEAU, Op. Cit. p.70.

* 218 Ibidem.

* 219 Ancien article 63-1 Code français de procédure pénale. issu de la loi du 4 mars 2002 cité par Pierre BOLZE, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Université de Nancy 2, Faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion, Thèse de doctorat, 2010, p.39 .

* 220 Loi 2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure cité par Pierre BOLZE, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Université de Nancy 2, Faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion, Thèse de doctorat, 2010, p.39.

* 221Pierre BOLZE, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Université de Nancy 2, Faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion, Thèse de doctorat, 2010, p.39.

* 222 Ibidem.

* 223 Article 6 §1 et §3 de la Convention Européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales signé à Rome en 1950 et entrée en vigueur en 1953.

* 224 CEDH, 14 octobre 2010, Brusco c. France (requête n°1466/07) : Garde à vue / Droit d'être assisté d'un avocat, lire également CEDH, 4 novembre 2010, KATRITSH c. France (requête n° 22575/08) : Droit à l'assistance d'un avocat

* 225 Avocats sans frontières (pour le compte de BWAMPAMYE) c. Burundi, CADHP 2000.

* 226 Constitutionnel Rights Project et Autre c. Nigeria, (2000) RADH 243 (CADHP 1999).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault