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L'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples

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par Blé Eddie Zakri
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest- Unité Universitaire d'Abidjan (UCAO-UUA) - Master 2 Recherche Droit public fondamental 2014
  

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Paragraphe 2 : Des mesures à renforcer

S'il y a eu un effort de la part des Etats dans l'application de la CADHP, il ne reste pas moins qu'il y a encore beaucoup à faire pour que l'insertion de la Charte dans les ordres juridiques internes soit complète et satisfaisante. A ce titre, les Etats doivent combler les lacunes au niveau des lois (A) et adopter des mesures spécifiques ou concrètes (B).

A- La nécessité de combler les lacunes textuelles

Combler les lacunes textuelles reviendra pour les Etats à corriger les textes existants afin que ceux-ci soient en harmonie parfaite avec la CADHP. Cette exigence d'harmonisation implique la modification des lois déjà existantes et également l'adoption de nouvelles lois où le besoin s'en fait sentir. Reconnaître cela, c'est dire qu'il existe autant d'imperfections au niveau des textes qu'une absence de dispositions capables de faire vivre la Charte au quotidien dans les Etats.

A titre d'illustration, il sera utile de rappeler ici quelques passages des rapports périodiques faits par les Etats, conformément à l'article 62 de la CADHP et les observations de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (Commission ADHP)sur ceux-ci.

Ainsi dans le cas de la Côte d'ivoire, la CommissionADHP a recommandé à cet Etat de faire adopter des « mesures législatives appropriées pour assurer la protection des défenseurs des droits de l'homme »43(*), et d'adopter une législation spécifique portant définition et répression de la torture44(*). Il en est de même du Togo qui a admis devant cette commission qu'aucune disposition de son droit interne n'interdit la torture45(*). Au Burundi, la Commission ADHP a noté l'absence d'un système étatique d'assistance juridique et judiciaire au profit des plus démunis et des populations vulnérables46(*). En ce qui concerne le Cameroun, il a essuyé plusieurs reproches de la part de cette même commission. Entre autres, le fait de n'avoir pas adopté« sans délai une législation appropriée en matière de protection des droits des populations autochtones 47(*)» ainsi que de s'être abstenu d' « harmoniser la loi foncière et adopter des mesures permettant aux populations autochtones de jouir entièrement de tous leurs droits, notamment le droit à la propriété foncière »48(*).

Ces lacunes dans la législation des Etats constituent de véritables obstructions à la recherche d'une mise en oeuvre complète des dispositions de la CADHP dans l'ordre interne. Cette difficulté sera exacerbée par le manque de mesures concrètes d'application.

B- L'exigence de mesures concrètes

En ratifiant la CADHP ou en y adhérant, les Etats s'obligent à respecter les droits énoncés, à les protéger et à leur donner effet. L'obligation de donner effet à la CADHP, c'est l'obligation pour l'Etat de prendre des mesures positives ou concrètes pour assurer l'exercice effectif des droits de l'homme ou leur pleine réalisation.Pour ce faire, ils doivent user de la réglementation, élaborer et mettre en oeuvre des politiques sectorielles, des politiques fiscales, des fournitures de services publics, etc. Les mesures concrètes sont donc celles qui touchent aux faits, à la réalité. Cette définition peut-elle s'étendre dans notre cas aux mesures jusqu'alors adoptées par les Etats ?

Il est difficile de répondre par l'affirmative tant des mesures comme la consécration constitutionnelle des droits de l'homme, ou encore la ratification des traités de droits de l'homme, bien qu'estimables, nécessitent encore des actions de la part des gouvernants pour avoir un impact réel49(*). A ce sujet, Bakary TRAORE soulignait avec justesse qu'il ne suffit pas, pour connaître la réalité des droits de l'homme dans un pays africain, de se référer à sa constitution et aux conventions internationales auxquelles il a adhéré. Pour lui, il faut plutôt se tourner vers les lois pénales. Ce sont ces lois, ajoute-t-il, qui indiquent la vraie politique des droits de l'homme de l'Etat en question. Ce sont elles qui peuvent montrer les atteintes aux droits de la défense, et d'une façon générale, les violations des droits et libertés relatifs à l'opinion, l'expression, la circulation50(*). Malheureusement c'est à niveau que les Etats ont péché. Car après la constitutionnalisation de la CADHP, les mesures concrètes n'ont pas suivi.

Tel n'est-il pas le cas du Cameroun qui, reproché de n'avoir pas adopté « sans délai une législation appropriée en matière de protection des droits des populations autochtones »51(*), répondit dans son troisième rapport périodique que sa Constitution du 18 janvier 1996 reconnaît l'égalité de tous les citoyens en droits et en devoirs ?52(*)

Cet échange entre la Commission ADHP et l'Etat camerounais illustre bien l'observation suivant laquelle la constitutionnalisation de la Charte ne préjuge en rien son effectivité53(*). En effet, n'est-ce pas malgré les dispositions de sa constitution que la Commission recommande à cet Etat d'édicter une loi spécifique qui pourra protéger les populations autochtones ? Pour notre part, nous sommes loin de penser que la Commission ADHP ignorait ces dispositions constitutionnelles. En tout cas, celle-ci a adopté la même attitude avec le Niger en recommandant à cet Etat de « prendre des mesures concrètes pour protéger les droits des minorités vivant au Niger »54(*), bien que sa loi fondamentale exprime l'égalité de tous les citoyens nigériens55(*).

A la réflexion, l'application de la CADHP par les autorités législatives, réglementaires et administratives est toujours à ses premiers pas, environ trois décennies après son entrée en vigueur. Ce qui est désespérant, voire écoeurant. Mais, que ces autorités violent elles-mêmes la CADHP est encore choquant, voire inadmissible. On comprend alors que l'application de cette Charte est compromise par des textes contraires.

Section 2 : Une application de la Charte compromise par des textes contraires

D'après le Doyen Francis WODIE, « Obligatoire, la loi doit pouvoir s'appliquer, car la loi n'a, vraiment, d'intérêt, pour la société que par son effectivité, c'est-à-dire par son aptitude à régir, réellement, les situations de fait qu'elle prétend ordonner (...). Une loi qui ne peut s'appliquer ou qui n'est pas appliquée finit par ne plus en être, en s'éteignant et en perdant tout intérêt pour la société, en n'ayant aucune prise sur le réel qu'elle aura échoué à appréhender. »56(*)

Ces propos, d'une véracité incontournable que nous célébrons en l'espèce, peuvent s'étendre aussi aux droits de l'homme. En effet, proclamer des droits, c'est certes nécessaire, mais ce n'est pas suffisant ; car, ceux-ci n'ont d'intérêt véritable que s'ils bénéficient d'une effectivité, c'est-à-dire s'ils sont effectivement respectés et protégés. Or, la réalité dans les Etats d'Afrique noire francophone ne répond guère à une telle attente, puisque la CADHP souffre de graves violations tant de la part des pouvoirs publics que par le fait des particuliers.

Cependant, il ne sera question ici que des violations faites par les pouvoirs publics, « premiers ennemis des droits de l'homme »57(*), dont les textes législatifs (Paragraphe 1) et réglementaires (Paragraphe 2)vont systématiquement à l'encontre de la Charte africaine.

* 43Cf. «  Observations finales sur le rapport périodique initial et cumulé de la République de Côte d'ivoire » présenté en 2012. Disponible sur le site http://www.achpr.org/files/sessions/52nd/conc-obs/1-1994-2012/cbservations_conclusives_cote_divoire.pdf. Consulté le 23/11/13 à 21h24.

* 44Ibidem, p.9.

* 45 OUGUERGOUZ (F.), « L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités nationales en Afrique Occidentale », inFLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (E.) (dir.), L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, op.cit., p.204.

* 46Cf. « Observations Finales et Recommandations relatives au Rapport Périodique cumulé de la République du Burundi » du 19 février 2013.

* 47Cf.« Concluding Observations and Recommendations on the Second Periodic Report of the Republic of Cameroon» du 26 mai 2010, http://www.achpr.org/files/sessions/47th/conc-obs/2nd-2003-2005/achpr47_conc_staterep2_cameroon_2010_eng.pdf. Consulté le 29/11/13 à 9h02.

* 48Idem.

* 49 D'après Alain Didier OLINGA, « dans les constitutions des Etats, l'énumération est effectuée de manière relativement abstraite ; on énonce des droits et des principes de manière générale, fondamentale, l'aménagement concret de leur exercice étant laissé à la loi. La loi dispose ainsi de ce qu'il n'est pas excessif d'appeler une véritable réserve constitutionnellede perfection des droits proclamés, elle participe de l'oeuvre constituante qu'elle parachève. Ce faisant, les prescriptions constitutionnelles ne sont toujours immédiatement opératoires, leur opérationnalité étant subordonnée à l'adoption de la loi pertinente », in OLINGA (A. D.), « L'Afrique face à la globalisation des techniques de protection des droits fondamentaux », Revue juridique et politique : Indépendance et Coopération, Vol.53, N°1, 1999, p.73.

* 50 MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.

* 51Cf.« Concluding Observations and Recommendations on the Second Periodic Report of the Republic of Cameroon» du 26 mai 2010, http://www.achpr.org/files/sessions/47th/conc-obs/2nd-2003-2005/achpr47_conc_staterep2_cameroon_2010_eng.pdf. Consulté le 29/11/13 à 9h02.

* 52Le préambule et l'article 64 de la constitution camerounaise dispose que « l'Etat assure la protection des minorités, et préserve les droits des Populations Autochtones conformément à la loi ».

* 53 WILLYBIRO-SAKO (J.), « Des principes à une véritable protection juridique en Afrique », inMAUGENEST (D.) et POUGOUE (P. G.), (dir.), Les droits de l'homme en Afrique centrale, Colloque régional de Yaoundé, UCAC-KARTHALA, 1994p.101.

* 54Cf.« Concluding Observations and Recommendations on the Initial Report of the Republic of Niger ». http://www.achpr.org/files/sessions/35th/state-reports/1st-7th-1988-2002/staterep1to7_niger_2002_fra.pdf, Consulté le 24/11/13 à 19h51.

* 55 L'article 10 de la Constitution nigérienne stipule que tous les Nigériens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs.

* 56 Francis WODIEcité par Elisée Konan KOFFI, Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Tome 2, Thèse de doctorat, Droit public, Abidjan, Université de Cocody, 2008, p.5.

* 57 KOFFI (K. E.),Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, op.cit., p.8.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand