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La réparation du préjudice moral en droit congolais

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par Arsene KIRIZA MASHALI
Centre universitaire de Goma - Licence 2003
  

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SECTION II : LES CARACTERES DU DOMMAGE

MORAL REPARABLE

Tout dommage n est pas réparable. C est dire qu en droit congolais, comme en droit français et belge, pour être réparé le dommage doit remplir certaines conditions : il doit être certain, actuel, direct et consister dans la violation d un intérêt légitime. Le système congolais de droit écrit limite donc le nombre des dommages pouvant donner lieu à réparation. En dehors de cette limitation traduite en forme de condition que doit remplir tout préjudice, il n y a pas de réparation possible. Mais qu en est il des bénéficiaires de cette réparation ? et que dit le droit coutumier ? Le caractère restrictif du droit écrit est en opposition avec le droit coutumier. En effet, les actes dommageables pouvant donner lieu à réparation sont plus nombreux en droit coutumier. Traiter quelqu un d esclave, de sorcier, constitue un fait dommageable qui doit être réparé Chez les Nyanga 12 sauf si ses allégations sont vraies. Le fait pour un mari de dire à sa femme qu elle sent mauvais est un véritable fait dommageable. Ce sont là quelques cas pris au hasard ; les exemples sont légion car en droit coutumier « tout est acte dommageable ».

11 MAZEAUD ET TUNC ; Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle, T.I, 5e éd. Paris Montchrestien, 1957, P. 378.

12 NYANGA : Communauté tribale vivant dans le territoire de WALIKALE au NORD/KIVU.

Nous comprenons cette conception du droit coutumier, « quand nous savons que ce dernier traduit la manière de vivre des autochtones, leur civilisation particulière, leur façon d envisager le monde, les rapports sociaux, la justice » 13. Cette observation étant faite, examinons maintenant tour à tour les différents caractères du dommage réparable.

§ 1. Le dommage doit être certain et actuel.

Comme le préjudice matériel, pour donner lieu à réparation, le préjudice moral doit être certain. Est certain non seulement ce qui est mais aussi ce qui sera nécessairement. Certes, l intérêt doit être certain et actuel, mais il faut faire entrer dans l évaluation du préjudice, le préjudice futur lorsque celui-ci se lie nécessairement au préjudice présent car un événement futur peut être aussi certain, le juge devra en tenir compte dans la mesure où il est « la prolongation certaine et directe d un état de chose actuel » 14.

Cependant, un préjudice peut-être seulement futur, sans la prolongation

d un préjudice présent. Même dans ce cas, le juge doit faire droit à l action de la victime lorsque cette dernière demande réparation pour offense à un droit susceptible d évaluation immédiate, toujours à condition que le préjudice apparaisse déjà comme certain : « un préjudice qui n est pas réalisé peut justifier une condamnation actuelle si sa réalisation est dès maintenant certaine parce qu il sera le développement d un préjudice certain en évolution 15.

En dehors de ce caractère certain du préjudice, la victime doit avoir souffert personnellement de ce dommage. Cependant, il n est pas exclu qu un dommage subi par une personne porte préjudice à autrui par répercussion. Il faut également tenir compte du fait que le préjudice frappe à des degrés différents ceux qui en sont victimes. Cette hypothèse se rencontre surtout dans le cas d un accident mortel et soulève de nombreux problèmes, essentiellement celui relatif à la liste des ayants-droit. Nous aborderons ces problèmes quand nous étudierons la question de bénéficiaires de l action en réparation (Section I

13 KALONGO MBIKAYI ; « Problèmes d adaptation des principes moteurs de la responsabilité civile en droit privé Zaïrois » in cahiers (ex-études congolaises) n° 1, mars 1970, p. 81.

14 KALONGO MBIKAYI, Droit Civil des Obligations, notes de Cours, ULPGL/UNIKIN, 1994, P. 142, Inédit.

15 PLANIOL et RIPERT, les obligations, cités par KALONGO, op cit. P. 127.

du chap. II, titre II), et la nécessité d élaboration d une liste d ayants-droit (section 2).

Le caractère certain et actuel du préjudice moral est fondamental. La jurisprudence congolaise est unanime et constante à ce sujet 16.

La cour retient cependant pour la fille un dommage moral certain qui consiste « notamment dans les douleurs et souffrances causées par les blessures, dans le sentiment pénible que provoque la conscience d une certaine diminution physique, dans la répercussion que cette invalidité permanente peut avoir sur toutes les activités non professionnelles de la victime »17.

Le problème de la certitude du dommage réparable va de pair avec la question des bénéficiaires de l action en réparation et de la nécessité de la limitation de leur nombre. Nous serons donc obligés d y revenir plus loin. Cependant, disons déjà que la jurisprudence congolaise rend difficile les conditions d exercice de l action en réparation du dommage moral. Les décisions auxquelles nous venons de faire allusion confondent deux notions qui, à notre avis doivent être distinguées : le caractère certain du préjudice d une part et le degré de gravité de ce même préjudice d autre part. Un préjudice tout en étant certain peut être moins important qu un autre. Aussi, estimons-nous qu il faudrait accorder une indemnité qui soit proportionnée au degré de gravité du dommage. Certes, dans certains cas, cette indemnité sera fort réduite et ne revêtira qu un caractère symbolique, mais, au moins, elle aura abouti à une chose : l affirmation d un droit.

Certes, certaines personnes se demanderont comment peut-on apprécier la gravité du préjudice moral ? Cette gravité s appréciera par rapport aux liens qui unissent la victime directe d un fait quelconque au demandeur d une action

16 Trib. de 1ère Inst. du kivu, 10 oct. 1953, R.J.C.B 1954, p. 107 ; Cour d Appel d Elis, 26 1964, p. 176 ; Cour d Appel d Elis

23 mars 1965, R.J.C 1965, p. 121 ; Cour d Appel de Léo, 11 sept. 1958, R.J.C.B 1958, p. 223 ; Cour d Appel de Léo, 4 juin

1957, R.J.C.B 1958, P. 14 Elis. Nov. 1915, Jur. Col. 1926, p. 179.

17: Cour d Appel d Elis. 26 mai 1964, R.J.C.B 1964, p. 176. La Jurisprudence coutumière affirme aussi le caractère certain du dommage réparable. Vo à ce sujet. Terr. Elis. N° 161, 21 ct. 1937, R.J.I n° 5, 1941, p. 105 évec note ; Cout. Pama

BAKUTU ; Cout. Banunu ; terr. Lukolela, 11 mai 1940, B.J.I n° 4, 1943, p. 82. Cité ar T.G.I Goma.

en réparation ; aux caractères certain, actuel, direct du préjudice moral souffert, préjudice qui est né suite à la violation d un intérêt légitime. Cette question a rencontré aussi bien notre préoccupation que celle des doctrinaires dont les écrits ont retenu note attention (Titre II, chap. II du présent travail).

§ 2. Le dommage doit être direct.

Le dommage réparable, qu il soit moral ou matériel, doit être direct c est à dire une suite directe et immédiate de la faute. C est ce qui ressort de l art. 258 qui exige un lien de causalité entre le dommage et la faute : ce qu il faut réparer, nous dit l art 258, c est « tout fait quelconque de l homme qui cause à autrui un dommage ».

La tâche du juge ne sera pas facile pour déterminer ce lien de causalité. Compte tenu de la complexité de la vie, le problème pour le juge sera de déterminer la cause exacte ; il peut y avoir plusieurs agissant d une manière immédiate, lointaine, directe ou indirecte. Plusieurs théories ont été développées dans ce domaine ; chacune d elles cherchant à mettre en valeur la cause ou les causes dont il faudrait tenir compte chaque fois qu il y aura un dommage : la théorie de l équivalence des conditions, la théorie de la proximité de la causalité adéquate.

Cette matière n a qu une incidence indirecte sur notre sujet. Aussi ne la développerons-nous pas dans le cadre de cette étude. Disons toutefois que ce lien de causalité n est pas en soi une condition s imposant d une manière objective car certains systèmes juridiques n y attachent pas beaucoup d importance. Il en est de même pour la plupart des systèmes africains et de certaines populations paysannes de l occident18.

L originalité africaine dans cette matière s explique par la place qu occupe la notion de faute en droit coutumier. Comme nous aurons l occasion de le démontrer dans les lignes qui vont suivre, le droit traditionnel

qui se soucie plus de la victime que de toute idée de faute ne cherchera pas à
connaître l origine du dommage, mais il en constatera tout simplement

l existence. Il y a là une objectivation de la responsabilité civile. Dès lors « on peut comprendre la préoccupation des gens des milieux traditionnels à attribuer à l ensorcellement, à l action des ancêtres ou à toute autre pratique superstitieuse l origine d un dommage qu il viendrait à subir sans en trouver

l origine et à entreprendre eux-mêmes toute action superstitieuse ou autre après consultation des devins pour arriver à la suppression de leur dommage19.

Mais notre système de droit écrit inspiré du droit franco-belge attache une grande importance à la notion de cause et fait de ce lien de causalité une des conditions sans laquelle tout exercice de l action en responsabilité civile est impossible.

Mais que faut-il entendre par dommage direct ? TOULEMON et MOORE répondent à cette question en ces termes : « pour employer le langage de la mathématique, on peut dire qu il y a dommage direct chaque fois que le fait dommageable en est la condition nécessaire et suffisante ; nécessaire parce que le dommage n aurait pas eu lieu si la faute ne s était pas produite ; suffisante parce que la faute s étant produite, le préjudice devait s en suivre sans qu aucun autre événement, action, ou omission, cas fortuit ou force majeure n ait concouru d une manière notable à la réalisation du dommage ; au contraire d une manière générale, le préjudice indirect sera celui dont la cause nécessaire sera le fait dommageable mais qui n en sera pas la cause suffisante, un fait distinct et complémentaire étant venu s ajouter à cette cause initiale »20.

§ 3. Le préjudice doit consister dans la violation d un intérêt légitime.

A côté des conditions que nous venons d étudier une autre condition est exigée : le dommage doit « porter atteinte à un intérêt légitime ». C est dire que la situation lésée doit être licite et morale. 21

19 : KALONGO MBIKAYI; Op. cit (article) p. 81.

20 TOULEMON et MOORE, le préjudice corporel et moral en droit commun,

Paris, Sirey, 1968, P. 130

21MAZEAUD H, la lésion d un « intérêt juridiquement protégé », condition de la

responsabilité civile, D. 1954 Chron p. 39 et Ss, Cité par KALONGO MBIKAYI, op cit, p. 24.

Mais la formule employée par la cour de cassation Française dans un arrêt de la chambre civile du 27 juillet 1937 semble exiger plus qu un intérêt légitime : « attendu que le demandeur d indemnité délictuelle ou quasi délictuelle doit justifier, non d un dommage quelconque mais de la lésion certaine d un intérêt légitime juridiquement protégé ».22

Toute l attention a été portée sur l expression « juridiquement protégé » et l on s est demandé la valeur qu il fallait accorder à ces mots. Sur base de ce principe en 1937, la cour rejeta l action de la concubine, non seulement parce que le préjudice qu elle invoque est immoral ou « illégitime » mais parce que le concubinage ne lui a pas donné de « droit » à l encontre de son concubin et qu il ne peut en conséquence, le lui donner à l encontre des tiers.23

Nous verrons dans la suite que cette question connaîtra une évolution. L action de la concubine ne sera plus rejetée sur base du manque d un intérêt « juridiquement protégé » mais sur base d autres éléments : le manque de garanties de stabilité et le caractère délictueux du concubinage.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon