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Culture managériale et pérennisation des projets de développement au Cameroun: cas du nazareth agro pastoral training and production centre de menteh (bamenda)

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par Albert Legrand TODJOM MABOU
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Développement et Management des Projets en Afrique 2014
  

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2. Le développement de l'unité de production

Bien que l'unité de formation et celle de production soient définies comme les deux axes principaux du projet du NAPTPC, l'unité de production née avant l'autre, connaît une rapide évolution.

En effet, après l'allocation des fonds d'investissement recherchés par le premier promoteur, l'activité de production initiale s'oriente vers la traction animale dans les cultures en 1996, avec l'acquisition par la ferme de deux boeufs. Mais cette expérience n'a pas duré, car l'initiateur du projet décide non seulement de rentrer dans son pays natal l'Espagne, mais de quitter le sacerdoce. Cet incident ralentit aussi bien le développement de l'unité de production que le projet tout entier.

Il faudra attendre l'année 1998 pour voir arriver un autre religieux de la même congrégation qui décide de poursuivre l'initiative de son prédécesseur. Spécialiste en Biologie Animale, il manifeste plus d'intérêt pour le projet. Ses multiples contacts en Espagne lui permettent de réunir les fonds et l'équipement nécessaires. Le nouveau promoteur fera venir plusieurs conteneurs d'équipements, notamment pour la production des lapins, des oeufs, des porcs, l'élevage des poulets et pour l'agriculture. On y inventorie : une machine de classification des oeufs ; une trentaine de cages complètes pour l'élevage de lapins - par ailleurs le domaine de prédilection du nouveau responsable - ; des appareils pour le traitement des pondeuses ; des médicaments pour animaux ; plusieurs livres sur l'élevage, le traitement des animaux et l'agriculture.

Deux religieux se proposent successivement de l'accompagner dans le projet. Mais l'un d'entre eux ne continue pas sur cette voie pour des raisons de sensibilité vocationnelle. C'est avec ce dernier que les bases de la production seront posées. Il va d'ailleurs suivre les travaux ultérieurs de développement du Centre et même diriger celui-ci, car le nouveau promoteur quitte brusquement le Cameroun en 1999 pour des raisons de santé. Mais il entretient avec le jeune religieux un contact permanent pour un développement favorable de la production au NAPTPC (Cf. ANNEXE N°12).

L'instabilité que connaît le Centre avec le changement d'équipes dirigeantes du projet émane d'une absence de planification et de mise en place d'un mécanisme de suivi et d'accompagnement des activités. En effet, d'un côté les logiques individuelles marquent la manière d'agir aussi bien des promoteurs que des membres de l'équipe du projet. Les activités sont personnalisées et très peu d'espace est laissé à l'action collective. Et de l'autre, la logique paternaliste qui imprègne la gestion des activités du NAPTPC centralise tout sur la personne du promoteur du projet. Or manager un projet, c'est savoir combiner l'unité et la diversité, c'est aussi transformer l'individuel en collectif:

« Une équipe de projet, est donc plus que la somme des capacités individuelles de ses membres. Elle représente une situation où l'individu et ses caractéristiques personnelles continuent d'exister en tant que tels mais simultanément intègrent une dimension supplémentaire qui est cette fois collective ».108(*)

Certains secteurs de production néanmoins se développent efficacement au Nazareth malgré les changements dans l'équipe de direction et l'instabilité subséquente. C'est le cas notamment des unités de production des lapins et des porcs. Les produits sont essentiellement destinés à la vente avec, comme acheteurs, la population environnante et les communautés des Pères Piaristes. Les fruits des ventes permettent de soutenir la production et de couvrir les besoins essentiels du Centre.

Le jeune religieux, nouveau responsable du projet, coordonne les activités de production au Centre jusqu'en 2008, date à laquelle la Congrégation des Pères Piaristes l'invite à passer le témoin à un autre religieux de la même Congrégation, mieux préparé dans le domaine agropastoral. C'est ce qui ressort de cet extrait d'une correspondance que lui-même envoie à Manos Unidas, un des bailleurs de fonds du Centre :

« Je voudrais signaler les intentions des Pères Piaristes de changer le responsable du projet. La lettre d'information et de demande de compréhension de ce changement sera bientôt adressée au bureau administratif de Manos Unidas par le Supérieur Majeur, le Révérend Père Mariano Grassa. La raison de ce changement est que notre frère (Djam Wilfred Chiatoh) qui était envoyé à l'Institut Supérieur des Sciences Agrovétérinaires (ISAV) à Kinshasa en République Démocratique du Congo vient de terminer ses études et est retourné afin de s'embarquer totalement dans le projet(...). Ainsi le rapport final sur le projet après ce deuxième rapport à mi-parcours sera fait par Wilfred puisqu'il prendra bientôt en charge l'exécution du projet à partir de ce point ».109(*)

Avec l'arrivée d'un nouveau religieux, rejoint un an plus tard par un autre, formé dans le même institut supérieur, commence pour le Centre une période radieuse au niveau de la poursuite des investissements, de la formation et surtout de la production. En effet, ces nouveaux promoteurs se distinguent par leur expertise, leur enthousiasme et leur dynamisme dans le développement du secteur de production. La production des lapins est poursuivie, mais celle des porcs est intensifiée notamment avec l'introduction à la ferme des races spéciales de la Belgique. Par ailleurs, l'élevage des pondeuses s'agrandit. La production des oeufs, des haulacodes, du maïs, des ignames et des plantes du jardin se multiplie.

Les efforts et l'engagement de la jeune et dynamique équipe d'experts ne tardent pas à être récompensée. Sur le plan local et régional, les demandes de consommation de ces produits qui se singularisent par leur qualité et leur prix affluent, même si malheureusement elles excèdent l'offre. Sur le plan national, le NAPTPC reçoit le prix de la meilleure race de porc et de la meilleure race de lapin lors du Comice Agropastoral d'Ebolowa en 2011. Dans la ferme même, la production ne fait qu'augmenter : en 2012, le stock de porcs s'est élargi à 250 bêtes dont certaines pèsent 200 kilogrammes. La ferme avicole est tout aussi florissante. En effet, avant la fin de la vente d'une couvée de poulets, la commande d'une autre est déjà faite.

A travers ses activités de production, le NAPTPC contribue à sa manière au développement rural du Cameroun. En effet, malgré les multiples actions entreprises par le gouvernement camerounais, les organisations nationales et internationales de développement, le monde rural reste encore pauvrement développé. Le constat qu'en fait le Fonds Africain de Développement pour certaines régions le confirme. En effet, « Malgré les résultats antérieurs obtenus dans le cadre du projet de développement rural dans la province du Nord-Ouest, environ 70% de la population rurale vit encore en-dessous du seuil de pauvreté. »110(*) Ceci justifie le fait que le NAPTPC est devenu rapidement une référence pour la promotion agropastorale dans la région du Nord Ouest compte tenu de ses activités et des formations agropastorales qu'elle offre aux populations locales car l'agriculture y « occupe près de 70% de la population active. »111(*) Pour réaliser sa politique et sa stratégie de développement du secteur rural, le Cameroun a besoin de centres agropastoraux privés comme le NAPTPC. Ceux-ci participent au développement du monde rural à travers l'augmentation de la production agropastorale et des revenus agricoles qui garantissent la sécurité alimentaire, la professionnalisation des organisations paysannes, l'association des différents partenaires nationaux et internationaux de développement et la prise en charge du développement par les communautés rurales et les acteurs locaux.

Malheureusement, certains aléas peuvent parfois empêcher ces centres agropastoraux d'atteindre ces objectifs. C'est le cas du NAPTPC qui en 2012 ne connaît pas que des moments agréables, car une crise éclate pour la première fois dans le domaine de la production déclenchée en effet par la peste porcine. Presque tous les porcs sont atteints et décèdent les un après les autres ou sont abattus et brûlés. La perte est estimée à plus de 20.000.000 F CFA. Les autorités administratives de la région et surtout de la délégation régionale de l'agriculture du Nord Ouest ont multiplié des promesses d'assistance du gouvernement camerounais, mais elles sont restées toutes vaines. Les dernières informations recueillies auprès de la même délégation disent que le dossier d'assistance est parvenu à Yaoundé mais que le montant de l'aide du gouvernement ne peut aller au-delà de 3.000.000 F CFA, ne représentant que les 15% des pertes total sans compter le manque à gagner du à l'arrêt de la production porcine.

L'épidémie entraîne en effet la fermeture de l'unité porcine, car les dispositions techniques suggèrent que la ferme soit désinfectée et qu'une nouvelle production porcine ne commence pas avant six mois. Après cette période de quarantaine de la ferme, la production porcine ne peut être relancée à cause des difficultés économiques auxquelles fait face le NAPTPC. La ferme avicole également fonctionne au ralenti, car la production est passée de 6000 poulets à 1500.

L'épidémie de la peste porcine n'est pas l'unique cause de la crise financière. S'y ajoutent des problèmes managériaux au NAPTPC. En effet, les membres de l'équipe de direction accusent la Fondation Itaka, principal bailleur de fonds, de s'ingérer dans la gestion interne du NAPTPC en exerçant, sous l'instigation de son siège de l'Afrique Centrale, une forte pression sur les responsables dans la réclamation des justifications financières, sans tenir compte des aléas de la production et des difficultés de gestion de la ferme agropastorale. De son côté la Fondation Itaka accuse l'équipe de direction du manque de transparence dans la gestion financière et de légèreté dans le suivi des activités de formation et surtout de production. Cette accusation du bailleur des fonds est étayée par un solde annuel déficitaire malgré les investissements consentis et les promesses de l'équipe de direction renouvelées à chaque exercice budgétaire de promouvoir efficacement l'autosuffisance de la ferme.

Avec la dernière subvention reçue de la Fondation Itaka par le NAPTPC de la Fondation Itaka pendant l'exercice budgétaire 2013-2014, la production a été relancée à partir du mois d'août 2013. En effet, la ferme avicole a repris ses activités de production avec une fréquence de 1500 sujets par couvée. En outre, l'élevage des pondeuses lancée en octobre 2013 a repris avec la première couvée comportant 2000 sujets et permet à la ferme depuis le mois de mars 2014 de produire une moyenne de 1400 oeufs par jour. Cette offre n'arrive pas à satisfaire la demande grandissante des clients. C'est pourquoi le lancement d'une nouvelle couvée de pondeuses est prévu pour le mois de septembre 2014. L'élevage porcin est relancé avec l'achat de 5 truies dont une en gestation et d'un verrat chargés de repeupler l'unité porcine.

Les conflits entre le principal bailleur de fonds de la ferme et l'équipe de direction posent la problématique de la relation entre les donateurs et les bénéficiaires dans la conduite des projets de développement en Afrique. Très souvent, cette relation hypothèque la pérennité du projet lorsqu'elle n'est pas harmonieuse comme dans le cas du NAPTPC. En effet,

« Les critiques fournies à l'encontre de l'aide au développement et des pratiques des bailleurs de fonds (...) sont liées notamment au manque d'efficacité de l'aide : on lui reproche (...) son « incapacité à stimuler la croissance » dans les pays en développement (...) Cette situation s'explique (par) la prééminence des donateurs dans la conduite de l'aide, le manque d'appropriation par les bénéficiaires, la faible coordination des donateurs et l'insuffisante capacité de gestion des receveurs, l'inadéquation des politiques, et l'usage d'instruments inappropriés ».112(*)

Voilà pourquoi en vue de franchir cet obstacle, les investissements de la Fondation Itaka au NAPTPC, assortis de certaines dispositions administratives et financières, ont été prises, pour rendre harmonieuses les relations entre le Centre, le bailleur et les membres du personnel ainsi que pour faciliter la croissance vers la pérennisation. Par exemple, presque toute l'équipe de direction est renouvelée au cours des mois de juin, juillet et août 2013. Le directeur démissionnaire est remplacé par le directeur de production qui devra cumuler les deux fonctions. Cette fonction est confiée pour la première fois à un laïc. En outre, des postes sont créés et des responsables nommés : un poste de Directeur Titulaire confié à un religieux de la Congrégation des Pères Piaristes; un poste de Directeur Marketing et de vente confié précédent responsable des achats ; un poste de Comptable managé par un professionnel nouvellement recruté.

Une autre disposition organise le NAPTPC en cinq Unités de production, chacune gérée par un manager d'unité. Il s'agit de l'unité des pondeuses, l'unité des poulets de chair, l'unité des lapins, l'unité des haulacodes et du jardin associée l'unité porcine. Ces unités de production sont conçues pour fonctionner comme de petites entreprises au sein de la grande entreprise qu'est le NAPTPC. Et pour asseoir toutes ces mesures, le siège social de la Fondation Itaka en Afrique centrale basé à Yaoundé reçoit la charge du suivi et du contrôle administratif, technique et financier du NAPTPC au rythme de deux missions par mois.

* 108 Thierry PICQ, Manager une équipe de projet, Pilotage, enjeux, Performance, Paris, 3e Edition, Dunod, 2011, p. 214.

* 109 Correspondance à Manos Unidas le 10 août 2008, traduit de l'anglais par nous-même.

* 110 Fonds Africain de Développement, Rapport d'évaluation projet de développement rural participatif et décentralisé de « Grassfield », République du Cameroun, OCAR, Avril 2003, p.2.

* 111 Ibid.

* 112 Fano ANDRIAMAHEFAZAFY, « Place des bailleurs de fonds dans le système de l'aide au développement : le cas du Plan national d'actions environnementales de Madagascar », in Cahier du GEMDEV n°30, Novembre 2005, p.47.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams