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Etre présent(e) au travail à  l'heure du coronavirus: comment les employés juniors se rendent-ils visibles au télétravail ?


par Laureline MICHAUD
Sorbonne Université - Chargé(e) d'études sociologiques 2022
  

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C. LE TÉLÉTRAVAIL À L'HEURE DU CORONAVIRUS

Une étude de l'INSEE12 réalisée au terme du premier confinement a montré l'impact de l'épidémie du Coronavirus sur l'emploi, et plus particulièrement sur le travail à distance. Le nombre de personnes ayant eu recours au télétravail a doublé par rapport à 2019, pour atteindre près d'une personne sur deux (47% des actifs*) [Attention : si l'on analyse le rapport de la DARES13 qui mesure la pratique à « l'instant t » du télétravail, les chiffres descendent à 25% - il reste que la proportion a augmenté de façon inédite].

La pratique du télétravail n'a pas été uniforme pour autant : « Pour ceux qui ont travaillé, le travail à domicile a été très majoritaire pour les cadres (81 %), et, dans une moindre mesure, pour les artisans, commerçants et chefs d'entreprise (60 %), ou dans les secteurs de l'enseignement (81 %) et des services aux entreprises (71 %). À l'inverse, une très faible part d'ouvriers (4 %) ou d'employés non qualifiés (18 %) qui ont travaillé pendant le confinement l'ont fait depuis leur domicile. ». Cela peut s'expliquer par la nature de chaque métier qui rend plus ou moins dispensable l'usage de matériel et par le degré d'équipement informatique.

Le confinement accentue la tendance déjà présente des cadres à travailler à distance et généralise une pratique qui était jusqu'alors minoritaire chez les salariés (de 5 à 37% pour les employés qualifiés).

L'étude de la DARES (mars 2020) précise que « le télétravail est particulièrement fréquent dans les secteurs de l'information et de la communication (63% des salariés), et les activités financières et d'assurance (55 %), dans lequel il était déjà nettement plus répandu avant la crise. Il l'est moins dans l'hébergement-restauration (6 % des salariés), la construction (12%), l'industrie agro-alimentaire (12 %) et les transports (13%) »13.

On observe dans l'enquête de l'INSEE une différence des sexes (51% des femmes contre 43% des hommes) dans le recours au télétravail (différence qui n'était pas présente en 2019). Il est possible que le télétravail ait été plus courant chez les femmes pour des raisons d'organisation familiale, mais cela nécessiterait une étude plus approfondie.

 

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En termes d'âge, l'enquête rapporte que ce sont les moins de 25 ans qui ont, en proportion le plus adopté le télétravail. On peut supposer qu'il s'agit de profils plus juniors qui ont, en temps normal, moins accès à ce mode de fonctionnement. La généralisation du télétravail dans les entreprises où cela était possible a pu éloigner

le frein de l'expérience
professionnelle pour pouvoir télé-travailler.

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Dans la pratique effective du télétravail durant le confinement 2020, on observe donc une surreprésentation des cadres, des femmes et une grande augmentation chez les jeunes de moins de 25 ans.

Þ Actualités sur le télétravail

Nous analyserons la manière dont est abordée le télétravail au regard du contexte, de la première vague au début de la troisième (début du terrain), puis à partir de juin (moment de l'analyse)

Le télétravail a connu un gain quasi exponentiel d'intérêt sur internet, et plus particulièrement sur les sites d'actualité. Après avoir effectué une recherche « Google Trends » (qui comptabilise le nombre de requête sur un mot clé (ici « télétravail ») entre janvier 2018 et aujourd'hui, les résultats suivants apparaissent.

1. PREMIERE VAGUE

Le premier pic d'intérêt, daté du 15 mars 2020, correspond à un communiqué du gouvernement faisant suite à l'annonce du premier confinement.14. Le site officiel précise : « Près de 8 millions d'emplois (plus de 4 emplois sur 10) sont aujourd'hui compatibles avec le télétravail dans le secteur privé. Il est impératif que tous les salariés qui peuvent télétravailler recourent au télétravail jusqu'à nouvel ordre. ». Cette décision a généré de nombreux relais dans la presse ainsi qu'au sein de syndicats patronaux et salariés.15

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Une partie des articles de presse traite de l'aspect légal et politique de la mesure [1]. De nombreux journaux publient des « questions-réponses » avec l'aide d'experts juridiques, une démarche pédagogique qui souligne le caractère inconnu de cette manière de travailler pour les salariés concernés [2].

D'autres abordent des aspects plus pratiques, en lien avec le quotidien des travailleurs : le travail s'inscrit dans l'espace privé [3]. Au premier confinement, les écoles étaient fermées, ce qui impliquait la présence d'enfants en parallèle de l'activité professionnelle de parents. La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle a diminué (hyper connectivité) et les interruptions du bureau ont été remplacées par des coupures de la vie quotidiennes.

2. DEUXIEME VAGUE

Le deuxième pic dans les recherches sur le terme « télétravail » se situe autour du 29 octobre, date où le président de la République a annoncé le deuxième confinement. Un confinement « plus souple », où l'économie devrait être préservée mais où le travail à distance est préconisé. Dans les deux semaines qui ont suivi, de nombreuses précisions sur le télétravail ont été faites par le gouvernement, accompagnées de négociations au sein des parties prenantes. Durant ce laps de temps, la presse a donc fait état de la posture du pouvoir exécutif qui a durcit ses prérogatives face à des entreprises réfractaires [4], des difficultés à trouver un accord syndical [5], mais également des risques psycho-sociaux liés à une telle activité [6] ainsi que des questionnements quant à sa productivité [7].

3. TROISIEME VAGUE

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A la veille du terrain (soit la fin du mois de février 2021), il y avait une grande incertitude au sein de la population quant à un troisième confinement national et de nombreuses interrogations de la part des media [8]. Les restrictions étaient alors régionales, avec un couvre-feu à 18h depuis le 14 janvier dans les zones concernées. Les entreprises étaient autorisées à mettre en place un jour de présentiel, mais nombreuses étaient celles qui faisaient un usage abusif des attestations employeur [9].

Il y a eu, cependant, une avancée claire sur le statut juridique du télétravail qui a finalement fait l'objet d'un accord16 entre les différents syndicats (à savoir tous les partenaires sociaux à l'exception de la CGT). Cet accord indique que la pratique du télétravail doit être l'issue d'une volonté à la fois de l'employeur et de l'employé qui se matérialise sous la forme d'une charte. L'accord prévoit également la prise en charge des frais liés à l'installation du travail à domicile :

En ce qui concerne l'organisation matérielle et les frais afférents au télétravail, dans la fonction publique, l'article 6 du décret du 11 février 2016 dispose que « l'employeur prend en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci »17.

Selon un sondage réalisé par l'institut CSA pour Malakoff Mederic «près d'un tiers des salariés du privé en télétravail fin 2020, en moyenne 3,6 jours par semaine» durant cette période [10].

La France était très frileuse à l'idée d'instaurer un troisième confinement sur tout le territoire et le discours officiel consistait à dire que le reste des mesures, y compris les couvre-feu, pourraient servir à éviter un tel scénario [11]. La prise de parole d'Emmanuel Macron a été attendue à plusieurs reprises, et c'est finalement le 31 mars que le président s'exprime pour annoncer que le reconfinement aura bien lieu, pour une durée de 4 semaines à compter du 3 avril, et avec un couvre-feu à 19h [12]. Le télétravail est à nouveau prescrit 5 jours sur 5 ce qui a, encore une fois entraîné un pic dans les recherches Google (pour le terme «télétravail») :

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Le terrain s'est déroulé dans un contexte économique très difficile : des hôpitaux qui manquent de moyens et sous haute tension, des restaurants au bord du dépôt de bilan et une «PME sur deux (qui se dit) incapable de supporter un troisième confinement» [13]. La santé mentale des français est alors dans un état critique : selon cet article, ce sont «21 millions de français» dont le moral est «mis à l'épreuve» [14]. Lorsque la recherche a été faite, la part du travail a pris le pas de manière significative sur la part des rencontres sociales et le divertissement. L'horizon du vaccin a néanmoins été une perspective rassurante pour un été moins douloureux (malgré une attitude divisée chez les français)

* *

Au moment de l'écriture de ce mémoire, les commerces et les terrasses rouvrent, et le télétravail n'est plus obligatoire pour les entreprises : la ministre de l'économie préconise tout de même de continuer à rester 3 jours à domicile. Une étude de l'INSEE montre que le moral des français remonte [15], grâce à un ensemble de facteurs (arrivée du vaccin, reprise commerciale, sociabilité, météo, vacances approchantes).

On observe que le télétravail fait toujours l'objet de nombreuses résistances : le gouvernement a des difficultés à l'imposer dans les faits au sein des entreprises, les accords officiels peinent à émerger, et on note l'apparition de risques psycho-sociaux (isolement, addictions). La productivité de cette pratique est, en outre, difficile à mesurer car le temps gagné en transport peut être également perdu par des interruptions dans le cadre privé.

L'heure est donc au bilan, et au questionnement : comment le télétravail a-t-il été appliqué ? A-t-il été bien vécu, cela a-t-il nuit ou contribué à la productivité ? Les institutions, publiques comme privées, sont curieuses d'en savoir plus et en appellent aux études. Nous allons tenter d'apporter des éléments de réponse, à notre échelle. La spécificité de notre recherche est qu'elle s'est faite «à chaud», ce qui rend le témoignage authentique mais également très subjectif. Toutefois, avec le recul, certains propos seraient sans doute modulés, altérés.

L'enjeu d'actualité est de savoir si le télétravail peut ou non devenir un mode de travail comme un autre et s'intégrer pleinement dans le paysage professionnel français.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon