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Droit au respect de la vie privée des personnes et droit de l’information en Côte d’Ivoire.


par AKA MARCELLIN KOFFI
Université de Cocody Abidjan Cote d'Ivoire - Diplome d'Etudes Approfondies (DEA) en droit privé fondamental 2005
  

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B- La détermination des sanctions.

De prime abord et comme leur nom l'indique, ces sanctions, en effet, ne sont que civiles. Nous avons écarté de notre étude, ici, l'atteinte à l'honneur et à la considération, droits subjectifs certes capitaux et permanents, mais leur reconnaissance est traditionnelle, leurs poursuites par la diffamation et l'injure sont pénales d'origine et d'essence. Et même lorsque celles-ci sont limitées au civil, elles n'en sont pas moins enfermées dans une procédure spécifique et complexe définie par les nouvelles lois sur la presse du 14 décembre 2004. Par ailleurs, si l'atteinte à la vie privée de la personne peut aussi donner lieu à des sanctions pénales, les poursuites sont, en ce sens, très rares car elles supposent l'emploi de procédés techniques de captation (enregistrement, transmission à l'insu).

Pour traiter de la sanction civile des atteintes au droit au respect de la vie privée, nous allons, successivement, recenser deux types de sanctions. Les unes tendent à la réparation de l'atteinte (1) tandis que les autres visent d'autres actions (2).

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Droit au respect de la vie privée et droit de l'information en côte - d'ivoire.

1- La réparation pécuniaire des atteintes au droit au respect de la vie privée.

Au regard de la loi, l'existence de la responsabilité civile a pour effet d'obliger celui par la faute de laquelle cette responsabilité a été établie à réparer le préjudice causé sous la forme de dommages et intérêts1. Aux abus commis par écrits, reportages et réalisations journalistiques, s'appliquent ou devraient normalement s'appliquer les dispositions des articles 1382 et suivants du code civil qui déterminent le régime général de la responsabilité civile. Tout fait « qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Il appartient au juge, dans le cadre d'un contrôle a posteriori, en cela respectueux de la liberté d'expression, d'établir la faute et la relation de cause à effet entre la faute et le dommage, et de déterminer, par voie de conséquence, le mode de réparation qui lui apparaîtra le mieux adapté. Par une telle responsabilité civile, il s'agit d'assurer la réparation du dommage subi par la victime des abus commis par les auteurs ou professionnels des médias. Cela contribue bien davantage à rétablir dans leur droit les personnes injustement mises en cause et doit normalement suffire à dissuader les auteurs de commettre de tels excès ou de telles violations. Cette forme de responsabilité paraît souvent mieux adaptée aux excès commis du fait de la rédaction d'un texte ou de la diffusion d'un reportage2. La victime d'une atteinte à son droit à la vie privée peut donc obtenir du juge des dommages et intérêts pour indemniser le préjudice subi. En général, il s'agit de l'allocation ou de l'attribution à la victime d'une somme d'argent compensatoire qui constitue la réparation proprement dite (notamment du préjudice moral et matériel). Les dommages et intérêts sont censés réparer l'intégralité du préjudice direct et prévisible subi par la victime. L'évaluation du dommage et intérêt est du ressort du juge. A cet effet, lors de l'atteinte au droit à l'image de dame Kamé N'daw, le juge statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort avait condamné in solidum les éditions Jean Claude Nourault et la librairie de

1 Code civil, art. 1382

2 J. L Martin - Lagardette, op cit, p.232

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France, prises en la personne de leurs directeurs respectifs, à la demanderesse la somme de 500 000 francs à titre de dommages et intérêts.1

Par contre, le droit de réclamer des dommages et intérêts pour non respect des droits de la personnalité est un droit personnel. Il ne peut donc être exercé que par la personne victime des intrusions des journalistes et non par sa famille, même proche2. C'est ainsi que la veuve d'un homme filmé lors d'une tentative infructueuse de réanimation par une équipe de secours n'a pas eu le droit d'intenter un procès pour atteinte à la vie privée, après la diffusion du reportage. Seul son époux, s'il avait survécu, aurait pu intenter une telle action.

De façon générale aux Etats-unis, les journalistes sont rarement condamnés. Toutefois, le montant des dommages et intérêts versés est souvent considérables (plusieurs centaines de milliers de dollar) lorsque le défendeur est une maison d'édition ou une chaîne de télévision importante3

Toutefois une critique fondamentale est apportée à cette réparation pécuniaire. Le dommage résultant du droit de la personnalité étant par hypothèse extra patrimonial, comment peut-il être réparé en argent ?

A ce propos, on admet que l'indemnité pécuniaire qu'on accorde à la victime de l'atteinte du fait du journaliste ne répare pas ce qui est par essence irréparable mais offre à tout le moins une compensation satisfaisante A cet égard, après verdict de la cour d'appel d'Abidjan en date du 28 juillet 1999 qui s'est montée plus clémente en condamnant les journalistes prévenus Diégou Bailly et Joachim Beugré au paiement de cinq millions de francs CFA à titre de dommages et intérêts au ministre Ezan Akélé, soit le centième de ses prétentions .

Mais dans tous les cas, le juge peut accorder, une réparation autre que pécuniaire lorsqu'elle apparaît plus appropriée. C'est par exemple le cas de la publication forcée de la décision de condamnation ou d'un extrait de cette décision,

1 Trib.P.I Abidjan, 29 juillet 1976, RID, n° 1-2 p. 36

2 Anonyme, vie privée, droit de la personnalité aux Etats-unis http// :www.senat.fr/IC33/C33/htm/# fn8

3 Idem

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rectifiant ainsi, auprès du public, une information trompeuse ou erronée et en modifiant ou atténuant les effets1.

En revanche, d'autres mesures peuvent accompagner ou suppléer la réparation pécuniaire.

2- Les autres mesures ou sanctions.

Les autres actions tendant à la réparation de l'atteinte issue de la diffusion illicite de la vie privée visent toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte et le droit de réponse.

a- Toutes mesures visant la cessation de l'atteinte.

Toute victime d'une atteinte aux droits modernes de la personnalité peut, en effet, à sa demande, obtenir du juge l'ordonnance de toute mesure visant à faire cesser immédiatement l'atteinte ou pour prévenir les atteintes ultérieures.

Ces mesures sont expressément issues de l'art. 9 du code civil français, applicables aussi en Côte d'Ivoire selon les mesures prises dans ce sens par le juge ivoirien.

Cet article stipule : « chacun a droit au respect de sa vie privée (loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens).

Les juges peuvent, prescrire toutes mesures telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée... ».

Dans cette perspective, le premier remède prévu par les dispositions légales et réglementaires en matière de presse pour violation des droits modernes de la personnalité, en l'espèce, le droit à la vie privée est l'action en cessation.

Dès que les conditions légales sont réunies, c'est-à-dire lorsque la personne, victime de la publication a subi un préjudice (moral ou matériel), le juge doit, sur requête de l'intéressé, donner l'ordre de cessation de l'acte illicite. La cessation peut prendre la forme d'une interdiction absolue de la publication ou certains

1 E. Derieux, « justice pénale et droits des médias », justices, D, n° 10, Avril-Juin 1998, p. 139-149 et « la responsabilité des médias, responsables, coupables, condamnables, punissables ? » JCP, 1999, I, 153.

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passages de la publication seulement s'il y a possibilité de répétition de l'article illicite, le juge peut agir préventivement.

De plus, le juge peut ordonner d'autres mesures telles que séquestre, saisie ou retrait du commerce des publications incriminées (photographies par exemple), la suppression de certains passages assimilables à une vraie censure et ne se justifient que si les descriptions ou divulgations incriminées revêtent un caractère intolérable compte tenu de leur gravité. C'est pourquoi dans l'affaire Kamé N'daw, le juge ordonna la saisie et la destruction des clichés, des cartes postales et de l'ouvrage intitulé « Côte d'Ivoire » au besoin sans astreinte comminatoire de 5.000 francs par jour de retard.1 Et l'article 72 de la loi n° 2004-643 du 14 décembre 2004, portant régime juridique de la presse confirme ces dites mesures. Il dispose :« les exemplaires d'un journal ou d'un écrit périodique peuvent faire l'objet d'une saisie par voie judiciaire dans les cas de toutes formes de violences exercées à l'encontre des personnes physiques et morales ainsi que sur leurs biens »

Le juge peut aussi prescrire la publication de la décision de condamnation. Autrement dit le juge peut ordonner l'insertion de la décision de justice dans la presse.

Ces mesures sont propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité des droits modernes de la personnalité à savoir le droit à l'image, le droit à la vie privée, le droit à la présomption d'innocence, le droit au nom, le droit à la voix, le droit à la propriété intellectuelle. Par ailleurs, le juge peut reconnaître à la personne lésée un droit de réponse.

b- Le droit de réponse ou réparation en nature.

Le droit de réponse est, pour les cours et tribunaux qui le rappellent ou l'ordonnent très souvent, « un droit général et absolu »2. En consacrant ce droit en son article 13, le législateur français de la loi du 29 juillet 1881 et aujourd'hui tous

1 Trib.P.I Abidjan, 29 janvier 1976, RID, op. cit. p. 36

2 J. Ravanas, op. cit, p. 333

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les législateurs nationaux et internationaux, avec en ce qui nous concerne les deux nouvelles lois du 14 décembre 2004 sur le droit de l'information en général, a attendu rétablir un certain équilibre entre les particuliers et la presse. Face à la puissance considérable de la presse, qui s'exerce notamment par l'influence qu'elle a sur le jugement de ses lecteurs, auditeurs et téléspectateurs puis sur la formation de l'opinion publique, il est nécessaire d'assurer à tout individu la défense de sa personnalité. Le droit de réponse n'est point une réplique à une mise en cause d'un individu ou d'un organe de presse comme pourrait le penser certaines personnes. Il est la sanction d'une atteinte illicite aux droits de la personnalité d'un individu. C'est pourquoi, « on ne saurait trop insister sur l'importance de cette institution..., elle est apparue comme le moyen le plus approprié de lutter contre l'abus le plus criant, le plus dangereux de la liberté d'expression : la diffusion de fausses nouvelles. »1

Ce qui a fait dire à Ruy Barbosa que « le remède du mensonge est dans la vérité. »2

Le droit de réponse est donc une sanction qui permet de mettre les deux droits et libertés c'est-à-dire les deux droits de l'homme à savoir droit de l'information et droit au respect de la vie privée sur le même pied d'égalité pour ne pas que le premier abuse du second compte tenu des moyens qu'il utilise pour son exercice.

Ce droit de réponse a été ainsi instauré pour protéger les personnes mises en cause dans les médias contre les abus des journalistes.

En Côte d'Ivoire, ce sont les articles 55 et 150 respectivement des lois n° 2004-643 portant régime juridique de la presse et n° 2004-644 portant régime juridique de la communication audiovisuelle du 14 décembre 2004 qui définissent le droit de réponse.3

Selon la première disposition « toute personne mise en cause dans un journal ou écrit périodique peut exiger l'insertion d'une réponse, si elle estime que la

1 F. Terrou et Lucien Solal, le droit de l'information, UNESCO, paris, 1951 in le droit de réponse de Freitas Nobre, nouvelles éditions Latines, paris, 1973, p. 8

2 F. Nobre, le droit de réponse, Nouvelles éditions latines, paris, 1973 p. 8

3 J.O. de République de Côte d'Ivoire, n° spécial, Accords de Linas Marcoussis, quarante sixième année, n° 2 du jeudi 30 décembre 2004, p. 71 et 88

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citation qui la concerne est erronée, diffamatoire ou qu'elle porte atteinte à son honneur, à sa réputation, à sa dignité.» Pour ce faire, le directeur de publication sera tenu d'insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne mise en cause dans le journal ou écrit périodique quotidien, et dans le plus prochain numéro pour les autres. Cette insertion devra être faite à la même place et dans les mêmes caractères que l'article qui l'aura provoquée et sans aucune intercalation.1 Pour ce qui est des journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le Directeur de publication sera tenu d'insérer la réponse dans le prochain numéro.

Aux termes de la seconde disposition « toute personne physique ou morale dispose d'un droit de réponse dans le cas où des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d'une activité de communication audiovisuelle ; le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu'il propose d'y apporter. La réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message contenant l'imputation invoquée. Elle doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message précité. »

La demande d'exercice du droit de réponse doit être présentée dans les huit (8) jours suivant la diffusion du message contenant l'imputation qui la fonde. En cas de refus ou du silence gardé sur la demande par son destinataire dans les quatre (4) jours suivant sa réception, le président du tribunal sur saisine du demandeur peut ordonner sous astreinte la diffusion de la réponse. Il peut déclarer une ordonnance exécutoire sur minute nonobstant toutes les voies de recours.2

La réponse doit être pertinente c'est-à-dire non abusive. En outre, l'insertion de la réponse doit être gratuite.

En définitive, dans les deux cas, qu'il s'agisse de la réparation pécuniaire ou des autres actions ou sanctions, le juge peut statuer en référé. C'est ce qui ressort

1 Loi n° 2004-643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse, art. 56

2 Loi n° 2004-644 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la communication audiovisuelle, art. 151

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de l'article 9 du code civil français in fine «ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.» et qui sont aussi appliquées par la jurisprudence ivoirienne.

A côté de ces sanctions civiles, si l'usage ou la diffusion des droits de la personnalité et partant du droit au respect de la vie privée fait apparaître une intention de nuire, l'affaire sera alors traitée au pénal. En conséquence, des sanctions pénales pourraient en résulter.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway