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Le droit de garder silence: mise en oeuvre de l'équitabilité du procès en droit international des droits de l'homme

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par Briba Mussa Mbuya
Université de Goma - Licence 2015
  

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§2. Phase pré-judictionnelle

C'est à ce niveau que le droit au silence semble bien assis étant donné que le pouvoir d'arrestation est situé à ce niveau, même si, pour ce qui concerne la RDC et comme nous l'avons vu supra, le pouvoir de restriction de la liberté d'aller et de revenir est dévolu au pouvoir judiciaire au sein du quel le parquet a été écarté227(*).

A partir du silence, le magistrat du ministère public ne peut en aucun cas en déduire la culpabilité. il n'est pas sans préciser estime Charlotte Girard que la relation ténue du "droit au silence" et du système accusatoire tient à ce que la présomption de base de ces systèmes est que l'accusateur doit être obligé de prouver ses allégations sans l'assistance de l'accusé et donc de son silence éventuel228(*).

Ceci étant, le respect de la liberté interdit aux magistrats de faire pression sur l'inculpé pour l'obliger à parler. Il a parfaitement le droit de se taire, et ce silence n'entraîne directement aucune conséquence juridique. Mais il est bien certain qu'une telle attitude ne permet pas au prévenu ou à l'accusé de se présenter très favorablement devant la juridiction de jugement. Cependant malgré son silence, l'intéressé peut très bien être acquitté si les juges approuvent souverainement que les preuves rapportées contre lui, hors de toute explication de sa part, ne sont pas suffisantes pour entraîner leur conviction229(*).

Le parquet, qui « instruit », doit rassembler les éléments de preuve qui constituent le dossier sur la base duquel il articulera ses réquisitions tendant à obtenir du tribunal la condamnation du coupable230(*). Le droit au silence sous-entend le droit de parler, le droit de se taire, le droit de dire la vérité et le droit au mensonge, dans un procès pénal. L'inculpé jouit du droit au silence. Ainsi, les tribunaux répressifs ne peuvent, en principe, retenir le manque ou le refus d'explication d'un prévenu lorsque l'accusation est suffisamment étayée pour entraîner, à elle seule, une conviction de culpabilité. Mais le droit au silence devient illusoire par le seul fait que, psychologiquement, le refus d'explication de l'inculpé ou du prévenu acquiert valeur d'aveu, de non contestation des charges retenues ou tout du moins de volonté de cacher une vérité que l'on ose révéler au procureur231(*).

Nous estimons que le silence ici ne produit aucune conséquence dans l'établissement de la culpabilité, il peut plutôt produire une conséquence positive en ce sens que l'interrogateur se retrouve dans deux situations : soit de libérer le mis en examen parce que l'interrogatoire n'est pas préalablement établi et examiné232(*) du fait du silence ; soit il lui constitue un certain nombre de garantie lui permettant de préparer sa défense si évidemment, il estime qu'il y a des indices sérieux de culpabilité capable de justifier la détention.

Une autre conséquence qui, en tout cas dans l'ombre, se présente, est lié à la lutte contre la torture. En fait, le droit au silence est apparu concomitamment au rejet de la torture judiciaire répandue et reconnue dans toute l'Europe occidentale comme un moyen classique d'obtention de l'aveu pour la recherche de la vérité factuelle233(*). Puisée dans le droit naturel, sa première formulation positive est d'origine anglo-saxonne234(*)dans l'affaire Ernest Miranda.

Les premières invocations d'un droit au silence sont apparues de pair avec les critiques des pratiques judiciaires, en cours dans toute l'Europe, qui associaient la torture et l'aveu. À partir du XVIe siècle, les premières remises en question de la torture judiciaire ont été publiées. Certains des arguments soulevés à l'encontre de cette pratique et des aveux ainsi obtenus reposent sur la rationalité et sur une logique utilitariste : l'aveu235(*) étant prononcé pour sauver sa vie, principe moteur de l'existence humaine, et non pour faire éclater la vérité, de telles confessions sont impropres à relater la réalité des faits236(*).

Beccaria, reprenant l'argument de Montaigne, a démontré, outre l'ignominie du procédé, son incapacité à obtenir des aveux fiables et donc son inutilité pour l'établissement de la vérité-réalité. Il a affirmé je cite:

« J'ajouterai que c'est violer toutes les convenances que d'exiger qu'un homme soit en même temps son propre accusateur, que la douleur devienne une épreuve nécessaire de vérité, dont les muscles et les fibres du malheureux qu'on torture seraient l'organe. (...)

L'impression de la douleur peut croître au point, qu'absorbant toutes les facultés du torturé, elle ne lui laisse d'autres sentiments que le désir de se soustraire par le moyen le plus rapide au mal qui l'accable. Alors, la réponse de l'accusé est un effet de la nécessité comme les impressions du feu et de l'eau. Ainsi, l'innocent faiblement constitué se déclarera coupable, alors que cette déclaration est l'unique moyen de faire cesser son tourment. (...) L'incertitude reste. La torture n'est donc qu'un moyen sûr d'absolution pour le coupable robuste, et de condamnation pour l'innocent incapable de résister à cette douloureuse opération. Tels sont les funestes inconvénients de cette prétendue épreuve de vérité.237(*) ».

Fervent opposant à la torture, Voltaire s'est attaché à montrer l'iniquité (la force physique et mentale du supplicié étant le principal facteur commandant l'obtention ou non de l'aveu) et l'incompatibilité du procédé avec le libéralisme238(*). Dans son article « torture » de son Dictionnaire philosophique, il a ironisé sur ce procédé de recherche de la vérité que d'autres peuples ont remplacé par la divination ou les Dés.

En plaçant la torture au même rang que des moyens aussi peu rationnels et efficaces à découvrir le vrai, Voltaire a suggéré combien le procédé est impropre à atteindre le but qu'on lui a fixé239(*). Les critiques formulées contre la torture, ont amené à ne plus considéré l'aveu comme preuve primordiale même lorsqu'il a été obtenu en l'absence d'une quelconque torture. On se dit alors dans un raisonnement à plus forte raison que l'aveu n'a pas une valeur primordialement probante de preuve.

Outre les pratiques de torture240(*) qui commandaient de tout avouer pour se soustraire à la douleur, les philosophes tels que Hobbes et surtout Pufendorf ont ancré le rejet de l'auto-incrimination dans le droit naturel et l'ont placé au fondement de leur critique du système inquisitorial fondé sur l'aveu241(*). Le droit de garder silence sous sa forme de ne pas s'auto-incriminer se voit consacré par le positivisme juridique et trouve même la valeur d'un droit naturel par le rejet de l'auto-incrimination.

Ces critiques se sont appuyées sur les valeurs du libéralisme politique. Car, en effet, dans « un État libéral, si le crime n'est plus ressenti comme étant un régicide en puissance et si la peine est dotée d'une fonction pédagogique, alors il importera plus d'éviter les erreurs judiciaires et de multiplier les garanties individuelles que de trouver un coupable à tout prix, ceci impliquant de réviser le système probatoire»242(*).

La nécessité d'obtenir des aveux à tout pris a malheureusement eu pour derrive d'institutionnaliser le recours à la torture. Dans ce contexte, la vérité judiciaire n'est plus établie par le seul aveu de la personne poursuivie de sorte qu'il appartient à l'accusation d'utiliser diverses preuves pour établir la culpabilité de la personne qu'il entend voir condamner243(*). C'est ainsi qu'aujourd'hui, avec l'enseignement de la psychologie judiciaire, l'aveu ne bénéficie plus d'un aussi grand crédit et n'est plus un mode de preuve décisif244(*). Ainsi, des aveux peuvent être mensongers pour des raisons diverses. Le plus grand nombre d'aveux se font sous l'effet de l'intimidation, de peur, de la souffrance ou de la torture (surtout dans le pays où l'état de droit n'est pas encore enraciné) ou par la fatigue due à la longueur d'un interrogatoire ; dans ce cas, l'aveu peut ne pas s'avérer probant. Ainsi, des auditions longues et effectuées de nuit fragilisent les aveux et les informations qu'elles contiendraient245(*).

C'est pourquoi, il faut pense le professeur Kavundja, s'en méfier car des nombreux aveux sont inexacts : il peut y avoir des aveux de jactance, de désespoir ou des complaisance ou de ceux qui sont les malades mentaux (débiles légers) ou des personnes psychologiquement faibles (jeunes enfants) ou des mythomanes faisant des aveux de vantardise, sans compter qu'il en a qui sont extorqués par les procédés odieux (torture physique ou morale). Il existe aussi des aveux de désespoir. De même certains aveux ont pu être faits par lassitude, ou par des personnes voulant protéger un tiers dont l'équilibre psychologique était douteux, voire des personnes soucieuses d'appeler l'attention sur elles246(*).

La consécration du droit de garder silence devient alors une pousse aux autorités judiciaires de fouiller les preuves sans concours de celui contre qui, ces preuves utilisées. Il s'agit en fait de décourager le poursuivant dans l'obtention de la vérité contre la volonté de l'adversaire c'est-à-dire le poursuivi. Le droit au silence vient alors placer les enquêteurs, les instructeurs dans une situation telle qu'ils doivent s'abstenir de privilégier l'aveu sous quel que mode que soit de son prélèvement parce que nous venons de le voir même quand le mis en examen semble avoir consenti, il y arrive souvent que cet aveu soit complaisant, jactant, de peur. C'est pourquoi le droit au silence vient encadrer ce type d'aveu.

En RDC, l'application de la procédure pénale est encore fondée sur la recherche sacro-sainte d'aveux comme reine des preuves. Cela est dangereux car la façon d'obtenir des aveux est parfois critiquable, de plus, une fois que des aveux sont obtenus, cela empêche souvent les enquêteurs d'aller plus loin247(*).

Il arrive qu'un individu avoue un crime qu'il n'a pas commis. Pourtant on observe une différence entre les textes et la pratique, car l'individu qui avoue, fournit aux enquêteurs une preuve inespérée car l'aveu est considéré dans la pratique comme la reine des preuves248(*).

Quoi de mieux que l'aveu ? En effet, pourquoi avouer quelque chose qu'on n'a pas commis ? il faut bien reconnaitre qu'il existe un degré inferieur de torture qui ne tombe point sous le coup de la loi, ne vicie même pas la procédure et qui aide grandement l'officier dans son interrogatoire du criminel : n'est-ce pas une forme de torture que l'interrogatoire qui se prolonge des heures et des heures249(*), et ou on profite de l'épuisement intellectuel pour obtenir l'aveu, parce que la loi il faut le dire n'a nulle part fixé la durée des interrogatoires.

Il est vrai que le coupable dans un registre surpris par leur arrestation, avouent spontanément pour se rétracter par la suite, dès lors qu'ils auront pris conscience des conséquences de leurs actes. Cependant, il se peut que parmi eux il y ait de « vrai-faux » coupables qui s'accusent pour différentes raisons250(*).

L'aveu comme preuve avec impression probante ou pas, fait naitre d'autres notions qui sont ambivalentes : la preuve traduit forcement une vérité établie ? Une preuve est « ce qui montre la vérité d'une proposition, la réalité d'un fait » selon le Littré1. Elle est « ce qui démontre, établit la vérité d'une chose » selon le Petit Larousse illustré251(*). Cette consubstantialité est d'ailleurs renforcée par un lieu commun : le procès. Par la preuve, les acteurs du procès recherchent une vérité252(*).

La preuve est à la fois une opération intellectuelle et une opération matérielle. Opération intellectuelle, elle est un processus, une démonstration proprement juridique distincte des autres sciences. Opération matérielle, elle renvoie au fait, au document qui prouve quelque chose. « La preuve se réalise grâce à des preuves », disait Raymond Legeais253(*). Elle établit l'existence d'un fait et lève le doute254(*). En droit, la preuve est essentiellement judiciaire. Essentiellement, car elle peut être concurrencée ou complétée par d'autres vérités : vérité légale, vérité scientifique ou « vérité » plus consensuelle, telle celle de la transaction.

La vérité, quant à elle, est indéfinissable ce qui constitue une qualité255(*). Elle est de l'ordre du discours et constitue rarement une représentation exacte de la réalité. La vérité est une notion contingente qui varie selon le temps et le lieu. Il existe une culture de la vérité256(*). Toute vérité est relative. Cette relativité de la vérité est d'autant plus mise en lumière dans le cadre du procès. La finalité première du procès est la Justice.

Dans ce contexte, la vérité se présente comme un moyen au service de cette fin et doit dès lors se concilier avec d'autres valeurs telles que la dignité, l'intimité de la vie privée et différents autres secrets257(*). C'est pourquoi la vérité ne doit pas être recherchée en utilisant des moyens illégaux ou en obtenant des aveux par usage d'une certaine pression. Le silence vient donc mettre en mal les aveux quel que soit le mode de leur récolte.

Si le droit de garder silence ne peut être interprété comme une acceptation de culpabilité, peut-il conserver absolument ce droit même devant la juridiction de jugement ?

* 227 Nos commentaires supra relatifs à l'indépendance du pouvoir judiciaire et l'article 149 de la Constitution du 18 Février 2006.

* 228 Ch. GIRARD, Op. Cit. p.106.

* 229 Idem, pp.135-136.

* 230 E. LUZOLO BAMBI LESSA, Op. Cit. p.224.

* 231 Ibidem.

* 232 L'examen de l'article 27 du code de procédure pénale révèle que les faits susceptibles de donner lieu à la mise en détention sont de trois ordres : il s'agit de la nature des faits commis, du degré de gravité de ceux-ci et de l'interrogatoire préalable de la personne inculpée.

* 233

* 234 Cour suprême des Etats-Unis, Miranda v. Arizona (1966), 384 U.S. 436, 444, 478-479).

* 235 L'aveu doit être compris ici comme l'ensemble des déclarations par lesquelles une personnes reconnait en totalité ou en partie le bien fondé des accusations portées contre elle. Lire J.M KATUALA KABA KASHALA, La preuve en droit congolais, Kinshasa, éd. batena Ntambua, 1998, p.49.

* 236 D. CHALUS, « La dialectique « aveu - droit au silence » dans la manifestation de la vérité judiciaire en droit pénal comparé », p.15.

* 237 Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, trad. P. J. S. Dufey, Paris, Dalibon, 1821, chapitre XII « De la torture », p. 44-46. Cité par D. CHALUS, Op. Cit. p.16.

* 238 D. CHALUS, Op. Cit. p.16.

* 239 Voltaire, Dictionnaire philosophique, cité par D. CHALUS, Op. Cit. p.16.

* 240Le comité des droits de l'homme sur l'observation générale en interprétant l'article 7 du pacte, écrit que «Le Pacte ne donne pas de définition des termes employés à l'article 7, et le Comité n'estime pas non plus nécessaire d'établir une liste des actes interdits ni de fixer des distinctions très nettes entre les différentes formes de peines ou traitements interdits; ces distinctions dépendent de la nature, du but et de la gravité du traitement infligé ». observation générale

* 241 D. CHALUS, Op. Cit. p.16..

* 242 Ibidem.

* 243 T. KAVUNDJA MANENO, Droit Judiciaire Congolais, Tome II. Procédure pénale, Goma, UNIGOM, Fac Droit, 4ème édition, Notes de cours, 2016, p.68.

* 244 Ibidem.

* 245 Ibidem.

* 246 T. KAVUNDJA MANENO, Op. Cit. p.69.

* 247 Ibidem.

* 248 A. FICHEAU, Loc. Cit. P.11.

* 249 Eadem.

* 250 Eadem.

* 251 Le Petit Larousse illustré, V° Preuve, cité par A. FICHEAU, Loc. Cit. P.2 .

* 252 A. FICHEAU, Loc. Cit. p.1.

* 253 R. LEGEAIS, Les règles de preuve en droit civil. Permanences et transformations, Préf. R. Savatier, L.G.D.J., 1955, spéc. p. 144. Cité par Mustapha Mekki, « Preuve et vérité », p.1.

* 254 Ibidem.

* 255 Mustapha Mekki, « Preuve et vérité », p.1.

* 256 Ibidem.

* 257 Ibidem.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon