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Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais

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par Jean Duclos Ngon a moulong
Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012
  

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a- La connaissance de la loi par le juge

Le principe selon lequel le juge doit juger selon les lois l'oblige à avoir une connaissance parfaite du droit existant. « La justice, a-t-on écrit, est un pouvoir fondé sur le savoir »83(*). De ce fait il apparaît que, la maxime « nul n'est censé ignorer la loi » doit s'imposer prioritairement au juge qui est appelé à trancher le litige en disant le droit84(*). Cette exigence est traduite dans deux adages.

Le premier, c'est l'adage « Jura novit curia » qui signifie « la cour connaît le droit » qu'elle a mission de dire85(*). Cette maxime énonce une présomption spéciale de qualification qui se justifie pleinement aujourd'hui par le statut de professionnel du magistrat de siège86(*). Un auteur rappelle à juste titre que, « le juge connaît les lois qu'il a apprises et qu'il pratique, comme tout technicien, mais l'interprétation de la loi impose une connaissance du droit, fondement même de la décision du juge »87(*). Il est donc censé connaître les lois existant au moment où il est saisi d'une situation litigieuse ; Il va de soi que l'on ne demande pas au juge que cette connaissance soit totale dans la mesure où, le droit qu'il doit connaitre est un droit composite divers et épars. Ce droit comprend d'abord les textes législatifs et réglementaires en vigueur88(*) et s'étend aussi à la coutume89(*). Par conséquent, ce qui lui est exigé c'est d'avoir un certain savoir juridique qui lui permette « de parvenir à la connaissance du droit de la situation litigieuse »90(*).

La deuxième maxime est « Da mihi factum, dabo tibi jus » qui signifie littéralement « Donne- moi le fait, je te donnerai le droit »91(*), confirme également l'exigence de connaissance de la loi par lejuge. Elle procède à une répartition des charges : aux parties au procès, il appartient de rechercher la preuve des faits qui soutiennent leur demande ; au juge, il revient de rechercher la règle de droit qui doit s'appliquer à la cause92(*). Car Le juge est, comme le rappellent MM.Vincent et Guinchard93(*), « maître du droit ». Cette connaissance connait deux exceptions à savoir la coutume94(*) et la loi étrangère95(*).

Au demeurant, le « bloc de légalité » qui s'impose à la connaissance du juge est donc immense. Mais, la question se pose de savoir si le juge est réduit à n'être que « l'esclave » ou le « serviteur » de la loi ? Ne dispose-t-il pas, dans l'application de la loi, d'une marge de liberté lui permettant d'échapper à leur emprise ?

b- L'application de la loi par le juge

Le juge ne peut arbitrer entre des intérêts divergents que sur la base de la loi. Toutefois, le juge ne doit pas être réduit à un simple « esclave » ou le « serviteur » de la loi car si la fonction de juger devrait réduire le magistrat du siège à n'être que la « bouche de la loi », elle perdrait toute sa dignité. À ce propos, Guillaume de Lamoignon a pu dire que :« sans la force de la loi, le magistrat n'est rien, sans la voix du magistrat, la loi ne dit rien, son pouvoir est languissant et ses plus saintes dispositions sont inutiles»96(*). Ainsi, dans l'acte de juger, le juge dit le droit par obligation mais en même temps, c'est lui qui le fixe afin d'en assurer l'efficacité.

En principe, le magistrat du siège doit juger les causes dont il est saisi selon les lois. Ainsi, est lié par la loi au sens où, toute décision qu'il rend doit l'être sous le sceau de la loi. Le doyen Cornu97(*) écrit fort justement que : « La fonction juridictionnelle est une fonction d'application du droit, le juge un agent d'exécution de la règle de droit, le jugement une application de la loi (au sens le plus large du terme) ».Ce principe ou alors cette obligation appelle un certain nombre de précisions.

Premièrement, le magistrat a le pouvoir et le devoir d'appliquer les règles juridiques produites par les autorités compétentes pour édicter des règles de portée générale, qu'elles soient nationales ou internationales et non de les créer. Cependant, il peut être amené à créer à titre exceptionnel le droit. Dans ce cas, sa participation à la création ne constituera qu'une part infime de son activité qui n'est véritablement favorisée que par les lacunes ou les silences de la loi. A ce propos, le doyen Gérard Cornu98(*) constate que : « la fécondité de la jurisprudence est inversement proportionnelle à celle de la loi. Ce sont au moins les carences de celles-ci (les lois) qui offrent au juge des occasions créatrices. Agent de comblement des lacunes légales, la création prétorienne est casuelle ».

Ensuite, l'obligation de juger conformément à la loi s'accompagne de l'exigence, pour le magistrat du siège, de motiver sa décision99(*). L'article 54 alinéa 1b de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratif précise que, les jugements du tribunal administratif « sont motivés et datés ». L'atteinte portée à cette obligation entraine la nullité d'ordre public de la décision au travers de l'exercice par les parties des voies de recours pour manque de base légale ou violation de la loi100(*). Cette motivation obligatoire atteste de la soumission du juge à la loi. Tout compte fait, le juge est donc tenu de statuer en droit, telle est sa fonction et sa vocation. Mais, la soumission à la loi ne revient pas à faire du juge « l'otage » de la loi. Par la force des choses, le juge n'est pas un « automate »101(*). Aussi, sa fonction va bien au-delà d'une simple application de la loi car il a, seul, le pouvoir de fixer le droit.

En effet, le juge se serait contenté d'être la « bouche de la loi » si celle-ci était claire, précise, complète102(*). Dans ce cas, le rôle du juge serait simple. Il pourrait alors se comporter dans l'application de la loi comme le ferait une machine. Or, il en est rarement ainsi. Nombreuses sont les règles de droit équivoques, confuses ou incomplètes de ce fait, il faut bien admettre que le juge se retrouve dans un rapport différent avec la loi. Dès lors, Il ne saurait plus s'arrêter à la seule « diction ». Il se voit investi d'une mission d'interprétation qui a pour but de fixer le droit103(*). Le juge intervient alors pour expliciter la règle, « pour la disséquer et lui faire dire ce qu'elle dit ou ce qu'on veut lui faire dire»104(*). L'interprétation n'est pas seulement nécessaire que pour les règles équivoques ou obscures. Force est d'affirmer que l'interprétation est aussi possible même en cas de règle claire, nonobstant la maxime « interpretatio cessat in claris »105(*). M. François Terré106(*)observe qu'il serait exagéré d'exclure toute interprétation en cas de termes clairs, « parce qu'il est souvent difficile de distinguer un terme clair d'un terme obscur et parce que le sens de certains termes, clair dans le langage courant, peut cesser de l'être dans le langage juridique ».

Au demeurant, le juge à l'obligation de statuer conformément aux règles de droit. Cette exigence vise à garantir l'objectivité de la fonction juridictionnelle en faisant « barrage à des décisions qui ne seraient fondées que sur les valeurs personnelles de tel ou tel juge »107(*).Toutefois, L'acte de juger ne saurait se réduire à une simple « légidiction mécanique »108(*). Comme on l'a si bien relevé, « le juge ne tranche pas seulement le litige en disant le droit qui lui est applicable (...) il a le devoir de chercher (...) la décision la meilleure possible, voire la plus juste ». Or, c'est bien dans son for intérieur que se trouve l'idée qu'il se fait du juste et qu'il entend voir transparaître dans sa décision. Cela est d'autant plus vrai que la loi n'est pas toujours juste. D'où sa soumission à la conscience.

* 83WIEDERKEHR (G), op. cit., p. 584.

* 84Voir AKAM (A), « Libres propos sur l'adage Nul n'est censé ignorer la loi », R.R.J, 2007/3, p. 30 et s.

* 85ROLAND (H), Lexique juridique. Expressions latines, 4e éd., Paris, Litec, 2006, p. 158.

* 86CORNU (G), op. cit., n° 113, p. 67.

* 87BLANCHOT (A), « Le droit et le bon sens », Mélanges A. Decoq, Litec, 2004, p. 25 s, et précisément p. 30.

* 88Il s'agit de la loi sous toutes ses formes, à savoir la loi émanant du législateur, des ordonnances prises par le Président de la République dans les matières relevant du domaine de la loi, des décrets et arrêtés pris par les autorités investies du pouvoir réglementaire. A côté des lois et règlements, la « légalité » englobe tout naturellement les accords et traités dès lors qu'ils ont été régulièrement approuvés ou ratifiés, et qu'ils ont fait l'objet de publication.

* 89La coutume constitue une authentique source du droit au Cameroun. Entendue de manière plus large, elle englobe aussi les principes généraux du droit et les maximes juridiques. A ce propos voir BOULANGER (J), « Principes généraux du droit et droit positif », in Mélanges Ripert, 1950, t. 1, p. 515 ; VOISSET (M), « La reconnaissance de l'existence des principes généraux du droit par le Conseil constitutionnel », JCP 1969, I.2290 bis ; OPPETIT (B), « Rapport sur les « principes généraux » dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Entretiens de Nanterre, 17 et 18 mars 1989, JCP, éd. E, n° 5-1989, p. 12 s.

* 90WIEDERKHER, cité par AKAM AKAM (A), in « la loi et la conscience dans l'office du juge », revue de L'ERSUMA, Droit des affaires-pratique professionnelle, N° 1- juin 2012, p. 507.

* 91ROLAND (H), op.cit., p. 63.

* 92Sur cette répartition des charges, v. BLONDEL (Ph), « Les offices croisés du justiciable, de son ou de ses conseils, du technicien ou de tout autre intervenant à l'oeuvre de justice et du juge pour une première instance revisitée et dominée par un principe de complétude ou le décryptage d'un songe procédural », in Foyer (J), PUIGELIER (s.dir), Le nouveau code de procédure civile (1975-2005), Economica, Etudes juridiques, n° 25, 2006, pp. 159-182 ; BLERY (C), « Concentration des demandes et office du juge : une nouvelle donne au sein des principes directeurs du procès ? (Du renouvellement des rôles du juge et des parties quant au droit lors d'un procès) », Mélanges HERON (J), 2008, p. 110 s.

* 93VINCENT (J), GUINCHARD (S), Procédure civile, 25e éd., Dalloz, 1999, p.490, n° 551.

* 94La coutume doit être prouvée par les parties qui l'invoquent tant en ce qui concerne son existence que sa consistance. De ce fait, n'est pas traitée à l'égale de la loi. La raison en est que le juge n'aurait pas véritablement les moyens de rechercherla coutume des parties qui est généralement de source orale.

* 95La règle de droit d'origine étrangère ne bénéficie pas de la présomption de connaissance par le juge camerounais. Elle est ainsi « reléguée » au rang de simple fait et, par conséquent, est soumise aux exigences de preuve des faits. C'est donc aux parties d'en rapporter la preuve de son existence, et de sa teneur, tout au moins dans les matières où elles ont la libre disposition de leurs droits.

* 96Discours du président Guillaume de Lamoignon, cité en annexe par DEPANBOUR-TARRIDE (L), « Représenter une conscience : le portrait de Guillaume de Lamoignon par Robert Nanteuil », in CARBASSE (J-M), DEPAMBOUR-TARRIDE (L) (sous.dir), La conscience du juge dans la tradition juridique européenne, ouvrage coll., PUF, 1999, pp. 195-228, plus précisément p. 222.

* 97Op. cit., p. 95, n° 172.

* 98« Libres propos sur la jurisprudence », in Cornu (G), L'art du droit en quête de sagesse, PUF., 1998, p. 174.

* 99Sur cette obligation, en général, v. LEGROS, Essai sur la motivation des jugements civils, th. (Dactyl), Dijon, 1987 ; TOUFFAIT ET TUNC, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, notamment celles de la Cour de cassation », RTD.civ., 1974. 487 ; PERELMAN et FORIERS, La motivation des décisions de justice, Bruylant, Bruxelles, 1978 ; DUREUIL (C), « La motivation des arrêts d'appel », in La Cour d'appel d'Aix-en- Provence, Colloque, Aix-en-Provence, 11-12 déc. 1992, PUAM, 1994, p. 109 ; BLONDEL (Ph), « Le justiciable, à ne pas oublier », Mélanges J. Buffet, Petites affiches, 2004, p. 19 s. Note cité AKAM AKAM (A), op.cit., p.511.

* 100Sur la distinction entre ces différentes notions, v. Le BARS, Le défaut de base légale, LGDJ, 1977 ; Le CLECH, « L'insuffisance des motifs, manque de base légale des décisions judiciaires », JCP. 1948 .I.690 ; «Manque de base légale et violation de la loi en matière civile », JCP. 1948 .I. 720 ; MIMIN, « Les énonciations nécessaires, base légale des jugements », JCP. 1946. I. 541 ; MOTULSKY (H), « Le manque de base légale, pierre de touche de la technique judiciaire », JCP. 1949. I. 775 ; PERDRIAU, « Illustration de l'intérêt de la cassation pour manque de base légale », note sous Com. 20 févr. 1990, JCP.II.21509.

* 101AKAM AKAM (A), « la loi et la conscience dans l'office du juge », op. cit., p. 512.

* 102Ibid.

* 103Le doyen Cornu précise que l'interprétation consiste à rechercher le sens véritable d'une règle de droit, à établir le sens qui doit prévaloir quand il y a dans un texte un doute à ce sujet du fait de son obscurité, de ses lacunes, de son ambigüité. V. définition dans Droit civil, précité, p. 253

* 104 PINEAU (J), op. cit, p. 367.

* 105AKAM AKAM (A), « la loi et la conscience dans l'office du juge », op. cit., p.512.

* 106Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, 6e éd., 2003, n° 436.

* 107 CARBASSE (J-M), DEPAMBOUR-TARRIDE (L), op. cit, p. 16.

* 108 Cette expression est de Nathalie Dion, op. cit., n° 2.

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