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Le monopole bancaire français face au droit de l'union européenne

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par Romain Bony-Cisternes
Université Panthéon Sorbonne Paris 1 - Master 2 droit financier 2013
  

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Section 2 : Le recours à la titrisation

Tout au long du titre 1er, nous avons démontré en quoi les acteurs économiques avaient un intérêt à ce qu'il existe un marché du refinancement liquide et performant, afin de permettre aux entreprises débitrices de crédits à risques d'obtenir des concessions sur la structure de leur dette et aux établissements de crédits originateurs d'améliorer la structure de leurs bilans. La titrisation est une réponse partielle à ses besoins. Elle présente l'avantage d'être un mécanisme juridique sécurisé au regard de la législation sur le monopole bancaire. Pour autant, elle ne représente une aubaine que pour les établissements de crédit cédants, et ne répond pas aux attentes des débiteurs. La titrisation est avant tout une technique financière, qui consiste en la transformation de créances en titres négociables qui prendront la forme d'actions ou de parts et seront émis, sur le marché, par des organismes de titrisations, tout en étant adossés aux créances cédées. D'origine américaine, la titrisation est apparue en France avec une loi de 198877. Le dispositif a été amendé à plusieurs reprises et notamment en 1993 78et 200879. La titrisation trouve à nous intéresser en ce sens que les établissements de crédit ont pu tirer profit des dispositions précédemment exposées pour faire sortir de leur bilan des créances risquées et ainsi améliorer leurs ratios de solvabilité et faire de nouveaux prêts. Concrètement, l'établissement de crédit peut utiliser plusieurs modalités80, mais l'objectif principal est, pour lui, le refinancement des crédits. Il est bien entendu que, pour se refinancer, l'établissement de crédit ne peut pas titriser seul et céder ensuite le titre négociable sur le marché. Il faut qu'intervienne une tierce partie, à savoir l'organisme de titrisation sur lequel

77 Loi n°88_1201 du 23 décembre 1988.

78 Loi n93_6 du 4 janvier 1993 relative aux sociétés civiles de placement immobilier, aux sociétés de crédits fonciers et aux fonds communs de créances.

79 Ordonnance n°2008_558 du 13 juin 2008, intervenue en pleine crise financière, dont le but était d'encadrer la titrisation en en préservant les effets économiques positifs, transposant la directive 2005/68/CE du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et réformant le cadre juridique des fonds communs de créances.

80 L'établissement de crédit peut choisir un mécanisme de titrisation classique, caractérisé par une sortie de la créance bancaire de son bilan, ensuite transformée en titre et acquise par l'organisme de titrisation. Dans un pareil cas, qui est le plus utilisé si la banque poursuit un motif de refinancement, la banque se sépare de la créance et peut confier au cessionnaire (organisme de titrisation) la gestion de la dette associée (le débiteur, informé, payera désormais le cessionnaire pour les échéances) à moins ce que la banque reste l'interlocuteur du débiteur pour le remboursement, à charge de céder au cessionnaire ces produits. L'établissement de crédit peut aussi choisir un mécanisme de titrisation synthétique : on passe de la titrisation des créances à celle des « risques » : la créance reste dans le patrimoine de la banque mais elle n'en assume plus les risques économiques (le défaut de la contrepartie) qui seront intégralement pris en charge par une entité tierce au moyen d'un contrat tel que le Credit default swap (contrat dérivé).

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repose tout le modèle. La loi de 1988 a créée ainsi les fonds communs de créance, devenus plus tard organismes de titrisation (en 199681). Sous cette dénomination, le législateur englobe à la fois des OPCVM (organismes de placement collectifs spécialisés dans la titrisation et distincts des autres OPCVM82, « fonds de titrisation ») non dotés de la personnalité morale et devant être chapeautés par une société de gestion de portefeuille agrée par l'AMF et les sociétés de titrisation, dotées de la personnalité morale.

En matière de refinancement bancaire, sur le marché secondaire, puisque c'est ce qui nous occupe, le mécanisme, comme nous l'avons précédemment évoqué, consiste en une transformation des prêts bancaires en titres acquis par l'organisme de titrisation. Ces créances bancaires sortent ainsi du bilan de la banque qui se débarrasse des risques et retrouve de la surface financière du fait du rachat et de la perception de la valeur de la créance cédée. L'organisme de titrisation acquéreur va, lui, parallèlement, procéder à une émission de titres (si c'est une société de titrisation) ou de parts représentatives (si c'est un fonds commun de titrisation) de cet organisme. Le produit de la souscription de ces parts, émises sur le marché et acquises par les investisseurs permettra à l'organisme de titrisation de financer l'acquisition des créances bancaires titrisées. Au final, l'organisme sert d'intermédiaire entre le marché et les banques et permet de fluidifier le refinancement en drainant l'épargne publique au sein d'un véhicule de titrisation spécialement dédié à l'investissement dans de la distressed debt.

De prime abord, ce mécanisme semble efficace à plusieurs égards. D'abord, il permet aux banques de se refinancer et permet aux entreprises titulaires de dette risquée de ne pas se voir imposer de conditions plus strictes (mise en oeuvre de covenants, exigibilité anticipée) par la banque qui confie à une entité spécialisée dans les placements risqués - et donc plus tolérante à la distressed debt et soumise à des exigences prudentielles moins strictes - ses clients. On peut raisonnablement penser qu'une banque désireuse d'alléger son bilan choisira l'option d'informer le débiteur de la titrisation de ses dettes afin que ce dernier traite désormais directement avec l'organisme de titrisation pour le paiement des échéances du prêt. Ensuite, ce mécanisme, comme on l'a dit, n'encoure pas de sanctions pour violation du monopole bancaire : bien que l'opération de cession de créance non-échues ait été reconnue comme une opération de crédit, les organismes de titrisation sont expressément exemptés par l'article L511-6 du code monétaire et financier des sanctions relatives à la violation du monopole. Ce mécanisme devrait donc suffire à créer un véritable marché du refinancement pérenne.

81 Loi n°96-597 du 2 juillet 1996

82 Article L214-1, I, 2° du code monétaire et financier

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Pour autant, la titrisation n'est pas une solution optimale. L'analyse économique du droit en la matière permet de montrer qu'elle ne répond que partiellement aux besoins des acteurs mis en exergue dans le titre précédent. En effet, si elle permet de satisfaire les besoins des banques, elle ne créée qu'une marché du refinancement imparfait car les besoins des débiteurs (détenteurs de « distressed debt ») ne sont pas satisfaits. Economiquement, la finalité de l'opération de titrisation ne s'analyse qu'auprès de deux parties : l'établissement de crédit cédant et l'organisme cessionnaire / les investisseurs. En effet, pour le premier, il s'agit de se débarrasser de ses risques, pour l'autre, il s'agit de mener une opération à visée spéculative : les investisseurs (par le biais de l'organisme de titrisation) parient sur le meilleur rendement du débiteur à haut risque, alors que la banque, symétriquement, cherche à éliminer ce dernier. Il s'agit donc d'une opération de nature essentiellement spéculative où le refinancement répond d'abord aux besoins économiques de la banque et aux velléités de spéculation des investisseurs. Dans ce modèle, aucune place n'est a priori accordée aux intérêts du débiteur qui demeure totalement passif : sa propension à rembourser, le caractère risqué de sa dette sont des critères guidant la prise de position des investisseurs (le « pari spéculatif ») en quelque sorte, mais nul ne s'intéresse véritablement à la relation client avec le débiteur. Cela est à dire, en effet, que les organismes de titrisation n'ont aucune volonté de gestion effective de la relation client avec le débiteur des créances cédées : ce ne sont que des intermédiaires de marché. Dès lors, le détenteur de distressed debt, à la recherche, comme on l'a vu, d'un interlocuteur, d'un gestionnaire de relation client, de portefeuille, se heurte à une impasse car il ne bénéficie en aucun cas d'une possibilité de rencontrer un conseiller, ni même de réfléchir aux aménagements ou à la restructuration de sa dette (modification des échéances, des intérêts, des covenants, discussions sur l'exigibilité anticipée, obtention de lignes de crédit supplémentaires ou « argent frais » etc.). Cela aboutit à sérieusement faire douter de la pertinence économique de la titrisation auprès de fonds de titrisation. Il existe, comme nous l'avons mis en évidence, d'autres entités (fonds d'investissement spécialisés dans la dette, hedge funds, fonds de capital investissement) désireuses de se porter acquéreurs de distressed debt directement auprès des banques afin non plus de réaliser une opération de nature purement spéculative, mais de mettre leurs compétences corporate et restructuring à la disposition des entreprises en difficultés (ou non) et de leur offrir des aménagements de dette, un interlocuteur, une stratégie. Les fonds de private equity sont notamment dotés de telles expertises. Pour autant, ces fonds autres que les organismes de titrisation n'étant pas exemptés du monopole bancaire, ils ne peuvent utiliser la technique de la titrisation pour réaliser de

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telles opérations au risque de tomber sous le coup de sanctions. Ainsi, le marché du refinancement est finalement peu liquide et peu efficient, économiquement parlant.

Par conséquent, l'analyse économique de la titrisation débouche inéluctablement sur un appel à l'extension du mécanisme de titrisation bancaire à d'autres entités que les organismes de titrisation : nous verrons par la suite si la création des sociétés de financement, non menacées par le monopole bancaire, est de nature à apporter une réponse à ces limites ou si d'autres voies devront être envisagées comme l'entrée d'entités supplémentaires dans le champ de l'exemption de l'art L511-6 CMF.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault