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La Constitution à  l'épreuve des accords politiques dans le nouveau constitutionnalisme africain


par Pihame BARBAKOUA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies en droit public fondamental 2008
  

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B : La difficile compatibilité des accords politiques avec la constitution

L'incompatibilité des accords politiques à la constitution peut être démontrée de deux façons. D'une part, en se fondant sur une analyse substantielle(1) et d'autre part, à travers une analyse fonctionnelle(2).

1 : Une incompatibilité substantielle

Certains auteurs ont prétendu reconnaître une certaine compatibilité des accords politiques avec la constitution, en prônant une approche compréhensive des textes53. Pour ce faire, ils proposent la technique de l'interprétation fonctionnelle54 et

52 L'article 36 de la constitution française de 1958 relatif à l'état de siège, dispose que celui-ci est pris en conseil des ministres. Sa prorogation au-delà de 12 mois ne peut être autorisée que par le Parlement. Relativement à la dictature constitutionnelle l'article 16 de la même constitution dispose « lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation ou l'exécution de ses engagements internationaux, sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des institutions publiques constitutionnelles est interrompu le Président de la République, prend les mesures imposées par les circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il informe la nation par un message. »

53 Relativement à l'accord de Linas Marcoussis, le Professeur. J.DU BOIS DE GAUDUSSON les a présenté en ces termes « moyennant l'adoption d'une approche compréhensive des textes, les modifications recommandées par l'accord ne sont pas incompatibles avec la constitution ». « Accord de Marcoussis entre droit et politique », Afrique contemporaine, pp.45-46.

54 Le Professeur KPODAR distingue trois méthodes d'interprétation qui répondent mieux à la fonction de volonté: il y a en premier lieu l'interprétation génétique par laquelle l'on recherche la volonté réelle de l'auteur du texte, à travers par exemple les travaux préparatoires ; en second lieu l'interprétation systémique, dont l'objectif est d'éclairer un fragment de texte par un autre, et enfin l'interprétation fonctionnelle ou de l'effet utile par laquelle on donne au texte la signification qui lui permettra de remplir la fonction qu'on lui avait attribuée.

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la voie des conventions constitutionnelles55. Seulement, « il reste (...) que cet exercice de juriste, quel que soit le talent et la capacité d'imagination de ce dernier, se heurte à des limites qui épuisent les vertus de sa poursuite sur le plan politique »56. En effet, le Professeur KPODAR a rejeté, dans son célèbre article sur l'accord de Linas Marcoussis, toute compatibilité dudit accord à la constitution fondée sur une telle démarche. Pour le grand théoricien des accords politiques, si le recours au principe de l'interprétation de l'effet utile est un argument inconsistant pour établir la compatibilité de l'accord avec la constitution ivoirienne57, il est également impossible de faire rentrer ce compromis dans les catégories des conventions de la constitution58. En tout cas, il n'est pas prudent d'étendre cette analyse à tous les accords politiques, puisque pour le Professeur DU BOIS DE GAUDUSSON, sur le plan juridique, la conciliation des deux textes passe par la révision de la constitution59. Autrement dit, les accords politiques qui prévoient une révision peuvent être qualifiés de `'compatibles» après celle-ci. En réalité, s'il est vrai qu'une telle révision créerait une compatibilité entre la constitution et l'accord, il s'agirait tout simplement d'une conformisation de la constitution à l'accord politique. Comment admettre juridiquement de soumettre le pouvoir constituant à une « grande mésintelligence »60, organisée par quelques individus à la poursuite de leur intérêt personnel ? Même jusque-là, on peut encore refuser le nom de régime de droit au système installé, puisque la révision pourrait être substantiellement déniée de validité pour deux raisons. La première est relative à la procédure. En effet, on se trouverait en présence d'une simple formalité d'adaptation de la constitution à l'accord politique. Elle serait donc complètement vidée de sa substance61. La seconde est relative aux institutions qui y interviendraient. L'hypothèse est la suivante : à supposer que le Président Laurent GBAGBO révise la constitution, notamment

Au -delà, il faut rappeler que l'interprétation est une opération par laquelle l'on attribue une signification à quelque chose. Voir KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique... » op.cit., p.2512.

55 Une convention constitutionnelle constitue une révision politique de la constitution, ou à tout le moins une interprétation plus ou moins laxiste qui impose grâce à l'accord des acteurs politiques comme norme obligatoire tant le consensus persiste ou qu'une révision juridique expresse ne s'y est pas substituée. Voir DUHAMEL (O.) et MENY (Y.), Dictionnaire de droit constitutionnel op.cit, p.232. Tel que défini, on pourrait valablement penser à y faire entrer les accords politiques. Il faut donc préciser qu'il s'agit des acteurs constitutionnels.

56 DU BOIS DE GAUDUSSON (J.), « Accord de Marcoussis... » op.cit., p.46.

57 « Politique et ordre juridique... » op.cit., pp.2512-2516.

58 Idem.

59 KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique... », op.cit., p.2515.

60 Ibidem.

61 On le verra, les révisions sur l'initiative des accords politiques semblent ne pas respecter l'esprit la procédure prévue à cet effet.

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l'article 35, pour permettre à OUATTARA de présenter sa candidature aux élections présidentielles de 2010. Cette révision serait irréfutablement contraire à la constitution. Parce que l'exercice du pouvoir par Laurent GBAGBO est inconstitutionnel62. Il est donc difficile, voire impossible, de trouver une compatibilité entre les accords politiques et la constitution, même au prix d'une contorsion voire d'une `'alchimie»63 de la constitution.

2 : Une incompatibilité fonctionnelle

Quelle est en réalité la fonction des accords politiques ?

On proclame souvent les avantages des accords politiques, surtout lorsqu'il s'agit de résoudre une crise politique d'envergure militaire. On pense souvent que ce genre de crises dépasse le cadre juridique et ne pourrait donc pas être résolu par des mécanismes juridiques ; et qu'il faudrait chercher ailleurs la solution à une telle situation. Les accords politiques sont alors considérés comme la panacée. Seulement, derrière cette idée de bon sens encore à vérifier64, se cache une véritable volonté de redistribuer le pouvoir aux forces en place65. Dès lors, on se demande comment deux textes contradictoires, ayant une finalité commune peuvent être compatibles.

Par ailleurs, si une telle compatibilité est prouvée, on se demande comment serait contrôlée son effectivité. En effet, on peut s'interroger sur l'attitude du juge constitutionnel. Comment gèrerait-il la contradiction entre les deux énoncés ?

Il semble donc acquis que les accords politiques sont difficilement compatibles avec la constitution. Comme tel, leur positivité est difficilement démontrable sur le plan interne. Le droit international semble, lui aussi, leur dénier toute juridicité.

62 S'il est vrai qu'on pût soutenir que Laurent GBAGBO a été élu Président de la République, on peut valablement soutenir qu'à partir de l'Accord de Linas Marcoussis son règne a progressivement perdu de sa constitutionnalité pour finir par disparaître en 2005.

63 KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique ... », op.cit., p. 2513.

64 Encore faut-il se rassurer que les accords mettent fin à la crise. Cette inquiétude est légitime puisque le Professeur KPODAR constate avec regret que l'accord de Marcoussis n'est pas parvenu à pacifier le pays et qu'il a fallu l'intervention des forces licornes qui ont créé une zone de tampon entre les rebelles et les forces officielles pour arrêter les affrontements.

65 Certains auteurs désignent les accords politiques par un nom évocateur : « accords de partage de pouvoir et de gestion consensuelle ». Voir MOYEN (G.), « Les accords de sortie de crises politiques et constitutionnelles en Afrique : les cas de la République démocratique du Congo et de la Côte d'Ivoire », inédit, p.2.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams