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La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?


par Magali Leske
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009
  

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A- Une reconnaissance encadrée en 1991.

Dans les années 1980, deux projets de loi auraient pu donner satisfaction à la communauté sourde. La proposition de loi socialiste sur « Les langues et les cultures minoritaires de France », mais il n'était pas fait mention de la langue des signes, puis la proposition de loi communiste de juin 1985 qui visait à sa reconnaissance par les pouvoirs publics102. Cette loi ne sera pas adoptée. Sollicité par les associations de Sourds103, Laurent Fabius va déposer un amendement qui inscrira pour la première fois la langue des signes française dans une loi de la République. Mais l'application de cette disposition ne va pas franchir les portes de l'Education Nationale.

1/ Un problème porté par le politique.

A la veille de Noël 1990, Laurent Fabius déposera un amendement au cours des débats portant sur le projet de loi relatif à la santé publique et aux assurances sociales. Cet amendement envisage la liberté de choix pour l'éducation des élèves sourds : soit une communication bilingue (langue des signes et français), soit une communication orale. Adopté et inscrit en marge de la loi, dans les « dispositions diverses », l'article 33 de la loi du 18 janvier 1991 prévoit en outre que le Conseil d'Etat fixera « les dispositions à prendre par les établissements et services où est assurée l'éducation des jeunes sourds ». Cet article confirme les décisions prises par le Ministère de la Santé, dès 1976, mais elle introduit la notion de libre choix. Cependant, la diffusion de la langue des signes va rester limitée à l'enseignement spécialisé. Comment aurait-il pu en être autrement dans un texte relatif à la santé publique, et non pas à l'éducation nationale ? Avant la loi de 1991, la priorité éducative dans les

102 Bernard Mottez, op.cité, P281.

103 Entretien avec René Bruneau du Mouvement des Sourds de France, en annexe.

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établissements spécialisés se concentre sur la démutisation, conformément à la vision médicale de la surdité104. Comment vont se concilier cette priorité éducative et l'introduction du libre choix ?

2/ Une reconnaissance limitée et extrêmement encadrée.

L'apport de l'article 33 de 1991 consiste à donner le « libre choix » entre la communication orale et la communication bilingue. Par un décret d'octobre 1992, soit près de deux ans après le vote de la loi, le Ministère des affaires sociales et de l'intégration vient préciser les modalités d'application de cette disposition. La Commission Départementale de l'Education Spéciale (CDES), l'équivalent de la COTOREP mais pour les enfants, « enregistre » le choix de l'enfant ou de ses parents et « propose une orientation conforme à ce choix 105». Le libre choix est donc respecté. Toutefois, il est intéressant de noter que le français oral reste obligatoire quel que soit le choix effectué : « le libre choix est défini comme étant soit le français oral et écrit soit la LSF et le français oral et écrit 106». Pourtant, l'alternative proposée par la loi de 1991 se situait entre un mode de communication bilingue et une communication orale. Les Sourds, qui ne se considèrent pas comme les porteurs d'une déficience, mais comme une minorité linguistique, ne demandent pas à être rééduqués, à accéder à l'oral à tout prix : « Nous, nous ne pouvons pas parler le français comme vous. Vous vous pouvez apprendre notre langue, nous on ne parlera jamais comme vous 107». Leur souhait, c'est de pouvoir recevoir un enseignement bilingue en langue des signes et en français écrit. Mais à l'évidence, le Ministère des affaires sociales et de l'intégration fait résistance et envisage leur éducation par la voie de l'oral. La politique éducative mise en oeuvre pour les Sourds est un échec. En 1998, le rapport de la députée socialiste Dominique

104 Décret N° 88-423 du 22 avril 1988, annexe XXIV quater, article 2 : le développement de la communication entre le « déficient auditif » et son entourage fait appel « à l'éducation auditive, à la lecture labiale et ses aides, à l'apprentissage et à la correction de la parole ainsi qu'éventuellement la langue des signes française ».

105 Décret N°92-1132 du 8 octobre 1992, article 3.

106 Idem article 2.

107 Entretien avec trois représentants de la Fédération Nationale des Sourds de France, en annexe.

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Gillot, adressé au Premier Ministre, dresse un tableau très alarmant : 80% des Sourds profonds sont illettrés et seulement 5% d'entre eux rejoignent l'enseignement supérieur108. Ils rencontrent ainsi de grandes difficultés pour accéder à l'information ou pour trouver un emploi. Par ailleurs, le législateur français envisage le placement sous curatelle des Sourds illettrés109. Dans ce cas de figure, les Sourds ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière, puisqu'ils ne peuvent être élus, voire même inscrits sur les listes électorales. Pour les Sourds, la solution à l'illettrisme réside dans la reconnaissance par l'Etat français de leur langue, pour que l'enseignement leur soit dispensé en langue des signes et non pas en français oral : « Un enfant sourd, qui va à l'école ordinaire où les cours ne sont pas dispensés en langue des signes, est vite déconcentré. C'est très fatigant de lire sur les lèvres, c'est impossible pour un enfant de rester concentré toute une journée avec un professeur qui oralise. Et puis, avec la rééducation, l'enfant doit sortir de la classe, il se sent différent, il ne participe pas à toutes les activités avec les autres élèves. Non, ce qu'il faut c'est une intégration collective et ne pas perdre de temps avec cette rééducation parce que chez les Sourds, il y a beaucoup d'illettrés. La priorité, c'est que l'enfant sourd apprenne à lire, apprenne tout court. La question du français oral, ça vient après, c'est pas le plus urgent 110». En 2002, le Président Jacques Chirac annonce la refonte de la loi sur le handicap de 1975, loi qui avait été votée alors qu'il était chef de gouvernement, sous le mandat présidentiel de Valéry Giscard D'Estaing. Ce projet va se concrétiser le 11 février 2005, par la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Pour la première fois, la langue des signes est reconnue comme une langue à part entière.

108 Rapport de Dominique Gillot au Premier Ministre, Le droit des Sourds : 115 propositions, 1998, P90.

109 L'article 936 du code civil français dispose que : « Le sourd-muet qui saura écrire pourra accepter lui-même ou par un fondé de pouvoir. S'il ne sait pas écrire, l'acceptation doit être faite par un curateur nommé à cet effet, suivant les règles établies au titre De la minorité, de la tutelle et de l'émancipation ».

110 Entretien avec trois représentants de la Fédération Nationale des Sourds de France, en annexe.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault