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Liberté de circulation et d'établissement dans l'UEMOA

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par Bagnon Gnagbo César ZOUHO
Université de Cocody-Abidjan - DEA de droit public 2006
  

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PARAGRAPHE II : LA LIBRE CONCURRENCE

C'est presqu'un truisme de dire que la liberté d'établissement suppose le libre accès et le libre exercice des activités économiques. Ces activités sont le plus souvent l'apanage des acteurs nationaux (publics ou privés). Les rédacteurs du traité de Dakar ont bien compris que l'existence d'un marché ouvert et concurrentiel pourrait être un excellent moyen pour aboutir à l'objectif ultime de l'instauration du marché commun100(*).

L'édiction d'une législation communautaire de la concurrence participe donc dans une certaine mesure de la mise en oeuvre de moyen pour aboutir à la liberté d'établissement.

Pour l'instant, celle-ci s'oriente autour de deux axes principaux. Elle comprend en premier lieu les règles qui s'adressent aux entreprises (A), et en second lieu, celles qui visent les comportements des Etats membres ou des autorités publiques (B).

A- LES REGLES APPLICABLES AUX ENTREPRISES101(*)

Dans l'optique d'une concurrence pure et parfaite, il est interdit aux entreprises de constituer des ententes illicites ou d'abuser de leur position dominante

L'article 88 du traité de Dakar n'évoque pas explicitement le terme « entente ». C'est seulement à l'article 3 du règlement 02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l'intérieur de l'UEMOA que la notion apparaît. En réalité, cette notion d'entente renvoie à une série de pratiques qui traduisent la « collusion entre entreprises dans un but illicite »102(*) ; il s'agit notamment des accords103(*), décisions d'associations104(*) et des pratiques concertées105(*). Notons que la législation communautaire n'interdit les ententes que lorsque celles-ci se révèlent anticoncurrentielles à l'image de certains « accords limitant l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises »106(*). On peut aisément déceler le bénéfice que les entreprises de l'Union pourront tirer de telles dispositions notamment pour l'exercice de la liberté d'établissement consacrée par le Traité.

La proscription de l'abus de position dominante n'empêche pas la création ou le renforcement d'une position dominante. Il s'agit simplement « d'empêcher que l'exercice de la puissance économique n'entraîne un dysfonctionnement des lois du marché contraire à l'intérêt général »107(*). La position dominante peut s'entendre comme « la situation où une entreprise a la capacité, sur le marché en cause, de se soustraire à une concurrence effective, de s'affranchir des contraintes du marché, en y jouant un rôle directeur »108(*). Il y a exploitation abusive de cette position dominante lorsque l'entreprise adopte un comportement sur le marché afin d'obtenir des avantages qui ne pourraient pas l'être en cas de concurrence suffisamment efficace. L'article 4 du règlement 02/2002/UEMOA fournit à ce propos une panoplie d'exemples. Mais la perspective économique et pragmatique du droit de la concurrence conduit à prêter attention au contexte économique. Ainsi pour certains auteurs, l'abus peut résulter moins d'un comportement particulier, que des conséquences de l'action de l'entreprise dominante sur la structure du marché109(*). En interdisant à une entreprise ou à un groupe d'entreprises de s'accaparer de la totalité d'un marché donné, les rédacteurs du Traité de l'UEMOA ont voulu permettre à toute personne ou entité rattachée à l'Union de s'installer et d'exercer son activité sur le territoire de tout Etat membre.

Au-delà des entreprises, la législation communautaire de la concurrence vise aussi l'action des Etats membres de l'UEMOA.

B- LES REGLES APPLICABLES AUX ETATS

La construction communautaire implique plus les Etats membres de l'UEMOA que leurs entreprises. Ceux-ci ont l'obligation de réaliser les objectifs du Traité. Dans le domaine de la libre concurrence, cela se traduit par le respect du principe l'interdiction des aides publiques.

L'aide publique se présente ici comme « toute mesure qui entraîne un coût direct ou indirect, ou une diminution des recettes, pour l'Etat, ses démembrements ou pour tout organisme public ou privé que l'Etat institue ou désigne en vue de gérer l'aide et qui confère ainsi un avantage sur certaines entreprises ou productions »110(*). Par cette formule générale, les rédacteurs du Traité ont voulu appréhender la très grande diversité des moyens à la disposition des pouvoirs publics. Cette formule permet de prendre en compte non seulement l'action de toutes les autorités publiques, à l'échelon national comme international, mais aussi les aides apportées par le canal d'entreprises publiques ou privées dans lesquelles la puissance publique a une influence déterminante. Si les subventions sont bien entendu visées, les sacrifices directs ou indirects consentis par les pouvoirs publics le sont aussi car ils sont équivalents par leurs résultats111(*).

Certaines aides publiques sont interdites de plein droit ; ce sont d'une part « les aides publiques subordonnées, en droit ou en fait, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, aux résultats à l'exportation vers les autres Etats membres » et d'autre part « les aides subordonnées, soit exclusivement, soit parmi plusieurs conditions, à l'utilisation des produits nationaux de référence à des produits importés des autres Etats membres »112(*). Pour les autres, c'est à la Commission de l'UEMOA qu'il appartient de déterminer le caractère nocif ou non de l'aide113(*).

Cela dit, la quasi-totalité des Etats membres de l'UEMOA étant interventionniste, exiger une abstention totale de la puissance publique eut été irréaliste. C'est pourquoi le principe de l'interdiction des aides publiques admet des dérogations.

Celles-ci concernent les aides qui ont pour effet de pallier les insuffisances ou les faiblesses du marché. En pratique, il  faudrait que « sans l'aide, le jeu des forces du marché ne permette pas à lui seul au bénéficiaire d'adopter un comportement qui contribuerait à atteindre un des objectifs visés à la dérogation »114(*).

Cette possibilité de dérogation constitue une voie ouverte à l'apparition d'obstacles majeurs à la mise en oeuvre effective de la liberté d'établissement.

En conclusion de cette première partie sur la consécration de la liberté de circulation et d'établissement, deux remarques peuvent être formulées. La liberté de circulation et d'établissement est valable pour toutes les catégories de personnes. Elle vaut pour les personnes physiques pour autant que celles-ci soient originaires d'un Etat membre de l'UEMOA et qu'elles aient la volonté d'exercer leur activité économique en dehors de leur Etat d'origine. Elle vaut également pour les personnes morales, et particulièrement les sociétés lorsque celles-ci sont rattachées d'une manière ou d'une autre à l'espace communautaire. Outre son champ d'application ratione personae, la liberté de circulation et d'établissement se démarque par la diversité et la plasticité de son contenu. Ainsi, l'on a pu découvrir que la liberté de circulation et liberté d'établissement revêtent divers aspects, l'objectif ultime étant d'assurer le bien être de toutes les personnes liées à la sous région. La liberté de circulation et d'établissement existe donc bel et bien dans l'UEMOA et constitue même un pan important de la construction communautaire.

Cela dit, cette étude serait incomplète si elle n'allait au-delà de cette vision fortement teintée d'optimisme. Il est bon à présent d'orienter nos investigations vers les limites de la liberté de circulation et d'établissement.

DEUXIEME PARTIE :

UNE LIBERTE LIMITEE

La consécration de la liberté de circulation et d'établissement est partie de l'idée que l'intégration économique dans l'espace UEMOA passe par le développement des activités économiques des personnes physiques et morales qui en sont originaires. Cette vision acquise, d'aucuns seraient tentés de croire que la mise en oeuvre de cette liberté communautaire ne souffre d'aucune entrave. Malheureusement, l'examen des données empiriques et théoriques donne de constater que la liberté de circulation et d'établissement connaît de nombreuses limites.

Certaines limites sont inhérentes à l'UEMOA (Titre I). Celles-ci se justifient par le fait que l'intégration économique ne doit pas entrer en contradiction avec les intérêts souverains des Etats. En conséquence, il est normal de laisser à ces derniers la liberté de protéger les secteurs vitaux qui garantissent leur souveraineté. Sur cette base, l'article 91 alinéa 1 exclut les emplois de la fonction publique du domaine de la liberté de circulation et d'établissement. Cette volonté de ne pas perturber le fonctionnement des Etats membres suscite également l'émergence de limitations justifiées par des raisons liées à l'ordre public, à la sécurité publique et à la santé publique.

Les autres limites émanent pour l'essentiel des Etats membres de l'organisation sous régionale (Titre II). Il est facile de constater que ces entraves étatiques sont légion. Qu'il s'agisse d'obstacles directs ou d'entraves indirectes, on peut dès à présent déplorer le fait que les gouvernements ouest africains ne s'impliquent pas suffisamment dans la recherche des voies et moyens pour assurer l'effectivité de la liberté de circulation et d'établissement. Les pages suivantes aborderont successivement les deux catégories de limites.

* 100 - C'est pourquoi l'article 88 du traité interdit de plein droit :

« a- les accords, les associations et pratiques concertées entre entreprises, ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'union ;

b- toutes pratiques d'une ou de plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ;

c- les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

* 101 -  Dans l'application de la législation communautaire de la concurrence, la notion d'entreprise se définit comme « une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériel exerçant une activité économique, à titre onéreux, de manière durable, indépendamment de son statut juridique, public ou privé, et de son mode de financement jouissant d'une autonomie de décision. Ainsi, au sens des règles de concurrence de l'union, les entreprises peuvent être des personnes physiques, es sociétés civiles ou commerciales ou encore des entités juridiques ne revêtant pas la forme d'une société ».

Annexe 1 au règlement n°03/2002/CM/UEMOA.

* 102 - GAVALDA (Christian) et PARLEANI (Gilbert), Op.Cit, P.309.

* 103 - L'existence d'un accord entre parties au sens de l'article 88 paragraphe a n'implique pas nécessairement un contrat écrit. Il suffit que l'acte résulte d'un accord de volonté entre les parties.

Cf annexe 1 au règlement n°03/2002/CM/UEMOA.

* 104 - Les décisions d'association d'entreprises se manifestent notamment sous la forme de délibérations des associations professionnelles, Ibid.

* 105 - « La pente naturelle d'un droit de la concurrence est de dépasser les situations juridiques formelles et visibles pour essayer d'appréhender les situations économiques concrètes. La concurrence peut être faussée par des comportements qui ne procèdent pas d'accords ou de décisions (...). Le terme de pratique laisse supposer qu'il faille comportement particulier sur le marché faisant suite à la concertation. Mais une pratique peut aussi être négative, résulter d'une abstention anormale ou encore ne pas être identique pour tous les concertistes, pour autant que les comportements soient la suite de la concertation ».

GAVALDA (Christian) ; PARLEANI (Gilbert), Op.Cit, P.312.

* 106 - Article 3 § a du règlement n°02/2002/CM/UEMOA.

L'article 3 ne se limite pas à cette seule pratique ; il interdit entre autres :

« a- les accords visant à fixer directement ou indirectement le prix, à contrôler le prix de vente, et de manière générale à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; en particulier des accords entre entreprises à différents niveaux de production ou de destruction vivant à la fixation du prix de revente ;

c- les répartitions des marchés ou les sources d'approvisionnement, en particulier des accords entre entreprises de production ou de distribution portant sur une protection territoriale absolue ;

d- les limitations ou les contrôles de la production, des débouchées, du développement technique ou des investissements ;

e- la discrimination entre partenaires commerciaux aux moyens de conditions inégales pour des prestations équivalentes ;

f- les subordinations de la conclusion de contrats à l'acception, par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de liens avec l'objet de ces contrats ».

* 107 - MBENDANG EBONGUE (Job), « Les pratiques anticoncurrentielles collectives dans le cadre de la loi camerounaise n°90/031 du 10 Août 1999 sur l'activité commerciale. », in RECUEIL PENANT, n°823, P.165.

* 108 - Annexe 1 au règlement n°03/2004/CM/UEMOA.

Ce document fournit les critères de la position dominante à savoir :

- la part du marché qu'occupe l'entreprise sur le marché en cause `critère le plus déterminant)

- l'existence cde barrières à l'entrée

- l'intégration verticale

- la puissance financière de l'entreprise ou de groupe auquel il appartient.

On découvre aussi une définition de la notion de marché en cause.

C'est le résultat de la combinaison entre le marché de produits de cause (tous les produits et/ou services que le consommateur considère interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et leur usage auquel ils sont destinés) et le marché géographique en cause (territoire sur lequel les entreprises concernées contribuent à l'offre de produits et de service, qui présente des conditions de concurrence suffisamment homogènes et qui peut être distingué des territoire limitrophes par le fait notamment que les conditions de concurrence y sont sensiblement différentes).

* 109 - GAVALDA (Christian), PARLEANI (Gilbert), op.cit, P.391

* 110 - Article 1 § b du règlement n°04/2002/CM/UEMOA relatifs aux aides d'Etat à l'intérieur de l'UEMOA et aux modalités d'application de l'article 88 (C) du Traité.

* 111 - GAVALDA (Christian) ; PARLEANI (Gilbert), Op.cit, P.468-469

* 112 - Article 4 du règlement n°04/2002/CM/UEMOA

* 113 - Ainsi, l'article 2 paragraphe 2 précise : « dans le cadre de son examen de l'impact des aides publiques sur le jeu de la concurrence, la commission tient compte des besoins des Etats membres en ce qui concerne leur développement économique et social dans la mesure où les échanges entre les Etats membres et l'intérêt de la communauté d'atteindre son objectif d'intégration ne sont pas mis en échec ».

* 114- GAVALDA (Christian) ; PARLEANI (Gilbert), Op.cit, P.474.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard