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Quelle politique de formation mettre en oeuvre dans les établissements de santé pour accompagner la transition numérique et les possibles usages de l'intelligence artificielle (IA) ?


par Elisabeth Berthelot
IGS - Master Ressources Humaines 2020
  

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II. L'accompagnement mis en place

Toutes les structures, qu'elles soient privées ou publiques, dans le secteur sanitaire ou pas ont un point commun : l'objectif. Toutes les entreprises et tous les établissements publics partagent cela : avoir un ou plusieurs objectifs. C'est important de le rappeler. C'est la base de tout, là où il faut revenir quand on perd le sens ou qu'on arrive au bout d'une organisation, d'une manière de travailler. Quel est l'objectif et comment y arriver dans l'environnement dans lequel nous nous trouvons ? C'est la question que doit se poser régulièrement tout un chacun dans son contexte professionnel (cela fonctionne également dans de nombreux autres contextes de groupes à l'échelle individuelle comme à l'échelle de la société mais le débat n'est pas là). Quand on a l'objectif, on a le sens. J'entends sens tant dans sa définition de signification que de direction à prendre. Une fois qu'on a tout cela, on peut définir comment y arriver. L'accompagnement des professionnels est un pan essentiel de la stratégie d'atteinte des objectifs, qu'il s'agisse de formation, d'encadrement, d'accompagnement individuel. Il développe ou renforce les compétences de chacun et de l'entité globale et satisfait chaque individu aussi bien que l'employeur quand il est bien fait. C'est une clef de réussite économique et sociale.

Afin de définir une proposition d'interprétation de ce qui est mis en place dans le secteur sanitaire concernant l'accompagnement au changement que représente l'implantation de nouvelles technologies qui peuvent être dotées d'intelligence artificielle, j'ai décidé de m'appuyer sur les témoignages d'une dizaine de professionnels travaillant majoritairement dans ou avec les établissements de santé. Il me parait intéressant de noter que la totalité des personnes interrogées, quels que soit leur âge, leur cursus ou leur métier actuel ont connus plusieurs contextes professionnels et envisagent encore et toujours le changement. Certains ont exploré de multiples secteurs d'activité et mêmes plusieurs métiers parfois très éloignés et d'autres toujours dans le secteur sanitaire et médico-social mais avec des enjeux, des contextes et des cultures qui ont pu être extrêmement différents. A noter que les directeurs d'hôpital public ont, pour la grande majorité, été formés au changement et à la pluridisciplinarité dès leur formation initiale.47

Tous s'entendent sur le fait que le changement, qu'il s'agisse d'un changement de métier, d'employeur, de contexte professionnel ou d'évolution sur un même poste a bien plus

47 Sauf exceptions, notamment sur les postes de directeur des systèmes d'information, directeur des achats et directeurs de la logistique, les directeurs d'hôpital public ont effectué une formation, dans le cadre de la formation initiale ou continue, à l'École des Hautes Eudes en Santé publique (EHESP - également surnommée École de Rennes), dont le fonctionnement est similaire à celui de l'École Nationale d'Administration (ENA) avec une approche pluridisciplinaire

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d'avantages que d'inconvénients tant sur la pérennité de l'emploi que sur la capacité à s'adapter de chacun. A l'échelle d'une collectivité, il doit être accompagné.

A. L'accompagnement mis en place à l'échelle de l'établissement

Que l'on parle à l'échelle de l'individu ou d'une organisation complexe, le changement est nécessaire à un moment ou un autre. Toutes les structures ne sont pas logées à la même enseigne. Concernant l'accompagnement mis en place dans les structures sanitaires, le directeur des ressources humaines d'un grand Centre Hospitalier Universitaire rappelle à juste titre que : « On n'est pas sur la même temporalité, sur les mêmes activités, sur la même maturité quant à l'intégration des nouvelles technologies dans la prise en charge des patients. Là où [tel hôpital] était très en avance sur l'intelligence artificielle, [tel hôpital] très en retard, [tel hôpital] est à un stade intermédiaire avec la volonté de mettre en place des outils et une capacité très impressionnante à se développer au service des patients. »48. L'accompagnement n'est donc de fait pas le même d'un hôpital à un autre.

On ne peut pas développer un plan de développement des compétences intégrant un accompagnement spécifique lié à un projet d'établissement de refonte des services d'accueil et administratifs par exemple sans prendre en compte sa taille ou sa culture comme le rappelle Jérôme Carfantan, coach agile, lorsqu'il nous parle d'agilité : « L'agilité, ça ne fonctionne pas s'il n'y a pas un terrain propice à cette culture de l'agilité. La culture de l'agilité c'est l'entraide, le partage, l'exemplarité, l'intelligence collective. Qui dit intelligence collective dit on se fait confiance. On valide cette confiance par du feed-back régulier. Ça c'est la culture, en quelques secondes, de l'agilité. Si le terreau culturel de la structure n'est pas en ligne avec ça, on a un problème. Traiter ce problème c'est faire du coaching de dirigeant, je ne vois que ça. Tout le monde ne le fait pas. Moi-même je ne le fais pas systématiquement. Si ce sont de petites organisations, je peux le faire. Quand ce sont de grosses structures, je n'ai peut-être pas le carnet d'adresse suffisant pour le faire. A terme, j'arriverai peut-être y accéder. Le premier sujet, c'est donc valider la culture et ce n'est pas le cas dans le milieu médical. C'est peut-être par là qu'il faut commencer. Ensuite on peut commencer à diffuser les pratiques. »49.

Les notions de strates hiérarchiques trop importantes et d'acculturation nécessaire ressort effectivement de la quasi-totalité des entretiens qui ont été menés et ont un impact direct sur la manière dont les professionnels sont accompagnés. Les DRH, que ce soit de CHU,

48 Annexe 4 : Interview DRH CHU

49 Interview Jérôme Carfantan, Auteur, conférencier, coach agile - Annexe 14 : Interview professionnel accompagnement Jérôme Carfantan

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d'établissement de l'AP-HP, l'infirmière ou les professionnels de l'accompagnement, tous l'ont noté. Pauline Cuisine, infirmière à l'ESMPI (Établissement de Santé Mentale Portes de l'Isère) parle même d'interdiction d'envoyer des requêtes ou des informations directement à la direction des ressources humaines : « Aujourd'hui, je ne peux pas contacter ma DRH. Je n'ai pas le droit d'appeler ou d'envoyer un email à ma DRH. C'est interdit. Si je le fais j'ai un avertissement. Avant on pouvait passer la porte du DRH, dire bonjour et lui demander un CET par exemple. Maintenant il y a :

- 1/ Une cadre de proximité - 2/ Un cadre sup

- 3/ Une directrice des soins - 4/ La DRH

- 5/ La direction générale

J'ai une collègue qui au lieu de passer par la cadre de proximité a envoyé sa lettre à la directrice des soins et qui s'est pris un blâme pour ça. Elle a dû faire une lettre d'excuse à la cadre pour lui dire qu'elle était désolée de ne pas être passé par elle. Quand on en est là, on est bien... ça me choque beaucoup de ne pas pouvoir contacter la DRH, d'autant qu'on n'est pas chez Google, on est une fondation locale, on est 50. Il y a trop de strates. Ça déshumanise. On parlait tout à l'heure de communication et pour communiquer tu ne mets pas 15 personnes au-dessus de toi et le même nombre de strates pour des demandes simples. Ça donne l'impression que le but est qu'il n'y ait justement pas de communication. »50

Nicolas Delmas, DRH de l'hôpital Bichat, par rapport à ses propres expériences, précise que « dans le secteur public, tout est très hiérarchisé, que ce soit l'assemblée nationale avec les élus et les parlementaires, à la cour de justice de l'union européenne et particulièrement à l'hôpital. Les contre-exemples existent néanmoins. »

Tous ont à coeur que les choses bougent et sont eux-mêmes actifs pour les faire bouger en changeant leur manière de communiquer où en se proposant comme référent sur des projets clefs. Le directeur des ressources humaines d'un CHU (Centre Hospitalier Universitaire) est arrivé sur un établissement où la direction n'est pas située à l'hôpital mais en centre-ville. « L'enjeu depuis que je suis arrivé est de remettre tous les gens de la direction générale sur site, de leur dire : " Maintenant vous allez travailler avec les vrais gens. Vous arrêtez d'envoyer des mails et vous allez sur le terrain, expliquer, rencontrer les cadres. " Ce n'était pas le cas avant. Notre métier va donc être très impacté par ces nouveaux outils qui vont nous permettre

50 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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d'être sur le terrain. ».51 Les nouvelles technologies sont vues à juste titre par certains comme un levier extraordinaire pour engager le changement par rapport aux nombreuses défaillances de l'hôpital qui ont été mises en exergue par le personnel soignant durant toutes les manifestions de ces dernières années.

Certains établissements ont déjà mis en place un accompagnement spécifique dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire. Là aussi tous ne sont pas logés à la même enseigne et il en reste de nombreux dans lesquels rien n'a été engagé en termes d'accompagnement. Quoiqu'il en soit, les Directions des ressources humaines doivent continuer à mettre en place des accompagnements spécifiques afin de créer un sentiment d'appartenance au groupement hospitalier plutôt qu'au seul établissement. Tout cela devra être fait en lien direct avec le projet d'établissement pour donner un sens à tout cela. Adrien Deudon, consultant en transformation digitale pour les hôpitaux, l'énonce parfaitement : « L'accompagnement au changement c'est comprendre d'où on part, savoir où on veut aller et accompagner les professionnels à sauter d'une étape à l'autre du mieux possible. Ce n'est pas non plus sans douleur mais c'est clair, cela a du sens, c'est transparent pour tout le monde. C'est un accompagnement collectif. »52

A côté de cela, il existe encore des services de ressources humaines qui ne connaissent pas les projets de leur établissement ni des services : « la RH nous a récemment avoué qu'elle attribuait les formations avec un tableau Excel avec des prix. Ça a pour conséquence que quand une infirmière est dans l'unité depuis 4 ans et qu'elle demande à faire une formation en médiation cognitive, la responsable des ressources humaines refuse à cause du coût que cela représente alors que l'unité veut faire de la médiation cognitive. Elle a conscience que l'outil qu'elle utilise n'est pas adapté. »53 Que peut-on déduire d'un tel témoignage ? Que la remise en question permanente, la connaissance du personnel, des projets de l'établissement et la veille, non pas uniquement juridique comme beaucoup auraient tendance à le penser mais également technologique ne sont pas des options pour un service de ressources humaines.

Aujourd'hui l'hôpital souffre d'un manque de moyen dans l'accompagnement du processus de modernisation des établissements de santé alors que l'accompagnement sur et avec les nouvelles technologies va de pair avec les défis territoriaux et de délégation de compétence.

51 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

52 Interview Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, Jouve - Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien Deudon

53 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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« Selon le premier « observatoire de la formation en santé » présenté en décembre 2018 lors des Assises nationales hospitalo-universitaires, 73 % des professionnels de santé interrogés s'estiment mal formés en matière de numérique, d'intelligence artificielle et de robotisation. Ils sont presque 90 % à penser que les changements apportés par ces technologies posent des questions en matière d'éthique, qu'elles vont transformer leurs métiers et qu'elles nécessitent de former mieux et plus souvent les acteurs de la santé. Mais ils sont moins nombreux à penser que cela peut améliorer les diagnostics (65 %) et la qualité des soins (48%). »54

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault