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Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

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B- L'épreuve de pertinence et de valeur probante

La considération des éléments de preuve, pour emporter une condamnation ou non, exige que ces derniers aient une valeur probante assez élevée. Les Chambres du Tribunal peuvent recevoir tout élément de preuve pertinent dont elles estiment qu'il a une valeur probante172(*). A contrario, les éléments dont le juge estime qu'ils ont une valeur probante inférieure à l'exigence d'un procès équitable sont d'office exclus.

La pertinence et la valeur probante sont en eux-mêmes des concepts difficiles à appréhender. La valeur probante caractérise un élément de preuve qui tend à établir le bien fondé de faits ou de moyens invoqués par une partie et qui, en conséquence, est de nature à influer sur la décision à rendre173(*). Quant à la pertinence, elle implique un certain degré de valeur probante174(*). La pertinence d'un fait s'apprécie par rapport à celui d'un autre s'il existe entre eux un lien tel que l'existence de l'un induit celle de l'autre.

L'évaluation de la pertinence et de la valeur probante d'une preuve est soumise à l'expérience personnelle du juge, à sa logique et aux circonstances de l'affaire. Néanmoins, une certaine hiérarchisation de la valeur probante des moyens de preuve, en tenant compte des règles du Tribunal n'est pas à exclure. Certaines preuves, du fait de leur provenance ou de leur forme, peuvent avoir une force probante plus importante que d'autres. La pratique juridictionnelle du TPIR montre que certains modes de preuve sont plus "prisés" que d'autres.

Ainsi, la valeur probante d'un témoignage recueilli au siège du Tribunal a une valeur probante supérieure à un témoignage par vidéoconférence qui, à son tour est supérieur au témoignage par déposition. Certainement parce qu'à l'audience, les juges peuvent apprécier plus facilement les hésitations et toute la gestuelle du témoin qui renseignent sur sa crédibilité et celle de l'information qu'il apporte175(*). De la même façon les déclarations sous serment doivent être considérées avec beaucoup de précaution, parce qu'elles ont été prises en dehors des procédures judiciaires. Dans le même ordre d'idées, les juges n'hésiteront pas à écarter l'opinion d'un expert, fondée sur des faits qui, au cours du procès, n'ont pas été établis176(*). Un traitement identique sera réservé aux éléments de preuve se rapportant à des actes qui ne sont pas reprochés à l'accusé177(*).

En outre, le Tribunal rejette le principe "unus testis nullus testis"178(*). Il ressort de sa pratique juridictionnelle qu'il peut se fonder sur les dépositions d'un seul témoin pour conclure à l'existence juridique d'un fait179(*). La corroboration n'est donc pas nécessaire pour renforcer la valeur probante d'un témoignage. Les textes de base le précisent d'ailleurs clairement en matière de violences sexuelles. En la matière, la corroboration du témoignage de la victime n'est pas requise180(*). La seule exception est celle de l'enfant qui n'a pas prêté serment, qui comprend ce que signifie "dire la vérité", et qui est assez mûr pour relater les faits dont il a eu connaissance181(*). Toutefois, il faut retenir que les juges attachent de façon générale une valeur probante plus ou moins grande aux modes de preuve auxquels les parties ont recours182(*).

Malgré l'importance que revêt l'appréciation des preuves dans l'établissement des faits, il arrive que la liberté d'appréciation des preuves connaisse des infléchissements. C'est le cas de la reconnaissance de culpabilité de l'accusé qui entraîne sa condamnation sans que l'organe juridictionnel n'en soit véritablement convaincu. En effet, il peut y avoir des négociations entre la poursuite et la défense et même avec les juges dans l'application de la règle de droit. On parle de justice négociée ou de justice consensuelle183(*), qui dispense le juge de son rôle d'appréciation. Le plaidoyer de culpabilité exclut en effet le procès, en rendant inutile la recherche de la vérité, et en faisant de l'aveu de l'accusé une preuve à valeur probante irréfutable. Le juge n'a donc plus besoin d'évaluer la force représentative des éléments de preuve afin de dégager celles qu'il retiendra pour décider de la culpabilité ou non de l'accusé.

C'est le règne de l'efficacité contre la recherche de la vérité dans les règles de l'art. Une pratique à laquelle les Tribunaux pénaux font de plus en plus recours, à notre sens incompatible avec la recherche effective de la vérité.

* 172 RPP du TPIR, art. 89 C).

* 173 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., pp. 351-352.

* 174 Ibid., p. 352.

* 175 Aff. n° ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 47. La crédibilité de chaque témoin doit en effet être appréciée à sa juste valeur, compte tenu du comportement du témoin, de la cohérence et de la crédibilité ou du défaut de crédibilité des réponses qu'il a données sous serment.

* 176 Aff. n° ICTY-IT-99-36, BRDANIN, décision du 3 juillet 2000, relative à la requête du procureur aux fins d'exclure certains éléments de preuve et de limiter un témoignage, § 3.

* 177 Aff n °ICTR-IT-95-17/1-T, FURUNDZIJA, décision du 12 juin 1998, Dans cette affaire, un témoin entendu à huit clos a relaté des faits relatifs à des crimes pour lesquels l'accusé n'avait pas été mis en accusation. La Chambre a décidé aux fins de préserver les droits de l'accusé à une procédure équitable et d'éviter un déni de justice, de ne prendre en considération que les parties du témoignage qui se référaient spécifiquement aux chefs d'accusation retenus contre l'accusé.

* 178 "Unus testis nullus testis" est un adage bien connu dans les systèmes de droit pénal de tradition romano-continentale, qui signifie "Un seul témoin n'est pas un témoin".Cet adage traduit un principe qui veut que, pour être recevable, tout témoignage soit corroboré. Ainsi, selon ce principe qui vaut en matière de preuve testimoniale, le juge ne se peut se baser sur un seul témoignage pour se faire son opinion sur une affaire. Ce témoignage doit être renforcé par un autre : on parle de corroboration de la preuve.

* 179 Aff. n° ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, §§ 132-136.

* 180 RPP du TPIR, art. 96 i).

* 181 RPP du TPIR, art. 90 C).

* 182 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 377.

* 183 Ibid.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon