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Le role du ministère public en droit camerounais

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par Moustapha NJOYA NJUMOU
Université de Yaoundé II - DEA droit privé fondamental 2006
  

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Paragraphe I : le déclenchement préalable de l'action publique

76. Le Procureur de la République est le destinataire de tous les procès verbaux de la police judiciaire relatifs aux infractions commises dans son ressort et relevant de la juridiction de droit commun101. Lorsqu'il les reçoit il décide de la suite à leur donner ce qui lui confère un

97 La mesure de sûreté se distingue de la peine par son caractère généralement préventif puisqu'elle intervient avant la commission de l'infraction. Elle découle des idées de l'école positiviste qui préconise les mesures de protection de la société contre l'état dangereux de l'individu.

98 Art. 59 (2) CPP.

99 MATTER dans ses conclusions sur un arrêt de la cour de cassation française ch. réunies en date du 29 Jan.

1931, DP 1931, I, 94, pense que « les poursuites sont tous les actes accomplis par les officiers du Ministère

public depuis la mise en mouvement de l'action publique jusqu'à ce qu'une décision judiciaire définitive soit

intervenue sur la question ».

100 RASSAT (M-L) Le Ministère public entre son passé et son avenir, éd 1967 pp 88-90

101 Les procès verbaux afférents aux faits relevant du tribunal militaire sont transmis au Ministère chargé de la

rôle prépondérant dans le déclanchement des poursuites dont il apprécie l'opportunité (A) ; les excès susceptibles d'en résulter sont atténués par le droit de mettre l'action publique en mouvement reconnu à d'autres personnes (B).

A. L'appréciation de l'opportunité des poursuites

L'appréciation de l'opportunité des poursuites (II) se fait par le Procureur de la République à la suite d'autres actes préalables (I).

I. Les actes préalables à l'appréciation de l'opportunité des poursuites

Les opérations préalables à l'opportunité des poursuites sont en principe le contrôle de la légalité (a) et la vérification des obstacles aux poursuites (b)

a. La vérification de l'incrimination des faits

77. Le Procureur de la République doit vérifier, chaque fois qu'il est saisi des faits, si ceux-ci tombent sous le coup d`une qualification légale afin de se conformer au principe de la légalité des délits et des peines, principe fondamental dans la garantie de la sécurité juridique et de l'Etat de droit. En fait, le Procureur va se servir de sa culture juridique pour repérer dans le catalogue des infractions du code pénal, celles qui cadreraient avec les faits qu'il est appelé à qualifier. Après avoir recensé les différentes qualifications possibles, il retiendra celle qui correspondra exactement aux faits dont il est saisi. Il lui est parfois arrivé d'ignorer certains faits pour pouvoir modifier la qualification qui devrait normalement être retenue. C'est ainsi qu'on a eu au Cameroun pendant la période d'application des ordonnances répressives de 1972, les pratiques de « correctionnalisation >>102 et de « contraventionnalisation >>103. Ce qui en soit, était protecteur des droits du suspect mais contraire au principe de la légalité des délits et des peines.

78. Au terme de cette confrontation des faits aux différentes qualifications du code pénal, le Procureur de la République peut, soit classer l'affaire sans suite lorsque les faits ne constituent pas une infraction pénale, soit alors, si les faits constituent une infraction, vérifier s'il n'existe aucun obstacle à leur poursuite.

b. La vérification des obstacles aux poursuites

79. Le code de procédure pénale a prévu plusieurs obstacles aux poursuites pénales.

justice militaire (art. 85 CPP)

102 La correctionnalisation est transformation d'un crime en délit pour atténuer la sanction.

103 La contraventionnalisation quant à elle est la transformation d'un délit en contravention.

Ceux-ci peuvent être l'extinction de l'action publique pour les causes prévues par l'article 62 CPP. Il s'agit notamment de : << a) la mort du suspect, de l'inculpé, du prévenu ou de l'accusé ; b) la prescription104 ; c) l'amnistie ; d) l'abrogation de la loi ; e) la chose jugée ; J) la transaction lorsque la loi le prévoit expressément ; g) le retrait de la plainte lorsque celle-ci est une condition de la mise en mouvement de l'action publique ». Pourraient aussi constituer des obstacles à la poursuite, la condition préalable d'une plainte de la victime, l'immunité de poursuite ou de juridiction dont bénéficierait le suspect, les causes d'exonération ou de non imputabilité105, ou l'autorité de la chose jugée...le Ministère public, par la personne du Procureur de la République, va s'assurer qu'aucun de ces freins n'existe.

Après l'appréciation de la légalité106 et la vérification des obstacles à l'action publique, le Procureur de la République n'est pas ténu d'engager les poursuites. Il dispose d'une assez grande marge de liberté pour décider de la suite à donner au procès.

II. Le principe l'opportunité des poursuites

80. Le code de procédure pénale camerounais a opté pour principe de l'opportunité des poursuites107. Une fois le constat de l'infraction opéré ainsi que celui de l'absence des obstacles ci-dessus, le Procureur de la République décidera de poursuivre ou non. Dans la première hypothèse, il pourra saisir, soit le juge d'instruction par un réquisitoire introductif d'instance, obligatoire en cas de crime et de délit commis par un mineur de 18 ans, soit la juridiction de jugement par une citation directe en cas de délit ou de contravention, ou par la voie de la procédure de flagrant délit. Dans la seconde hypothèse, il procédera à un classement sans suite108. La doctrine s'est toujours intéressée à ce pouvoir pour savoir sous quelle impulsion la décision du Procureur de la République devrait obéir109. Mais le moins que nous pouvons dire est que l'opportunité des poursuites a un fondement (a) qui confère une liberté au Procureur de la République, liberté limitée par la subordination hiérarchique (b).

a. Le fondement de l'opportunité des poursuites

104 La prescription est de 1 an pour les contraventions, 3ans pour les délits et 10 ans pour les crimes.

105 Les cas de causes d'exonération ou de non imputabilité ne le contraignent pas forcement à classer l'affaire puisque celles-ci doivent être soulevées par la défense si elle est assez performante. Mais pour des raisons d'économie et de désencombrement du prétoire, le Ministère prend généralement la décision de classer simplement les cas pareils.

106 Les partisans de la légalité des poursuites soutenaient que pour des injustices, chaque fois que des faits tombent sur le coup d'une qualification pénale, elles devraient faire l'objet des poursuites. Ils s'opposaient ainsi à l'opportunité des poursuites.

107 Voir art. 141 CPP << le Procureur de la République saisi dans les conditions prévues aux articles 135, 139 et 140 peut (...) décider de la poursuite du suspect ».

108 Art. 141 (c) et (e).

109 ROBERT (J-H), De la nécessité d'un Ministère public, in l'office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle, études rassemblées par Olivier CAYLA, MARIE-France, RENOUX-ZAGAME, éditons BRUYANT LGDJ 2001, pp 227et s

81. La décision de classer sans suite une affaire serait fondée sur la qualité de représentant de la société et de gardien de l'ordre public. En effet, étant le représentant de la société et le gardien de l'ordre public, le Ministère public est compétent pour apprécier l'ampleur du trouble causé à la société par l'infraction, ou que pourrait causer un déclanchement immédiat de la répression110.

En droit français, il est permis au Procureur de la République de recourir à la médiation pénale en accord avec les parties111 s'il lui paraît « qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction et de contribuer au reclassement de l'auteur de l'infraction ». Il lui est même reconnu pour les infractions graves112, le pouvoir de proposer une composition pénale113 à la personne majeure qui reconnaît avoir commis le délit114.

b. La subordination hiérarchique comme limite à la liberté du Procureur de la République

82. La liberté d'apprécier l'opportunité des poursuites n'est pas absolue. Elle est relativisée par la soumission du parquet à l'autorité hiérarchique du Garde des Sceaux.

Le Garde des Sceaux, à travers l'autorité qu'il exerce directement sur le Procureur Général près la Cour d'Appel115, peut soumettre indirectement le Procureur de la République puisque celui-ci est soumis au Procureur Général près la Cour d'Appel116. En effet le Procureur général, aux termes de l'article 133 (1) veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la Cour d'Appel. Il peut prescrire aux magistrats du Ministère public de son ressort d'enquêter sur les infractions dont il a connaissance, de procéder à un classement sans suite ou d'engager les poursuites. Ces prescriptions s'imposent au Procureur de la République qui ne peut s'y opposer qu'en se fondant sur les limites de la subordination

110 Il serait par exemple inopportun pour le Ministère public d'engager des poursuites immédiatement contre le proviseur d'un lycée et les professeurs du même lycée à l'approche des examens officiels car ces poursuites nuiraient plus qu'il ne plairaient.

111 Art. 41-1 CPPF.

112Violence, vols simples, usage de stupéfiants, port d'armes, abandon de famille, conduite en état d'alcoolique...

113 La composition pénale consiste à verser une amende au trésor public, se dessaisir au profit de l'Etat de l'objet qui a servi à commettre l'infraction, remettre au greffe son permis de conduire ou de chasser, effectuer au profit de la collectivité un travail non rémunéré. Cette sanction doit être acceptée par l'auteur de l'infraction et validée par le président du TGI ; son exécution éteint l'action publique.

114 LE GUNEHEC (F), Présentation de la Loi n°99-515 du 23 Juin 1999, JCP 1999, actualité n°28, p.1325 et n°29, p 1393 ; PRADEL (J), Une consécration du << plea bargaining >> à la française : la composition pénale, JCP 2000, F, 198.

115 L'article 30 (1) de la Loi du 29 Décembre 2006 dispose qu' << il existe auprès de chaque Cour d'Appel un parquet général dirigé par un Procureur Général qui relève directement du Ministre chargé de la justice >>

116 L'article 30 (2) op. Cit. Prévoit la subordination directe du Procureur de la République au Procureur Général près la Cour d'Appel.

hiérarchique que sont le pouvoir propre du chef de parquet117 et la liberté de parole118 pourtant ces limites sont inefficaces.

83. Le pouvoir propre des chefs de parquets peut être aisément contourné par la prescription à un substitut du Procureur de la République « récalcitrant >> d'effectuer les actes de celui-ci. Ce qui est d'autant plus plausible lorsqu'on voit l'effort de renforcement de la subordination de parquet à parquet119opéré par le législateur de 2005.

En fin de compte on pourrait dire que l'opportunité des poursuites appartient plus au Ministre de la justice, Garde des Sceaux qu'au Procureur de la République, nonobstant la possibilité reconnue à d'autres personnes de mettre l'action publique en mouvement.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci