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La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

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par Arnaud Silvère Yansounou
Faculté de droit de La Rochelle - Master II Recherche Droit Privé 2005
  

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1°) L'émergence du principe de proportionnalité

Trois étapes principales permettent de monter l'émergence du principe et ses suites jurisprudentielles.

a
· La consécration législative limitée

La première application du principe de proportionnalité est constituée par une mesure de protection particulière des cautions personnes physiques qui a été introduite par la loi sur le surendettement des particuliers en date du 31 Décembre 198942(*) dite « Loi V. Neiertz ». Cette loi institue des procédures destinées à régler la situation des particuliers surendettés ; elle sera remplacée par une loi du 08 Février 1995 (article L. 331-1 et s. du Code de la consommation). En introduisant cette disposition, le législateur français s'inspirait du droit allemand qui consacre le principe de proportionnalité.

L'article L. 313-10 du Code de la consommation énonce en effet « qu'un établissement de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. » Le texte a un domaine d'application limité :

ainsi, il ne s'applique pas au cautionnement d'un prêt destiné à financer une activité professionnelle.

En réalité, L'article L. 313-10 n'apporte une grande nouveauté dans la mesure où elle reprend en substance les dispositions déjà existantes.

L'article L. 313-10 du Code de la consommation devait être l'annonciateur de solutions jurisprudentielles consacrant cette exigence de proportionnalité.

b
· L'extension par la jurisprudence du principe de proportionnalité

Que faire lorsque la caution accuse l'établissement de crédit de lui avoir fait souscrire un engagement démesuré par rapport aux facultés de remboursement dont elle dispose ?

Un arrêt de la Chambre commerciale du 17 juin 1997 a ouvert en la matière une nouvelle cause de responsabilité « délictuelle », la faute du créancier résidant dans l'acceptation d'un engagement excessif.

Par un arrêt de principe, la Cour de cassation43(*) devait énoncer que le fait pour un créancier professionnel de solliciter un cautionnement qui est manifestement disproportionné par rapport au patrimoine et aux revenus de la caution peut être constitutif d'une faute, cause de responsabilité pour le créancier professionnel.

Le principe de proportionnalité ainsi consacré par la jurisprudence n'obéit pas au même régime juridique que celui faisant l'objet d'une consécration légale : il est seulement tenu compte de la disproportion manifeste existant au jour de l'engagement de la caution, il importe peu que la caution soit revenue à meilleure fortune au jour de la poursuite.

La Chambre commerciale avait ainsi étendu une règle à l'origine réservée aux cautions garantissant un crédit à la consommation. L'arrêt était important car, il faisait bénéficier du principe de proportionnalité les cautions dirigeantes alors que la Chambre commerciale les prive le plus souvent de la protection conférée aux cautions profanes.

Elle a jugé dans cet arrêt que le banquier qui se faisait consentir un tel cautionnement commettait une faute. Le principe de proportionnalité peut donc être appliqué avec une certaine souplesse. Ce peut être une application du devoir de conseil du créancier professionnel. C'est aussi une application de la responsabilité contractuelle du créancier professionnel envers la caution. L'appréciation de la proportionnalité est donc subjective et non plus objective.

Dans un premier temps, la jurisprudence a conféré une très large portée à ce principe de proportionnalité à tel point qu'il était invoqué de manière quasi-systématique par les cautions poursuivies par les établissements de crédit. Rares étaient, cependant, les juridictions qui faisaient droit au recours des cautions.

Cette décision est de nature à perturber la stabilité du cautionnement. En effet, le contrat a été valablement formé. Le créancier professionnel ne commet pas de faute dans l'exécution du contrat. Il est possible d'admettre que les parties (créancier professionnel et caution) ont volontairement introduites le déséquilibre dans le contrat du fait de leurs qualités respectives et le contrat serait donc un contrat lésionnaire.

En matière de cautionnement, la lésion est-elle ou non admise comme cause de nullité ?

Si la réponse est négative, on peut admettre que cette décision introduit alors une certaine équité dans la formation du contrat de cautionnement en complétant ce que les vices de consentement avaient de défaillants. Dans cette décision, ce que fait la Cour de cassation au moyen de l'action en responsabilité, c'est de rescinder l'acte de cautionnement pour cause de lésion. Or, le régime classique de cette action ne conduit jamais à une annulation totale de l'acte lésionnaire mais à une annulation partielle.

Au vu de ces règles, il est étonnant d'accorder un recours à la caution pour la totalité du cautionnement. Cette solution vient notamment remettre en cause le principe de la liberté des conventions et par voie de conséquence accorde au juge un pouvoir de révision.

La décision du 17 Juin 1997 révélait une limitation de la protection des cautions, pouvant même laisser croire que le principe de proportionnalité était abandonné. Cette approche prétorienne de la proportionnalité à travers l'immixtion du droit de la responsabilité civile en matière de cautionnement devrait perdre beaucoup de sa vigueur avec les nouvelles dispositions de la loi pour l'initiative économique du 01 Août 200344(*). On peut le regretter car, c'est au moment où la jurisprudence, après beaucoup d'hésitation, arrivait à une certaine maturation que l'article L. 341-4 du Code de la consommation issu de la loi Dutreil déplace l'exigence prétorienne de proportionnalité sur le terrain du Code de la consommation.

c
· La faute au regard de la loi du 01 Août 2003

Pour protéger les cautions personnes physiques, le législateur a eu recours à des techniques classiques comme le formalisme, l'information et la proportionnalité. Après l'extension par la jurisprudence du principe de proportionnalité par la Chambre commerciale, la loi du 01 Août 2003 marque, à son tour, une consécration législative de ce même principe. En effet, le législateur considère que le créancier professionnel a commis une faute consistant à un manquement à son obligation de conclure de bonne foi un contrat de garantie. En conséquence, le créancier professionnel doit s'informer de la situation financière de la caution, pour connaître ses capacités financières de remboursement, pour la mettre en garde et même pour la dissuader de conclure ce contrat.

En instaurant un « bénéfice de disproportion », l'article L. 341-4 du Code de la consommation charge implicitement le créancier professionnel d'un devoir de veiller à la proportionnalité de l'engagement de la caution.

La mise en oeuvre du principe de proportionnalité obéit surtout à des considérations subjectives et accorde un grand pouvoir aux juges.

* 42 Loi n° 89 - 1010 du 31 Décembre 1989, Loi V. Neiertz, publiée au J.O du 02 Janvier 1990 ;

P. Delebecque, « Loi sur le surendettement », J. C. P. G., 1990, I, 3457.

* 43 Cass. com., 17 juin 1997 : J. C. P. E., 1997, II, note D. Legeais.

* 44 Cf. V. notre chronique : l'obligation de vigilance des créanciers professionnels à l'égard des cautions personnes physiques imposée par la loi Dutreil, Droit et Procédures, janvier 2004, p. 4.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand