Section première : les obligations et
responsabilités des parties
Les obligations et responsabilité en matière
bancaire sont nombreuses, cependant et vu l'orientation du sujet que nous
traitons, nous allons nous contenter d'avancer que celles étroitement
liées au banquier dispensateur de crédit (sous-section 1) et
celles du client emprunteur (sous-section 2).
Sous-section Première :
responsabilités et obligations du banquier
dispensateur de crédit
La responsabilité du prêteur, souvent banquier,
sera engagée sur le terrain contractuel, ou délictuel. Ce
régime de responsabilité de droit commun s'applique tant pour les
personnes morales, que les personnes physiques, professionnelles ou non.
Dans cette présente section, nous allons dans un
premier lieu différencier entre la responsabilité pour octroi ou
rupture abusif de crédit, et dans un second analyser les obligations
issues de la remise de l'offre de crédit.
I- La responsabilité lors de l'octroi ou la rupture
abusifs de crédit
La responsabilité du banquier distributeur de
crédit est généralement appréhendée à
travers plusieurs arrêts jurisprudentiels, ceci est dû à un
déficit majeur du droit positif en la matière qui n'a pas suivi
l'évolution connue par les techniques de crédit. Certes, les
règles générales du DOC prévues en la
matière ne sont pas absolument surannées, mais pour le moins,
elles demeurent sommaires.
Cependant, devant l'inexistence d'un véritable
système jurisprudentiel, publié et unifié qui aurait pu
permettre une analyse concrète et actualisée des obligations
spécifiques du banquier distributeur de crédit, force est de
recourir pour analyser cette responsabilité, moins à la
jurisprudence qu'aux règles du DOC et au contenu pratique des contrats
de crédit.
Bien que paradoxale, la situation du professionnel de banque
présente quelques particularités. Nous allons dans ce cadre
analyser sa responsabilité lorsqu'il rompt son crédit mais encore
lorsqu'il accorde un crédit trop facilement.
1- la
responsabilité liée à la rupture de crédit :
Le principe générale c'est qu'il n'ya point de
droit au crédit. Nul ne peut donc en vertu de ce principe forcer un
banquier à accorder son concours contre son gré. Le refus de
crédit ne peut alors engendrer ni la responsabilité contractuelle
ni la responsabilité délictuelle du banquier.
On peut donc exclure du champ de responsabilité le
refus légitime puisqu'il se produit avant la formation du contrat, ce
qui n'est pas le cas de la rupture, qui au contraire, intervient après
puisqu'elle exige qu'un concours ait déjà été
accordé.
Cependant, pour qualifier la rupture d'abusive, elle droit
intervenir alors que la situation financière de la personne morale ou
physique n'est pas irrémédiablement compromise, si celle-ci n'a
pas commis de faute grave, ou si certaines formes ne sont pas
respectées.
Ainsi, et afin de limiter le pouvoir du prêteur et
d'éviter tout abus de droit, la réduction ou l'interruption du
concours du banquier ne pourra valablement intervenir que sur notification
écrite et à l'expiration d'un délai de
préavis21 ainsi que la réunion des conditions
précédemment citées. A défaut, il peut être
tenu pour responsable de la défaillance de son client pour avoir
brusquement « coupé les vivres ».22 Par ailleurs et
au sens de la loi édictant les mesures de protection du consommateur,
toute clause est réputée non écrite lorsqu'elle autorise
le fournisseur à mettre fin sans un préavis raisonnable à
un contrat à durée indéterminée, sauf en cas de
motif grave.23
Qu'en est-il alors si la banque opère une rupture abusive
?
Tout d'abord il est à préciser que l'action en
responsabilité peut être intentée par l'emprunteur
bénéficiaire à titre principal du concours ou par toute
personne ayant souffert par la dite rupture intempestive, et ce sur la base des
principes de la responsabilité civile édictée par les
dispositions des articles 77 et 78 du D.O.C.24 et qui engagent la
responsabilité du professionnel qui a manqué de prudence et de
diligence.
Le juge ayant jugé la rupture abusive, va donc ordonner
le rétablissement du concours. Toutes les opérations en
débit rejetées, dans la limite du découvert
antérieurement autorisé, pourront donc être
recomptabilisées.
Ce maintien du découvert sur le compte qui s'impose
ainsi au banquier est une « mesure de remise en état »
destinée à « faire cesser un trouble manifestement illicite
»25. Cependant la responsabilité du banquier ne peut
être retenue si la rupture est sans aucune proportion avec le dommage.
Enfin et comme tout principe a ses exceptions, la rupture
abusive de crédit en connait une multitude. En effet il existe des
exceptions d'origines légales -respect des conditions posées
21 Article 525 du code de commerce : «
L'ouverture de crédit à durée illimitée, expresse
ou tacite, ne peut être résiliée ou réduite que sur
notification écrite et à l'expiration d'un délai
fixé lors de l'ouverture de crédit, ce
délai ne peut être inférieur à 60
jours. »
22 Routier Richard, Obligations et
responsabilités du banquier, 3ème édition
Dalloz
23 Article 18 de la loi n°31-08
édictant les mesures de protection du consommateur
24 Article 77 du DOC :
« Tout fait quelconque de l'homme qui, sans l'autorité de
la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage
matériel ou moral, oblige son auteur à réparer ledit
dommage, lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe. Toute
stipulation contraire est sans effet. »
Article 78 du DOC : « Chacun est
responsable du dommage moral ou matériel qu'il a causé, non
seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu'il est établi que
cette faute en est la cause directe. Toute stipulation contraire est sans
effet. La faute consiste, soit à omettre ce qu'on était tenu de
faire, soit à faire ce dont on était tenu de s'abstenir, sans
intention de causer un dommage »
25 CPC Français, art. 809, al. 1er
et 873, al 1er
par l'article 525 du code de commerce26,
conventionnelles -volonté des parties- et même purement
prétoriennes, où la rupture brutale n'engagera pas la
responsabilité du banquier.
2- la
responsabilité pour crédit inconsidéré :
Le crédit inconsidéré est la limite
opposée à celle d'une rupture intempestive. L'activité du
banquier devient avec celle-ci un art particulièrement difficile
puisqu'il devra impérativement s'exercer entre ces deux
bornes.27 En général, le crédit
inconsidéré du banquier va en fait principalement prendre, soit
la forme d'une incitation à l'endettement ou d'une
irréflexion.
Par ailleurs, et vu l'énorme carence législative
et jurisprudentielle marocaine en la matière, on s'est trouvé
dans l'obligation de recourir à la jurisprudence française afin
de mieux cerner les conditions nécessaires pour déterminer la
responsabilité du banquier en la matière. En effet, Les tribunaux
français déterminent l'octroi abusif de crédit en tenant
compte de trois éléments objectifs et d'un élément
subjectif.
Les trois éléments objectifs qui sont
liés les uns aux autres, visent à démontrer le
caractère inopportun de l'octroi de crédit et son ultime
objectif, l'accroissement de l'insuffisance d'actif.
> Le premier élément objectif
pris en considération d'où sont déduits les deux autres
éléments objectifs est la situation de l'entreprise ; celle ci
doit être irrémédiablement compromise au moment où
le crédit a été consenti. Par contre, il n'apparaît
pas de faute pour favoriser un redressement présentant des chances
raisonnables de succès, au moment de l'octroi ou au moment du maintien
des crédits ;
> Le deuxième élément
objectif pris en considération est l'incapacité de
l'entreprise de rembourser le crédit consenti par ses propres forces
d'exploitation. Exemple : consentir un crédit alors que l'entreprise est
en liquidation judiciaire. Ainsi, l'utilité de la constatation de ce
second élément objectif a pour objet non seulement de mettre en
relief le caractère inopportun, voire insensé de l'octroi du
crédit, mais également de démontrer la carence et
l'imprudence du banquier.
> Le troisième élément
objectif pris en considération est la conséquence
naturelle des précédents, il s'agit de l'accroissement de
l'insuffisance d'actif engendrée par l'octroi de nouveaux
crédits. L'exigence de ce troisième élément
objectif vise à démonter que le but ultime atteint par l'octroi
de ce crédit inopportun consiste dans l'aggravation du passif de
l'entreprise qui se traduit par un accroissement de l'insuffisance d'actif
disponible.
> L'élément subjectif quant a
lui consiste dans la connaissance par le banquier des trois
éléments objectifs au moment où il a consenti le
crédit. L'utilité de la constatation de cet élément
subjectif par le tribunal vise à démonter le caractère
abusif du crédit puisqu'il a été consenti en connaissance
de causse par le banquier.
Ainsi la mise en jeu de cette responsabilité exige
l'existence d'une faute qui a causé un préjudice à autrui
et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
26 Article 525 du code de commerce : «
[...]Qu'elle soit à durée limitée ou illimitée,
l'établissement bancaire peut y mettre fin sans délai en cas de
cessation notoire de paiements du bénéficiaire ou de faute lourde
commise à l'égard dudit établissement ou dans
l'utilisation du crédit [...] »
27 Routier Richard, Obligations et
responsabilités du banquier, Dalloz 2011
Concernant la qualité pour agir, et vu que
principalement, la faute peut être commise au préjudice des tiers
qui auront été leurrés par l'apparente solvabilité
du débiteur, l'action visant à obtenir réparation de la
poursuite d'activité peut être intentée par n'importe qui
sous réserve naturellement qu'il ait intérêt à
agir.28 Cependant, le droit dérogatoire des procédures
de redressement et liquidation judiciaire modifie toutefois sensiblement
l'exercice de l'action en responsabilité pour crédit abusif. En
effet, puisque aux termes de l'article 642 du code de commerce « Sous
réserve des droits reconnus aux contrôleurs, le syndic a seul
qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des
créanciers », un créancier ne pourra pas engager
directement d'action contre le banquier.
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