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Le refus de la linéarité dans l'adaptation cinématographique de la Rue Cases-Nègre de Joseph Zobel

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par Théophile Muhire
Université Natinale du Rwanda - Licence en Lettres 2004
  

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3.2.2 Les champs de cannes, lieu de souffrance

Globalement, l'organisation « architecturale » de l'interminable champ de cannes est la même dans les deux récits. Cependant, alors que le roman ne s'attarde pas beaucoup à la description du champ, le film, lui, semble beaucoup jouer sur sa fonction actantielle : à peine la caméra a-t-elle quitté le village pour un plan général sur l'immense champ de cannes que le spectateur devine déjà la souffrance, la fatigue et le travail forcé qui attendent les nègres qui s'y rendent très tôt. Le roman, par contre, tient à expliquer le déroulement du travail et à admirer la vigueur des « coupeurs » de cannes :

« Leur demi-nudité noire ou bronzée, leurs haillons crasseux, avivés par la lumière, la sueur qui les inondait, qui plaquait le long de leurs dos et sur leurs poitrines des reflets répondant à l'éclair qu'allumait les coutelas à chaque brandissement de bras ; l'espèce de bruit de fond accumulé par la paille piétinée, les « amarres » jetées en arrière et rattrapées par les amarreuses pour ligoter les dix cannes du paquet le tassement des dix paquets en une pile ; ces chansons qui ne cessaient pas, de temps en temps ponctuées d'un ébrouement et d'un sifflement aigu échappé d'une poitrine au paroxysme de l'effort » (LRCN, p. 64).

Même si le champ avait été décrit avec la naïveté de l'enfant narrateur, la façon dont José voit les cannes a fortement changé vers la fin du récit :

« Aucune sympathie pour les champs de cannes à sucre. En dépit de tout mon plaisir à mordiller et à sucer des bouts de cannes, un champ représentait toujours à mes yeux un endroit maudit où les bourreaux qu'on ne voyait même pas condamnent des Nègres, dès l'âge de huit ans à sarcler, bêcher, sous des orages qui les flétrissent et des soleils qui dévorent comme feraient des chiens enragés ; des Nègres en haillons, puant la sueur et le crottin, nourris d'une poignée de farine de manioc et de deux sous de rhum de mélasse, et qui deviennent de pitoyables monstres aux yeux vitreux, aux pieds alourdis d'éléphantiasis, voués à s'abattre un soir dans un sillon et à expirer sur une planche crasseuse, à même le sol d'une cabane vide et infecte » (LRCN, p. 163).

La description du champ et celui du travail est reprise dans le film. Au plan du cadrage, de la prise de vue et des images, le champ semble bénéficier d'un certain privilège. Ainsi remarque-t-on qu'il domine l'écran et même, au village, tout l'arrière plan. « Le sixième segment » de Noël Burch40(*) est occupé par un champ qui s'étend à l'infini. Au total, la caméra semble lui donner une place beaucoup plus prépondérante dans l'espace visuel et imaginaire (hors-champ).

Dans le film, plus que dans le roman, le champ assume très bien son rôle de décor-héros, car il est le pilier même de la souffrance des Nègres de La rue Cases-Nègres. Il serait donc impensable de diminuer l'ampleur ou l'immensité du champ et de ses plantes. Son étendue est proportionnelle à la souffrance qu'il occasionne.

* 40 Burch, N, Une praxis du cinéma, Paris, Folio Essais, 1986, p. 39. Dans cet ouvrage Noël Burch nous dit que le sixième segment comprend tout ce qui se trouve derrière le décor ou derrière un élément du décor.

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