Introduction generale
1- Problématique
Durant les deux derniers siècles, le
développement économique a été plus
conditionné par le progrès technique et technologique,
lui-même entretenu par les profits de ce développement.
L'accélération des mutations industrielles, des changements
technologiques et leur diffusion à l'ensemble de la sphère des
activités des pays développés ont eu pour effet la
transformation progressive, puis rapidement, tant de la nature et de la
qualité des produits et des services que leurs systèmes de
production, de distribution et d'exploitation (BUCUR, 2003, p.4).
Cependant, depuis la fin de la guerre froide et bien avant
1991, on assiste à une globalisation des marchés et à
l'émergence d'une situation d'affrontements économiques mondiaux
dont les protagonistes sont à la fois les blocs économiques
supranationaux, les Etats et les entreprises. Il en résulte un
durcissement de la concurrence alors même que la création de la
valeur des entreprises repose de plus en plus sur la conquête des
marchés au-delà de leurs frontières. A une économie
de production a succédé une économie des marchés.
Dans le même temps, les NTIC ont révolutionné
l'accès à l'information dans tous les secteurs de vie des
entreprises modernes, envahissent et envahiront encore avec plus de virulence
la configuration des relations humaines et le cadre conceptuel du travail
(MWEZE, 1997, p.13) pour répondre aux besoins des entreprises.
Dans ce nouveau contexte, l'information est devenue une valeur
stratégique, une source de pouvoir pour les entreprises qui se trouvent
de plus en plus confrontées à une évolution exponentielle
de leur environnement économique caractérisé par quelques
grands traits ci-dessous soulignés :
· La vitesse des développements technologiques et
commerciaux ;
· La contraction du temps et de l'espace ;
· Le développement hyperbolique des alliances et
fusions entre firmes ;
· L'offre supérieure à la demande, guerre de
prix, globalisation des échanges ;
· Nouvelles techniques et normes de conception et de
production ;
· Nouvelles approches mercatiques ;
· Création des réseaux complexes
d'interrelation, d'interdépendance, de coopération -
compétition (compétition) et autres manoeuvres entrepreneuriales
de grande envergure.
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
Cette évolution influence le processus d'acquisition
d'informations et, conséquemment, leur mécanisme
décisionnel. De ce fait, le développement des entreprises, leur
existence, leur compétitivité, et donc leur
pérennité, passent par une véritable maîtrise de
l'information et deviennent plus dépendante de la capacité
d'adaptation et de la vitesse de réaction dans cet environnement
complexe. Il faut connaître l'essentiel puis réagir à point
nommé. L'environnement devient une variable en permanente
reconfiguration et sur laquelle l'entreprise doit agir voire même
contribuer à façonner.
Cette nouvelle donne économique, la mondialisation pour
ne pas la citer, s'amène avec son cortège de nouveaux
comportements et styles managériaux imposant une véritable
maîtrise de l'information pour savoir et surtout agir à temps.
Ainsi, à une vision passive de circulation et d'utilisation de
l'information, on est passé à une vision active qui, de
manière volontaire, met sous tension l'ensemble des acteurs de
l'entreprise pour générer un nouvel avantage concurrentiel qui
réside dans la capacité et la rapidité d'obtention de
l'information critique pour le développement de l'entreprise. Il
faut coûte que coûte être le novateur, le premier à
avoir découvert un procédé, une combinatoire, une
matière et parfois même un slogan (BAUMARD, 1991, p.6).
Il faudra comprendre par là que l'information est
maintenant considérée comme une nouvelle matière, une
nouvelle énergie et un atout concurrentiel majeur favorisant le
succès commercial et renforçant la rentabilité et la
sécurité économique de l'entreprise. Aucune entreprise
n'est épargnée par l'incertitude et les risques qui gagnent
toutes les formes d'organisation, de plus petites aux plus grandes dans ce
nouveau contexte économique où la compétition devient de
plus en plus sauvage, où l'atmosphère économique
s'envenime au jour le jour.
C'est ainsi que, selon Philip BAUMARD, les firmes ont
ressenti le besoin d'une approche de l'information, orientée vers
l'accomplissement d'objectifs stratégiques pour leur
développement. Il faut concevoir différemment ses rapports avec
son environnement en quittant les schémas classiques. Il faut lier sa
capacité d'appréhender une rationalité limitée. Il
faut bâtir, hors des chantiers battus, une dynamique nouvelle de la
compétition (BAUMARD, 1991, p.6).
C'est dan la convergence de toutes ces situations nouvelles
sur le plan mondial et l'explosion de nouvelles technologies que va
émerger l'intelligence économique, par la suite
notée IE, un concept mieux un dispositif
managérial usant les méthodes actives de gestion de flux
informationnels. C'est une approche qui met en relief la recherche de
l'information stratégique, les connaissances, les compétences et
les relations de la firme avec son environnement. Elle met les entreprises dans
l'obligation de repenser leurs modes de management pour adapter leurs actions
aux exigences de l'heure. Selon Jérôme DUPRE, l'IE se
présente comme une vertu et une pratique managériale
sensée permettre aux organisations de s'aventurer stratégiquement
dans l'ambigu, l'aléatoire et l'incertain, à la recherche des
signaux
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
faibles sans se laisser duper par les habitudes, craintes
et souhaits subjectifs...l'IE est une démarche collective ayant pour
objet la recherche offensive et le partage de l'information dans le cadre d'un
mode transversal de management. Elle s'inscrit dans le nouveau paradigme de
guerre économique (DUPRE, 2002).
En effet, l'IE s'applique à deux catégories
d'entreprises : celles qui n'ont pas encore intégré les
stratégies informationnelles dans leurs projets de développement
et celles dont les combinatoires technologiques et les réseaux de
compétence sont prêts à agir dès que le besoin s'en
ressent. Dans le premier cas, on imagine une entreprise en profonde
léthargie et dans le second cas, on doit voir une entreprise cherchant
à bénéficier de son expérience en
déléguant une autorité à des unités
combatives, tactiquement placées aux connexions du marché et
à la production, dans l'ingénierie, l'intermédiation
scientifique, le lobbying...pour s'adapter au nouveau contexte.
Cependant, en Afrique, et plus particulièrement en
République Démocratique du Congo, les entreprises se trouvent
dans le premier cas. Elles n'ont pas des connexions et n'ont pas encore la
perception des potentialités offertes par leur environnement. Par
conséquent, elles ne peuvent malheureusement pas profiter de l'aspect
dynamique des changements intéressants ou pouvant intéresser
leurs activités économiques. Elles ne peuvent saisir les
opportunités, ni prévoir les risques et laissent ainsi
s'éroder leurs bases techniques et technico-économiques, leur
marché et enfin, ne peuvent plus rivaliser avec tous les grands de ce
monde.
Si, globalement, les multinationales et la majeure partie de
grandes entreprises de l'hémisphère nord tirent
déjà leur épingle du jeu en axant leur management sur
l'IE, en l'adoptant comme instrument d'aide à la décision et lui
consacrant d'énormes investissements dans l'optique de définir et
planifier des stratégies et politiques responsables pouvant leur
permettre de maintenir le cap et rester en phase avec leur environnement ; dans
nos entreprises par contre c'est encore la navigation à vue. Certes,
l'accès à l'information ou la fracture numérique constitue
aussi un handicap majeur, mais non insurmontable, qui ne peut à lui seul
expliquer ce fossé qui existe entre les entreprises locales et celles de
l'hémisphère nord par rapport à l'IE. Hormis quelques pays
de l'Afrique de Maghreb, en occurrence l'Algérie, le Maroc et la Tunisie
ainsi que le Sénégal où les réflexions sur la
gestion des entreprises avec l'IE sont très poussées, et le cas
de l'Afrique du Sud, dont le développement économique est loin
supérieur à celui de l'ensemble du continent, dans tout le reste
des pays y compris le nôtre, l'IE reste encore un concept immature, sinon
méconnu des entreprises et du grand public.
Par ailleurs, un rapport de la Commission Economique d'Afrique
portant sur la compétitivité des entreprises africaines à
l'heure de la libéralisation et de la mondialisation des marchés
souligne que les entreprises africaines sont butées à deux
sérieux problèmes : celui d'accès à
l'infrastructure numérique et l'autre de modernisation de leur outil et
méthodes de gestion de plus en plus inadaptés au contexte de
l'heure (CEA, 2000, p.2). A ce constat général, il sied de
signaler ici le poids de certaines pesanteurs socioculturelles relevées
ça et là dans les entreprises
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congolaises où les dirigeants sont pour la plupart
réfractaires aux progrès techniques et nouvelles méthodes
de gestion préférant s'obstiner à maintenir le «
statu quo ».
Devant ce constat, et convaincu que la relance, le
développement, et conséquemment la pérennité des
entreprises congolaises dans ce contexte mondialisé
caractérisé par un climat d'instabilité, d'incertitude et
des fortes concurrences, ne peut reposer que sur l'adoption des méthodes
et des démarches proactives de gestion stratégique des flux
informationnels pour faire évoluer les cultures organisationnelles , les
moderniser et rendre ainsi plus compétitives lesdites entreprises sur le
plan local et international, nous trouvons loisible de nous poser les questions
suivantes dans le cadre de cette recherche:
1. Comment les entreprises congolaises peuvent elles
intégrer le dispositif d'IE dans leurs cultures managériales,
c'est-à-dire l'implanter et l'adopter dans leur organisation en vue de
répondre aux exigences informationnelles de l'heure ?
2. Comment les dirigeants de ces entreprises
perçoivent-ils l'IE ?
Notre questionnement, en apparence large et ambitieux, est
centré sur la recherche d'une solution technique de management moderne
capable de résoudre l'épineux problème de déficit
informationnel et de manque de dynamisme qui se pose avec tant d'acuité
au sein des entreprises congolaises.
2- (ypothèses de
l'étude
Eu égard à tout ce qui précède, et
considérant le monde congolais des entreprises comme un microcosme
économique de la société congolaise globale dont il
hérite des pratiques et logiques de faire, d'être et d'agir, nous
pouvons directement avancer, sans peur d'être contredit, que le monde
congolais des entreprises et le pays lui-même constituent un ensemble
homogène. Ils accusent tous un sérieux retard en matière
de développement, d'innovation, et voire de l'imagination pour passer de
la traditionnalité à la modernité en vue de faire
évoluer les pratiques managériales et arrimer les entreprises
congolaises sur la logique d'efficacité compétitive basée
sur la valeur stratégique de l'information capable de leur procurer un
avantage concurrentiel. Notre propos se fonde les hypothèses suivantes
:
1) Telles qu'elles fonctionnent, se structurent et
s'organisent présentement, les entreprises congolaises ne parviennent
pas encore à s'adapter à la dynamique changeante de leur
environnement par manque de stratégie de compétitivité et
d'instrument efficace de gestion de l'information pouvant leurs permettre de
créer des valeurs additionnelles et un avantage concurrentiel par
rapport à leur concurrents. Chaque entreprise et chaque secteur
d'activités économiques faisant face à ses propres
réalités et logiques de terrain, réfléchir sur
l'intégration de l'IE impliquerait un remodelage des schémas de
pensées et une requalification des cultures et comportements
managériaux pour les distancer des tares traditionnelles qui les
caractérisent.
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2) Les dirigeants de toutes ces entreprises n'ont pas une
parfaite connaissance du concept d'IE et ne maîtrisent pas ses enjeux en
terme de compétitivité et de sa capacité de surprendre les
concurrents.
3- Objectifs visés
Les objectifs visés dans le cadre de cette recherche sont
de deux ordres :
> D'une manière générale, nous nous
objectivons à inciter tout dirigeant d'entreprise, les politiques, les
managers, les cadres, les étudiants, les chercheurs et tous les lecteurs
de cette étude à l'appropriation du concept d'IE, à sa
mise en application et à sa large diffusion dans les entreprises
locales. Ce qui nous impose une définition claire de l'objet et des
enjeux de l'IE afin de la positionner comme outil indispensable et un
facteur-clé de la compétitivité.
> Vu sous cet angle, les objectifs spécifiques se
présentent manière suivante :
a. Mettre en exergue l'IE dans les entreprises congolaises.
C'est-à-dire faire de l'IE une solution technique pouvant aider à
moderniser les entreprises congolaises ainsi que leur management en vue
d'insuffler une nouvelle culture informationnelle articulée sur l'usage
des technologies informatiques ainsi que des moyens et techniques de
surveillance et de recueil des renseignements à caractère
économique ;
b. Il s'agira aussi de partir d'un diagnostic des situations,
des faits et des besoins à identifier au sein de quelques entreprises
ciblées pour le compte de cette étude afin de sonder et situer le
rôle de l'information stratégique dans leur processus
décisionnel ;
c. Il nous reviendra, de surcroît, de mobiliser les
entreprises et leurs dirigeants à la pratique de cette démarche
collective dans tous ses aspects stratégiques, tactiques et
opérationnels. Bref, créer un habitat de l'IE dans les
entreprises sous étude.
d. Enfin, il sera aussi question de proposer un cadre logique
de référence pouvant orienter toute entreprise désireuse
de mettre en place une démarche d'IE.
4- Choix et intérêt du
sujet
L'un des intérêts de cette étude est,
comme bien d'autres, de contribuer à la résolution d'un
problème particulier. Dans ce cas de figure, le problème qui nous
intéresse, comme nous le verrons dans les chapitres qui vont suivre,
concerne le soutien que l'on peut apporter à l'émergence d'une
culture informationnelle dans le management des entreprises congolaises. La
particularité de cette étude est de traiter de l'intelligence
économique, un concept mal connu et non maîtrisé par
l'intelligentsia congolaise. L'idée est d'en faire une culture
managériale et une optique stratégique
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les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
incontournable. C'est la raison pour laquelle cette
étude s'inscrit dans la droite ligne des recherches oeuvrant pour la
promotion de l'IE et du management stratégique où le manager
n'est pas seulement un preneur de décisions mais plus un stratège
et un planificateur des méthodes selon que le contexte environnemental
l'exige.
L'intérêt particulier est que les
résultats issus de cette étude nous servent dans la formulation
de notre projet personnel visant à fonder un cabinet-conseil ou une
société des services aux entreprises spécialisé(e)
en Intelligence Economique et Management Stratégique (M.S). Ce sont
là les principales motivations qui justifient le choix et
l'intérêt de ce sujet.
5- Délimitation du sujet
Notre recherche est circonscrite dans des limites temporelles et
spatiales.
+ Dans le temps, le projet de recherche tel que conçu
allait du début jusqu'à la fin du deuxième semestre de
l'an 2008, c'est-à-dire, du 01Juin au 30 Décembre 2008.
+ Dans l'espace, nous avions jugé utile de porter cette
recherche sur quatre entreprises toutes basées à Kinshasa, la
capitale de la RDC.
6- J4pproche méthodologique de la
recherche
Notre problématique appelle nécessairement une
méthodologie poursuivant trois objectifs convergents :
o Un objectif de validité pour répondre à la
complexité et à la l'abstraction du phénomène
étudié ;
o Un objectif pédagogique pour faire comprendre le bien
fondé du phénomène étudié dans son contexte
socio-économique, et
o Un objectif d'identification des éléments sociaux
explicatifs.
Tous ces objectifs donnent une orientation qualitative
à cette recherche car se basant sur des données empiriques. C'est
une étude des cas qui empreinte une méthode scientifique bien
adaptée au sujet sous étude. Il s'agit de la Méthode de
Définition des Systèmes d'Information en Intelligence Economique,
MEDESIIE en sigle. L'opérationnalisation de cette démarche est
rendue possible par trois techniques parmi les plus en vue dans les recherches
qualitatives. Nous citons: l'interview des leaders, l'observation participante
et la technique documentaire qui nous servi pour la collecte des
données.
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6- Subdivision de l'étude
Hormis la partie introductive et celle concluante, notre
étude comporte deux grandes parties :
· La première partie intitulée
considérations générales et théoriques, contient
deux chapitres Le premier a trait au cadre conceptuel et le second porte sur
les fondements théoriques et stratégiques de l'IE.
· La deuxième partie, dite démarche
pratique, s'éclate aussi en deux chapitres qui font office de chapitre
troisième et quatrième dont le premier décrit le cadre
méthodologique de la recherche et le dernier s'étale sur les
résultats et discussions.
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PREMIERE
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