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Vision africaine du droit des peuples à  disposer d'eux-mêmes

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par Wendeyida Jessie Josias OUEDRAOGO
Université Privée de Ouagadougou - Licences es Sciences Juridiques; Option: Droit public 2012
  

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B. Les sécessions

Au plan africain, les sécessions sont interdites en faveur du principe de l'intangibilité des frontières (1). Pourtant, une analyse des décisions de la Commission ADHP permet de lire l'admission d'une catégorie particulière de sécession : les sécessions remèdes (2).

1. Interdiction des sécessions et principe de l'uti possidetis

Suivant Dominique Fabre, « tous les mouvements de libération qui ont conquis l'indépendance et fondé des États autonomes ont respecté dans leurs limites territoriales les grands partages coloniaux issus de la seconde moitié du XIXe siècle. Or, les puissances colonisatrices avaient pris soin de délimiter leurs zones d'influence en veillant à ce qu'elles ne recouvrent pas d'espaces correspondant à des peuplements cohérents ou à d'anciens empires locaux qui auraient pu fournir des références à d'éventuelles revendications identitaires et anticoloniales »133(*). Ceci va plus tard poser un problème de stabilité dans la mesure où certaines entités infra-étatiques vont revendiquer le statut de peuple et partant, le droit de créer un État indépendant et souverain. Se pose dès lors la problématique des sécessions134(*).

Selon Alain Pellet, puisque ce sont les États qui font le droit international, ils prendront toutes mesures utiles afin de se protéger. C'est alors qu'ils ont convenus des « clauses territoriales » n'autorisant pas les sécessions135(*). Si une bonne partie de la doctrine a lu dans ces clauses une limitation de l'aspect externe du droit à l'autodétermination aux seuls peuples coloniaux et par conséquent une discrimination à l'égard des autres peuples, Alain Pellet estime par contre que l'égalité n'a de sens que dans des situations comparables or un peuple colonial et un « peuple non colonial » ne sont pas dans des situations similaires et on ne saurait donc assimiler le droit à la décolonisation à un droit à la sécession 136(*).

La règle uti possidetis juris vise à préserver les limites territoriales au moment de l'accession à l'indépendance. De prime abord, comme le précise la CIJ dans le différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, cette règle semble se heurter au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes mais « en réalité le maintien du statu quo territorial en Afrique apparaît souvent comme une solution de sagesse visant à préserver les acquis des peuples qui ont lutté pour leur indépendance et à éviter la rupture d'un équilibre qui ferait perdre au continent africain le bénéfice de tant de sacrifices. C'est le besoin vital de stabilité pour survivre, se développer et consolider progressivement leur indépendance dans tous les domaines qui a amené les États africains à consentir au respect des frontières coloniales, et à en tenir compte dans l'interprétation du principe de l'autodétermination des peuples »137(*).

Pour certains auteurs, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et uti possidetis ne sont pas vraiment opposés. Selon Olivier Corten, le droit à l'autodétermination a un caractère essentiellement territorial138(*). Autrement dit, le droit à la création d'un État et le droit à un territoire sont essentiellement lié car « c'est l'interprétation du droit à l'autodétermination qui permet de délimiter les frontières d'un État nouvellement indépendant »139(*). L'incohérence se situerait plutôt entre sécession et uti possidetis.

La Commission ADHP, de façon non équivoque affirme que « Le droit à l'autodétermination en Afrique n'inclut pas le droit à la sécession. Des mesures allant dans le sens de la promotion et de la protection des droits des minorités et de la tolérance interethnique sont essentielles pour la prévention des mouvements sécessionnistes en Afrique »140(*). Tout de même, quelques rares États africains prévoient la possibilité de faire sécession141(*).

Par ailleurs, une analyse des décisions de la Commission ADHP révèle que celle-ci n'est tout de même pas hostile à la théorie des « sécessions-remèdes ».

* 133 Dominique FABRE, op cit., p. 46.

« Ainsi, les Français en Algérie ont su jouer, au plan interne, des problèmes traditionnels entre Arabes et Berbères; et les Britanniques, au Moyen-Orient, ont méticuleusement morcelé les espaces entre Arabes, Kurdes, Persans, Baloutches, Turkmènes, toutes cartes en jeu pour menacer les prétentions impériales des Russes et des Ottomans ».

* 134 Jean-François GUILHAUDIS, Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1976, p. 30, cité par Denis GINGRAS, op cit., p. 367.

« [...] dès que paraît le risque de dissidence, les passions s'exacerbent. Les uns voient poindre enfin un "avenir radieux de liberté", les autres s'agiter dans l'ombre le spectre du démembrement ».

* 135 On lit dans la Résolution 2625 (XXV) des Nations Unies par exemple que « Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu'elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout État souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l'égalité de droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur ».

* 136 Alain PELLET, « Quel avenir pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? », op cit., pp. 259-260.

« Comme le souligne aussi à juste titre la résolution 2625 (XXV): « Le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non autonome possède, en vertu de la Charte, un statut séparé et distinct de celui du territoire de l'État qui l'administre ». [...] [L'accession de ce territoire] à l'indépendance ne constitue pas une atteinte à l'intégrité territoriale de [l'État]. [...] S'il ne fait aucun doute que la décolonisation est un droit subjectif des peuples coloniaux [...], la sécession - seul moyen pour des peuples non coloniaux, minoritaires au sein de l'État, d'accéder à la souveraineté internationale - ne constitue certainement pas un tel droit ».

* 137 CIJ, arrêt du 22 décembre 1986, affaire du Différend frontalier, Rec., p.566 cité par Alain PELLET, « Quel avenir pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? », op cit., p. 261.

* 138 Olivier CORTEN, « Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et uti possidetis : deux faces d'une même médaille », Revue belge de droit international, n°1, 1998, pp. 166-171.

« [...] l'essence de l'autodétermination est de conférer des droits à des peuples identifiables non à partir de facteurs ethniques, culturels, historiques ou autres mais sur la base de leur appartenance à un territoire ».

* 139 Ibid., pp. 173-174.

« Puisque le peuple a puisé sa légitimité dans un droit à l'autodétermination à essence territoriale conformément aux prescrits juridiques élaborés dans le cadre de l'ONU, il ne peut, une fois constitué en État indépendant, outrepasser ses prescrits en invoquant à un « droit à l'autodétermination » basé sur des critères historiques, ethniques, culturels ou autres. Le titre à l'indépendance renfermant en lui un titre territorial, l'un comme l'autre sont inséparables et doivent être respectés tant dans la période antérieure que postérieure à la création de l'État. [...] La revendication d'un État nouvellement indépendant qui dépasserait les limites du territoire qui a fourni l'assise matérielle de son droit entrerait en réalité en contradiction directe avec le droit d'un autre peuple à disposer de lui-même. C'est dans cette perspective que l'on peut, entre autres, comprendre la condamnation de l'annexion du [...] Sahara occidental par le Maroc. [...] Dans ce contexte, il n'existe ni ne peut exister, en toute logique, aucune contradiction entre droit à l'autodétermination et uti possidetis, pas plus que cette contradiction ne peut opposer le droit à l'autodétermination au principe de l'intégrité territoriale. [...] C'est en ce sens que l'on peut lire plusieurs instruments, comme la résolution 2625 sur les relations amicales, qui précisent qu'aucun des deux principes ne peut porter atteinte à -- et donc prévaloir sur -- l'autre ».

* 140 Commission ADHP, Projet de directives..., op cit., par. 35, p. 14.

* 141 République Fédérale Démocratique d'Éthiopie, op cit., par. 409-412, p. 97.

« Le droit à l'autodétermination des Nations, des Nationalités et des Peuples est garanti par la Constitution (Article 39.1). [...] La troisième manifestation de l'exercice de l'autodétermination est la sécession, par laquelle une nation ou une nationalité peut constituer son propre État souverain, en vertu du droit international. Compte tenu de l'unité dans la diversité des États fédéraux de l'Éthiopie, la fraternité des peuples d'Éthiopie, et la protection des droits fondamentaux individuels et collectifs, la question de la sécession n'est pas susceptible de se poser. De même, une nation ou une nationalité peut faire sécession si telle est l'option de son peuple. La procédure de sécession, réalisée sous la direction de la Chambre de la Fédération, est énoncée dans la Constitution et la Proclamation de consolidation de la Chambre de la Fédération. Les principales conditions requises sont le soutien des deux tiers du Conseil législatif de la Nation, Nationalité, ou Peuple et un référendum ».

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld