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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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B)-Les conditions concourant à l'institution d'un système d'annulation à double vitesse.

Tout d'abord, l'institution d'un tel système n'est envisageable que dans la mesure où, les dispositions de la Convention relative à la Cour de justice C.E.M.A.C seraient modifiées (1) et qu'il y aurait entre le juge administratif et le juge communautaire une étroite collaboration dans la connaissance de ce contentieux (2).

1- La nécessité de la modification des textes relatifs à la compétence du juge communautaire.

L'institution d'un système d'annulation à double vitesse nécessite, une modification des textes communautaires régissant les compétences de la Cour de justice de la C.E.M.A.C. En effet, au plan communautaire, tous les textes (après leur conclusion et leur entrées en vigueur) ont pour mission d'organiser et

de stabiliser à un moment déterminé les relations entre les Etats membres. Il en est ainsi des textes attribuant compétence au juge communautaire dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit C.E.M.A.C (article 16 du traité portant création de la C.E.M.A.C, articles 4, 14, 15 de la convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de justice C.E.M.A.C...).

Cependant, ces textes sont scuceptibles de subir une certaine évolution pour répondre aux besoins de la communauté. Ces mutations nécessitent des aménagements à travers une modification partielle ou totale de ces textes.

Il serait donc temps, par la force de l'évolution, que ces textes subissent une modification partielle afin de permettre une répartition des compétences entre les juridictions administratives nationales et la Chambre judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C. Cette modification qui ne porterait que sur une partie de ces textes cadre avec la convention du 5 juillet 1996 relative à la Cour de justice de la C.E.M.A.C dont l'article 32 dispose que Ó «Tout Etat mambre, ou le Conseil des ministres sur proposition du Secrétaire exécutif, peuvent soumettrent à la Conférence des Chefs d'Etat des projets tendant à la révision de la présente convention. La modification est adoptée à l'unanimité des Etats membres et entre en vigueur après sa ratification par tous les Etats membres conformément à leur règles constitutionnelles respectives».

On note qu'une telle modification ne peut être que le résultat d'une recontre de volonté de tous les Etats signataires. Ainsi donc, le Congo ne pourrait obtenir une telle modification de façon unilatérale, mais il détient néanmoins un droit d'initiative lui permettant de mettre en oeuvre la procédure d'amendement.

2-La nécessité d'une étroite collaboration entre le juge administratif et le juge communautaire.

Cette collaboration va de soi, elle mettrait à la charge de chacun de ces juges, des obligations respectives dans le seul but de consolider l'intégration communautaire. En étant saisi le premier pour statuer sur la conformité d'un acte administratif au droit communautaire, la Chambre administrative de Cour suprême deviendrait une charnière chargée d'impulser le respect et la conformité des décisions administratives au normes communautaires sur le plan national.

Dans cette redistribution des compétences, le juge communautaire sera saisi en dernier lieu. En sa qualité de juge de cassation des décisions rendues en premier et dernier ressort par la Chambre administrative de la Cour suprême, le juge C.E.M.A.C pourrait ainsi veiller plus efficacement au respect du droit communautaire. Il garantirait de même une uniformisation et une harmonisation de la jurisprudence communautaire en la matière tout en devenant une véritable censure, une sorte d'épée de Damoclès placée au-dessus des hautes juridictions administratives nationales.

Somme toute , il convient de préciser que ni l'énumération des difficultés auxquelles sont confrontés les juges de l'excès de pouvoir, ni les suggestions que nous avons proposé ne sauraient être considérées comme une analyse exhaustive. En effet, le contentieux de l'excès de pouvoir étant l'un des piliers de l'Etat de droit, il demeure en perpétuelle construction.

Aujourd'hui, cinquante ans après son accession à l'indépendance, le Congo s'achemine de plus en plus vers une véritable démocratie et un Etat de droit. Dans cette marche souvent interrompue par les mouvements socio-politiques, l'administration occupe une place de choix. Son champ d'action s'est élargi et elle s'est dotée de prérogatives considérables. Or, il est nécessaire de veiller à ce que l'administration ne déborde pas, au nom de l'intérêt général, de ses prérogatives et des limites qui lui ont été fixées. Pour ce faire, il faut la soumettre à un contrôle juridictionnel Ó « mais par quel juge ? et selon quel droit ? »206(*). En France, le Conseil d'Etat a donné une réponse à la première question car pendant longtemps, il lui est revenu de trancher les litiges d'ordre administratif. A la seconde question, le Tribunal des conflits a fourni la réponse dans l'arrêt Blanco en considérant que les litiges mettant en cause l'Etat ou tout autre personne morale de droit public « ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de particulier à particulier, (...) que l'administration a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés (...) que dès lors, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître »207(*).

Cependant, le droit administratif et plus particulièrement son contentieux est en pleine mutation, il est de plus en plus affecté et envahi par d'autres branches du droit, le constitutionnel et le communautaire de sorte que, le contrôle juridictionnel des actes de l'administration n'est plus l'apanage du seul juge administratif classique mais de plusieurs juges (constitutionnel et communautaire). En ce sens certains ont même considéré que Ó « le droit administratif émanant de moins en moins du juge administratif, il n'y a plus de raison de maintenir une juridiction dont l'oeuvre est désormais achevée »208(*).

Le Congo resté fidèle à la tradition d'un seul juge spécialisé de niveau le plus élevé pour connaître de l'annulation des actes de l'administration a été rattrapé par les mutations que connait le droit administratif et son contentieux. En effet, pour renforcer la protection des droits et libertés des citoyens contre l'arbitraire administratif, certains actes échappant à la compétence du juge administratif suprême sont soumis à titre excèptionnel à d'autres juridictions. L'annulation des actes administratifs se revèle ainsi comme un contentieux à la croisée des chemins des matières de droit public.

Mais, cette volonté de s'arimer à l'évolution du contentieux administratif et partant du contentieux de l'annulation peine encore à prendre son envol. Quarante neuf ans après son institution, le juge en charge de ce contentieux reste éloigné et quasi inconnu du justiciable, ses pouvoirs face à l'administration sont très limités, il a du mal à concevoir une jurisprudence lui permettant d'intervenir même dans des circonstances que le législateur n'a pas prévues.

Pour le Professeur Placide MOUDOUDOU Ó « il lui manque l'esprit d'initiative ; lorsqu'il tente d'inventer, il le fait presque toujours par rapport au droit administratif français (...) il est essentièllement un juge judiciaire »209(*) .

Peint comme tel, le tableau du recours pour excès de pouvoir au Congo mérite qu'on y apporte une touche de toilettage, notamment en renforçant les pouvoirs du juge, en transférant une partie de ce contentieux aux juridictions de niveau inférieur et en réorganisant les procédures y relatives.

Ces aménagements s'avèrent nécessaires car, il n'en demeure pas moins vrai que nonobstant ces difficultés, le recours pour excès de pouvoir reste « une grande et glorieuse institution même lorsqu'il n'apporte pas à celui qui l'exerce avec succès une satisfaction concrète, il maintient au dessus des contingences, le principe que l'administration est soumise au Droit ; il procure au particulier, d'abord, un moyen de protester contre l'arbitraire, une issue à son indignation, ensuite, au minimum, la satisfaction de s'entendre dire qu'il avait raison contre le pouvoir »210(*).

Mais, même dans son pays d'origine, le recours pour excès de pouvoir est considéré comme Ó « une merveille de l'archéologie juridique »211(*), c'est « la plus merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus pratique, la plus économique qui existe au monde pour défendre les libertés »212(*). Ces louanges sont telles qu'il est difficile d'apporter des modifications à cette institution séculaire.

Or, au Congo ce n'est pas tant l'institution ( recours pour excès de pouvoir) qui est défaillante, mais l'organisation, le système dans lequel il fonctionne. Aussi, dans le binôme « juge de l'excès de pouvoir», le problème ne concerne pas la matière (le recours ou le contentieux de l'excès de pouvoir) mais plutôt l'organe (le juge). Dans plusieurs pays213(*) où des reformes ont été apportées à l'organe qui avait la charge de connaître de ce contentieux, on a relevé de grandes améliorations dans le rendement de la justice dans ce domaine. C'est pourquoi, il y va de l'intérêt du législateur congolais de reformer le système, d'aménager l'organisation afin de rendre l'exercice de ce recours plus efficace. La tâche revient aussi au juge en charge de ce contentieux d'étendre ses compétences dans ce domaine en les adaptant aux cas que le législateur ne peut prévoir, en usant de son pouvoir normatif.

C'est à ce prix, par une conjugaison mutuelle des efforts entre le législateur et le juge ainsi qu'un rôle non négligeable de la droctrine dans ce domaine que la connaissance de ce contentieux protégerait les droits des citoyens contre l'arbitraire administratif et garantirait ainsi l'Etat de droit.

Enfin, terminons ce travail par cette anecdote Ó Il y a quarante neuf ans que le recours pour excès de pouvoir a vu le jour au Congo héritage de la colonisation française. Il y aussi quarante neuf ans que Jean RIVERO214(*) écrivait l'histoire du Huron juriste qui se rendit en pèlerinage dans la ville d'où rayonnait sur le monde le flambeau du recours pour excès de pouvoir. Lorsqu'il arriva dans la cour du Palais-Royal (Conseil d'Etat), il se prosterna face contre terre en disant Ó « Je baise la terre sacrée dans laquelle s'enracine le grand arbre du recours pour excès de pouvoir, le rempart de l'opprimé, la terreur de l'opprèsseur qui, au moment où son bras va s'abattre, s'arrête en entendant la voix redoutable du juge clamer Ó "Tu n'iras pas plus loin " »215(*). Mais hélas quelle ne fut pas sa déception lorsqu'il apprit que le juge en charge de ce recours ne disposait pas de pouvoirs assez larges pour contraindre l'administration à exécuter ses décisions après annulation. Il finit par conclure Ó « Je pensais que votre grand recours assurait au particulier une plus grande protection. Ai-je fais un si long voyage pour apprendre qu'il n'en est rien?»216(*). Il y avait un tel abattement sur son visage que son interlocuteur tentait de le reconforter Ó « Ne désespérez pas, les progrès accomplis sont le gage des progrès futurs ; le recours n'a pas dit son dernier mot, et l'avenir reste ouvert Ó faites confiance au libéralisme du juge »217(*). Le soir du même jour, sans un regard pour la Tour Eiffel illuminée, il reprenait tristement son chemin de retour.

Quarante ans après Rivero, David BAILLEUL écrivait Ó « Satisfaction et étonnement. Tels seraient sans doute les sentiments du Huron de retour au Palais-Royal. D'abord soulagé de constater les améliorations substantielles apportées au recours pour excès de pouvoir, tant pour lutter contre l'effet immédiat des décisions administratives que pour contraindre l'administration à exécuter la chose jugée »218(*).

En lisant cette histoire, nous nous sommes posés deux questions Ó si ce Huron venait au Congo,

-jugerait-il efficace le recours pour excès de pouvoir au Congo ?

-et que dirait-il du juge en charge de ce contentieux ?

* 206 DELVOLVE (P), Le Droit administratif 3è éd. Dalloz 2002 p.3

* 207 T.C 8 février 1873, Blanco G.A.J.A op cit p.1

* 208 DELVOLVE (P), Idem p.5

* 209 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 210RIVERO (J), Le Huron au palais royal, ou réflexions naïves sur le REP extrait Chroniques Dalloz 1962, p.37

* 211 HAURIOU (M), Notes de commentaire sur l'arrêt du CE 29 novembre 1912, Bossuge. Sirey 1914 p.33

* 212 JEZE (G), Rapport à l'institut international de droit public. Annuaire 1929, p.180

* 213 Conf. L'exemple du Maroc décrit par M.A.BENABDALLAH in l'évolution du REP au Maroc.

* 214 C'est en 1962 que Jean RIVERO a écrit le célèbre article intitulé Ó « Le Huron au Palais?Royal ou réflexions naïves sur le REP ».

* 215 RIVERO (J), Le Huron au Palais?Royal ou réflexions naïves sur la REP. Extrait Dalloz 1962 p.37

* 216 Idem

* 217 Idem

* 218 BAILLEUL (D), L'efficacité comparée des REP et de RPC objectif en Droit public français. Ed. L.G.D.J 2002 p.1

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