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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

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ABSTRACT 

Political offence is defined according to an objective conception as actions that directly strike a blow at an interest or a privilege of political nature, such an infringement on the existence or the organization of the state, otherwise when the social value protected by the penal qualification is political. According to another conception, subjective, any offence can be qualified of politics ever since then the aims those inspire it threat the same interests and prerogatives. Although none of these definitions satisfies the criminologists of the world, the existence of this offence is still recognised and accepted through the application of a different treatment to his authors which distinguishes them from so-called common law infractions. They enjoy certain privileges among which, the exemption from common law courts and the application of a particular sentence called detention, political penalty in excellence. Cameroon has a long while respected these external signs. But, in 1990, without any other precision on the political prisoners' status, the national lawgiver will do away with the detention sentence and the political offence. This situation lead one's up to ask if confusion must be made between the existence of political prisoners and political offence. Because, while this infraction is suppressed, the legislator knowingly or by lack of lucidity, was at the same moment creating a new jurisdiction competent only in repression of political offences by nature. Whence the query actually in Cameroon about the existence or not of political offence.

INTRODUCTION GENERALE

La classification des infractions fondée sur leur nature amène à distinguer généralement les infractions de droit commun des infractions politiques et militaires. L'infraction de droit commun n'ayant pas de définition propre, on en est réduit à la qualifier de celle qui n'est ni politique ni militaire. La reconnaissance à côté des infractions ordinaires d'infractions politiques soumises à un régime particulier spécifique peut être inspirée par des raisons très variables.

Le grand juriste Guizot écrit : « l'immoralité des délits politiques n'est pas aussi claire ni aussi immuable que celle des délits de droit commun ; continuellement modifiée et observée par les vicissitudes des choses humaines, elle varie en suivant le temps, les événements, les droits et les mérites du pouvoir et vacille à tout instant, sous les coups de la force, qui prétend donner une forme selon ses besoins. Difficilement, dans la sphère de la politique, on trouve des actes innocents ou méritoires qui n'ont pas reçu en quelque partie du monde une inculpation légale... Or, tandis que personne ne veut légitimer les crimes contre les personnes ou la propriété, il se trouve toujours une fraction, plus ou moins grande de la population qui donne une certaine approbation aux délits politiques »1(*). De cette présentation faite par Guizot, on comprend que l'infraction politique est une notion contingente. En effet, certains groupes, certains individus, qui furent accusés de « saper les fondements de l'ordre établi », ont fini par représenter l'ordre établi : Dans bien des pays, les monarchistes furent remplacés par les républicains, les libéraux par les socialistes ou les colonisateurs par les colonisés, et leur propre pouvoir (est) menacé déjà par d'autres groupements qui préparent l'assaut du pouvoir...

De même, Me Lachaud, dans sa plaidoirie en défense du maréchal Bazaine disait : « les procès politiques ont cela de particulier que le criminel politique d'aujourd'hui peut devenir le héros de demain, et que, sur le lieu du supplice, on fait plus tard une apothéose et on dresse une statue ».

Quel est cependant le contenu de l'infraction politique ? Au coeur de cette notion se trouvent l'idée de l'infraction et l'idée de politique.

L'infraction d'abord, d'après Raymond Guillien et Jean Vincent, est une action ou omission définie par la loi pénale et punie de certaines peines également fixées strictement par celle-ci2(*).

Le concept politique quant à lui, disait Voltaire « ...porteur de nombreux sens différents, est l'un des plus ambigus du vocabulaire français s'employant au masculin tantôt au féminin »3(*). Au masculin, le politique est « l'espace social dans lequel les individus choisissent de soumettre leur conflit d'intérêts à la régulation d'un pouvoir qui détient le monopole de la coercition légitime »4(*). Au féminin, la politique est « la science du gouvernement des Etats »5(*) ; elle est encore « l'art et la pratique des gouvernements des sociétés humaines »6(*).

La qualification de politique attribuée à un fait social est variable, et rend difficile voire impossible une définition claire du fait qu'elle qualifie. Raison pour laquelle il n'existe pas à proprement parler une définition satisfaisante de cette infraction. Le législateur camerounais à l'instar de son homologue français ayant préféré le mutisme, nous pouvons néanmoins, avec Henri Lévy-Brühl, résumer quelques observations permettant de la définir :

a) Le mot politique est mal choisi pour le (délit) désigner : il est en effet trop étroit. De nombreuses infractions aux législations religieuses sont dénuées de motifs égoïstes : sacrilège, hérésie, blasphème..., ont longtemps figuré parmi les délits d'une grande gravité. Il existe des délits politico-sociaux qui appartiennent à la même catégorie : luttes syndicales et manifestations politiques, par exemple. Par conséquent, il n'y a pas que les délits qui concernent le gouvernement des Etats qui appartiennent à cette catégorie. En effet, ces derniers, comme les délits religieux et sociaux sont inspirés par le même genre de motivation. C'est pour cela que Lévy-Brühl suggère le terme « délit idéologique ».

b) plus que toutes les autres, la catégorie qui nous intéresse est liée aux courants d'opinion et aux principes dominants dans la société.

Au 20e siècle, deux espèces d'Etats sont à distinguer, car on y envisage les infractions politiques d'une façon fort différente : les Etats démocratiques d'une part et les Etats autoritaires d'autre part. dans ces derniers, les infractions politiques sont considérées avec une extrême sévérité et la notion même du droit de l'individu est pratiquement inexistante, le pouvoir cherchant alors à éliminer systématiquement toute forme de contestation de son ordre établi, de sa politique par « l'écrasement » des opposants réels ou supposés. Tel était le cas dans bon nombre d'Etats et particulièrement du Cameroun à travers la diabolisation de l'adversaire politique qui était promu au rang d' « ennemi de la nation », c'est le subversif de l'ordonnance n° 62/OF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion. Ces Etats procèdent ainsi à la création de délits aux contours délibérément vagues, la subversion devenant une faute extensible mieux une faute à cordéon, pour laquelle le pouvoir en fait ce qu'il veut selon ce qui lui paraît bon en fonction des cas et des circonstances. Le jugement sera confié à des juridictions d'exception - qui ne sont parfois que des machines à condamner- le cas de l'URSS de Staline est une parfaite illustration, dont le droit pénal avait pour but annoncé, selon les termes du code pénal de 1926, « de protéger par la répression les rapports sociaux correspondant aux intérêts des masses travailleuses qui se sont organisées en classe dominante pendant la période de passage du capitalisme au communisme »7(*).

c) Au contraire, dans les contextes démocratiques, comme les délinquants politiques sont mus la plupart du temps par des motifs désintéressés, ils bénéficient souvent de régimes de faveur. Leur situation y demeure cependant compliquée au regard de la loi. L'indulgence dont bénéficient dans les pays démocratiques, les délinquants politiques, est cependant toute relative car dès que l'acte blesse tant soit peu profondément la sensibilité du public, leur auteur perd sa situation privilégiée.

En définitive, nous pouvons reprendre à notre compte les définitions de Lévy-Brühl : « sont des délits politiques, les infractions commises en vue d'un intérêt qui dépasse celui de l'auteur et qui tendent à réaliser une réforme de l'ordre politique, social, religieux... Toutefois, elles sont privées des avantages qui les caractérisent et sont assimilées aux délits de droit commun si elles heurtent, par les moyens utilisés, l'opinion publique »8(*). Autrement dit, l'infraction politique repose dans notre contexte sur un acte que l'auteur a dirigé contre la forme ou contre l'action du gouvernement, dans le but de faire triompher sa propre conception de l'organisation sociale : nous aurons l'occasion de préciser ce point .

Le droit pénal camerounais constitue notre espace thématique. Il est pris ici au sens large et désigne la branche du droit positif qui détermine les actes punissables, les sanctions qui frappent leurs auteurs et les autorités et formes qui président à l'application de ces sanctions. Entendu en ce sens, le droit pénal comprend : le droit pénal général, le droit pénal spécial, la procédure pénale et le droit pénitentiaire ou pénologie.

Mais pourquoi mener une réflexion sur le thème « l'infraction politique en droit pénal camerounais » ? C'est que une étape a été franchie sur le plan des réformes législatives qu'on voudrait propitiatoires à la consolidation d'un processus démocratique dont on situe l'accélération au début des années 1990. En effet, dans le cadre de la libéralisation de la vie publique, on peut lire de l'exposé des motifs de la loi n°90/061 du 19 décembre 19909(*) qu' « il a paru nécessaire de supprimer du code pénal toute allusion au caractère politique des infractions... c'est pourquoi l'article 1er du présent projet de loi modifie l'article 18 c.p. qui prévoyait la peine de détention, pour la supprimer... ». Il s'agit donc de voir si cette suppression de l'infraction politique est vraiment effective dans notre droit positif. Ou au contraire si en dépit de cette disposition législative la supprimant cette infraction persiste toujours.

En bref, le problème posé par notre sujet est celui de savoir si l'infraction politique existe toujours au Cameroun à l'heure actuelle.

A la vérité, la déception guette l'observateur attentif à l'édiction des lois par le législateur camerounais. Ce dernier ayant fait des imprécisions textuelles un de ses principes. En effet, comment peut-on supprimer une infraction de son système pénal et conserver ou créer les juridictions compétentes pour en avoir connaissance.

Cette situation, pour le moins paradoxale, mérite alors une attention particulière. Comment comprendre ce manque de lucidité du législateur ? Quels sont les éléments qui militent en faveur de la thèse de la disparition de l'infraction politique d'une part et en faveur de sa persistance en droit camerounais d'autre part ? Quels sont les pas à franchir par le législateur pour expurger complètement au Cameroun toute référence à une prétendue nature politique de l'infraction ? Toutes ces questions révèlent l'importance d'une analyse sur le thème de notre étude.

En effet, cette étude permettra en plus d'éclaircir la notion d'infraction politique, de résoudre l'épineux problème de sa suppression ou de sa persistance en droit camerounais. Et par conséquent, invitera le faiseur de lois à conduire l'évolution à son terme en prenant les dispositions manquantes.

Mener une réflexion en science juridique nécessite que soit explicitée une méthode. En ce qui concerne le thème sur « l'infraction politique en droit pénal camerounais », nous adopterons les méthodes juridique et dialectique.

La méthode juridique selon le professeur Charles Eisenmann, a deux composantes : la dogmatique et la casuistique10(*).

La dogmatique consiste à analyser les textes et les conditions de leur édiction. Il s'agit de l'étude du droit écrit, de la norme juridique au sens strict, et plus spécifiquement du droit positif tel qu'il ressort de l'armature législative. Elle permettra de nous appesantir sur le sens des lois et le contexte de leur édiction. En d'autres termes, il s'agira d'une prospection pour découvrir les progrès et les incohérences des textes législatifs.

Cependant, la méthode juridique, dans cette seule composante se confondrait à une spéculation philosophique. Pourtant, « la recherche juridique échappe au danger de la spéculation abstraite »11(*). La norme juridique nécessite une confrontation aux réalités sociales, car la fonction essentielle du droit est de régenter l'ordre social. C'est à ce moment qu'interviendra la casuistique.

Cette seconde composante nous permettra d'apprécier la démarche du juge, lorsqu'il est confronté à une situation où il doit donner une solution précise prévue par la norme juridique.

Par ailleurs, le Cameroun ayant connu deux phases évolutives, il serait important de voir comment l'infraction politique était perçue à l'ère du parti unique et depuis l'ère démocratique. D'où la méthode dialectique, qui pour Madeleine Grawitz « est la plus complète, la plus riche et semble-t-il la plus achevée des méthodes conduisant à l'explication en sociologie »12(*). Celle-ci donnera à notre étude de présenter l'attitude du droit pénal camerounais vis-à-vis du délinquant politique pendant le régime autoritaire et depuis la libéralisation. Cette méthode nous permettra d'affirmer avec Hegel que « chaque étape de l'histoire des sociétés contient toutes les étapes précédentes. Mais aucune de ces étapes n'est entièrement supprimée ou conservée. Chacune d'entre elles reçoit la place qui lui est propre comme un élément constitutif de la totalité historique ».

C'est donc pour cette raison que notre étude se construira autour de deux pôles :

Le premier consistera à présenter l'infraction politique avant la réforme pénale du 19 décembre 1990. Cette période marquée par une utilisation "tous azimuts" du droit pénal en vue de l'instauration et du maintien d'un pouvoir fort.

Dans le second pôle, nous verrons comment l'ère démocratique pressant la législation à suivre l'évolution voulue par les gouvernants, le législateur national commettra des textes qui malheureusement s'avèreront paradoxaux. En fait, toute la difficulté de notre sujet provient curieusement de la législation démocratique de 1990 en matière des libertés.

Ces analyses seront ainsi constituées :

Première partie : L'infraction politique avant la bourrasque législative de 1990.

Deuxième partie : Le paradoxe sur l'existence de l'infraction politique depuis la réforme pénale de 1990.

PREMIERE PARTIE

L'INFRACTION POLITIQUE AVANT LA BOURRASQUE LEGISLATIVE DE 1990.

Incontestablement, le système politique mis en place pendant cette période visée était sans n'en point douter un régime présidentialiste « fort »13(*)avec un président de la République dont l'importance des prérogatives conduisait à l'instrumentalisation du droit pénal à des fins politiques.

Le code pénal camerounais n'ayant prévu aucune définition de l'infraction politique, l'on a assisté à un élargissement du carcan répressif par la criminalisation de la simple contestation politique ; plusieurs interrogations sous-tendent cette partie qui du reste est d'importance capitale. En effet l'on est curieux de savoir sur quelle base partait le juge pour réprimer les délinquants dits politiques, puisque le législateur ne définissait nulle part cette infraction. Comment dès lors se conformer au principe de la légalité si une infraction n'est pas prévue, définie, mais est réprimée ?

Raison pour laquelle avant d'évoquer le régime répressif procédural d'antan de cette infraction (chap. 2) qui est sujet à équivoque, il serait capital que nous ressortions les éléments d'identification de la délinquance politique à travers les critères de détermination de l'infraction politique. (Chap. 1)

CHAPITRE I : LES CRITERES DE DETERMINATION DE

L'INFRACTION POLITIQUE.

A l'inverse de certains codes étrangers, comme le code italien14(*), notre code pénal ne comporte aucune définition de l'infraction politique. Ce silence singulier, qui n'a pas été levé à l'occasion des multiples réformes pénales, s'explique pour partie par la difficulté de définir cette infraction.

Il importe dès lors, afin de cerner la notion d'infraction politique, de s'attacher à toutes les conceptions théoriques possibles et aux efforts fournis par la jurisprudence.

Tout d'abord, il faudrait écarter le critère tenant à la qualité du coupable. Les infractions commises par un responsable politique (chef d'Etat ou de gouvernement, ministre, parlementaire, élu local...) dans l'exercice de ses fonctions ne sont pas nécessairement des infractions politiques. La précision paraît nécessaire car la multiplication récente «  d'affaires » mettant en cause des hommes politiques pourrait susciter une confusion sur ce point. Il reste cependant que les infractions commises par ces personnes sont parfois soumises à des règles dérogatoires.

Dans l'optique de faciliter l'identification et la détermination de cette infraction, ce chapitre traitera dans sa première subdivision des critères classiques de définition de la criminalité politique (sect. 1). La deuxième subdivision quant à elle sera consacrée au régime particulier assorti à ce type de délinquance (sect.2).

* 1 Szabo (D.) : « Les délits politiques et leurs modes de répression », un article publié dans l'ouvrage de Jean-Louis Beaudoin, Jacques Fortin et Dénis Szabo, « Terrorisme et justice. Entre la liberté et l'ordre : Le crime politique », Montréal, les éditions du jour, 1970, première partie, pp. 15 - 74.

* 2 Lexique des termes juridiques, 13e édt., paris, Dalloz, 2001, p. 303.

* 3 Voltaire : Le dictionnaire philosophique, cité par Mbomè François, cours magistral d' « initiation à la science politique », niv 1, 2001-2002.

* 4 Max Weber : Economie et Société, 1952, ibid.

* 5 Lexique des termes juridiques, op.cit., p. 420.

* 6 Dictionnaire Robert, 1962, cité par Mbomè (F), op.cit.

* 7 Desportes (F) ; Le Gunehec (F) : Droit pénal général, 10e éd., Economica, p.97.

* 8 Lévy-Brühl : Sociologie du droit, paris, PUF, 1961 cité par Dénis Szabo, op.cit.

* 9 Projet de loi n°471/PJL/AN portant modification de certaines dispositions du code pénal.

* 10 Eisenmann (Ch.) : Cours de droit administratif, cité par Nach Back Charles, Démocratisation et décentralisation, « genèse et dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne », paris, karthala-PDM, 2003, p.45.

* 11 Battifol (H) : Aspects philosophiques du droit international privé, paris, Dalloz, 2002, p.6.

* 12 Grawitz (M) : Méthode des sciences sociales, paris, Dalloz, 1981, p. 463.

* 13 Kontchou kouomegni, le droit public camerounais, instrument de construction de l'unité nationale, R.J.P.I.C., 1979, pg 440

* 14 L'article 8 du code pénal italien de 1930 dispose que « est un délit politique tout délit qui porte atteinte à un intérêt politique de l'Etat ou à un droit politique du citoyen. Est aussi réputé délit politique, le délit de droit commun déterminé, en tout ou en partie, par des motifs politiques »

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille