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La photographie du territoire, entre donnée personnelle et donnée publique

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par Azéline Boucher
Université Paris Descartes - Master 2 - Droit des Activités Numériques 2017
  

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B/L'autorisation de publication

Avant d'avoir recours à l'anonymisation pour publier ses documents, l'administration peut s'appuyer sur deux autres fondements pour légitimer sa diffusion. Des dispositions législatives peuvent prévoirla publication dedocuments administratifs comportant des données à caractère personnel (1). Les personnes concernées peuvent égalementdonner leur accord à cette publication (2).

1. L'autorisation donnée par la loi de diffuser

L'article L312-1-2 du Code des relations entre le public et l'administration prévoit qu'en cas de dispositions législatives expresses, les documents administratifs comportant des données à caractère personnel peuvent faire l'objet d'une publication. Il n'existe toutefois pas de dispositions législatives prévoyant expressément la diffusion d'images du territoire comportant des données nominatives. En revanche, l'article 11 de la directive INSPIRE, l'article L127-10 du Code de l'environnement ou encore l'article 2 du décret statutaire de l'IGN prévoient la diffusion des bases de données géographiques et donc des images du territoire. Il convient alors de savoir si ces bases de données peuvent être publiées même lorsqu'elles contiennent des données personnelles.Si tel était le cas, le traitement devra encore être en conformité avec le reste des obligations inhérentes à la protection des données à caractère personnel.

L'article L312-1-2 du Code des relations entre le public et l'administration prévoit qu'un décret, pris après avis motivé de la CNIL, établira une liste des catégories de documents qui peuvent être rendus publics sans avoir fait l'objet d'une anonymisation. Prévu pour janvier 2017, nous sommes toujours dans l'attente de sa publication. Aussi, la diffusion, sur un fondement légitime, des données géographiques comportant des informations nominatives reste sujette à interprétation.

Dans sa délibération n°2012-087 du 29 mars 2012 portant autorisation unique de traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre dans le cadre d'un SIG, la CNIL a déjà conscience de la nature ambivalente de la donnée géographique : « Une base de données géographiques de référence a pour finalité de cartographier un territoire, local ou national, aux fins d'une meilleure gouvernance de l'aménagement territorial. Elle comporte les références, le dessin et/ou l'adresse de la parcelle qui permettent indirectement d'identifier le propriétaire de la parcelle. Ces données constituent donc des données à caractère personnel. » Ainsi, une donnée de référence peut comporter des données personnelles.

Cette délibération est en date de 2012, la loi Lemaire n'était donc pas encore promulguée et la publication des bases de données géographiques de référence imposée. Néanmoins, l'IGN publiait déjà sur son Géoportail les données du RGE. Comment s'organisait alors la diffusion de ces données avec la protection des données nominatives issues des informations concernant l'adresse ou la parcelle ? Comment était définie l'étendue des destinataires de cette base de données géographiques de référence ? Dans l'article 4 de la délibération, la CNIL affirme que « le public peut accéder directement par internet à une interface de consultation des informations contenues dans une « base de données géographiques, locale ou nationale, de référence » (« BGR ») qui ne peut inclure « aucune information aÌ caracteÌre personnel autre que le deìcoupage parcellaire et les adresses des parcelles ».Aussi, la diffusion des informations relatives aux propriétés bâties sur la parcelle (habitations principalement) repose sur un autre fondement que la déclaration de 2012.

Les membres de la CADA ont également fait valoir que si cette autorisation précise que «Toute publication sur internet de cette géolocalisation est soumise à un droit d'opposition de la personne concernée. Ce droit se matérialise par une échelle de publication garantissant l'absence d'identification directe ou indirecte des personnes concernées par les résultats. »,cette disposition d'une norme édictée par la CNIL ne saurait déroger à l'article 38 de la loi Informatique et Libertés, qui permet d'écarter le droit d'opposition en cas d'obligation légale125(*).Sur quel fondement législatif repose alors la diffusion des images du domicile ?

La directive INSPIREdisposea contrarioque l'administration peut publier des ortho-images comportant des données à caractère personnel dès lors qu'il n'existe pas de législation nationale ou communautaire prévoyant la confidentialité de ces données personnelles. Néanmoins, la loi Informatique et Libertés, ainsi que le RGPD ont mis en place un régime de protection de telles données. Ainsi, dès lors que l'ortho-image comporte des données à caractère personnel, l'accès du public à ces photographies devrait être encadré.

La directive INSPIRE précise encore que les motifs de restriction à l'accès des données personnelles sont « interprétés de manière stricte, en tenant compte, dans chaque cas, de l'intérêt que l'accès à ces informations présenterait pour le public ». L'accès à la représentation complète et détaillée du territoire prévaut-il alors sur la préservation de la vie privée d'individus dont le domicile ou la propriété peut être identifié ? La description du territoire est consacrée dans le décret statutaire de l'IGN comme une mission de service public, de même que la diffusion des bases de données géographiques. Aussi, il peut être considéré que la description du territoire comprend la représentation des immeubles. L'intérêt de la diffusion serait donc plus important que celui de la protection de l'information personnelle entourant un bâtiment.

A l'inverse, comment établirquela protection des données à caractère personnel  est plus importante que l'intérêt de l'accès du public aux ortho-images? Il pourrait être envisagé une appréciation in concreto selon un« seuil », en s'inspirant peut-être du trouble anormal de la jurisprudence relative au droit à l'image des biens.

Dans un arrêt Volker und Markus Scheckedu 9 novembre 2010126(*), relatif à la diffusion en ligne, en vertu d'un règlement européen, des noms de personnes physiques bénéficiaires de fonds européens dans le cadre de la politique agricole commune, la Cour de justice de l'Union européenne rappelle également la nécessité d'un équilibre entre l'intérêt de la diffusion en ligne pour le public et l'intérêt de l'absence de publication pour la personne concernée. Il convient donc de vérifier, alors même que la publication des données est prescrite, si des mesures alternatives à la diffusion de données à caractère personnel sont envisageables. Si tel n'est pas le cas, il convient alors de mettre en balance les deux intérêts pour savoir lequel prévaut.

En matière de description du territoire et de diffusion des photographies ou ortho-images, il n'existe néanmoins aucune alternative permettant à la fois de publier des données précises ; et de préserver le droit à la protection des données personnelles des individus dont le domicile ou la propriété apparait sur ces images. Il semblerait, en outre, que dans une société où la transparence s'accroit de jour en jour et où les entreprises, et désormais les particuliers, sont friands de données de qualité, l'intérêt de l'accès aux informations géographiques prévaut sur le « droit de se clore ».

Peut-être alors que le seul véritable fondement127(*) à la publication des documents administratifs comportant des données à caractère personnel repose sur le consentement de la personne concernée.

2. Le consentement de la personne concernée

Deux conditions alternatives sont prévues par la directive INSPIRE pour la diffusion des ortho-images du RGE qui comportent des données nominatives :l'absence de dispositions législatives consacrant la confidentialité de ces données ; ou le consentement de la personne concernée.

La collecte des prises de vue aérienne ou spatiale ne fait pas l'objet d'un consentement de la part des personnes dont le domicile ou la propriété apparait sur les images. Aussi, il parait inopportun d'envisager l'accord de ces mêmes personnes pour la diffusion de ces images. En outre, les modalités de recueil du consentement seraient trop lourdes à mettre en place pour l'administration puisqu'il conviendrait d'établir une liste des photographies d'immeubles permettant d'identifier le locataire ou le propriétaire ; puis de contacter ces personnes et de s'assurer de leur accord.

La publication des images du territoire comportant des informations nominativesse fonde donc sur une obligation légale. Qu'en-est-il alors de la réutilisation de ces informations par des personnes privées ou des entreprises ?

II -La réutilisation des prises de vues

L'individu ou la multitude d'individus, en possession de documents administratifs comportant des données à caractère personnel, n'est pas nécessairement libre de les exploiter. L'article L322-2 du Code des relations entre le public et l'administration conditionne, en effet, cette réutilisation au respect de la loi Informatique et Libertés(A). Afin d'assurer le respect de la vie privée dans la réutilisation de ces données, la CNIL a prévu d'adopter un pack de conformité en matière de données publiques (B).

* 125Conseil 20171751, Ministère des solidarités et de la santé, CADA, séance du 24 mai 2017

* 126CJCE, 9 novembre 2010, aff. C-92/09 et C-93/09, Volker und Markus ScheckeGbR et HartmutEifert c/ Land Hessen, § 59 ; Europe 2011, comm. 2, note D. Simon

Voir également : CE, ss-sect. 10, 30 décembre 2015, n° 376845, Association Juricom et associés c/ CNIL ; CCE 2016, comm. 36, note A. Debet

* 127 Il est moins sujet à débat que l'anonymisation ou l'existence d'une disposition légale.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry