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Le pouvoir décisionnel des chefs religieux traditionels Dogon aux dépens des lois et règlements en vigueur

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par Amadou Sangara
Université de Bamako, Mali - Maitrise Droit Privé 2007
  

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Paragraphe II: Dans le règlement des litiges.

Pratiquement, dans la société dogon les chefs religieux traditionnels sont incontournables en matière de règlements ou de résolutions des litiges ou conflits locaux.

Dans certains cas sur un problème déterminé, quand même une décision aurait été prise par l'Etat, son application dans la société dite traditionnelle pose, souvent problème.

En effet, ici nous voulons énumérer un certain nombre de faits ou cas réels qui se sont déroulés et pour certains très récemment, dans lesquels cas l'affaire a été portée devant la justice, la justice a été rendue et de fortes mises en garde ont été faites au(x) perdant(s) ou au(x) débouté(s) mais, force est de reconnaître que dans la majorité des cas, le conflit ne s'éteint pas, même si l'Etat déploie sur place ses représentants chargés de veiller sur la pleine application du verdict.

Cela témoigne hélas d'un certain mépris de l'autorité de l'Etat dont, ce dernier en est le principal coupable, car ne se rapprochant pas depuis longtemps d'avantage de ses citoyens ou dans certains cas en ne tenant pas compte des vertus locales fondées sur des principes souvent dérogatoires avec ce que nous appelons les textes fondamentaux de la nation qui embrassent pourtant tous les secteurs ou domaines de notre société. Par exemple: quand une personne `X' tue un proche `P' à `Y', la loi interdit à `Y' de venger `P' sur `X' car, selon la loi nul ne doit se faire justice soi-même.

Egalement, dans la tradition dogon, on donne une grande valeur au pardon. On l'accorde même à celui qui a fait le plus de mal. Et la vengeance est considérée comme un réflexe regrettable. On dit qu'un homme qui peut se contenir ne se venge pas; elle n'est ni admirée ni mise en valeur. On laisse à un homme le droit de se venger s'il a subi un tord. S'il pardonne, c'est bien; mais même s'il ne pardonne pas, on ne peut non plus le lui reprocher.

Depuis l'indépendance ces populations dites traditionnelles n'ont qu'une vision négative des autorités étatiques. Selon elles, l'Etat ne s'est résolu qu'à la seule vocation punitive ou répressive des citoyens. Et que ce dernier n'a pu démontrer qu'il n'était qu'arrogant voire répressif ou indifférent à leurs égards et à toutes leurs préoccupations majeures.

Prenons par exemple le cas foncier un problème récurant en société dogon; nous avons recueilli des témoignages, mais également nous avons, nous personnellement été témoins de nombreux cas litigieux que nous ne nous hasarderons pas à citer nommément les parties ou villages en conflit.

Dans lesquels cas, l'Etat ayant intervenu en sa qualité de gardien de la paix sociale, n'a pu apporter de solutions durables aux crises. Comme, si pour dire que l'Etat ne peut solutionner unilatéralement tous les litiges et que pour certains cas d'entre eux, le concours des autorités traditionnelles est primordial, même si ce cas de figure paraît inadmissible pour certains.

Par contre, renversement de situation, si c'est une autorité traditionnelle qui intervient, nous constatons que le conflit est pour le moins géré ou résolu de façon coutumière car, c'est entre frères ou parents.

Cela n'est pas fortuit ou banal que ça car l'autorité traditionnelle a une arme que l'Etat n'a pas, en fait les autorités traditionnelles envoient aux belligérants ou utilisent les cousins qui sont de plusieurs catégories et qui sont en effet, une sorte de médiateurs.

Egalement, ces personnes sont déléguées par une ou des chefferies traditionnelles avec la ou lesquelles au moins une des parties belligérantes à un lien clanique ou tout autre lien d'amitié ou de collaboration. Ou, si tout simplement le conflit ou le litige se déroule dans le ressort de compétence d'une autorité traditionnelle quelconque.

Aussi, la création du poste de médiateur de la république par l'Etat en 1997 entre, dans le cadre de la préservation des droits et intérêts des particuliers face à l'Etat, c'est une initiative remarquable, pour le moins ambitieux.

Il y a également un autre mécanisme de prévention et de résolution des différends. Cela si les belligérants affirment êtres d'accords pour procéder par cette voie de règlements, un mécanisme ou moyen de résolution très court, une pratique que l'on appelle localement en dogon Binru Kaïyi ou Binru N'yèyi6(*).

Pratique par laquelle les parties en conflit ou litige, l'une après l'autre, conjurent sur ce rite, chacune se proclamant être véridique ou si c'est une chose, être le propriétaire légitime; bien sûr que chacune est consciente du fait qu'il ne pourrait y avoir deux vérités à la fois sur une même affaire ou chose.

Chacune des parties, généralement il y a deux et rarement plus, avance ses preuves qu'elle juge fondées et concrètes dont seul le binru est capable de déceler les zones d'ombre ou celles de vérité. Simultanément chaque camp jure d'être puni conformément aux principes du binru kaïyi, s'il s'avérait qu'il a dit faux ou a été de mauvaise foi et que si les esprits consultés arrivaient à lui donner tord, généralement la peine encourue est la mort.

Comprenez que, ce ne sont pas des coups que lui asséneront les hommes mais une punition discrète des esprits consultés qui sont, supposés être des esprits véridiques et juges.

Il faudrait souligner que quand même les dites parties en litige sont composées de plusieurs individus, chacune choisie dans son camp un individu qui lui représentera lorsque le moment de Binru kaïyi sera venu.

Egalement il est signifié aux parties que la décision qui sera issue de cette sorte de jugement est irrévocable quel qu'en soit le verdict. Il est supposé que le premier des représentants des deux camps qui décédera le premier lieu, est le perdant et qui a tord suppose-t-on et cela jusqu'à nos jours personne n'a pu démontrer le contraire.

Ici la formule est unique et sans équivoque que, la vérité finie toujours par triompher le mensonge.

Pour la plupart des dogons malgré l'existence de nombreux mécanismes de prévention et de résolution mis en place par l'Etat, cette pratique de « Binru Kaïyi » est la plus équitable, la plus sûre, la plus concrète et la plus impartiale des systèmes de recherches de vérité.

Par ailleurs il est évident que dans une localité ou un pays lorsqu'une chose ou méthode `A' est plus prisée qu'une autre chose ou méthode `B', à défaut d'êtres sur le même pied d'égalité sur ce terrain, elles sont manifestement, l'une supérieure à l'autre du fait du choix de l'acteur.

Pour expliquer le ras-le-bol ou l'indifférence de ces dites populations locales envers l'Etat, nous avons décidé d'élucider le cas du tourisme et celui de la cohabitation agriculteurs et nomades éleveurs principalement. Le secteur du tourisme est l'un des secteurs en pleine croissance de nos jours et qui rapporte énormément de devises à l'échelle nationale. Mais les populations visitées, pour le cas qui nous intéresse le «pays dogon», voient à longueur de journée comme de saison se succéder les touristes dans leurs villages et sites, ont l'impression d'être exploitées et épargnées du partage du « gâteau » et se plaignent de ne pas en profiter pleinement des retombées financières.

Bien sûr, il faut le dire tous les acteurs dans ce secteur ont leur responsabilité dans cet état des choses, y compris les populations elles qui se disent exploitées et lésées pour des raisons qui ne semblent pas faire l'objet de notre sujet.

Mais nous estimons que l'Etat doit prendre ses responsabilités afin de donner aux populations concernées une image gagnant-gagnant du secteur du tourisme. Aide ou redistribution des ressources que nous jugeons même si, elle existe est, insuffisante par rapport à l'attente escomptée des populations.

Dans la cohabitation entre agriculteurs, dogon et éleveurs ou nomades Peuhl, les contentieux sont multiples et très fréquents surtout sur la plaine et s'accusent fréquemment d'être l'instigateur.

Pour les agriculteurs, à presque totalité dogon quand les affaires liées à ce domaine sont portées devant une autorité publique, ils dénotent toujours une certaine passivité ou partialité de la part de celle-ci, ce qui témoigne de leur perplexité quant à la réelle volonté de celle-ci de vouloir résoudre les litiges d'une manière durable. Ils se sentent largement défavorisés dans cet état des faits par rapport aux éleveurs. Un motif supplémentaire pour les premiers de manifester leur désarroi envers l'Etat et, ses autorités.

* 6 Littéralement, manger le sacré ou la sollicitation des esprits juges pour la résolution d'un litige.

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