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Etre présent(e) au travail à  l'heure du coronavirus: comment les employés juniors se rendent-ils visibles au télétravail ?


par Laureline MICHAUD
Sorbonne Université - Chargé(e) d'études sociologiques 2022
  

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II. ETAT DE LA LITTÉRATURE

Cette partie vise à faire un tour d'horizon des publications les plus importantes en ce qui concerne le télétravail.

Nous commencerons avec les travaux qui visent à historiciser le télétravail, en revenant à sa genèse (A.) et avec ceux qui démontrent la pluralité des définitions associées avec cette pratique.

Ensuite, nous nous concentrerons sur les perspectives actuelles (B.) dont découle le dessin de nouvelles normes de management (C.). Nous avons retenu en particulier les recherches qui traitent du changement en termes d'espace et de temps et de la redéfinition de la présence.

Enfin, nous avons associé ces normes à une intégration (D.), qui peut se faire par la normalisation (1.), le conformisme (2.), ou au sein d'une dynamique de mise en scène (en reconfigurant la théorie goffmanienne) (3.).

La littérature qui entoure le télétravail et ses enjeux est très variée. Les disciplines qui sont emparées en premier lieu de ce sujet sont les sciences du management, de la gestion et de l'économie (avec pour intérêts principaux la productivité et la supervision malgré la distance). Puis, les chercheurs en psychologie s'y sont intéressés pour traiter - entre autres - des avantages et des risques que peuvent représenter le travail pour le bien-être mental des travailleurs. La sociologie classique reste plutôt en marge - bien qu'on puisse y inclure les études d'organisations - et principalement anglo-saxonnes. C'est la pensée d'Erving Goffman qui est mise en avant, en élargissant le champ des rencontres en face-à-face à des communications médiées (qui étaient pourtant mises de côté par l'auteur).

Le télétravail est donc à la croisée des chemins. Mais cela n'empêche pas aux disciplines de se croiser et d'observer, quoi que de différentes façons, des mêmes phénomènes. C'est pour cela que nous avons choisi d'analyser cette littérature non pas par domaine d'étude, mais par enjeux. Il reste que certains des enjeux sont plus abordés que d'autres selon la discipline. Nous préciserons dans ce cas quelle discipline est dominante.

A. LA GENÈSE DU TÉLÉTRAVAIL

L'histoire des débuts du télétravail et l'idéal qu'il pouvait alors représenter est abordé par Alexandre Largier/3, sociologue des organisations. Il y décrit les différents projets que l'on peut associer au télétravail (politique, managérial, et lié au mode de vie). Le télétravail apparaît en premier lieu comme un projet politique porteur d'espoirs. Dans les années 1970 les progrès technologiques - et notamment ce de ce que l'on appelle alors l' « Arpanet » - font entrevoir la possibilité d'une communication de plus en plus rapide :

« Pour Jack Nilles, le télétravail est le résultat de la substitution des télécommunications aux transports de biens et de personnes. Le télétravail devient alors un mythe. Selon une vue optimiste, il est ce qui permet de restructurer le territoire, de créer des emplois dans des zones économiquement peu développées en déplaçant des activités.

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A contrario, selon un point de vue plus pessimiste, par assimilation du télétravail avec l'automatisation des activités, il va devenir responsable d'une partie du chômage.

Le télétravail prend place dans un récit où l'imaginaire côtoie le réel. » (Largier - p :214)

« Il fait alors partie d'un ensemble de solutions censé remédier à des maux de grande ampleur. » (Largier/3 - p :212)

D'ailleurs, de nombreux penseurs originaires des Etats-Unis estimaient que le télétravail était voué à se généraliser :

« AT&T (American Telephon & Telegraph) en 1971, postulait que tous les salariés américains seraient télétravailleurs en 1990 (Huws, 1984) » (in Ruillier & al p :5).

Ce n'est qu'à partir des années 2000 que l'implémentation du télétravail sera réellement faisable :

« Craipeau (2010, p. 114) précise qu'il a fallu attendre « l'explosion des techniques de télécommunication au début des années 2000 » (Internet, micro-ordinateurs, téléphones portables) pour que l'équipement nécessaire au télétravail se banalise. » (in Vayre - p :2) Cependant, comme nous l'avons vu dans la partie sur la contextualisation, ce mode de travail est resté très minoritaire en France (3% des salariés selon la DARES*). Les raisons de la faible appropriation du télétravail sont multiples (désavantages organisationnels et psychologiques, blocages liés aux normes de travail en France), nous allons les traiter après avoir établi une définition, ou plutôt, un ensemble de définitions.

MULTIPLICITÉ DES DÉFINITIONS

La multiplicité des définitions du télétravail est un phénomène qu'observent la quasi-totalité des auteurs qui s'y intéressent. Comme le souligne Alexandre Largier/3 :

« D'une définition à l'autre, la réalité du télétravail est donc multiple. Comme le remarquent B. Fusulier et P. Lannoy, le nombre de télétravailleurs peut aller du coup, pour la France, de quelques milliers à plusieurs centaines de mille. De ce fait, le télétravail peut

être présenté comme un fait de société ou comme un épiphénomène. » (Largier/3 p : 208).

Il précise lesquelles dans le passage suivant : « Une première définition, de U. Huws, WB. Korte et de S. Robinson, fait uniquement référence à la distance. Une deuxième, donnée par M. H. Olson, restreint le télétravail au travail effectué à domicile en utilisant les nouvelles technologies de communication. Une troisième, enfin, vient de J.M. Nilles. Celle-ci élargit le télétravail à toutes les substitutions d'un déplacement professionnel par les technologies de communication. » (Largier/3 - p :208 )

En résultent quatre formes de télétravail, que la psychologue Emilie Vayre résume/11 de manière assez simple :

« (1) le télétravail au domicile à temps plein ou permanent (le travail est réalisé exclusivement ou quasi exclusivement au domicile)

(2)

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le télétravail au domicile en alternance, pendulaire ou à temps partiel (le salarié effectue au moins une journée de télétravail par semaine exclusivement au domicile),

(3) le télétravail nomade ou mobile (le travail implique des déplacements professionnels et le télétravailleur combine différents lieux de travail : hôtel, domicile, locaux des clients, transports, etc.), et

(4) le télétravail dans des tiers-lieux dédiés au télétravail, c'est-à-dire en télé-centre, bureau satellite ou espaces de coworking (le travail est effectué dans des locaux consacrés au travail, situés hors de l'entreprise et en principe à proximité du lieu d'habitation du salarié). » (Vayre/11 - p :5)

Malgré cet écart notable entre les définitions, il y a un assez grand consensus sur les caractéristiques socio-économiques des télétravailleurs :

« Les télétravailleurs sont en majorité des personnes qui travaillent à temps plein, qui occupent des postes à responsabilités (par exemple, cadres ou encadrants), qui ont un niveau de formation initiale élevé (diplômés du supérieur), d'âge moyen (35-50 ans), plutôt des hommes, vivant en zone urbaine, en couple et ayant un ou des enfant(s) » (Vayre- p :6) Cette description d'un idéal type est bien sûr à revoir à la lumière de l'extension du télétravail du fait de la crise sanitaire (l'âge, par exemple, est amené à baisser et les femmes comme on l'a vu, télé-travaillent beaucoup plus).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus