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L'interprétation des clauses anti-abus contenues dans les conventions fiscales bilatérales

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par Till JOUAUX
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Droit Privé Général 2010
  

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Section 2 - Les conditions d'obligation fiscale

Pour prétendre au bénéfice des dispositions conventionnelles, la condition de résidence est donc déterminante. Cependant elle n'est pas suffisante et doit être affinée, en raison du mécanisme particulier des conventions fiscales conduisant à une diminution, voir à une suppression d'imposition dans le pays où le juge statue.

Les États ont donc restreint le champ d'application personnel des traités fiscaux, en excluant de la catégorie des résidents au sens du droit interne ceux n'étant pas soumis à une obligation fiscale « normale » dans leur pays. Lorsque la définition de la résidence résulte des formulations conventionnelles, des clauses particulières limitent les exonérations aux revenus

88 Pour plus de développements, voir : T. VERBIEST et E. WÉRY, Le droit de l'internet et de la société de l'information : droits européen, belge et français, Bruxelles, Larcier, coll. Création Information Communication, 2001, pp. 389 et s.

effectivement imposés à l'étranger.

En effet, si une personne n'est pas imposée dans son pays de résidence, elle ne peut pas subir de double-imposition et le bénéfice de la convention conduirait à l'exonérer en France pour un revenu non imposé à l'étranger ; il y aurait donc double-exonération, phénomène contre lequel les États luttent au moins autant que contre la double-imposition et qui les conduisent à préciser le critère de résidence.

Avant même que des clauses en ce sens apparaissent dans les conventions fiscales, le juge français entendait déjà la formulation du renvoi au droit interne « assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue » d'une manière réaliste, c'est-à-dire qu'il ne fallait pas simplement que le résident se trouve en théorie dans le champ d'application de l'impôt national, mais qu'il y soit effectivement soumis.

De plus, à cette condition d'effectivité de l'obligation fiscale s'est ajoutée celle de sa non limitation, de sorte que ne sont considérées comme résidents que les personnes soumises à l'impôt pour l'ensemble de leurs revenus et non pas seulement pour ceux générés dans leur pays de résidence. Cette interprétation du juge reprend en fait le sens donné à l'obligation fiscale illimitée des personnes domiciliées fiscalement en France d'après l'article 4 A du CGI qui dispose que « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. ».

Cette construction du sens à donner à la « résidence », à l'aide des notions de droit fiscal français, se fait en vertu de la clause générale de renvoi au droit interne prévue pour préciser les termes ou expressions non définies par la convention.

Cette signification est désormais reprise dans certaines conventions fiscales qui précisent que « Toutefois, cette expression [résident d'un État contractant] ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État ou pour la fortune qui y est située. » 89. Par conséquent, que la convention renvoyant au droit interne prévoit cette condition ou non, le juge français peut entendre le terme de « résident du pays contractant » comme la personne effectivement assujettie dans cet État à un impôt frappant l'intégralité de ses revenus.

En ce qui concerne les conventions prévoyant une définition conventionnelle de la

89 Formulation présente dans les conventions conclues avec l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, Les États-Unis d'Amérique et dans le modèle de convention OCDE de 2008, article 4 § 1.

résidence, citées précédemment (avec la Belgique et avec le Luxembourg), il n'est pas possible d'ajouter des conditions en se fondant sur le sens du droit interne puisque le terme de résident y est défini. Cependant des mesures équivalentes sont prévues afin d'assurer que les exonérations dans un pays soient consenties à des personnes payant effectivement l'impôt dans l'autre, mais de manière spécifique, c'est-à-dire que ces dispositions ne sont valables que pour les impôts frappant certains types de revenus ; ce sont les « subject to tax provisions ».

La convention fiscale passée avec la Belgique prévoit à ce propos que l'exonération de certains revenus (dividendes) de source française en Belgique soit conditionnée à une retenue à la source effective 90. Concernant ces mêmes revenus de source belge reçus en France, il n'est pas prévu de méthode similaire, mais cela tient au fait que c'est la méthode de l'imputation qui est adoptée. De la sorte aucune double-exonération n'est possible.

De la même manière la convention conclue avec le Luxembourg pose une condition d'imposition effective et dans des conditions normales par le pays de résidence, afin accorder une exonération concernant les dividendes, les intérêts et les redevances. Cette condition fait même l'objet d'une procédure spéciale puisque pour bénéficier de l'exonération de retenue à la source, le contribuable doit produire une attestation de l'État de résidence certifiant que ces revenus « seront soumis aux impôts directs, dans les conditions du droit commun, dans l'État où elle a son domicile fiscal. » 91.

Certaines conventions excluent des situations, dans lesquelles se trouvent des personnes pourtant résidentes d'un des États au sens du droit interne, de leur champ d'application général. Il s'agit des clauses anti-abus d'exclusion totale, qui sont parfois contenues dans l'article précisant les qualités requises pour être résident. On peut citer les clauses de bénéficiaire apparent de revenus (à distinguer de la clause de bénéficiaire effectif spéciale, plus courante) et de personne physique imposable sur une base forfaitaire, qui excluent ces situations du champ d'application personnel de la convention. Alors que la première exclut du bénéfice conventionnel toutes les situations où une personne interposée perçoit des revenus pour le compte d'une autre, ceci afin de bénéficier de la convention, la seconde réserve le même traitement aux situations d'imposition dans des conditions particulières telles que résultant d'un régime spécial d'imposition des résidents suisses. Celuici instaure une obligation fiscale limitée en déterminant l'assiette de l'impôt sur une base forfaitaire, d'après la valeur locative des habitations possédées par le résident ; cependant

90 Convention franco-belge du 10 mars 1964, modifiée par l'avenant du 15 février 1971, article 19 A.

91 Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970, article 10 bis.

l'exclusion est levée lorsque le montant de l'impôt payé est égal ou supérieur à celui qu'il aurait été si l'imposition avait frappé ses revenus. Ces dispositifs sont tous deux prévus de manière originale dans la convention avec la Suisse 92.

D'autres traités fiscaux excluent directement des catégories de personnes qui bénéficient de régimes fiscaux privilégiés. C'est le cas de la convention avec le Luxembourg qui prévoit que celle-ci « ne devait pas s'appliquer aux sociétés holding au sens de la législation particulière luxembourgeoise. » 93 (Holdings type 1929, devant disparaître au 31 décembre 2010 94).

Dans ces conditions, la marge d'interprétation du juge est nulle et il ne peut que constater que le traité ne s'applique pas à ces personnes. On constate néanmoins que ces exclusions ponctuelles de la catégorie de résident peuvent parfois faire doublon avec d'autres dispositifs plus généraux, ou tout au moins leur faire perdre en intérêt, et que leur multiplication excessive conduirait à vider de substance les conventions fiscales de lutte contre la double-imposition.

À l'inverse, on peut indiquer que certaines conventions, en plus des conditions de résidence, prévoient des listes de personnes qui doivent bénéficier de leurs dispositions en tant que résidentes d'un État. Celles-ci sont « cet État [lui-même], ses subdivisions politiques et ses collectivités locales, ainsi que leurs personnes morales de droit public » 95 .

Enfin, la convention avec les États-Unis ajoute à cette liste de manière exceptionnelle des personnes résidentes, même si elles ne sont pas soumises à l'impôt. Il s'agit pour les résidents américains des trusts de retraite (fonds de pension) ou autres trusts d'investissement et pour les résidents français des sociétés d'investissements à capital variable (SICAV), sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) et sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) 96. Cette inclusion répond plus à une logique économique visant à favoriser les investissements croisés qu'à un raisonnement juridique ; le juge dans ce cas doit faire prévaloir la règle spéciale.

92 Convention franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée par l'avenant du 22 juillet 1997, article 4 § 2 a et b.

93 Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, échange de lettres du 8 septembre 1970.

94 Voir supra n° 26

95 Formulation présente dans les conventions conclues avec le Royaume-Uni, Les États-Unis d'Amérique et dans le modèle de convention OCDE de 2008, article 4 § 1.

96 Convention franco-américaine du 31 aout 1994, modifiée par l'avenant du 13 janvier 2009, article 4 § 2 b.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams