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Les délais dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin

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par Théodor Enone Eboh
Université d'Abomey-Calavi/(ex-Université Nationale du Bénin - Maà®trise 2004
  

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§2-LA NATURE DU RECOURS ADMINISTRATIF PREALABLE

Le juge béninois attache le caractère d'ordre public au recours administratif préalable. Toutefois, la jurisprudence et le législateur apportent quelques exceptions au caractère d'ordre public attaché au recours administratif préalable.

A- Le caractère d'ordre public du recours administratif préalable

Un moyen d'ordre public est celui qui peut être soulevé d'office par le juge, à toute hauteur de l'instance. Pour distinguer l'irrecevabilité d'une requête fondée sur le moyen d'ordre public d'un autre moyen, le professeur Georges DUPUIS propose l'utilisation de la formulation suivante : « S'il ( le juge ) a procédé ainsi, il propose, dans l'arrêt ou le jugement, que l'annulation est prononcée « sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ». Formule à ne pas confondre avec « sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête », qui signifie que le juge s'appuie sur un moyen pour annuler la décision et laisse de côté le reste de l'argument du requérant ».68(*)

Dans son arrêt N° 7/CA du 21 juin 1994, HOUNSOU J. Abel c/ Ministre du Travail et des Affaires Sociales, le juge administratif, après un bref rappel des dispositions de l'art.68 conclut : « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a formulé aucun recours administratif avant d'introduire sa requête devant la présente cour le 27 août 1985, qu'en se comportant de la sorte, ledit requérant a violé les dispositions ( ...) que donc son recours en annulation pour excès de pouvoir contre la décision ( ...) est irrecevable ».69(*) D'autres arrêts postérieurs sont allés dans le même sens70(*), et la jurisprudence administrative en la matière est constante au Bénin.

B-Les exceptions au caractère d'ordre public attaché
au recours administratif préalable

Le juge béninois et le législateur formulent quelques exceptions au recours administratif préalable.

Dans son arrêt N° 61/CA du 19 août 1999 le juge apporte un tempérament au caractère d'ordre public qui s'attache au recours administratif préalable. Monsieur GNONRONFOUN BAKARI est nommé au poste de Directeur Administratif et Financier du Conseil Economique et Social par le Président de cette institution. Mais, cette nomination est faite en violation des dispositions des articles 17 et 72 du règlement intérieur qui disposent que la nomination du Directeur Administratif et Financier doit être faite par le Président du Conseil Economique et Social après « avis conforme du Bureau du Conseil Economique et Social ; »

Conseiller au Conseil Economique et Social, Me Robert BONOU a saisi la Cour Constitutionnelle, laquelle s'est déclarée incompétente dans sa décision DCC N° 97-020 du 06 mai 1997. Après avoir exercé son recours gracieux le 22 mai 1997, Me BONOU saisit la Chambre administrative de la Cour Suprême le 23 juillet 1997. Statuant sur la recevabilité, la Cour trace la limite à la règle de recours administratif en ces termes :

« Considérant que lorsque le juge incompétent a été saisi, il est obligatoire de saisir ensuite directement le juge compétent ;

Considérant que l'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique consécutif au rejet pour incompétence d'une réclamation contentieuse est sans effet et ne proroge pas le délai de recours devant le juge compétent; »71(*)

Ainsi, lorsque le requérant saisit par erreur une juridiction, qui se déclare incompétente, il dispose donc d'un délai de deux mois à partir de la notification du jugement pour saisir la juridiction compétente. Cette jurisprudence pose tout de même un problème : le recours administratif est destiné à permettre un arrangement entre l'administration et ses agents. C'est une tentative de conciliation instituée par le législateur. Cette sorte de "passerelle" directe de juridiction à juridiction ne permet plus la réalisation de cette conciliation.

La deuxième exception du recours administratif préalable est dressée par le législateur lui-même. En effet, l'art.32 al.1er de l'Ordonnance 21/PR dispose : « Elle (la Chambre administrative) connaît en outre, comme juge d'appel, des décisions rendues en premier ressort, par les Organismes administratifs à caractère juridictionnel ».

C'est ainsi que l'article 263 de la loi N° 98-004 portant Code du Travail en République du Bénin dispose que: « Les sentences arbitrales qui ont acquis force exécutoire peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ou violation de la loi. Ce recours est introduit devant la Cour Suprême et jugé dans les délais, formes et conditions des pourvois en cassation en matière civile. Les procédures de conciliation sont gratuites ».

Le caractère juridictionnel est également reconnu à certaines décisions qui émanent de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication, institution indépendante, qui a pour mission de garantir et d'assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse72(*). La décision prise, lorsqu'elle siège en conseil de discipline en matière de presse et de communication ne peut que faire l'objet de recours en cassation devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Ainsi, le législateur confère à cette décision le caractère juridictionnel. Pour l'attaquer, il n'est donc pas besoin d'exercer le recours administratif préalable. Car ces décisions ne sont pas à proprement parler des actes administratifs.

C'est également le cas des certaines décisions prises par les ordres professionnels, (ordre des médecins, ordre des chirurgiens-dentistes, ordre des avocats, ordre des pharmaciens, etc.), le Conseil supérieur de la Magistrature.

Traditionnellement, lorsque la Cour Suprême statue sur le pourvoi qui lui est déféré, soit elle rend l'arrêt d'annulation, et la décision des juges de fond acquiert force de chose jugée ; soit elle casse, et renvoie l'affaire devant une autre juridiction de même degré et même attribution que celle qui a rendu la décision, ou alors devant la même juridiction, mais autrement composée. La Cour Suprême n'est pas un troisième degré de juridiction.

En sera-t-il de même des décisions de ces organismes, dans le cas où interviendrait la cassation ? Il nous semble que non, car si la cassation intervient, alors la décision prise par l'organisme en question est annulée.

L'article 32 al.1er de l'Ordonnance N° 21/PR du 26 avril 1966 précité parle d'appel contre ces décisions. Si la chambre administrative est donc saisie, dans ce cas elle rend soit un arrêt infirmatif, soit un arrêt confirmatif. Les décisions de ces organismes sont donc regardées comme décisions de premier degré.

Par contre, la loi N° 98-004 portant Code du Travail en République du Bénin, ainsi que celle relative à la HAAC, parlent de pourvoi contre lesdites décisions. Dans la mesure où l'Ordonnance N° 21/PR du 26 avril 1966 est une loi générale, et antérieure à celles relatives au Code de Travail ainsi qu'à la HAAC qui sont des lois spécifiques et nouvelles, c'est donc le pourvoi qui sera formé contre leurs décisions.

Toutefois, la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, juridiction communautaire des Etats membre de l'OHADA73(*) (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires), et juridiction suprême de chacun des ces Etats, est dotée de pouvoir singulier. En effet lorsque la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage casse un « jugement 74(*)» qui lui est déféré, elle ne renvoie pas l'affaire devant une autre juridiction, mais l'évoque.75(*) Si la CCJA casse un « jugement », elle est amenée donc à faire le travail des juges de fond, c'est-à-dire statuer aussi bien en faits qu'en droit.

Le juge camerounais a appliqué cette règle, en visant l'art.12 de la loi n° 74-18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs et gérants des crédits publics et des entreprises d'Etat. Le jugement n° 27/CS-CA/ 77-78 du 5 décembre 1978 a visé cet article qui dispose que « les décisions du conseil de discipline budgétaire et comptable ne sont pas susceptibles de recours gracieux ; quelles peuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative »76(*). Dans tous les cas, le requérant n'est pas astreint à des délais, mais en dehors de ces exceptions, le recours administratif obéit à des délais. Ceux-ci varient selon qu'il s'agit d'un acte réglementaire ou d'une décision individuelle.

* 68 G. DUPUIS, op. cit. P. 601.

* 69 Arrêt N°7/CA du 21 juin 1994, HOUNSOU J. Abel c/ Ministre du Travail et des Affaires Sociales, Recueil des arrêts de la Cour Suprême, Cour Suprême, 1994, p. 104.

* 70 Arrêts N° CA du 18 juillet 1997, Arrêt N°4/CA du 24 avril 1997, Cour Suprême, Recueil des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, Cour Suprême, 1997, pp. 87 et 101.

* 71 Arrêt N° 61/CA du 19 août 1999, Robert BONOU c/ Président du Conseil Economique et Social, Cour Suprême, Recueil des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, Cour Suprême, 1999, p. 313.

* 72 Article 142 de la constitution béninoise

* 73 Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo.

* 74 Le terme jugement employé ici comprend les arrêts des cours d'appel et les jugements des juridictions d'instance qui ne peuvent que faire l'objet de pourvoi

* 75 Article 14 al.5 du traité du 17 octobre 1993 relatif à l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires

* 76 R. G. NLEP, op. cit. P. 276.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote