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La réparation du préjudice moral en droit congolais

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par Arsene KIRIZA MASHALI
Centre universitaire de Goma - Licence 2003
  

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Section III : LE PREJUDICE ET LA RESPONSABILITE

L action en responsabilité n est engagée que lorsqu il y a un dommage, une faute et un lien de causalité entre la faute et le dommage (art. 258, livre III C.C.C). Le dommage joue un rôle important car l on ne peut agir en justice que dans la mesure où il y a atteinte à un droit. C est là l application du principe : « pas d intérêt, pas d action ». Cet intérêt, nous l avons vu, peut être pécuniaire ou moral.

Cependant malgré cette importance du dommage que nous venons de souligner, l institution de la responsabilité civile était présentée en 1804 sous un aspect essentiellement répressif. C est dire que les rédacteurs du code de

22 MAZEAUD ET TUNE ; Op. cit., p. 390.

La cour a posé ce principe à l occasion d une action en responsabilité introduite par une concubine à la suite de la mort accidentelle de son amant.

23 IDEM, p. 390

1804 se sont plus préoccupés du comportement fautif de l auteur du dommage que du dommage lui-même.24

Suffit-il qu il y ait dommage pour engager la responsabilité civile ? Non, le seul dommage ne suffit pas, encore faut-il que ce dommage provienne d un comportement fautif. C est en fin de compte l affirmation de la primauté de la faute sur le dommage.

Nous comprenons dès lors que plus tard, c est-à-dire à la fin du XIXe siècle, le principe de la responsabilité pour faute se soit avéré inadapté et insuffisant devant le nombre de dommages toujours croissants à la suite du progrès technique. Aussi, nous écartons de notre étude l appréciation du dommage et responsabilité civile du point de vue de la matière qui intéresse le contentieux administratif, domaine qui apprécie différemment le concept comme « risque ».

Ainsi poursuivons-nous, l expérience occidentale nous montre que les tendances modernes vont dans le sens d une responsabilité collective, plaçant en second plan la notion de faute pour se soucier plus de la victime et pour lui garantir la réparation de tout dommage qu elle viendrait à subir.

Cependant malgré ce vent nouveau, notre droit écrit reste encore cantonné dans la conception classique de la responsabilité ; consacrant un principe individualiste et subjectiviste qui relègue au second plan la notion de dommage.

La conception du droit écrit dont nous venons de dégager les principes directeurs s oppose à la conception du droit coutumier. « Alors que, écrit KALONGO, la conception de la responsabilité civile est subjectiviste en droit congolais, la conception coutumière est objectiviste ; le seul dommage subi suffit pour donner à la victime le droit d exiger réparation sans fournir la moindre preuve de la faute ou de toute autre cause génératrice du dommage. Le droit traditionnel semble se soucier de la victime plutôt que tout état psychique de l auteur du dommage »25.

Là ne s arrête pas la différence entre notre système du droit écrit et le droit traditionnel. Nous avons déjà signalé le fait que les actes dommageables

24 KALONGO MBIKAYI ; Droit civil-Obligations, Cours polycopié, UNAZA, 1972, P. 134

25 KALONGO MBIKAYI ; Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, PUZ, Kinshasa,1979, P.13-25

sont plus nombreux en droit coutumier qu en droit écrit. En outre l individu est essentiellement dépendant du groupe, toute atteinte portée à ses droits se répercute sur ceux du groupe.

Rien ne nous surprend, cette conception reflète la philosophie même des Bantous, leur civilisation et l organisation de l institution familiale. Et c est non sans raison que TEMPELS écrivait que « le droit positif des Bantous cadre avec leur morale anthologique et tout droit coutumier digne de ce nom est inspiré, animé et justifié du point de vue bantou par sa philosophie de la force vitale, de l accroissement, de l intelligence, de l influence et de la hiérarchie vitale »26.

Nous venons de dégager une nette différence entre le droit coutumier et le droit écrit en matière de la responsabilité civile quant au rôle joué par le dommage dans les deux droits. Mais quels sont les mérites et les inconvénients de la conception objective ?

Le droit traditionnel se soucie plus de la victime que de l auteur du dommage. Tout danger d insolvabilité est écarté dans ce système ; c est tout le groupe qui répond du dommage causé par l un de ses membres. Cette conception a le mérite de prendre en même temps en considération les notions de faute et de dommage. En effet, dans ce système, la faute n est pas totalement exclue, elle sert de mesure de réparation. On doit cependant déplorer le fait que le groupe sur lequel pèse l obligation de réparer n est pas toujours bien déterminé. C est une notion élastique qui varie avec les coutumes : tantôt c est le clan, tantôt c est la cellule familiale. La conception subjectiviste au contraire en faisant peser la charge de la preuve de la faute sur le demandeur risque dans beaucoup de cas de laisser la victime dans l incapacité éventuelle à démontrer la faute de l auteur du dommage. L habileté du défendeur à prouver son innocence risque de laisser le préjudice non réparé.

Le droit coutumier est également imprégné des croyances religieuses ; il est souvent difficile de distinguer le juridique du religieux car « droit et religion, droit et morale ne font pas un». Ce caractère sacré n est pas propre au droit nègre, il semble que « tous les droits anciens, primitifs, avaient surtout un

caractère religieux. Ainsi les historiens du droit romain répètent qu avant le « ius », il y a eu le « fas ».27

Nous estimons pour notre part, qu il faut également désacraliser le doit coutumier, car l élasticité de la notion du dommage en droit coutumier ne s explique que par le caractère magico religieux de ce même droit. Il faut arriver, nous semble-t-il, à introduire la notion de lien de causalité pour que tout dommage ne soit pas réparable. Il faut en d autres termes limiter le nombre de dommages en excluant de cette matière les causes magiques, les croyances superstitieuses qui sont loin d être du droit.

Mises à part ces imperfections, la conception coutumière épouse bien la conception moderne de la responsabilité civile. Sous l influence de tout un faisceau de facteurs : machinisme, désir de venir en aide à toute victime la conception du droit écrit est en voie de virer vers celle du droit coutumier. Le problème qui se pose, c est de remédier aux inconvénients signalés plus haut. KALONGO espère « suppléer à l inefficacité de la garantie clanique en développant la socialisation moderne des risques grâce à l assurance et la sécurité sociale qui ont chez nous une structure monopolistique ».28

La proposition de KALONGO est heureuse, estimons-nous. Cette situation pourra réussir à concilier la tradition et le modernisme. Habitué à la dépendance du groupe, à son contrôle et surtout à sa protection, l africain ne pourra pas se sentir dépaysé en face « des techniques occidentales de réparation collective du type assurances ou de la sécurité sociale ».

Nous ne pensons pas nécessaire de marquer une insistance sur la capacité ou l incapacité (mineur, dément ) de l auteur du dommage moral parce que cette question trouve sa solution par l application des articles 258, 260, 261 et 262 du code civil livre troisième.

Nous aimerions ici fixer la curiosité scientifique de nos lecteurs : le dommage moral dont il est question ici est la conséquence d un préjudice principal pour lequel on sollicite sa réparation. C est le cas d une mort

27LAMY E.; Introduction historique et comparative à l étude du droit coutumier africain,

cours polycopié, U.O.C, 1967 1968,p. 67 reprenant la théorie de POSSOZ et de Tempels. Cité par KALONGO MBIKAYI, op. Cit, p. 83

28 KALONGO MBIKAYI ; Droit civil Obligations, cours polycopié, ULPGL, 1994, p. 177.

occasionnée par la circulation routière (accident) d un père de famille qui affecte les survivants de sa famille.

Nous voici à la fin de notre premier chapitre. Après avoir circonscrit la notion même du dommage moral en faisant l étude de sa définition, ses caractères et de son rôle en matière de la responsabilité aquilienne, il nous faudra rechercher à travers la jurisprudence congolaise les divers cas pratiques par elle rencontrés de façon à en dégager les différentes catégories du dommage moral. Ce sera l objet de notre second chapitre.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams