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Le refus de la linéarité dans l'adaptation cinématographique de la Rue Cases-Nègre de Joseph Zobel

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par Théophile Muhire
Université Natinale du Rwanda - Licence en Lettres 2004
  

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3.2.1 Hiérarchie topographique de La rue Cases-Nègres

Dans la première partie du roman, le récit se déroule au Petit-Morne (à la rue Cases), dont la topographie spatiale est disposée selon une configuration triangulaire, le Petit-Morne reflétant la structure pyramidale du régime de plantation (LRCN, p.17). La typologie hiérarchique est déjà précisée par le narrateur :

« La rue Cases-Nègres se compose d'environ trois douzaines de baraques en bois couvertes en tôles ondulées et alignées à intervalles réguliers, au flanc d'une colline. Au sommet, trône, coiffée de tuiles, la maison du géreur, dont la femme tient boutique. Entre la « maison » et la rue Cases, la maisonnette de l'économe, le parc à mulets, le dépôt d'engrais. Au dessous de la rue Cases et tout autour, des champs de cannes, immenses, au bout desquels apparaît l'usine. Le tout s'appelle ici Petit-Morne »(LRCN, p. 17)

Cette description permet de donner des détails certes difficiles à porter sur écran, mais on se rend compte que la caméra, sans s'écarter radicalement du texte romanesque, tâtonne quant à la différenciation de la « maison » et de autres baraques avoisinantes. D'ailleurs aucune maison, parmi celles montrées par la caméra, n'est couverte de tuiles.

Quoique l'esclavage soit aboli depuis 1848, Zobel nous présente un univers où le travail agricole s'inscrit dans un système économique à base servile. Au début du roman, l'enfant a une vision idyllique des champs de cannes. Sa perspective d'enfant nous offre un regard innocent et parfois bucolique sur les travailleurs et les travailleuses agricoles. Cette vision idyllique de José fait place à une vision tragique de l'existence de ses mêmes travailleurs, par suite des expériences q'il a vécues. Comme c'est difficile à porter sur écran, l'image des champs de cannes ne change pas dans le film.

Dans le roman, la technique de la juxtaposition apparaît dès le début : l'enfant s'étourdit dans la description d'une journée de bonheur (LRCN, pp. 9-17) et d'une journée de malheur (LRCN, pp. 17-39). Et encore nous avoue-t-il que l'une est une occasion rare tandis que l'autre résume plutôt l'existence quotidienne. Dans le film, cette précision est rendue par la voix off de José sur laquelle s'ouvre le premier acte.

La juxtaposition de l'image du paradis tropical et de celle de l'enfer des plantations témoigne de la logique binaire qui règle les conduites et les relations sociales. Le glissement d'une image « paradisiaque » de l'île à une image « infernale » invite le lecteur à prendre conscience des passions économiques et des expressions diverses des travailleurs agricoles devant la souffrance. Ce glissement se veut vraisemblable, naturel, d'autant plus qu'il coïncide avec le développement du protagoniste, José Hassam, à travers ses diverses expériences de la vie. La juxtaposition entre le narrateur adulte et l'enfant-personnage n'est pas accentuée dans le roman afin de renforcer la liaison entre le protagoniste et le lecteur. Zobel crée cette liaison afin de développer sa présentation de l'île d'une manière qui ne choque pas le lecteur, à en juger par la première description du roman :

« il y a de grands arbres, des huppes de cocotiers, des allées de palmiers, une rivière musant dans l'herbe d'une savane. Tout cela est beau » (LRNC, p. 17).

On comprend très vite qu'il s'agit là d'un regard naïf et innocent. Dans le film, ni ces arbres, ni ces huppes de cocotiers, ni ces allées de palmiers, rien de tout cela n'est visible. Seule la rivière muse dans l'herbe d'une savane.

La symbolique du soleil nous fournit aussi un cas intéressant :

« Je pense que le soleil est une excellente chose parce qu'il conduit nos parents au travail et nous laisse jouer en toute liberté » (LRCN, p.13).

Pour les enfants, l'absence des adultes en vient à signifier la liberté (LRCN, p. 39). Les relations de pouvoir que vivent les parents trouvent leurs expressions, tantôt positives tantôt négatives, dans leurs relations avec leurs enfants. La peur des grandes personnes est certes beaucoup plus avouée dans le roman. Quelques séquences du film y font explicitement allusion : lorsque José avait barré le chemin à ses camarades qui voulaient entrer dans la maison de M'man Tine, il a suffi que l'on aperçoive l'économe pour que tout le monde se faufile à l'intérieur de la maison, avec le consentement de José qui, lui aussi, avait pris peur.

En somme, trois lieux méritent une attention particulière, du fait qu'ils remplissent un rôle de décor-héros dans La rue Cases-Nègres. Ces lieux sont les champs de cannes, l'école et la ville.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon