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Culture managériale et pérennisation des projets de développement au Cameroun: cas du nazareth agro pastoral training and production centre de menteh (bamenda)

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par Albert Legrand TODJOM MABOU
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Développement et Management des Projets en Afrique 2014
  

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2. Gestion financière transparente en vue de l'efficience

L'efficience est la capacité à atteindre des objectifs au prix d'une consommation optimale de ressources humaines, matérielles et financières. Elle désigne alors le rapport entre ce qui est réalisé et les moyens mis en oeuvre pour y arriver. C'est pourquoi le terme d'efficience renvoie plus à une dimension économique. Mesurer l'efficience, c'est comparer les résultats obtenus avec les moyens mis en oeuvre. Une gestion financière efficiente se traduit par la mise en place de processus responsables qui apportent la rentabilité et la longévité afin de créer et de stimuler une économie innovante, prospère et durable dans un projet ou une structure précise. L'efficience, un élément capital dans l'évaluation d'un projet conditionne sa pérennisation. Or, sans une gestion transparente des ressources financières, l'efficience est limitée. Il est donc important qu'une gestion transparente soit au préalable mise en place dans une structure donnée pour prétendre à la consommation optimale des ressources.

Au sens propre, la transparence est le caractère de ce qui est transparent, qui se laisse traverser par la lumière, qui laisse voir les formes et les couleurs. Au sens figuré, le mot "transparence" est utilisé pour qualifier une pratique sociale guidée par la sincérité et une parfaite accessibilité de l'information. C'est aussi le souci de rendre compte d'une activité, de reconnaître ses erreurs. L'objectif premier de la transparence est d'établir une relation de confiance. Elle s'oppose à l'opacité. En matière d'économie et de finance, la transparence porte sur la connaissance des décisions et leurs motivations, sur la façon dont elles sont prises, sur les coûts réels des projets, sur les questions de sécurité du fait d'une activité ou d'un projet et sur l'accès à l'information à toutes les parties prenantes.248(*) La transparence n'est pas exactement synonyme de communication et encore moins de concertation, mais déjà, elle repose grandement sur ces deux concepts dans son déploiement et son évaluation s'appuie partiellement sur eux. La transparence financière, un vecteur de sécurité économique et financière, renforce le développement et son contrôle.

La crise économique mondiale a mis en lumière l'ampleur des dérives financières qui minent durablement la stabilité économique des Etats. Les déclarations issues des sommets des chefs d'Etats du G20249(*) et récemment encore du G8250(*), insistent sur la « nécessité urgente de promouvoir une plus grande transparence sur le plan international par des actions globales et concertées. La promotion de la transparence financière apparaît comme la réponse adéquate pour combattre l'opacité financière et l'instabilité économique. »251(*) Ces dispositions internationales permettent ainsi de lutter contre la corruption, le blanchiment d'argent et les paradis fiscaux qui sont tous des freins au développement durable.

Au vu des conséquences de la crise économique mondiale,  un forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements a été mis en place sous l'impulsion des pays du G20 créé initialement à des fins fiscales. Cet espace est devenu l'instance de référence en matière de normes et de standards internationaux dans la lutte contre les paradis fiscaux. Regroupant aujourd'hui 120 membres, il va en effet au-delà de la simple signature d'accords bilatéraux d'échange de renseignements sur la transparence financière pour en évaluer l'effectivité à travers un mécanisme robuste d'évaluation.252(*)

La transparence financière en vue de l'efficience se traduit par une procédure de contrôle interne et surtout externe de la gestion financière. En effet, le comptable ou le responsable de la gestion financière ne peut pas à lui seul rendre compte de la gestion des ressources financières d'un projet malgré ses compétences professionnelles. Celle-ci doit être contrôlée par une autre personne identifiée au sein du projet, pour rendre plus fiables les comptes et pièces justificatives fournies qui par ailleurs doivent être régulièrement contrôlées. En outre, l'objectivité de ces comptes et pièces doit être confirmée par une source externe au projet à travers des procédures de contrôle ou des audits comptables.

Au regard de ce qui précède, le NAPTPC dans le passé n'a pas eu une gestion financière transparente et efficiente, car ses comptes ne sont pas vérifiés par des personnes compétentes dans la gestion comptable. Le processus de contrôle interne est très léger et les comptes n'ont jamais fait l'objet d'un audit externe. C'est pourquoi la gestion financière est « floue et vraiment maîtrisée de personne au sein de l'équipe dirigeante ».253(*) Or la transparence dans l'utilisation des fonds attribués par les bailleurs de fonds ou créés à partir des activités du NAPTPC est une valeur capable de garantir la pérennisation des activités de la Ferme. En effet, cette transparence instaure la confiance et incite les bailleurs de fonds et les partenaires du NAPTPC à davantage s'engager dans la subvention ou dans l'entretien des relations de partenariat. Par ailleurs, la transparence dans la gestion financière stimule et motive le personnel du NAPTPC à se mobiliser davantage dans ses tâches et à tisser des relations de confiance avec les promoteurs. Dans ces conditions, les fruits des efforts des employés sont visibles et ils se sentent impliqués dans la gestion des revenus issus de leur travail parce que constamment informés de la source et de la destination des ressources financières.

La transparence financière en vue d'une gestion efficiente suppose en plus du recrutement d'un comptable professionnel, l'acquisition et l'utilisation d'un logiciel comptable adapté. Le NAPTPC après avoir constaté des limites dans sa méthode de gestion financière s'est offert les services d'un comptable professionnel en août 2013. Celui-ci a reçu les missions spécifiques de comptabiliser toutes les entrées et sorties de fonds ; de préparer un plan comptable analytique adapté à la gestion agropastorale ; de participer en tant que technicien à l'élaboration du budget annuel de la ferme ; de préparer toutes les deux semaines un rapport financier, tous les mois un rapport financier mensuel et d'être prêt à tout moment à présenter les comptes ; de collecter, vérifier toutes les pièces justificatives qui lui sont fournies y compris celles des fournisseurs avant leur enregistrement ; de travailler en collaboration avec le Directeur Marketing et de vente pour achats et ventes ; de préparer l'inventaire permanent et intermittent de la ferme à travers des fiches journalières de statistiques à faire remplir par le responsable de chaque unité de production et de proposer un plan d'investissement pour le développement durable du NAPTPC.

Après quelques mois de travail au NAPTPC, la gestion financière, malgré quelques difficultés et erreurs, commence à être maîtrisée car les bilans mensuels montrent une clarté dans les différentes imputations. En effet, la Fondation Itaka qui s'occupe du contrôle de la gestion financière effectue des missions de contrôle toutes les deux semaines au NAPTPC. Ces missions ont permis de mettre en place une procédure rigoureuse de gestion et de contrôle des comptes. C'est ainsi qu'un déséquilibre entre le solde théorique et le solde réel en banque et en caisse d'un montant de 189.728 F CFA a été décelé (Cf. ANNEXE N°14). Cette erreur n'a pas pu être justifiée par le comptable. C'est une preuve que la gestion financière du NAPTPC a encore un chemin à parcourir pour atteindre la perfection.

Les efforts du comptable du NAPTPC dans le suivi des flux financiers sont considérables, car il a découvert le dysfonctionnement de la transparence dans la gestion financière à cause du manque de procédure de contrôle et une gestion anarchique des ressources, comme le relève cet extrait d'une de ses correspondances au coordonnateur de la Fondation Itaka deux semaines après sa prise de fonction :

« La sortie anarchique des produits sans informer et sans écrire. Ceci rend le suivi très compliqué et empêche une imputation réelle de ces produits pour le calcul des coûts. N'importe qui prend les choses n'importe quand et n'importe comment sans aucune procédure. Je ne suis pas encore le caissier. Je ne perçois pas encore l'argent de toutes les ventes et même quand les individus perçoivent l'argent il n y a pas de traces. On a des responsables d'unités de production qui sont des caissiers. Les sorties d'argent pour les achats sont spontanées et sans prévision. La mise sur pied des procédures sera un excellent moyen de contrôle et de suivi ». 254(*)

Par ailleurs, le même responsable a démantelé un réseau de distraction des fonds et des matériels du Centre par certains membres du personnel avec la complicité des fournisseurs:

« Dans ma descente sur le terrain je me rends compte qu'un poussin n'a jamais coûté 500 F CFA l'unité. Il coûte 440 F CFA ou  450 F CFA. J'ai essayé de joindre  le fournisseur qui a vendu les deux séries de commandes au Centre parce que c'est le même. Je me suis présenté via le téléphone comme un nouveau client ayant eu son contact par un ami et je lui ai dit que je désire 3000 poussins. Une chose est sûre c'est qu'il y'a quelque chose de louche et mes collaborateurs le font avec les fournisseurs. Je vous tiens informé. Ne soyez pas surpris qu'on vous dise que j'ai changé tous les fournisseurs ».255(*)

Ces constats du comptable nous ont porté à proposer au NAPTPC un système de suivi des flux financiers à travers des fiches hebdomadaires de budget et de bilan de trésorerie (Cf. ANNEXE N° 15). Ces fiches sont remplies et validées par tous les membres de l'équipe de direction pendant la réunion hebdomadaire. A ces fiches de s'ajoute un bon de décaissement (Cf. ANNEXE N° 16) qui doit être signé conjointement par le directeur du centre, le directeur titulaire et le comptable avant l'exécution. L'absence d'une signature bloque le processus de décaissement d'où la nécessité de la recherche d'un consensus. Cette proposition a été adoptée par la Fondation Itaka et est en vigueur au NAPTPC depuis le mois de février 2014.

Les agissements de certains employés du NAPTPC, préalables aux fiches de trésorerie peuvent être assimilés aux logiques individuelles. En effet, le déficit du NAPTPC comme pour certaines coopératives, se justifie parfois par cette logique d'action :

« Le déficit que peut connaître la gérance d'une coopérative de consommation des produits agricoles, peut trouver son origine dans la solidarité familiale et clanique, qui oblige le gérant à aider les membres de sa famille avec le stock des produits qu'il gère ». 256(*)

Théorisant sur cette manière d'agir, Emile Durkheim affirme : « Il n'est pas d'uniformité sociale qui ne permette toute une échelle de gradations individuelles, il n'est pas de fait collectif qui s'impose de manière uniforme à tous les individus. »257(*) Les relations en société et dans une entreprise mettent toujours ensemble une variété d'acteurs appelés à oeuvrer ensemble. Analysant l'interactionnisme, Norbert Elias parle aussi du monde social qui est un réseau de relations au sein duquel se développent des interdépendances entre les individus sur la base de leurs fonctions sociales. Dans ces interdépendances, l'individualisme et le collectivisme se côtoient au quotidien avec des individus qui rendent parfois la cohésion sociale et le développement du groupe social difficile.258(*)

Jérôme Auriac, poursuit cette analyse et invite au dépassement des logiques individuelles en matière d'innovation sociale et en appelle à une mise en commun des savoirs : « face aux enjeux sociétaux, la somme des apports de chacun et la force de l'analyse de ces apports (la capitalisation) permettront de passer à des échelles de projet suffisantes pour être impactantes. »259(*) La pérennisation de la gestion financière du NAPTPC ne sera une réalité que lorsque tous les acteurs, oeuvreront pour un but commun en mettant ensemble tout leur génie créateur. Ils sont ainsi invités à taire l'intérêt personnel et à donner la priorité à l'intérêt commun. Ce n'est pas la logique individuelle qui doit guider leurs actions mais la logique commune.

Le recrutement d'un comptable a posé les premiers jalons en vue de la résolution du problème de transparence dans la gestion financière au NAPTPC. Les premiers fruits ne sont pas fait attendre. En effet, les causes de dysfonctionnement de l'appareil de gestion financière ont été découvertes et les solutions ont été amorcées à travers la préparation d'un job description pour chaque employé du NAPTPC et la remise à chacun d'eux d'une copie de l'ensemble des tâches qui lui sont dévolues. Ce processus de mise en place des procédures de gestion financière transparente est complété par les missions de suivi et de contrôle budgétaire entreprises au centre par la Fondation Itaka toutes les deux semaines.

A titre d'illustration quant aux procédures de contrôle de gestion mises en place, l'on peut relever le fait que le processus des dépenses n'est plus contrôlé par le directeur seul comme par le passé. En effet, la nouvelle procédure prévoit qu'il peut uniquement ordonner les dépenses jusqu'à 300.000 F CFA par jour. Au-delà de ce montant et sauf dans les cas d'urgence, il doit faire décaisser l'argent par le Directeur Titulaire qui est par ailleurs le représentant du promoteur. Lorsque l'argent est retiré de la banque, il est immédiatement déposé auprès du comptable qui à son tour, le remettra au responsable des achats ou à toute autre personne mandatée. Toutefois, le comptable doit veiller à ce que des pièces justificatives adéquates lui soient confiées dans un bref délai pour imputation dans le logiciel de comptabilité.

La mise en pratique des nouvelles dispositions dans la gestion financières par le comptable a créé un climat de tension au sein du personnel. Le comptable s'est senti marginalisé de la vie quotidienne du NAPTPC par les autres employés qui l'accusent d'être trop rigoureux et de freiner par ses multiples contrôles, le fonctionnement des activités du NAPTPC. Certains l'ont même menacé directement ou lui ont communiqué des messages de mise en garde par téléphone : « Rappelle-toi petit frère que tu es à Menteh et c'est notre village. Tu dois donc faire attention. »260(*) Il n'a pas manqué de se plaindre de ces conditions pénibles et périlleuses de travail : « Vous voyez comment il est difficile de travailler avec des calculateurs. »261(*)

En somme, il est évident que la mise en place d'un système de gestion financière transparente au NAPTPC qui dépasse les logiques individuelles peut s'opérer lentement, mais les bases sont en train d'être posées. En effet, la pérennisation d'un projet de développement dépend considérablement de la qualité de la gestion des ressources financières qui se traduit par une utilisation transparente et efficiente des ressources financières. En outre, la durabilité d'un projet repose également sur la qualité de la communication autour de ses activités.

* 248 http://www.toupie.org/Dictionnaire/Transparence.htm (Consulté le 26 novembre 2013 à 9h46 mn).

* 249 Le Groupe des vingt (G20) est un groupe composé de dix-neuf pays et de l'Union Européenne dont les ministres, les chefs des banques centrales et les chefs d'État se réunissent régulièrement. Il a été créé en 1999, après la succession de crises financières dans les années 1990. Il vise à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d'un dialogue élargi tenant compte du poids économique croissant pris par un certain nombre de pays. Le G20 représente 85 % du commerce mondial, les deux tiers de la population mondiale et plus de 90 % du produit mondial brut, c'est-à-dire la somme des Produit Intérieur Brut de tous les pays du monde.

* 250 Le G8 (pour « Groupe des huit ») est un groupe de discussion et de partenariat économique de huit  pays parmi les plus puissants économiquement du monde : Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada et la Russie. Les dirigeants des pays du G8 se réunissent chaque année lors d'un sommet réunissant les chefs d'État ou de gouvernement, ainsi que les présidents de la Commission et du Conseil européen (ainsi que pour certaines activités, des représentants d'autres pays ou d'autres unions internationales, invitées à participer). Ces rencontres sont contestées par des mouvements altermondialistes qui remettent en cause la légitimité du G8 et l'accusent de vouloir « diriger le monde », au mépris des autres pays.

* 251 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-economique-901/un-cadre-de-regulation-europeen-et/faire-de-la-regulation/article/transparence-financiere (Consulté le 26 novembre 2013 à 9h35 mn.

* 252 Ibid.

* 253 Propos du Directeur Adjoint du Centre recueilli pendant l'enquête effectuée le 24 novembre 2013 au Nazareth Centre.

* 254 Correspondance du Comptable au Coordonnateur de Siège de la Fondation Itaka par E-mail 20 août 2013.

* 255 Id., 24 septembre 2013.

* 256 Ba-Meya BAYONA, TOTTE-STEKKE (dir.), Facteurs culturels et projets de développement rural en Afrique Centrale, points de repère, Op. cit., p. 56.

* 257 Émile DURKHEIM, La sociologie et son domaine scientifique, in Cahiers In Internationaux de sociologie, N° 110, Janvier 2001, p. 59.

* 258 Norbert ELIAS, la société des individus, Op. cit., p. 128.

* 259Jérôme AURIAC, « Open source et social business : dépasser les logiques individuelles pour faire émerger les bonnes solutions » in http://ong-entreprises.blog.youphil.com/archive/2011/01/06/open-source-et-social-business-depasser-les-logiques-individ.html, (Consulté le 10 décembre 2013 à 22h 11 mn).

* 260 Message reçu de la part du Directeur Marketing par le Comptable du NAPTPC sur son portable le 07 octobre 2013 alors qu'il se prépare à se rendre à une réunion des comptables des projets de la Fondation Itaka au Cameroun.

* 261 Correspondance du Comptable au Coordonnateur de Siège de la Fondation Itaka par E-mail, 24 septembre 2013.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault