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Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

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CHAPITRE 2 : LES GARANTIES DU PROCES EQUITABLE

Le droit à un procès équitable consacre la prééminence du droit dans une société démocratique. Il s'applique selon les textes conventionnels73(*), aux contestations de nature civile et aux accusations en matière pénale74(*). Il est garanti à la fois, par des textes conventionnels et par un ensemble de principes directeurs édictés sous l'égide de l'ONU75(*). Son application en matière pénale crée de nombreuses garanties.

Les garanties relatives au procès pénal veillent à assurer l'équité entre les deux parties qui s'affrontent. Ce n'est pas tant pour la partie poursuivante qui en général apparaît comme étant la plus forte, mais surtout pour l'accusé, qui se retrouve souvent seul contre tous. Ainsi, un certain nombre de droits élémentaires doivent être garantis pour ce dernier, afin de ne pas le laisser subir, ou être victime des présomptions qui pèsent sur lui. Au nombre de ces droits, plus précisément ceux en rapport avec l'administration de la preuve, il y a le droit à la présomption d'innocence76(*), et le droit à l'égalité des armes77(*) qui regroupe toute une panoplie de droits dont la réalisation concourt à satisfaire ledit droit.

Le premier indique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie au-delà de tout doute raisonnable. L'on pourrait en déduire que toute personne présumée innocente doit jouir de sa liberté. Cette déduction qui, vue sous certains angles, peut paraître hâtive, même si elle ne procède pas du respect de la présomption d'innocence, participe au moins à sa reconnaissance active.

Mais, en matière des droits de l'homme, la reconnaissance des droits ne suffit pas. Leur respect par l'instance qui les prône est nécessaire. Le Statut du TPIR reconnaît le droit à la présomption d'innocence en son article 21. Mais comment assure-t-il son respect (Section 1) ? Il en est de même pour le droit à l'égalité des armes à l'article 20 du même Statut, dont la réalisation semble plus concrète (Section 2).

SECTION 1 : LE RESPECT DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE.

La présomption d'innocence est un principe en matière pénale selon lequel toute personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés, tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente78(*). C'est un principe de base du droit pénal moderne qui s'apprécie au regard de l'ensemble de la procédure pénale (...) envisagée comme un tout et incluant, en conséquence, le mode d'administration des preuves79(*). Le respect de ce droit implique plusieurs conséquences sur lesquelles nous pensons qu'il n'est point utile de s'attarder parce qu'elles ont été épuisées à travers de nombreuses études80(*). Ce sont entre autres, la charge de la preuve qui incombe à l'accusation, et l'interdiction des procédures qui portent atteinte à la présomption d'innocence.

L'autre conséquence importante est celle liée au droit à la liberté, car elle est très rarement soulevée malgré le fait que ce dernier constitue un droit non négligeable de l'accusé. Ainsi, conformément à ce principe, alors que la détention doit être l'exception et la liberté la règle, au TPIR, la détention préventive semble systématique (Paragraphe 1), pendant que la liberté provisoire est soumise à des conditions très strictes (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : UNE DETENTION PREVENTIVE SYSTEMATIQUE.

La détention préventive constitue une limitation au droit à la liberté81(*). En effet, elle consiste en une incarcération du prévenu pendant la durée de l'instruction et du procès et est admise de manière générale dans tous les systèmes pénaux. Elle permet de prévenir la fuite de l'accusé, la destruction d'éléments de preuve, et concourt à assurer la protection des témoins. Mais elle revêt un caractère exceptionnel, car conformément au droit à la liberté et à la présomption d'innocence, les personnes en instance de jugement pour une infraction pénale ne doivent pas, en règle générale, être maintenues en détention82(*). Au TPIR, on remarque un processus inverse qui fait de la détention, la règle et de la liberté, l'exception (A). Cette pratique du TPIR qui va à l'encontre des instruments internationaux adoptés depuis les quarante-cinq dernières années semble avoir tout de même une justification (B).

A- L'exception pour la règle

Le respect du droit à la liberté et de la présomption d'innocence commande un principe communément admis selon lequel les personnes inculpées d'une infraction pénale ne seront pas maintenues en détention en attendant d'être jugées. Toutefois, les normes internationales reconnaissent explicitement que dans certaines circonstances, les autorités peuvent imposer des conditions restrictives à la liberté d'un individu ou le maintenir en détention83(*) dans l'attente de son procès.

C'est dans cette logique que, de façon permanente, le TPIR s'inscrit, faisant de la détention préventive une mesure systématique. Son RPP prévoit expressément que l'accusé doit être gardé en détention84(*). La détention préventive commence lorsque, au terme de la détention provisoire qui ne peut dépasser quatre-vingt dix (90) jours, le suspect acquiert le statut d'accusé et fait l'objet d'un acte d'accusation et d'un mandat d'arrêt confirmé par un juge du TPIR85(*). Le Comité des Droits de l'Homme (CDH) a précisé dans l'une de ses résolutions, que la détention préventive devait être légale, mais aussi nécessaire et raisonnable86(*). La détention préventive, si elle est systématique dans la pratique du Tribunal, cela supposerait-il qu'elle satisfait en toutes circonstances aux conditions de légalité, de nécessité et de rationalité ?

Pour ce qui est de la légalité de la détention préventive au TPIR, elle n'a pas à être mise en doute. Non seulement, elle est prévue par les textes du Tribunal, et c'est toujours l'autorité compétente, le juge, conformément aux textes, et sous l'injonction du procureur, qui l'autorise87(*). Quant aux conditions de nécessité et de rationalité, elles méritent qu'on s'y attarde pour vérifier si la nécessité s'impose vraiment au Tribunal ; si oui, de quelle nécessité s'agit-il ? La réponse à cette question devrait permettre de conclure au caractère rationnel ou non de ces détentions préventives systématiques opérées par le TPIR.

Le CDH, en précisant les conditions de la détention préventive, a fait une interprétation étroite de la notion de nécessité. Il a considéré que le fait de soupçonner quelqu'un d'avoir commis une infraction ne suffisait pas à justifier un placement en détention dans l'attente d'une enquête et d'une inculpation88(*). Or au TPIR, lorsqu'un individu est soupçonné de crimes graves, en tout cas lorsque le procureur a des éléments plausibles lui permettant de croire que cet individu a commis une infraction qui relève de la compétence du Tribunal, il est mis en détention. En effet, après la confirmation de l'acte d'accusation, l'arrestation et le transfert de l'accusé au Tribunal, sa détention suit automatiquement.

On peut donc en déduire qu'au même titre que l'arrestation et le transfert, c'est la confirmation de l'acte d'accusation qui justifie la détention préventive, plutôt que la nécessité réelle de prévenir la récidive, la destruction d'éléments de preuve, l'intimidation des témoins ou la fuite de l'accusé, un ensemble d'éléments qui confèrent à la détention préventive son caractère raisonnable. Certes, les textes ont érigé cette nécessité en une condition cumulative à la confirmation de l'acte d'accusation pour décider de la détention préventive89(*), mais dans sa jurisprudence, cette nécessité plutôt que d'être démontrée, est affirmée. Tout cela laisse à penser que, pour le procureur, cette nécessité se présume et qu'il n'est point besoin de la démontrer à chaque mise en détention préventive.

Nous sommes d'avis avec Mme Anne-Marie LA ROSA, lorsqu'elle affirme que « la détention (...) ne doit être ordonnée que s'il existe des motifs raisonnables de penser que les intéressés sont impliqués dans les infractions dont il est fait état, et si on peut craindre qu'ils prennent la fuite, commettent des infractions graves ou obstruent gravement le cours normal de la justice, s'ils étaient laissées en liberté »90(*). De cette affirmation, il ressort l'exigence d'une double conditionnalité pour justifier l'opportunité de toute détention préventive. La présomption de fuite et de récidive ne doit pas suffire pour commander la détention préventive ; Il doit être tenu compte des circonstances de l'affaire.

La confirmation de l'acte d'accusation est un motif raisonnable pour croire que l'accusé a commis le crime qui lui est reproché, car la confirmation n'intervient que lorsque le juge confirmateur est lui-même convaincu par les éléments que le procureur lui présente, de la probable culpabilité de l'accusé. Nous avons là notre première condition. Quant à la deuxième, c'est-à-dire la crainte qui à elle seule, justifie en réalité la nécessité de la détention préventive, il serait judicieux de se demander comment elle se matérialise. Comment le procureur appréhende-t-il la crainte que le suspect peut constituer un danger ou pour les témoins ou pour la justice ? Cette crainte est-elle suscitée par un comportement que l'accusé aurait adopté ; et à quel moment exactement le procureur conclut-il à l'existence d'une pareille crainte ? Un essai de réponse peut être trouvé dans l'analyse des éléments que le juge considère avant de décider d'accorder ou non la liberté provisoire91(*). Il est à retenir cependant que cette pratique, fut-elle justifiable, constitue une atteinte au droit à la présomption d'innocence.

* 73 Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP); art. 14 §1, Convention Américaine des Droits de l'Homme (CADH) art. 8 §1; Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) art. 6 §1.

* 74 Frédéric SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, Collection « droit fondamental », PUF, Paris, 1989, p. 145.

* 75 Ces principes sont organisés et classés selon des matières bien précises. Il s'agit :

· Des principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature;

· Des principes du barreau.

* 76 Voir Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), art. 11 ; PIDCP, art. 14 §2 ; CEDH, art. 6 §2 ; Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP), art. 7 §1,b); CADH, art. 8 §2; Statut TPIR, art. 20 §3 ; Statut TPIY, art. 21 §3.

* 77 Voir DUDH, art. 10; CEDH, art. 6 §3; PIDCP, art. 14 §3, CADH, art. 8 §2 a), c), f); Statut TPIR, art. 20 §4, a) à f); Statut TPIY, art. 21, a) à f).

* 78 Raymond GUILLIEN, Jean VINCENT (sous la dir.), op. cit., p. 432.

* 79 Frédéric SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, PUF, 6ème éd. refondue, septembre 2003, p. 345 ; CEDH, Bernard c/France, avril 1998.

* 80 Voir Charles GUINCHARD, Jacques BUISSON, op. cit., pp. 289-291; AMNESTY INTERNATIONAL; Pour des procès équitables, Les Editions francophones d'Amnesty International, Paris, 2001, pp. 87-89 ; Jean PRADEL, op. cit., pp. 431-434.

* 81 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 101.

* 82 AMNESTY INTERNATIONAL, op. cit., p. 29.

* 83 PIDCP, art. 9-3, Principes relatifs à la détention, principe 39 ; Règles de Tokyo, règle 6 ; CEDH, art. 5-3 ; CADH, art. 7-5.

* 84 RPP du TPIR, art. 64.

* 85 Eric DAVID, Eléments de droit pénal international, Presses Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 1999, p. 418. La détention provisoire prévue à l'article 40 bis du RPP est décidée par un juge sur requête du procureur. Elle ne peut excéder 90 jours. Au bout de ce délai, il doit être remis en liberté ou faire l'objet d'un acte d'accusation et d'un mandat d'arrêt, confirmés par un juge du Tribunal. A partir de ce moment, le suspect acquiert le statut d'accusé et sa détention devient préventive.

* 86 CDH, Observation générale, § 8, rapporté par AMNESTY INTERNATIONAL, op. cit., p. 29.

* 87 RPP du TPIR, art. 40 bis A).

* 88 CDH, Observation générale, § 8, rapporté par AMNESTY INTERNATIONAL, op. cit., p. 29.

* 89 RPP du TPIR, art. 40 bis B) iii).

* 90 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., pp. 101-102.

* 91 Au terme de ces éléments :

· l'existence d'éléments de preuve significatifs et l'absence de preuves contraires de la défense ;

· la gravité des faits en cause et le risque d'être condamné à une peine lourde ;

· l'importance de l'accusé dans les faits en cause, par exemple, le fait d'occuper une position du supérieur hiérarchique au moment des faits ;

· le risque de fuite lorsque l'accusé a pu quitter sans difficulté son territoire d'origine alors qu'étant sous le coup d'un mandat d'arrêt.

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