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La Constitution à  l'épreuve des accords politiques dans le nouveau constitutionnalisme africain


par Pihame BARBAKOUA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies en droit public fondamental 2008
  

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Paragraphe II : L'internationalisation des accords politiques : une logique

contestable

Faute de trouver en droit interne un moyen pour offrir une valeur juridique aux accords politiques, certains auteurs et hommes politiques vont se réfugier dans les méandres du droit international, en entretenant l'illusion de l'internationalisation des accords politiques (A). Seulement cette logique ne semble pas résister au test de la rigueur scientifique (B).

A: L'illusion de l'internationalisation des accords politiques

On entend par internationalisation des accords politiques, le fait de considérer

que ceux-ci sont des normes internationales. Cette prétention (1), à y penser, n'est pas dépourvue de tout fondement (2).

1 : La prétendue internationalisation des accords politiques

La prétention selon laquelle les accords politiques seraient des normes

internationales prend sa source aussi bien dans la doctrine que dans la jurisprudence. Plusieurs éléments peuvent l'attester. En effet, le 6 mai 2011, le Président du Conseil Constitutionnel ivoirien Paul Yao N'DRE, après avoir proclamé quelques mois auparavant, la suprématie de la constitution66 pour proclamer vainqueur de l'élection présidentielle de décembre 2010 (résultats contraires à ceux donnés par la Commission Electorale Indépendante (CEI), dont le fonctionnement est soumis au chapelet d'accords qu'a connu la Côte d'Ivoire), déclare ALASSANE OUATTARA vainqueur et reçoit la prestation de serment de ce dernier. Il déclare à cette occasion que « les normes et dispositions internationales acceptées par les organes nationaux compétents, ont une autorité supérieure à celle des lois internes »67.

Relativement à la doctrine, on peut rappeler la position du Professeur Charles DEBBASCH dans son ouvrage intitulé `'L'Etat togolais de 1967 à 2004». Dans cet ouvrage, après avoir qualifié l'accord de Ouagadougou de 1999 d' « engagement politique », l'éminent juriste, soucieux de lui conférer une valeur juridique, déclare : « placé dans le cadre des négociations internationales, l'accord modifie

66 « Les accords de Linas Marcoussis sont nuls et non avenus » avait-il déclaré à la presse. Ces propos ont été rapportés par J.DU BOIS DE GAUDUSSON dans son article sur l'accord de Linas Marcoussis p.44.

67 Cité par DENGUENVA (K.V.) dans Togo presse du 6 mai 2011, n°8531, p.13.

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plusieurs dispositions constitutionnelles et légales en vertu du principe de la suprématie du droit international sur le droit interne »68.

On le voit bien, les exemples peuvent se multiplier. Il semble donc opportun de chercher le fondement d'une telle prétention.

2 : Le fondement de la prétention

Un tel montage n'est pas dépourvu de tout fondement. En effet, lorsqu'on

analyse le processus de formation des accords politiques, on se rend compte qu'il ressemble curieusement au processus de formation des traités. Il s'agit en majorité, des pourparlers suivis de la signature.

Par ailleurs, la présence de représentants de plusieurs Etats et

l'implication sans cesse croissante des Organisations Internationales, semblent être de nature à couvrir les accords politiques du caractère de normes internationales.

En réalité, si tous ces éléments militent de façon incontestable en faveur de l'internationalisation des accords politiques, il reste cependant, qu'une analyse minutieuse des deux phénomènes semble dérouter les accords politiques de la voie commune.

B : L'impertinence de l'internationalisation des accords politiques L'impertinence de la logique de l'internationalisation découle essentiellement

du fait que les accords politiques ne répondent pas à la définition et finalité des normes internationales auxquelles on les assimile (1). Par ailleurs, les juridictions internationales semblent denier aux accords politiques un tel caractère (2).

1 : Les accords politiques et les normes internationales

Les accords politiques se distinguent nettement des normes internationales

notamment les traités et les actes unilatéraux69.

Relativement aux traités, le droit international leur reconnaît deux définitions complémentaires. Il s'agit d'une définition coutumière et d'une définition écrite. Selon la définition coutumière, le traité désigne tout accord entre deux ou plusieurs sujets de droit international, destiné à produire des effets de droit et régi par le droit

68 L'Etat du Togo 1967-2004, Paris, p.29.

69On pourrait volontiers considérer les accords politiques comme des actes unilatéraux conçus comme la manifestation de volonté d'un sujet de droit international. Cependant il ne fait aucun doute qu'ils ne sont pas des actes unilatéraux d'autant plus que les actes unilatéraux font généralement appel à une volonté unique.

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international70. La définition écrite quant à elle, conçoit le traité comme un accord international conclu par écrit et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes et quelle que soit sa dénomination71. De ces définitions, découlent deux éléments fondamentaux : d'une part, que le traité suppose un concours de volonté entre deux ou plusieurs sujets de droit international. D'autre part, que le traité crée des obligations à la charge des parties et est régi par le droit international.

Or, lorsqu'on appréhende les accords, il est clair qu'ils ne sont pas signés entre des sujets de droit international, puisque les partis politiques ne sont pas des sujets de droit international. Par ailleurs, les accords politiques n'ont pas vocation à juguler une crise internationale et donc ne peuvent être régis par le droit international. Ce que semble d'ailleurs corroborer la jurisprudence internationale.

2 : Les accords politiques et la jurisprudence internationale

Les juridictions internationales semblent dénier toute valeur juridique aux accords politiques.

La meilleure illustration en ce domaine reste le cas sierra léonais. En effet, le 7 juillet 1999 fut signé dans la capitale togolaise, I `accord de paix de Lomé dans un difficile et laborieux équilibre entre la paix et la justice en Sierra Leone. Cet acte accorde l'amnistie c'est-à-dire la liberté et le `'pardon absolu» au chef du Front Révolutionnaire Uni (RUF) le défunt Foday SANKOH et aux autres parties prenantes au conflit72. L'accord de Lomé fait suite à celui d'Abidjan du 30 novembre 1998 instaurant un cessez-le-feu entre les belligérants et envisageant déjà cette amnistie.

Poursuivis par le Tribunal Spécial pour la Siéra Léone dont l'article 10 ne reconnaissait pas cette amnistie, les nommés Kallou et Kamara font savoir que toutes les amnisties ne sont pas illégales au regard du droit international et que l'amnistie en question s'imposait aux autorités siéra léonaises en tant que partie

70 SALMON (J), dir., Dictionnaire de droit international, Bruylant, 2001, pp.1688-1689 ;DIHN(N.Q) Droit international public, Paris, LGDJ, 2009, p.118.

71 Ibidem.

72 Art 10 de l'accord `'pardon absolu»

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intégrante de l'accord de Lomé, traité international au regard de la Convention de Vienne sur le droit des traités.73

Examinant la requête des sieurs Kallou et Kamara, la chambre d'appel du Tribunal Spécial a passé en revue deux questions à savoir d'une part, la qualité des parties à l'accord de Lomé et la conséquence juridique de l'article 10 des statuts, et d'autre part, les limites des amnisties en droit international.

Sur la première question (et c'est elle seule qui retiendra notre attention), la chambre estime que l'accord de Lomé qui a été signé, entre autres, par l'ONU et un Etat tiers, ne suffit pas pour en faire un traité international, créateur d'obligations à la charge des signataires. L'ONU et les tiers Etats n'en seraient que des cautions morales. Par ailleurs, le RUF ne disposerait pas du « treaty making power » au regard du droit international et ne serait reconnu, comme tel, par aucun Etat membre de la communauté internationale.

Il en découle donc que les accords politiques ne sont pas des normes juridiques, mais régissent pourtant les institutions au sein de l'Etat.

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