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Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais

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par Jean Duclos Ngon a moulong
Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012
  

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PARAGRAPHE I: L'ESPRIT DE LA CONSTITUTION DANS LA CONSECRATION DES GARANTIES STATUTAIRES DE L'INDEPENDANCE DU MINISTERE PUBLIC

À la lumière des propositions du Comité consultatif pour la révision de la Constitution201(*) en 1994, le doyen Louis FAVOREU dressait un constat plutôt sévère mais qui n'a malheureusement pas perdu de son acuité : « le problème du statut constitutionnel du parquet et de ses membres n'est toujours pas résolu, du moins de manière vraiment satisfaisante »202(*).

La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 traduit cet état des choses dans la consécration des garanties personnelles accordées aux magistrats, afin de les mettre à l'abri de toutes pressions externes dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles. En effet, d'après l'article 37(2) : « (...) les magistrats du siège nerelèvent dans leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience ».De même, l'alinéa 3 du même article poursuit en disposant que: « le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le conseil supérieur de la Magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège »203(*).

Ces garanties consacrées de la sorte, laissent apparaître non seulement une exclusion implicite de la loi et de la conscience(A) chez les membres du ministère public mais aussi une prise en compte discriminatoire du Conseil Supérieur de la Magistrature en ce qui concerne la gestion du parquet(B).

A- L'exclusion de la loi et de la conscience chez le ministère public

Les magistrats du parquet rencontrent d'énormes difficultés lorsqu'il est question pour eux d'exprimer leurs opinions à l'audience. Celles-ci ne sauraient être contraires à celles de leurs supérieurs hiérarchiques dans une mesure voulue par la législation en vigueur. C'est ce qui justifie d'ailleurs l'exclusion de la loi (1) et la limitation de leur liberté de conscience (2).

1- Exclusion de la loi

La Constitution prévoit que seuls les magistrats du siège relèvent de la loi. Cela signifie que les magistrats du parquet ne sauraient relever de la loi dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles comme ceux du siège le sont, étant donné que les fonctions du parquet sont règlementées par un décret204(*)qui est frappé du sceaux de l'emprise de l'administration, bras séculier de l'exécutif.Les magistrats du parquet au Cameroun ont donc le droit de s'appuyer sur l'esprit du décret qui est un règlement pour mener à bien leur mission.

Il est vrai que la Constitution camerounaise ne dit pas de manière expresse que les magistrats du parquet relèvent d'un règlement mais c'est son mutisme, vis-à-vis de la magistrature debout, qui offre à ses membres la latitude de relever du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire indirectement du pouvoir Exécutif. La préférence qu'a eu le constituant camerounais pour la loi, en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement du siège, constitue la preuve que le décret qui est par nature juridique un acte réglementaire, reste l'instrument juridique de base régissant la magistrature debout.

Au demeurant, « le fait pour le législateur de souhaiter que le décret oriente les fonctions des magistrats du parquet, reste ici un élément facilitateur de la soumission de ceux-ci au pouvoir central, notamment aux autorités hiérarchiques en charge de la gestion de ce même parquet »205(*). Ce constat malheureux ne peut que participer à altérer la qualité de la justice car le ministère public est co-artisans à la décision de justice et que à ce titre, il devraitaussi bénéficier au même titre que le juge de la loi. C'est à juste titre que l'Avocat général Jean-Claude BERLIOZ note que : « magistrat à part entière, garant des libertés individuelles comme tous les magistrats, le magistrat du Ministère public bénéficie, dans ses attributions, d'une délégation directe de la loi. Le Ministère public est en toute matière étroitement soumis à la loi qu'il est chargé d'appliquer, de défendre, et, s'il y a lieu, d'interpréter »206(*). Il précise à ce titre que : « le souci de la loi doit être constant dans les interventions du parquetier, car il agit en tant que représentant de la souveraineté nationale. À cet effet, d'une certaine manière, les magistrats du Ministère public sont étroitement dépendants de la loi; ils ne devraient d'ailleurs être soumis qu'au droit et à la loi et non au pouvoir exécutif»207(*) .

Dès lors, l'on peut aisément comprendre pourquoi le droit à la libre conscience des magistrats du Ministère public en matière administrativeou tout au plus en toute autre matière, ne saurait être effectif208(*).

2- La limitation de la libre conscience des magistrats du parquet

L'article 3 al 3 du décret n° 95 /048 du 08 mars 1995 portant statut de la magistrature constitue la preuve que la liberté d'expression des magistrats du parquet n'est pas effective. Au lieu de constituer un instrument d'épanouissement pour leur fonction, celle-ci se révèle plutôt un élément de blocage ne laissant pas dans certains cas aux magistrats du Ministère public l'opportunité de s'exprimer librement, car « leur liberté de parole ne s'exerce à l'audience lorsque des instructions leur ont été données, qu'à condition qu'ils aient préalablement et en temps utile, informé leur chef hiérarchique direct de leur intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites déposées conformément aux instructions reçues »209(*).

La liberté de parole et de conscience des magistrats du parquet peut donc se retrouver bloquée par leur hiérarchie lorsque les instructions leur sont données par celle-ci. Il convient de noter au passage que cette pratique est tributaire de la tradition française du parquet. Les membres du parquet étant des magistrats amovibles, ils obéissent à une hiérarchie qui anéantit leur liberté d'expression210(*). Or, une telle liberté est constitutionnellement reconnue. Elle rentre dans le préambule de la Constitution211(*). C'est donc une liberté publique qui devrait, à défaut d'être édulcorée par la hiérarchie du parquet, recevoir plutôt une protection « au sens du droit positif » comme pense Jean Rivero212(*). Il est d'avis que la liberté de parole rentre dans ce qu'il est convenu de nommer ou de qualifier de libertés publiques au sens du droit positif, car selon lui, « leur importance doit (renforcer) le principe général de la liberté de tous les comportements dans tous les domaines (...) »213(*).

Cependant, dans le domaine réservé à la magistrature du parquet au Cameroun, ce renforcement du principe général de la liberté de tous les comportements au sens du droit positif tel que prévu par Jean Rivero, rencontre d'énormes difficultés d'épanouissement. Celles-ci sont dues au fait que l'organisation du fonctionnement du parquet ne se réalise que par le biais d'un règlement. Ainsi, les magistrats du parquet obéissent à une hiérarchie contraignante auprès des différentes juridictions administratives avec l'aide des Avocats Généraux. On n'oublie pas qu'au sommet, le garde des Sceaux exerce un pouvoir hiérarchique sur l'ensemble des magistrats du parquet. Ces derniers sont tenus de se conformer aux instructions qu'ils reçoivent, en tout cas, dans les réquisitions écrites qu'ilsdéposent. Néanmoins, ils peuvent en effet s'exprimer librement à l'audience conformément au vieil adage « la plume est serve, mais la parole est libre à l'audience ».

Il ressort donc de tout ce qui précède que, même la liberté de conscience des magistrats du parquet reste en proie à la précarité, à partir du moment où ceux-ci doivent mettre en application les orientations du garde des Sceaux214(*). Cette affirmation vient renforcer l'idée selon laquelle il existe une séquestration de la « liberté d'expression » des membres du Ministère public. Cela peut aussi s'expliquer par le fait que le législateur a bien voulu écarter le Ministère public de l'encadrement offert par le Conseil Supérieur de la Magistrature215(*)au profit du seul siège.

B- Exclusion implicite du Conseil Supérieur de la Magistrature de la gestion de la Magistrature debout

L'alinéa 3 de l'article 37 de la constitution dispose : « le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le conseil supérieur de la Magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège »216(*). L'interprétation qui se dégage de cette disposition porte à croire quela nomination et la discipline des membres du ministère public ne nécessitent pas forcément l'intervention du CSM. Autrement dit, les magistrats du parquet ne relèvent pas de la loi n° 82 /14 du 26 novembre 1982 fixant l'organisation et le fonctionnement du conseil supérieur de la Magistrature. Cette prise en compte discriminatoire du CSM dans la gestion de la magistrature en général vient confirmer la prise en compte des bases infra-constitutionnellesnotamment réglementaires dans la gestion de la magistrature débout.

* 201Rapport remis au Président de la République le 15 février 1993 par le Comité consultatif pour la révision de la

Constitution, J.O., 16 février 1993, pp. 2537-2555.

* 202Expression empruntée au doyen Louis FAVOREU pour désigner les travaux relatifs à l'organisation ou au fonctionnement de la justice sous l'angle constitutionnel : Louis FAVOREU, « Brèves observations sur la situation du parquet au regard de la Constitution », RSC, 1994, p.675, [en ligne]. Disponible sur [www.dalloz.fr].

* 203Article 37 (3) de la Constitution, op. cit.

* 204Décret n°95/04, op.cit., La réglementation de la magistrature du parquet par un décret a rendu les magistrats du ministère public, vident de toute leur liberté de parole. Lorsqu'ils agissent dans certains cas, ces magistrats n'ont pas la conscience libre.

* 205NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 89.

* 206BERLIOZ (J-C), « L'éthique du magistrat du parquet à l'audience », annexe IX du Dossier de réflexion sur « La responsabilité du juge » réalisé par le Centre des ressources de l'Ecole Nationale de la Magistrature en France, dossier disponible sur le site : www.enm.justice.fr

* 207 Idem

* 208Article 3 (3) du décret N°95/048, op.cit.

* 209Article 3(3), Ibid.

* 210 STIRN (B), Les libertés en question, (le rôle du parquet) Montchrestien, 4eéd, p.78.

* 211 Article 65 de la Constitutionde la République du Cameroun.

* 212 RIVERO (J), Les libertés publiques, tome1, Coll : Thémis, 1997, p.37.

* 213 Ibid.

* 214NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 93.

* 215 Article 37 (3) de la Constitution et article 62 du décret n°95/048, op. cit.

* 216Article 37 (3) de la Constitution, op. cit.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault