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De la prise en charge du toxicomane en détention et du suivi à sa libération

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par Philippe THOMAS
Université Paris VIII - DEA droit de la santé, médical et médico-social 2006
  

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3.1 - la sortie de détention avec obligation de soins

Pour que soit traité son problème de toxicomanie, le détenu doit être dépisté à son arrivé en détention par l'UCSA ou le SPIP, (V. première partie : les difficultés du dépistage) Le détenu peut signaler sa toxicomanie.

Si le prévenu est reconnu comme toxicomane, il peut être contraint à une injonction de soins, qui alourdirait son contrôle judiciaire dans le cas :

· D'une mise en liberté provisoire comme le précise l'art.138 du CPP.

· D'une condamnation à une peine de prison avec sursis et mise à l'épreuve,

· D'une mesure de libération conditionnelle.

La principale raison qui pousse un délinquant à ne pas signaler son problème de toxicomanie est la lourdeur du suivi à laquelle il risque d'être soumis. Ce qui incitait autrefois le toxicomane à signaler son addiction était une certaine mansuétude des pouvoirs judiciaires sur les délits annexes à l'usage et la détention de stupéfiants.

Robert BADINTER a remis en question cette pratique dans une circulaire du 17 septembre 1984 où il estimait que l'injonction thérapeutique avait atteint ses limites. Cette remise en cause fut renforcée par la circulaire interministérielle du 14 janvier 1993, qui exposait que « l'abandon des poursuites ne peut plus être envisagé que pour les infractions liées à la détention et à l'usage et si l'usager consent à une obligation de soins ».

Notre époque a adopté une politique de « rupture » par rapport à la « relative impunité », dont bénéficiaient les personnes intoxiquées. Dans une jurisprudence du 4 mai 1972, La Cour de cassation exposait que « la loi du 31 déc. 1970 prévoit au profit de ceux qui se soumettent spontanément à une cure de désintoxication une cause d'extinction de l'action publique dont l'intéressé doit faire état devant le tribunal ». Stupéfiants ou alcool sont devenus aujourd'hui des circonstances aggravantes.

C'est pourquoi, la personne qui commet un délit, en dehors de la législation sur les stupéfiants ou l'alcool, n'a pas un grand intérêt à déclarer qu'elle est toxicomane, si son cas ne relève que d'une petite infraction passible de quelques semaines à quelques mois de détention.

En effet le contrôle de l'autorité judiciaire « astreint la personne concernée » à se soumettre, selon la décision du juge d'instruction « ou du juge des libertés et de la détention », à une ou plusieurs des obligations dont celle de « se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication » ces dispositions ont fait l'objet d'une réforme par la loi du 5 mars 2007.

Les dispositions de l'article L.3423-1 du CSP, de la loi 5 mars 2007 ont élargi le nombre des personnes habilitées à « enjoindre un personne ayant fait un usage illicite de stupéfiant de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique.. ». 125(*)

Désormais le procureur de la République pourra ordonner cette mesure sur une période allant de six à deux ans, la loi précisant que « La durée de la mesure est de six mois, renouvelable trois fois selon les mêmes modalités ».

Le Code de la santé publique vise tous les patients en relation avec le système de santé, qu'ils soient privés de liberté ou non. Au regard de l'article L 3425-2 du CSP de la loi du 5 mars 2007, le refus d'injonction thérapeutique est sanctionné comme suit : Le fait de se soustraire à l'exécution de la décision ayant ordonné une injonction thérapeutique est puni des peines prévues aux articles L. 3421-1 et L. 3425-1.

Cette contrainte est-elle opposable aux principes constitutionnels de la sauvegarde de la personne humaine et de la liberté individuelle ?

L'idée du consentement d'un patient avait été introduite dans l'arrêt TEYSSIER de 1942, il est développé avec l'article 1111-4 du CSP et inscrit à l'article 16-3 du code civil et dans le code de déontologie médicale. Dans une décision du Tribunal administratif de Lille le 25 août 2002, le juge précise les dispositions de l'article 1111-4 du CSP et le principe de l'inviolabilité du corps humain qui se rattache au principe constitutionnel de la sauvegarde de la personne humaine et de la liberté individuelle.

L'autonomie de la personne est liée à sa liberté de décider, le refus de soins qu'il oppose devient souverain. L'article L 1111-4, alinéa 3, du CSP dispose en ce sens « qu'aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

L'idée de la liberté de la volonté exposée en principe fondamental n'est pas nouvelle, le contrat social de Jean Jacques Rousseau le définissait ainsi : Renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. (...) Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme, et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté. "

Ces notions philosophiques ne font pas obstacle aux peines d'emprisonnement encourues, en cas d'inobservation des obligations qui seront imposées.

L'injonction thérapeutique peut être ainsi décidée, soit comme une condamnation à titre principal, soit à titre accessoire d'une peine principale, et le refus de cette injonction est désormais pénalisé, sans avoir pris en compte l`évolution du consentement en droit fondamental.

Est-il donc possible de contraindre un droit fondamental ?

La convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas d'une tendresse particulière avec le toxicomane et expose dans son article 5.1 que « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales ....

(a) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi »

(e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou un vagabond.

Il semble donc que la répression sanctionnant le non respect d'une obligation ? Quelle soit une injonction thérapeutique, ou une obligation de soins, ne soit pas contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3.1.1 - La reconnaissance d'une maladie dans l'obligation d'un traitement

La reconnaissance de la maladie qui affecte le toxicomane s'observe tout d'abord dans la nécessité d'une thérapie que l'on retrouve abondamment dans la sémantique employée par le législateur et le juge, « l'injonction thérapeutique » comme « l'obligation de soins » ou comme le précise l'article 131-36-4 du Code pénal « l'injonction de soins ».

Le suivi prévu pour un toxicomane est strictement médical, son suivi dépend du ministère de la santé et non pas du ministère de la justice. Désormais ce sont les médecins, les psychiatres et les psychologues qui accompagnent la personne qui souffre d'une addiction.

Cependant il ne s'agit pas pour le monde judiciaire de reconnaître la dépendance d'une substance toxique comme une véritable maladie. On ne saurait poursuivre une personne parce qu'elle est malade mais seulement parce qu'elle a commis une ou plusieurs infractions.

L'usage de stupéfiants suppose l'infraction de possession, il est ainsi possible d'extraire de cette ambiguïté de la loi, une politique de marginalisation accrue à l'encontre des toxicomanes. Le juge possède à cet effet toutes latitudes pour décider si les poursuites se feront sur le délit de possession126(*), qui prévoit jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 7.500.000 euros d'amendes* ou celles plus douce de l'usage qui concerne le code de la santé publique127(*).

Cette stratégie de criminalisation sur des groupes d'individus distincts est une thèse défendue par Loïc WACQUANT 128(*)qui dénonce « le traitement punitif de l'insécurité et de la marginalité sociale (...) ainsi que « la gestion policière et carcérale de la misère » en concluant « au renforcement de l'Etat pénal parallèlement à l'affaiblissement de l'État économique et du retrait de l'État social »

Les conséquences de la toxicomanie place son consommateur dans le processus d'une mise à l'écart social en lieu et place d'un traitement médical. Le phénomène de criminalisation de cohortes et groupes, observé aux États-unis semble venir s'installer sur le vieux continent tant la répression reste la seule solution envisagée par le législateur en mal d'idée sur le phénomène de la toxicomanie.

Les aggravations des peines contenues dans la loi du 5 mars 2007 peuvent en témoigner. Ainsi le délit de provocation prévue à l'article L 3421-4 aggrave la peine de cinq ans à sept ans de prison et de 75.000 à 100.000 euros d'amende. La Cour de Cassation a par ailleurs retenue la responsabilité du diffuseur français dans un arrêt du 25 octobre 2005 129(*) sur la publication d'un magazine d'origine étrangère qui avait publié un article favorable à l'usage du cannabis.

Michel FOUCAULT écrivait au milieu des années soixante dix que « La pénalité moderne n'ose plus dire qu'elle punit des crimes ; elle prétend réadapter des délinquants.» 130(*)Notre époque semble aujourd'hui ne plus nier la répression comme un élément honteux mais la dissimule sous une montagne de textes et de projets difficiles à réaliser.

SOUS SECTION 1

* 125 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance - Chapitre VI : Dispositions tendant à prévenir la toxicomanie et certaines pratiques addictives.

* 126 Article 222-37  du code pénal (L. no 92-1336 du 16 déc. 1992)

* 127 L.3421-1 du CSP sur le délit d'usage « peines maximales d'un an d'emprisonnement et 3 750 € d'amende »

* 128 WACQUANT L., Les prisons de la misère, Paris, Édit. Raisons d'agir 1999

* 129 Cour de cassation : Crim 25 oct. 2005 : D.2005 IR 2970

* 130 Michel FOUCAULT - Surveiller et punir - Page 153 - Gallimard 2007

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote