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Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais

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par Jean Duclos Ngon a moulong
Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012
  

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PARAGRAPHE II : LESGARANTIES

STATUTAIRESINFRACONSTITUTIONNELLES DE L'INDEPENDANCEDU MINISTÈRE PUBLIC

Le constituant camerounais a volontairement fait une précision au travers de l'article37 (3) visant à dire que, les magistrats du siège sont ceux-là qui seuls, ne relèvent que de la loi et de leur conscience. Dans cette énumération sectorielle ou sélective, le constituant a laissé comprendre que le reste du corps de la Magistrature, c'est-à-dire les membres du ministère public ne relèvent que des normes infra-législatives notamment du décret portant sur le statut de la magistrature et le décret portant statut de la fonction publique.Ces instruments juridiques, de nature infra-législative et réglementaire, règlent alors de la situation et partant des garanties statuaires du ministère public dans la mesure où ces derniers sont avant tout des fonctionnaires qui sont tenus au respect des règles relatives au statut général de la Fonction publique. De plus, magistrat de formation et de fonction, ils ne peuvent pas échapper aux exigences réglementaires propres au statut de la magistrature. Ainsi, il conviendra d'identifier les garanties qui lui sont accordées par le décret qui porte sur le statut de la magistrature (A) afin de chuter sur celles contenues dans le statut général de la fonction publique (B).

A. Les garanties statutaires des membres du ministère public émanant du statut de la magistrature

Le statut de la magistrature met à la disposition des membres du ministère public des garanties statutaires propres à assurer leur indépendance. Parmi ces garanties, figurent celles qu'on retrouve également chez le juge. C'est le cas avec les incompatibilités, les incapacités, la rémunération et les honneurs. Partagées de la sorte entre ces deux organes, il ressort que, envisager leur analyse ici ne permettra pas de percevoir la spécificité de l'organe objet de l'analyse. De ce point de vue, il sera question ici de déterminer essentiellement les garanties qui lui sont propres parce qu'attestant de sa particularité.

En effet, le Ministère public tel que conçu et reçu par le législateur camerounais, est placé sous la dépendance du Ministre de la Justice, garde des Sceaux et des autorités hiérarchiques directes. C'est le décret n°95 /048 précité portant statut de la Magistrature217(*) qui prévoit les choses ainsi. Ce texte règlementaire dispose en son article 3 que les« magistrats du parquet et attachés de justice relèvent administrativement de la seule autorité du Ministre de la Justice ». Les alinéas 2 et 3 de cette même disposition ajoutent : « ils lui sont hiérarchiquement subordonnés » et « leur liberté de parole ne (saurait s'exercer) à l'audience, lorsque des instructions leur ont été données, qu'à condition qu'ils aient préalablement et en temps utile informé leur chef hiérarchique direct de leur intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites déposées conformément aux instructions reçues ».Ce dernier article est plus déterminant que son précédent quant à ce qui est de la dépendance à l'autorité hiérarchique directe. Il impose aux magistrats membres du Ministère public la conduite à tenir dans leurs fonctions juridictionnelles, vis-à-vis de leur chef hiérarchique direct. Ainsi, les magistrats membres du Ministère public sont interdits de toute expression écrite ou orale pouvant aller à l'encontre de l'intention de leur chef hiérarchique direct. Aux instructions qui leur sont adressées, les magistrats du parquet doivent se conformer, sous peine de faire l'objet de poursuites disciplinaires fondées sur la méconnaissance de son devoir d'obéissance218(*). Nonobstant cette forte emprise du garde des sceaux sur le ministère public, il convient de préciser que conformément au célèbre adage : «la plume est serve et la parole est libre », le ministère public se voit reconnaître une liberté de parole qui s'exerce à l'audience(1) et qui lui permet de faire des réquisitions et des conclusions justes et équitables dans l'application du droit. Par ailleurs, la gestion des nominations et de la discipline des membres du ministère public se fait par des organes qui, bien que projetant les apparences d'être contrôlés par le ministre de la justice, présentent des garanties non négligeables de nature à contrebalancer le pouvoir hiérarchique et les risques d'arbitraire des supérieurs hiérarchiques du ministère public. Ces organes sont au nombre de deux à savoir la commission de classement et la commission permanente de discipline(2).

1- La libération de la parole du Ministère public à l'audience

Conformément à l'adage traditionnel «la plume est serve, mais la parole est libre», les Magistrats du parquet bénéficient d'une indépendance consubstantielle à leur qualité de magistrat et à leur devoir de gardien de la loi219(*). Cet adagetraduit textuellement dans l'article 3 alinéa 3 du décret n°95/048 du 8 mars1995portant statut de la magistrature, est renforcé par l'affirmation de l'indépendance du pouvoir judiciaire. La libération de la parole est une manifestation de l'indépendance du Ministère public dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles nonobstant sa qualité de représentant du pouvoir exécutif au sein des juridictions. Comment appréhende-t-on la libération de la parole à l'audience et quel sera l'impact de l'affirmation de l'indépendance du pouvoir judiciaire sur l'exercice par le Ministère public de cette liberté ?

Eu égard à l'esprit de cet adage, il est possible de reconnaître un droit d'initiative personnel à la magistrature débout. C'est ainsi que, bien que respectant les instructions de leur chef hiérarchique conformément à l'article 3 du statut de la magistrature, ces derniers peuvent aller au-delà de ces ordres qui parfois viennent réduire à néant la bonne administration de la justice. Ainsi, selon la maxime « la plume est serve, mais la parole est libre », lorsque le Procureur de la République est à l'audience, il ne pèse sur lui aucune obligation d'obéissance aux injonctions de son supérieur hiérarchique parce que la loi l'autorise à développer librement des arguments qu'il estime convenables pour le bien de la justice (a). Cette possibilité aura une portée fondamentale dans l'expression de l'indépendance du Ministère public (b).

a- L'absence d'obéissance aux injonctions du supérieur hiérarchique pendant l'audience

L'absence d'obéissance aux injonctions du supérieur hiérarchique pendant l'audience est la conséquence de la maxime « la plume est serve mais la parole est libre ». En effet, cette maxime découle de l'article 3 alinéa 3 du décret portant statut de la Magistrature lorsqu'il dispose en ce qui concerne les magistrats du Ministère public, que : « leur liberté de parole ne s'exerce à l'audience, lorsque des instructions leur ont été données, qu'à condition qu'ils aient préalablement et en temps utile, informé leur chef hiérarchique direct de leur intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites déposées conformément aux instructions reçues ». De la sorte, cette disposition réglementaire illustre la qualité des membres du Ministère public qui, au-delà de représenter le pouvoir exécutif près des juridictions, restent avant tout, des magistrats au même titre que les magistrats du siège. Elle montre également que les magistrats du Ministère public ne sont pas tenus à l'obligation d'obéissance lorsqu'ils développent oralement leurs observations à l'audience. Le décret leur impose seulement de prendre des réquisitions écrites conformes aux injonctions du supérieur hiérarchique, notamment celles du Procureur Général ou du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Dans ce cas, les réquisitions écrites sont transmises au supérieur hiérarchique220(*)pour qu'il les signe. Mais, une fois à l'audience, le Procureur de la République est affranchi bien qu'il soit astreint à l'obligation d'informer préalablement et en temps utile son chef hiérarchique direct de son intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites. De ce fait il peut développer un argumentaire totalement contraire aux réquisitions écrites conformes aux injonctions de son supérieur hiérarchique. Toutefois, cette façon d'appréhender les choses nécessite d'être nuancée. En effet, il est d'abord difficile voir même insensé pour une personne de développer par écrit une idée et de la contredire ensuite oralement. De même, en contentieux administratif, l'accent est plus mis sur l'échange des écrits au détriment des observations orales qui généralement n'interviennent d'ailleurs que pour appuyer le contenu du document écrit. En plus, la loi est sans ambages sur le fait qu'avant de s'écarter oralement des réquisitions écrites, il doit avertir son supérieur hiérarchique. Ce faisant, le supérieur hiérarchique peut choisir de s'opposer de sorte que s'il s'entête, il s'expose à des sanctions disciplinaires221(*). Le droit d'initiative personnel ne représentant alors dans ce cas qu'un leurre.

En conséquence, selon J. LEX, l'importance du poids des autorités hiérarchiques du Ministère public sur lui dépendra étroitement de la conception des Procureurs de la République de l'exercice de leur pouvoir propre. Ainsi, si cette conception est large, elle les conduira à ne pas saisir leurs autorités hiérarchiques des propositions et se borneront à leur rendre seulement compte des conditions dans lesquelles ils accomplissent leur mission. S'il se réalise une telle évolution des mentalités des magistrats du parquet se manifestant dans le sens d'une plus grande autonomie, d'une obligation de réserve et d'un respect moindre à l'égard de leur hiérarchie, les suspicions légitimes sur leur partialité se dissiperaient. Cette évolution se fonde avec pertinence sur la liberté de parole reconnue au Ministère public à l'audience222(*). Cette liberté est renforcée par le principe constitutionnel de l'indépendance du pouvoir judiciaire qui ne distingue plus entre la magistrature assise et celle debout.

b- la portée de la liberté de parole du ministère public à l'audience

La liberté de parole du Ministère public à l'audience est la dimension essentielle de l'indépendance du Ministère public. Elle lui permet de s'exprimer loyalement et librement au procès en développant des observations convenables pour le bien de la justice. Elle donne à l'audience publique toute sa force dans la mesure où, elle met le Procureur de la République devant ses responsabilités sous le regard du public. Et, parce qu'il a le droit de s'exprimer librement à l'audience pour contribuer valablement au développement de la justice, le Ministère public doit exercer cette liberté à travers la conscience qu'il a des exigences morales de la fonction de rendre la justice au nom du peuple. Car, comme le pensait l'Avocat Général Jean Claude BERLIOZ précédemment cité, « plus la liberté est grande, plus l'exigence d'une éthique est forte pour mettre le Ministère public à l'abri des dépendances, des pressions, des préjugés, de l'intolérance »223(*).Il appartient donc au Ministère public d'assumer sa responsabilité en développant des observations orales qu'il croit convenables au développement de la justice, fussent-elles contraires aux réquisitions écrites transmises au supérieur hiérarchique notamment le Procureur Général ou le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux.

De même, une fois au stade du jugement, la procédure étant alors publique selon le principe de la liberté de la parole, le Ministère Public peut développer objectivement des observations qui pourraient être contraires aux injonctions du Garde des Sceaux. A ce propos, un Procureur de la République de Valenciennes rappelait que, propos utilisé par J.-C. BERLIOZ, « l'audience est un lieu où la vérité doit, si possible, se manifester. Ce n'est pas un lieu de plaisir, un théâtre, un lieu de représentation (...) d'effets d'audience. Les propos doivent témoigner de la neutralité du magistrat fut-il d'accusation »224(*).« L'accusation ne peut reposer que sur les charges sérieuses, précises (...) On n'accuse pas au bénéfice du doute (...) Rien que la vérité, toute la vérité du dossier, même si elle gène l'accusation »225(*), doit être l'objectif du Ministère public.

* 217 Ibid.

* 218 Ibid.

* 219LEX (J), « Quelle indépendance pour le Ministère public », la Revue BANQUET, n°9, 1996/2, article disponible sur le site : www.revuelebanquet.com.

* 220 Voir VINCENT (J), GUICHARD (S), MONTAGNIER (G) et VARINARD (A), « Institutions judiciaires : organisation, juridictions et gens de justice », Paris, Dalloz, 2005, 8è éd, p.751.

* 221Les sanctions disciplinaires à l'encontre des Magistrats du Parquet ressortissent de la compétence de la Commission Permanente de Discipline instituée par l'article 52 du statut de la Magistrature (décret n° 95/048 du 8 mars 1995) ; cette commission est présidée par le Premier Magistrat du siège, le Président de la Cour Suprême, qui a voix prépondérante en cas de partage de voix. La commission se réunit au siège de la Cour Suprême, centre nerveux des Magistrats du siège, et non le Ministère de la Justice et comprend toujours outre son président, deux autres Magistrats de siège. Mais ce contrôle du siège n'est qu'apparent :

En effet, plusieurs dispositions montrent que le pouvoir exécutif par Parquet interposé, tient la commission. Les Magistrats du Parquet sont autoritaires, quatre contre trois pour le siège. Mais l'emprise du pouvoir exécutif ne s'arrête pas là, car la commission n'a finalement qu'une valeur consultative. D'ailleurs la commission ne se réunit qu'à la suite d'une saisie réservée au Ministre de la Justice. Si on ajoute à cela le fait que la commission peut siéger si cinq au moins de ses membres sont présents, on comprend dans ce cas que le régime disciplinaire des magistrats du Parquet dépende du bon vouloir du pouvoir exécutif.

* 222J. LEX, « Quelle indépendance pour le Ministère public », la Revue BANQUET, n°9, 1996/2, article précité.

* 223BERLIOZ (J-C), « L'éthique du magistrat du parquet à l'audience », annexe IX du Dossier de réflexion sur « La responsabilité du juge », réalisé par le Centre des ressources de l'Ecole Nationale de la Magistrature en France, dossier disponible sur le site : www.enm.justice.fr, p.59.

* 224 Ibid., p.59.

* 225 Idem.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams