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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra


par Jean Noel Pacôme KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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III- Revue de littérature

3.1. Exposé des travaux

La littérature sur des conflits fonciers et leurs différents mécanismes de gestion est prolixe. Devant ce champ vaste des contributions antérieures, il serait prétentieux voire utopique pour nous d'en dégager toutes les grandes lignes. Néanmoins, il reste possible de nous inscrire dans une piste médiane qui se dessine à la lecture et qui préconise l'analyse des deux orientations fondamentales sur la question (facteurs dépendants des acteurs et facteurs indépendants des acteurs) déjà abordées par les prédécesseurs.

Ces écrits empiriques qui suivent, permettront de présenter la spécificité de ces orientations, leurs portées et limites avant d'exposer sur l'originalité de notre démarche scientifique.

Mais avant d'aborder ces différentes approches, il nous parait judicieux de passer en revue quelques écrits portant sur le conflit perçu dans une perspective généraliste.

3.1.1 Travaux centrés sur les conflits en général

Evoquer les travaux portant sur les conflits dans une perspective généraliste, suppose dans le cadre de notre sujet, aborder succinctement les conflits psychologiques les conflits en entreprise et les conflits générationnels et communautaires.

3.1.1.1. Travaux centrés sur les conflits psychologiques

Dans ces travaux, les auteurs utilisés expliquent grosso modo les conflits psychologiques comme ceux, catalysés par des incompatibilités, des contradictions internes à un individu ou à un groupe restreint. Ainsi, pour Astolfi, Darot, Vogel et Toussain (2008), le conflit cognitif se développe lorsqu'apparaît, chez un individu, une contradiction ou une incompatibilité entre ses idées, ses représentations et ses actions. Cette incompatibilité, perçue d'abord de façon inconsciente, devient une source de tension qui peut jouer un rôle moteur dans l'élaboration de nouvelles structures cognitives.

Relativement aux précédents auteurs, Piaget (1956) pense que le développement d'un individu n'est ni inné, ni acquis par apprentissage mais bien plutôt provoqué par l'interaction entre une base génétique et l'expérience que l'enfant a l'occasion de mener. Pour l'auteur, on apprend en agissant sur l'environnement et cet apprentissage doit permettre d'acquérir des outils cognitifs (opérations intellectuelles) qui aident à résoudre les problèmes. Dans ce cadre, il y aurait conflit pour l'auteur, lorsque l'individu aurait du mal à s'acclimater à l'environnement social et donc développerait un certain nombre de carences cognitives qui se manifesteraient par des conflits internes.

Selon Faulx, Erpicum et Horion (2005), pour comprendre les raisons du conflit psychologique chez les individus, il faut recourir à leur enfance, leur environnement social de croissance et les faits marquants de leur vie. Ainsi, pour ces auteurs, le conflit psychologique se manifesterait par des troubles cognitifs, affectifs et comportementaux qui seraient liés à un choc physique ou émotionnel vécu dans le passé et ayant impacté négativement sur sa perception du monde extérieur et des acteurs qui le composent.

Relativement à ces auteurs, Koudou, Zady, et Djokouehi (2016) pensent que la plupart des troubles internes observés les adolescents et principalement les filles, sont liés aux violences sexuelles subies durant l'enfance. Ainsi, ces auteurs notent une dégradation progressive de la santé mentale des victimes, caractérisée par l'identification des symptômes psychotraumatiques et des séquelles physiques telles que les douleurs musculaires, les troubles génito-urinaires, gastro-intestinaux et des difficultés de procréation.

Dans cette dynamique, Fauteux (2013), dans l'analyse des troubles comportementaux chez la jeunesse québécoise, pense que les conflits psychologiques qui assujettissent cette jeunesse seraient directement liés aux effets conjugués des difficultés sociales et du mauvais traitement parental de ces derniers. Plus spécifiquement, l'auteur décrit les difficultés sociales ou personnelles des parents, l'exercice de la coparentalité, la présence de violence pendant la vie conjugale et l'impact de la rupture entre parents comme catalyseurs des conflits psychologiques chez ces québécois.

Pour Basque (2003), nous avons tous des relations qui apparaissent comme importantes, voire primordiales (relations avec notre conjoint, nos enfants, les membres de la famille élargie, nos collègues, nos voisins, nos amis). Or, nous avons tous besoin que ces relations demeurent bonnes pour être heureux. Mais quand une de ces relations ne fonctionne pas très bien, nous nous sentons frustrés. Ce sentiment de frustration entraîne souvent un comportement qui nous fait glisser inexorablement vers une dégradation de la relation. Nous devenons blessant, parfois agressifs et la communication s'enlise, créant le conflit. C'est l'impasse de la communication et nous nous sentons perdus, ruminant notre frustration, ne sachant plus vraiment par quel bout prendre cette relation, que le malaise interne finit par nous envahir. 

Dans cette même veine, Pogneaux (2015) affirmeque le conflit est une lutte mentale, parfois inconsciente, résultant du fait que différentes représentations du Moi sont maintenues en opposition ou en position fermée. Dans un « conflit interne », les personnes éprouvent parfois le sentiment de ne pas être « adaptées », ceci vient du fait d'être « en désaccord » avec elles-mêmes. Elles sont aux prises entre les diverses instances « Ça » - « Moi » - « Surmoi » et la réalité extérieure. Cette situation crée une angoisse parfois terrible qui oblige le Moi à se protéger en mettant en place des mécanismes de défense.

Pour Chervet, Boileau et Durieux (2005), le conflit psychique est l'un des organisateurs majeurs de la psyché. Il se présente cliniquement comme une opposition entre deux termes, expression manifeste d'un autre conflit sous-jacent plus fondamental : celui entre une tendance à éteindre la pulsion et un impératif à l'investir selon diverses modalités.

Pour Lacherez (2013), il existe deux types de conflits intérieurs : ceux qui agissent comme un ressort et ceux qui paralysent. Le premier est constitué de ceux qui agissent sur nous comme une sorte de tension exercée entre deux polarités, tel un ressort ; cette forme de dualité, loin d'être paralysante, est une invitation à se dépasser pour s'améliorer. Pour le second, le défi diffère lorsqu'un déchirement intérieur s'exprime entre des parties de nous qui veulent absolument conserver leurs avantages respectifs. Ce mélange d'élan vers l'avant et d'immobilisme peut exercer une force aussi puissante qu'un vortex qui fait tout disparaître à proximité.

Dans cette optique, Minart (2011) mentionne que chaque individu éprouve des tensions intérieures. Celles-ci peuvent devenir une source d'énergie créatrice, mais elles peuvent aussi engendrer l'angoisse, le regret, la désillusion, l'amertume. De ce fait, l'auteur affirme qu'il arrive que nos valeurs ou nos désirs personnels ne puissent pas être satisfaits, compte tenu de l'énergie déployée pour y arriver. Dès lors, un combat intérieur s'installe entre les objectifs que l'on s'est fixés et les lacunes que l'on ne peut combler. Les conséquences négatives de ce conflit intérieur peuvent rejaillir sur l'environnement immédiat, tant à l'extérieur (famille, amis) qu'en milieu de travail (responsable immédiat, collègues de travail).

Pour Daele (2010), une personne est en conflit sociocognitif, lorsque ses conceptions et ses structures cognitives sont confrontées à des informations perturbantes, incompatibles avec son système de connaissances préalable. La perturbation cognitive qui en découle va engager la personne dans la recherche d'un nouvel équilibre cognitif qui tiendra compte de ces informations perturbantes.

Selon Bandura (1986), la direction des changements comportementaux chez l'enfant dépend principalement du contexte dans lequel il vit. Ainsi, lorsque le milieu d'apprentissage de l'enfant se montre hostile, celui-ci peut présenter des transformations cognitives et comportementales à caractère dégénératif.

Dans un autre regard, Vygotsky (1981), après avoir insisté sur le caractère indissociable des pôles cognitif et social, pense que le dispositif pré-opératoire interne à l'individu connait des variations successives dans un environnement caractérisé par l'égocentrisme. Ainsi, le processus des relations interpersonnelles dans un milieu hostile se transforme en un processus intra-personnel d'accumulation de colère, frustrations créant de ce fait, un déséquilibre cognitif lié à l'environnement social. Partant de là, le conflit sociocognitif s'expliquerait par un déséquilibre cognitif imputé à une expérience choquante vécue par un sujet durant un moment de sa vie.

Contrairement à cet auteur, Crocq (1999) conçoit le conflit psychique dans une perspective exclusivement militaire. Il pense que le conflit psychique s'explique par la violence secrète que la guerre inflige dans le psychisme des acteurs et des observateurs directs : souvenirs obsédants, visions hallucinées, cauchemars, sursaut, sentiment d'insécurité, peur phobique, irritabilité et tendance au repli.

Relativement, Ferenczi (1929) évoque l'incapacité de nombreux sujets à s'adapter aux frustrations du monde extérieur et de ce fait, tentent de récupérer une toute puissance narcissique dans une modification de ce monde extérieur. Ainsi, de contradictions intrapsychiques à répétition, ils deviennent plus vulnérables et capables de faire un bond vers la névrose.

Honneth (2006) a développé le concept d'individuation. Dans ces travaux, l'auteur souligne combien les profonds changements socioculturels chez le sujet, la multiplication des relations sociales et la délinéarisation des parcours biographiques influent la formation de l'identité individuelle. De ce fait, le conflit interne surviendrait lorsque le sujet aurait du mal à s'adapter à ces changements sociaux qui catalyseraient une forme d'ambivalence des sentiments susceptibles d'agir sur la structuration de la personnalité du sujet.

Pour Loewald (2003), le psychisme individuel ne se développe pas dans un conflit interne mais dans un échange continu avec le monde extérieur. C'est uniquement parce que des schémas d'interaction ont été progressivement intériorisés par le sujet et que ce dernier parvient à organiser ses pulsions dans un espace intrapsychique de communication, que le processus d'individuation peut s'opérer. À défaut d'apparaître comme le lieu d'une maîtrise de soi, le psychisme individuel se présente comme un espace de communication où les pulsions s'organisent par le dialogue intérieur que les sujets, sont aptes à engager. Le psychisme humain s'apparente donc à un dispositif d'interaction intériorisé qui complète le monde vécu de la communication intersubjective où le sujet rencontre l'autre dans divers rôles d'interaction. Dès lors, le conflit interne apparait chez l'auteur, comme la résultante de l'échec de cette communication intrapsychique chez l'individu combiné à l'affaiblissement progressif du moi.

Toutefois, rejetant la théorie piagétienne et les théories de l'influence environnementale dans la genèse des troubles intra-personnels, les morphopsychologues tels que Torre (2013), estiment que le conflit interne n'est ni provoqué par les expériences vécues durant l'enfance encore moins par l'environnement social dans lequel vit le sujet. Les conflits psychologiques seraient davantage susceptibles de se manifester chez les sujets présentant des traits physiques spécifiques les prédisposant à la sujétion de troubles internes. Ainsi, l'influence de l'environnement social impacterait peu sur la survenance de conflits internes à l'individu, mais que certains individus de façon constitutionnelle, présenteraient une probabilité élevée à des troubles internes que d'autres, en dehors de tout contexte social défavorable.

S'inscrivant dans la même dynamique que celle de son prédécesseur, Stettler (2005) pense qu'il existe différents types de visages : allongé, rond, ovale, carré, rectangle, hexagone, triangle, pointe en bas, pointe en haut qui influenceraient tous de façon particulière les sentiments que ressentiraient fréquemment l'individu.

Pour Sigaud(2013), il existe entre les traits de la forme du visage et les traits du caractère,une constante et bien significative relation qui constitue le fondement de l'individualité psychique. Ainsi, l'activité psychique de l'individu serait, non pas déterminée par l'environnement de vie, mais plutôt par les traits caractériels du visage.

Dans ce même contexte, Kenntnis (1778) soutient que la vie intellectuelle et les facultés de l'âme se manifestent surtout au niveau de la structure du crâne et de la forme du visage, du front, du nez et de la bouche. La proportion du corps et le rapport qui se trouve entre ses parties déterminent le caractère moral et intellectuel de chaque individu. De ce fait, la morphologie du crâne et la forme du visage prédisposeraient certains à des crises internes que d'autres.

Cette conception morphopsychologique qui établit exclusivement le lien causal entre traits de visage et conflits intra-individuels, reste muette quant à l'inclusion des facteurs environnementaux dans la genèse des conflits interne à l'individu. Toute chose qui a été prise en compte par d'autres auteurs qui ont analysé les conflits intra-individuels dans une perspective inclusive.

Ainsi, Corman(1937) inclut les traits physiques et les facteurs environnementaux pour expliquer la survenance des conflits intra-individuels. Pour l'auteur, expliquer le comportement interne d'un individu, reviendrait avant tout, à saisir les données tempéramentales en se basant sur des donnéesbiologiques, mais plus loin, en tenant compte du cadre social dans lequel vit l'individu. Le conflit interne s'expliquerait donc à la foispar rapport à la morphologie du visage et simultanément du vécu de l'individu dans un milieu social déterminé.

Cette conception inclusive a également été soutenue par Tardy (1943), qui établit un parallélisme entre le psychique et le physique, comme manifestation d'une unité fondamentale de l'être. Pour lui, même si la démarche morphopsychologique s'appuie sur des traits caractériels du visage pour comprendre le fonctionnement interne à l'individu, il n'en reste pas moins que ces données doivent se greffer à celles du milieu social pour rendre compte des conflits internes à l'individu.

Cette tentative psychologique d'explication des conflits a certes le mérite de nous renseigner sur la dimension intra-personnelle du conflit à travers colère, frustration, ambivalence d'idées, mais omet le volet extérieur à l'individu puisque le conflit en lui-même se veut interactionnel, c'est-à-dire manifeste entre des acteurs sociaux en interaction. Cette idée nous amène à porter un regard sur les contributions portant sur les conflits en milieu organisationnel.

3.1.1.2. Travaux centrés sur les conflits en milieu organisationnel

Les auteurs qui suivent, évoquent la nécessité puis les facteurs explicatifs des conflits en milieu entrepreneurial. Pour eux, les interactions individuelles en milieu organisationnel sont régulièrement parsemées de litiges, condition indéniable de l'enracinement structurel de ces entreprises qui, tout en les jugulant, se solidifient dans l'environnement professionnel concurrentiel.

Dans cette perspective, Rousseau (1990)tente de comprendre les raisons des conflits en entreprise. Pour lui, une organisation qui dure est celle qui sait traverser les crises et affronter les agressions dont elle est l'objet. Longtemps, les conflits organisationnels ont été niés par certains, considérés comme néfastes par d'autres. Aujourd'hui les crises sont jugés inévitables et constituent souvent l'occasion de réajustements et de réadaptations mutuels d'éléments dont l'évolution non synchrone ou même divergente constitue le cheminement même de l'organisation dans son ensemble. Cependant, les conflits n'ont de caractère constructif que s'ils sont résolus pour certains, prévenus pour d'autres, maîtrisés pour tous. En fait, les conflits n'ont de vertu créatrice que dans la mesure où ils sont résolus par une restructuration de l'organisation dans le sens des changements révélés nécessaires. Le conflit n'a donc pas de vertu créatrice en soi ; ce qui est créateur, c'est de comprendre le conflit d'une part, et de le gérer d'autre part.

Dans cette même orientation, Breard et Pastor (2010) estiment que le conflit est présent au quotidien dans la vie de chaque organisation. Sa gestion est toujours extrêmement difficile et laisse souvent démunis les responsables privés ou institutionnels. Peu d'outils sont en effet mis à leur disposition pour les aider dans cette charge. Ces auteurs proposent une réflexion de fond indispensable à l'analyse et à la compréhension des mécanismes d'émergence des conflits et des méthodes pratiques de prévention et de gestion de ces conflits.

Outre ces auteurs, Combalbert (2006)se focalise sur la négociation de crise et la communication d'influence. En effet, issue de la gestion des situations de forcenés et de prise d'otage par les groupes d'intervention, la négociation de crise pour lui, étend aujourd'hui son domaine d'activité au monde de l'entreprise afin d'aider les dirigeants ou les managers à conduire des situations délicates (négociations commerciales à forts enjeux, clients agressifs, personnalités difficiles) ou pour gérer des incidents graves (conflits sociaux durs, menaces, lock-out et séquestrations).

Dans un autre paradigme, Michit et Comon (2005) observent la répétition de plusieurs ensembles de règles de développement des conflits. Quatre grandes classes de conflits y ont été analysées : conflit d'avoir, conflit de pouvoir, conflit de défense d'identité et conflit de libération. Pour ces auteurs, chaque conflit est spécifique dans sa quintessence et nécessite de ce fait une démarche spécifique de résolution.

Pour Lemaire (2010), les conflits en milieu organisationnel doivent être analysés dans une perspective dépendante des types de relations qu'entretiennent les acteurs professionnels entre eux. Ainsi, pour l'auteur, même si les difficultés que rencontrent les entreprises actuelles sont d'ordre financier, infrastructurel, il n'en reste pas moins que la communication interne à chaque structure est l'élément déterminant qui permettrait à chaque entreprise de s'exclure des difficultés professionnelles profondes dans l'environnement entrepreneurial concurrentiel et caractérisé par des bouleversements permanents.

Dans cette perspective, Ratier (2003) pense que la communication revêt d'une importance particulière dans le milieu entrepreneurial car d'elle, dépend la réussite ou l'échec des activités commerciales de l'entreprise. Ainsi, l'auteur pense-t-il que les gestionnaires de la communication insistent sur la nécessité d'une bonne communication entrepreneuriale afin d'anticiper sur d'éventuels problèmes structurels et corolairement d'infléchir sans cesse l'image de l'entreprise.

Mundoni (2007) pense que la communication a une double fonction au sein de l'entreprise. Elle se présente à la fois comme régulation des interactions et interrelations des acteurs du milieu professionnel mais aussi et surtout, permet de distinguer les différentes catégories professionnelles afin d'éviter d'éventuels conflits de compétence et de profil.

Pour Kah (2016), les conflits observés dans certaines structures nationales de prise en charge tels que le Service d'Aide Médicale Urgente (SAMU) s'expliquent par le fait que les Accidentés de Travail et Malades Professionnels (ATMP) sont pris en charge de façon exclusivement thérapeutique alors que cette prise en charge nécessite un traitement binominal c'est-à-dire clinique et psychologique. Ces ATMP seraient pour l'auteur, de plus en plus confrontés à la hiérarchie du SAMU et exposés à des actes de suicide.

Outre cet auteur, Andé (2016), dans l'analyse de la politique sociale au sein de la PETROCI-HOLDING, relève une dépendance intrinsèque de l'orientation de la politique sociale aux objectifs de la structure. A cette donne, l'auteur ajoute une apathie des dirigeants dans la réalisation des projets sociaux et des licenciements abusifs, partiaux dans cet environnement où les dirigeants cherchent uniquement à accroître leur chiffre d'affaire. Relativement, l'auteur noterait des grognes et plaintes fréquentes des employés, caractéristique des conflits internes.

Pour Yeboua (2016), la communication externe de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale du Plateau souffre de nombreux maux tels que l'insuffisance du budget alloué pour la communication externe, l'incompétence en ressources humaines, l'indisponibilité des services de communication et des outils de communication externe. Ces failles troubleraient le travail professionnel des agents qui, tout en réclamant des moyens, se heurtent à une hiérarchie qui, loin de fournir les outils, conditionnent leur maintien dans l'entreprise, aux résultats qu'ils obtiennent avec ces moyens dits insuffisants. Dans ces conditions, l'auteur dit, assister à des conflits permanents entre hiérarques et subordonnés de cette structure.

A la mairie de Cocody, Mankambou (2016) révèle que les conflits internes sont liés à une gestion partiale des indemnités obligatoires et discrétionnaires. Pour elle, les dirigeants de cette collectivité territoriale occultent les critères de sélection des bénéficiaires d'indemnités puisque ceux-ci seraient influencés par le bord affinitaire et la disponibilité totale au Maire à des fins, non pas d'activités professionnelles, mais plutôt de commérages et de dénigrements des autres acteurs de l'entreprise. Ces conflits seraient fréquents et se solderaient régulièrement selon l'auteur, par des révocations sans motifs explicites de nombreux agents ayant brandi une opinion différente.

Lassarade et Toa (2008) pensent que les méthodes de résolution traditionnelles telles que l'arbre à palabres utilisées dans les entreprises ivoiriennes semblent ne pas être en phase avec les mentalités culturelles des dirigeants et même des salariés aux origines socioculturelles diverses. Ainsi, les conflits internes aux entreprises se révèleraient comme le résultat d'échecs de communication lors d'interactions culturelles propres au contexte socioculturel en Côte d'Ivoire qui voit la permanence de tensions liées au côtoiement des ethnies et à l'affirmation de l'identité culturelle au sein de l'entreprise.

A Cargill West Africa, Odi (2017) impute la nonchalance des activités professionnelles et les grognes des travailleurs en un ensemble de facteurs concernant respectivement l'administration du personnel, la paie et la formation continue. Ainsi, l'auteur pense qu'il faille prendre en compte cette dynamique tripartite si la direction générale souhaite donner un nouvel élan productif à cette entreprise internationale.

A l'instar des entreprises internationales, Silué (2017) s'est intéressé aux difficultés liées au dialogue social au sein de l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (ANADER). A ce propos, l'auteur rélève un conflit permanent entre trois entités de l'entreprise : la direction, les représentants syndicaux et le personnel. L'auteur affirme que si les travailleurs dans leur ensemble stigmatisent ces représentants syndicaux (délégués syndicaux, délégués du personnel), cela s'explique par cette alliance subitement créée entre la direction et ces syndicalistes désormais qualifiés de corrompus et d'insensibles face aux difficultés sociales des travailleurs de l'ANADER.

Dans la plupart des sociétés de restauration Abidjanaises telles que M'PÖ, Gnirihoua (2017) impute les difficultés structurelles et communicationnelles à une mauvaise définition du profil de poste des employés, au manque d'affiliation de l'entreprise à une banque pour la gestion des salaires et à la promotion du bord culturel dans le processus de recrutement.

Toujours dans le milieu Abidjanais, Yoro (2017) pense que les obstacles au financement de l'habitat à Abidjan sont de plusieurs ordres : difficultés d'insertion sur le marché du travail, faiblesse du niveau de revenu général de la population, faiblesse de bancarisation et des capacités d'accès au crédit. Ces obstacles s'expliqueraient selon lui, par l'absence d'une vision claire de l'habitat, l'absence d'une démarche professionnelle de la gestion des projets et l'inexistence d'un classement pour les entreprises de construction à Abidjan.

Relativement aux instituions de restauration, Coulibaly (2017) pense que les structures chrétiennes en général et catholiques en particulier ne semblent pas échapper à ces difficultés internes. Ainsi à la Direction Nationale de l'Enseignement Catholique de Côte d'ivoire, l'auteur impute la confusion des rôles des acteurs professionnels et la faible maîtrise de leurs mouvements à une absence de sous-direction habilitée pour définir le profil de ces acteurs et les risques liés à l'intégration de l'ensemble de l'ensemble des travailleurs dans un même vecteur motivationnel.

A l'Agence de Gestion Foncière, Yah (2017) affirme que la communication interne qui y est désormais instaurée, est une communication de type « intra muros » et la direction, au lieu d'activer quelques leviers de cette communication interne (notes de service, réunions, mémos, affichage, appels, sms) se résignent à cette nouvelle forme de communication (information de couloir, chuchotement et commérages) qui décrédibilise la structure.

Par ailleurs, Gnabeli et Bazin (1996) estiment que dans l'entreprise Coparci (Bouaké), le « patron » qui, à lui seul concentre tous les pouvoirs, se trouve fréquemment confronté à des travailleurs quiluttent en permanence pour l'amélioration des conditions de travail et de rémunérations (accès aux prêts et aux soins). De ce fait, ces employés profiteraient du climat conflictuel pour dénoncer les défaillances du «patron » réinterprétées au moyen d'une mise en accusation (méchanceté et volonté délibérée de nuire).

Pour Kana (2015), la stratégie de gestion des compétences à la mairie d'Adjamé se trouve biaisée par une absence quasi-totale du profil de poste des employés à laquelle se greffe la médiocrité de quelques agents travaillant sous le tutorat des hiérarques et une impertinence de la formation continue. Ces facteurs sus-cités provoqueraient une mésentente régulière entre les dirigeants et les exécutants, dans cette structure où le bord politique est privilégié dans l'attribution des boni salariaux, des avancements et des révocations.

Dans un autre paradigme, Nibié (2016) impute les conflits au sein du BNETD à un ensemble hétéroclite de facteurs dont le dysfonctionnement de la communication pendant les missions, l'absence de feuille de route clairement élaborée, les difficultés d'hébergement des agents en mission, le manque d'équipements de protection des agents et une absence de politique de récompense.

Pour Zahourou (2015), l'organisation du travail au sein de la bourse régionale des valeurs mobilières d'Abidjan est altérée par un manque de confiance entre dirigeants et subalternes qui se traduisent par un refus des dirigeants de déléguer certaines responsabilités aux subordonnés. Cette difficile collaboration entre ces acteurs organisationnels complexifierait davantage l'exécution des tâches professionnelles, renforcerait les tensions au sein de la structure et provoquerait continuellement un taux remarquable d'absentéisme des agents et des départs volontaires.

Aussi, s'inscrivant dans la dynamique du précédent auteur, Aby (2015), dans l'analyse des conditions de travail des agents des établissements sanitaires (centre de santé d'Angré), pense-t-elle que l'exercice de la profession sanitaire s'effectuant dans les conditions non-ergonomiques (inconfort des meubles, désuétude des appareils du laboratoire, insécurité des agents) renforcerait les plaintes des agents qui revendiqueraient régulièrement des conditions idoines de travail.

Pour Kouadio (2016), la politique commerciale au cabinet EXCEPT média est altérée par l'insuffisance de l'allocation budgétaire, la défaillance de véhicules pour les agents, l'absence de standardiste et une insuffisance des outils de communication externe. Ainsi, tandis que les commerciaux usent de moyens de contournement des failles précités, les hiérarques, eux, exercent une pression sur ces employés qui, à moins d'atteindre les objectifs financiers affichés, restent exposés à des révocations pluriels et à des propos dénigrants.

Pour Zouzou (2016), bien que le cabinet Egard architecture dispose d'un service et d'acteurs en charge des états financiers, les comptables de cette structure seraient soumis continuellement à une pression du Directeur et encouragés par celui-ci à s'inscrire dans une démarche de corruption active des agents du Trésor dans le but d'effectuer des paiements clandestins et parcellaires face au patrimoine financier assez remarquable de l'entreprise. Aussi, l'auteur ajoute-t-il que les agents qui, par dévotion religieuse refusent cette procédure d'inobservation de la législation fiscale et la falsification des pièces comptables, sont expulsés au moyen d'une erreur professionnelle improvisée.

Dans cette dynamique, Koudou (2016) pense qu'au-delà du budget de fonctionnement insuffisant et de l'insuffisance de matériels de fonctionnement, le conseil régional du Goh, selon les dispositions de la loi n?
·98-485 du 04 Septembre 1998 relatives aux missions du conseil régional, rentre régulièrement dans un conflit de compétence avec la mairie de Gagnoa. Ce conflit se percevrait sur le terrain par une dualité entre agents chargés du recouvrement de taxes au sein de la région du Gôh.

Pour Momy (2016), la direction régionale des impôts Abidjan-nord 5, bien qu'ayant opté pour un style de management de type intégratif, exclut les employés de la base de la prise des décisions et inclut tous les acteurs professionnels dans un seul et même moule motivationnel ; une sorte de management collectivo-centré. Ce qui crée selon l'auteur, des grognes sectorielles et des départs volontaires au sein de cette structure financière nationale où agents espéraient un style managérial de type individualo-centré, c'est-à-dire celui qui tient compte de l'aspiration managériale de chaque acteur professionnel.

Dans cette perspective financière, Diarassouba (2017) soutient que le processus de contrôle budgétaire de la société des palaces de Cocody manque de consommables tels que : la formule efficiente et adaptée pour l'élaboration du contrôle budgétaire, une absence de tableau de bord financier et une absence de cartographie pour la gestion des risques budgétaires éventuels. De ce fait, l'auteur affirme que les comptables les plus expérimentés esquissent quelques fois des schémas financiers improvisés qui ne sont salués que s'ils restent sanctionnés par des résultats de croissance du chiffre d'affaire ou le cas échéant, imputés à son auteur qui subit dans bien de cas, des préjudices moraux et financiers.

Pour Diabagaté (2017), le recouvrement fiscal en Côte d'Ivoire reste sujet à une double série de facteurs (endogènes et exogènes). Dans la première, l'auteur évoque la non-imposition des taxes dans le secteur agricole et informel et l'exonération des impôts. Dans la seconde, elle mentionne un problème de confiance et de légitimité des impôts. Ainsi, en milieu interne, tandis que quelques professionnels luttent pour une couverture nationale des impôts sur l'ensemble des activités génératrices de revenus journaliers ou mensuels, ils se heurtent à résistance d'autres collègues sur ce point, caractéristique des désaccords internes à la Direction Générale des Impôts.

A l'instar de ces études axées en organisation financière, des études ont pareillement été effectuées dans d'autres milieux sociaux tels que dans les établissements de santé (Zan-Bi, 2017). Ainsi, dans l'analyse des conditions de prise en charge des accidentés de travail et malades professionnels, l'auteur pense que celles-ci se particularisent par la surfacturation des prestations, le désintérêt des patients, le mauvais accueil du personnel soignant, la divulgation des secrets tenant à l'intimité des patients, le cadre physique défavorable, l'insuffisance du matériel de travail, l'abstention volontaire de prodiguer des soins de qualité. Ces difficultés seraient fortement corrélées à une combinaison de facteurs à la fois internes et externes aux consciences du personnel de santé pour générer une désapprobation des patients manifestée par des murmures ou par leur repli sur soi.

Faulx, Erpicum  et Horion (2005)soutiennent que les tensions en milieu professionnel, sont nombreuses. Une première oppose logique de qualification et logique de compétence. Ainsi, alors que le recrutement par concours et l'appartenance à la fonction publique met l'accent sur la qualification, la construction de l'expertise du conservateur repose sur l'expérience et la compétence. D'autres tensions découleraient aussi selon l'auteur, des hiérarchisations contradictoires qui s'établissent entre les fonctions de collection et de recherche et les fonctions d'animation culturelle et de management dans le milieu professionnel français.

Dans cette dynamique d'appréhension des rixes intra-organisationnelles, Dine (2008) en se fondant exclusivement sur les conflits entre collègues du même statut hiérarchique, affirme que cette typologie de conflit est rarement appréhendée de la manière dont le suggèrent les ouvrages méthodologiques. Ces ouvrages méthodologiques fourniraient peu de tacites directement applicables en la matière et invite par ricochet à une réticence quant à l'usage de ces ouvrages dans la résolution des conflits intra-organisationnels.

Dans le milieu scolaire, Perrenoud (2005) dénote d'après ses investigations, deux types de comportement pouvant faire l'objet de dispute ou de rejet entre collègues. Au niveau des enseignants, l'auteur pense qu'un enseignant fait l'objet de violence et de regards méprisants de la part de ses collègues s'il cumule les actions suivantes : prendre le parti des parents, se comporter en leader et mettre en débat ce qui va de soi. Au niveau des apprenants, l'auteur mentionne qu'un bon apprenant aurait des attitudes inhibitrices de conflit ; en d'autres termes, ce serait quelqu'un qui, dans sa quête d'apprentissage, ne laisserait pas les autres tranquilles, il les «  dérange », ne serait-ce qu'en formulant une autre vision du possible et du nécessaire, en mettant autrement en évidence les responsabilités, en suscitant parfois des culpabilités. Dès lors, assumer une identité de praticien réflexif, ce serait assumer un rapport aux autres qui peut engendrer agacement, rejet, ironie, controverse, lassitude et marginalisation.

3.1.1.3. Travaux centrés sur les conflits générationnels et communautaires

Dans ces travaux, les auteurs s'accordent sur le fait qu'il existe une diversité de conflit dans la sphère sociétale. Il s'agit notamment des conflits générationnels, intercommunautaires, des conflits de succession, .... Pour eux, chaque type de conflit est spécifique dans sa quintessence et nécessite par ricochet une méthode de résolution spécifique à l'unicité problématique posée. Ainsi, pour Délestre (2017),la jeunesse actuelle, on ne peut la définir et l'expliquer facilement. En effet, les tendances d'aujourd'hui, les changements du XXIe siècle, nous conduisent vers une métamorphose radicale de la jeune génération. C'est notamment trop visible dans leur comportement, leur éducation, leurs aspirations. Et ce qui caractérise leur comportement, c'est premièrement leur désir exacerbé de jouir de la liberté. Dans le même temps, on peut affirmer que cette aspiration à l'indépendance suscite directement un nombre infini de conflits entre les adultes et les ados. Même si c'est difficile à comprendre, souvent on peut être témoin d'une divergence d'opinions, d'idées différentes, des problèmes dans une famille, ce qui par conséquent, donne naissance àdes disputes entre des classes d'âge différentes.

Relativement à Délestre (2017) qui s'attarde sur la distance réflexionnelle et actionnelle entre les jeunes et les plus âgés, Miquet-Marty et Preud'homme (2013) pensent les jeunes souffrent aujourd'hui d'une absence de prise en compte au sein des espaces de pouvoir (politiques, institutionnels ou privés). Cet état de fait est accentué par les contraintes économiques, qui ont dans le même temps, mis à mal les perspectives de progression sociétale et créé un sentiment d'impuissance face aux grands enjeux politiques et sociaux. Ainsi, l'idée de « ne pas pouvoir changer les choses » globalement et directement semble avoir rendu la jeunesse cynique, individualiste, désengagée ou même rebelle envers les vieux.

Dans ce même registre, l'Association pour une Fondation Travail-Université (2006) remarque qu'une génération est un groupe particulier dont les membres partagent une proximité en âge et ont traversé, à des étapes déterminantes de leur développement, des événements de vie semblables. Ainsi, caractériser les générations revient donc à identifier ces expériences particulières ainsi que les événements et cadres sociaux auxquels ils réfèrent. Les transformations contemporaines du social, en général, et du monde du travail, en particulier, ont à la fois contribué à produire des générations de travailleurs caractérisées par des attitudes, des attentes et rendu les rapports intergénérationnels complexes et régulièrement considérés comme conflictuels.

Pour Coser (1970), aujourd'hui nous sommes entrés dans la société à quatre générations et celles-ci sont bien visibles. Ces générations cohabitent et construisent leur horizon en référence à des partenaires qui ont entre zéro et quatre-vingt-dix ans. L'identification de ces partenaires est certainement rendue plus complexe par la diversification des familiales induites par l'éclatement et la recomposition des familles auxquelles s'ajoutent les effets d'une notable mobilité géographique. Ainsi, les moyens de construire la sécurité de ces individus issues de générations clivées apparaît dans un contexte ou l'héritage est particulièrement copieux, riche de réalisations solides, conquises de haute lutte et consolidées dans des périodes fastes.

Dans une autre démarche, Ntita (2014) pense quece sont l'absence de communication entre parents et enfants, l'incompréhension des besoins intimes des enfants, les changements psychiques et physiologiques surtout à l'âge de l'adolescence, l'amour excessif des parents qui leur empêche de donner une marge de liberté aux enfants et le refus d'appliquer les conseils des parents sont autant de facteurs qui selon l'auteur, engendrent des divergences d'opinions et même de rixes entre parents et enfants.

Selon khalil  (2015), la strate sociale, la coexistence de différentes ethnies et les difficultés communicationnelles entre parents et enfants, sont les principales causes des conflits de génération. En effet, l'auteur soutient d'abord que beaucoup des parents n'acceptent pas que leurs enfants se marient avec des personnes d'autres strates sociales. Ensuite, le brassage culturel qui engendre un brassage intergénérationnel parsemé de litiges et enfin la difficulté pour les plus âgés de comprendre les attitudes, les choix et comportements de cette nouvelle génération.

Toutefois, même si la littérature est assez fournie en matière de conflits intergénérationnels, cela n'implique pas nécessairement des velléités scripturales sur les conflits intercommunautaires. Bien au contraire, la question y est abordée sous différents angles. Dans cette dynamique, Mbokani (2008) substitue tout conflit en des tensions violentes et pense que le conflit armé du Congo prend sa racine dans une multiplicité des facteurs dont l'effondrement et le manque d'indépendance de l'appareil judiciaire, l'inexistence des services publics tant administratifs que sociaux. Ainsi, dès lors qu'il n'existe plus d'administration, l'auteur pense que les services les plus élémentaires (actes de naissance, les certificats de mariage, certificat de décès, le recensement de la population) restent difficiles à obtenir, et par conséquent, augmente la stigmatisation populaire de cet Etat que nombres de clans armés cherchaient à renverser.

Pour Bisonga (2009), c'est en milieu familial ou intracommunautaire que se perçoit véritablement la question des conflits. Ainsi, les normes contenues dans la loi relative aux actes d'état civil, sont mal comprises et mal intériorisées par les tiers, lors du partage du patrimoine successoral. Relativement, les héritiers et particulièrement le conjoint survivant et les enfants du défunt se sentiraient victimes de spoliation, d'expropriation voir même, d'agressions de tout genre.

Dans cette perspective, Selas (2016) inventorie une typologie tripartite des conflits intra-communautaires dont les uns aussi bien que les autres, génèrent des litiges sanglants au sein de théâtre familier ou intracommunautaire. Il mentionne de ce fait que les conflits dans l'arène communautaire sont catalysés par des facteurs tels que : la succession bloquée par un ou des membres influents de la famille, les divisions successorales et le partage inégalitaire des biens.

Selon la Chambre des notaires (2016), il y a conflit communautaire lorsque les acteurs en présence ont du mal à établir la corrélation entre les supposés droits et leurs droits réels selon les prescriptions des lois en vigueur. De ce fait, cette chambre remarque que les acteurs sociaux qui font preuve de carences normatives, s'en remettent à des notaires, qui eux aussi, paraissent intervenir dans un litige qui aurait pu faire l'objet d'un compromis en milieu intracommunautaire.

Dans le Sud-est du Nigéria, Pérouse (2015) révèle que les conflits communautaires s'articulent autour du partage des ressources de l'or noir. Pour lui, toutes les couches sociales ne bénéficieraient pas au même titre, des ressources issues de l'exploitation de cette richesse. Ce qui susciterait des compétitions et affrontements ethniques entre les majorités et les minorités autochtones dont les principales cibles constitueraient les minorités les plus affirmées (les Ogoni et les Ijaws).

Ces auteurs ont le mérite de nous renseigner sur la nécessité, la récurrence et les facteurs explicatifs des conflits en milieu professionnel et intra-sociétal. Toutefois, cette approche parait généraliste car elle ne prend pas en compte la spécificité des conflits fonciers surtout en milieu rural. Toute chose qui nous amène à analyser les différentes approches abordées par les fonciologues en la matière.

3.1.2. Travaux centrés sur les conflits fonciers et leur gestion

3.1.2.1. Travaux centrés sur les conflits fonciers

3.1.2.2 Travaux centrés sur la saturation foncière

Dans ces écrits, les auteurs montrent l'influence de la rareté des terres, de la croissance démographique rapide imputée aux vagues migratoires successives et incontrôlées, de la saturation foncière et de la pression anthropique dans le déclenchement des conflits fonciers dans zones explorées.

Ainsi, pour Kirat et Melot (2006), dans l'analyse du phénomène dans les contrées d'Isière, Lorie-Atlantique et Seine-Martinique en France, les conflits d'usage renvoient à la confrontation de préférences individuelles et collectives sur l'allocation des espaces et des actifs naturels localisés.

Ces conflits fonciers, révèlent des externalités négatives induites par les changements dans l'allocation des espaces à usage agricole, industriel, résidentiel et récréative. Ainsi, leur nombre, leur proximité géographique et symbolique sur le même territoire, renforcerait la montée des antagonismes entre usagers fonciers.

Toujours en France, Dachary, Gaschet, Lyser , Pouyanne et Virol (2011) montrent dans une approche transversale entre côtes Basque et Charentaise, que le foncier d'une manière générale, fait l'objet d'une concurrence énorme entre différents usagers, notamment dans l'agriculture et le résidentiel. Cela s'est traduit par la pression considérable sur le littoral du fait de son attractivité.

Ainsi, les vagues migratoires sur les territoires littoraux, l'utilisation abusive des territoires pour la construction de logements, l'invocation des politiques foncières, leurs carences dans la maîtrise de l'urbanisation littorale et la multiplication des établissements publics fonciers, sont autant de facteurs qui expliqueraient la survenance des conflits fonciers dans le littoral français.

Par ailleurs, Alkassoum (2006), dans un regard sociologique sur les facteurs liés à l'émergence des conflits fonciers au Burkina Faso, pense que la mauvaise gestion des ressources naturelles est à la base de nombreux heurts dans les zones d'accueil des transhumants. Lesquels espaces seraient à la fois disputés par les agriculteurs, les peulhs et les transhumants.

Dans cette zone du Burkina, l'auteur dénombre 59,1% des conflits comme ceux survenant entre autochtones agriculteurs et peulhs sédentaires, 9,1% entre agriculteurs et transhumants, 13,6% entre agriculteurs eux-mêmes. Cette fréquence assez élevée des conflits fonciers entre agriculteurs et éleveurs s'explique selon l'auteur, par le non-respect des limites des champs, la superposition des droits revendiqués et l'usurpation des titres de propriété.

Dans la même dynamique, Tallet et Paré (1999) analysent les conflits fonciers dans une approche géo-statistique, mettant ainsi en relief la variation pluviométrique et la concentration spatiale des populations dans les zones fertiles.

Pour ces auteurs, l'évolution des conflits fonciers sont à rapprocher des conditions écologiques. De ce fait, l'hétérogénéité des conditions naturelles, la variabilité des sols et la répartition déséquilibrée de la pluviométrie (allant de 350mm à 1250 mm de pluie par an) sont les facteurs qui expliquent l'évolution spatio-temporelle des conflits fonciers au Burkina Faso.

La concentration des populations dans les zones dominées par les plateaux se traduit par le fait que certaines zones Burkinabaises soient plus productives que d'autres et de ce fait, sont plus enclin à la survenance des conflits fonciers.

Dans les contrées malgaches, Rakotovao (2011) révèle que le foncier est à l'origine de nombreux conflits sociaux conduisant d'une part à des clivages et exclusion foncière de certains groupes, et d'autre part, à un ralentissement du développement économique national. Aussi, la récurrence des conflits fonciers dans cette communauté malgache a-t-elle provoqué une course vers les instances juridiques de régulation foncière de sorte que 80% des affaires foncières sont traitées par les tribunaux.

D'un autre point de vue, Kouamékan, Kouadio, Komena et Ballet (2009) pensent que les inégalités socioéconomiques observées en côte d'ivoire font désormais l'objet d'analyse dans leurs relations avec la gestion des ressources naturelles. Cette inégalité se retranscrit parl'accès inéquitable des ruraux, aux ressources. Ainsi, l'émergence de nombreux conflits fonciers ces dernières années serait la résultante de cette structuration inégalitaire de l'accès au foncier.

De ce fait, ces auteurs font ressortir que la contribution du milieu rural à la pauvreté nationale en 2008 était de 75,4% contre 24,6% en milieu urbain (INS, 2008), révélant d'une part que, plus de trois quarts des populations pauvres vivent en milieu rural et d'autre part, que la pauvreté est donc plus rurale qu'urbaine en raison de la difficulté des pauvres à accéder aux ressources non renouvelables.

Dans cette même optique, Traore (2012) soutient que l'absence de règlementation limitant l'accès de l'acquisition massive des terres agricoles en Côte d'ivoire, ouvre la voie au désordre et à l'anarchie. Les hommes politiques se procurent plus de 200,  300 voire 500 hectares de forêt par personne, réduisant considérablement l'espace de cultures des petits paysans, qui s'engagent çà et là, dans de vaines tentatives de récupération de certains lopins de terre pour subvenir à leurs besoins.

D'un autre côté, Merabet (2006) impute la survenance des conflits fonciers en côte d'ivoire, aux flux migratoires successifs et incontrôlés. Pour lui, la population étrangère a crû continument en côte d'ivoire, passant de 1,4 millions à 4 millions en moins d'une décennie. Cette population majoritairement Africaine provient particulièrement du Burkina Faso, 56%, du Mali, 19,8% et de la Guinée 5,8%. La croissance continue des allogènes, se serait faite avec des disparités spatiales qui se sont corrélées à l'évolution des cultures de rentes telles, le café et le cacao.

Pour Le Roy et Lasserve (2012), la situation foncière actuelle de l'Afrique est le résultat d'une évolution. Elle est caractérisée à la fois par une forte croissance de la population, l'intégration à l'économie mondiale, une augmentation significative des surfaces mises en culture, la fragilisation des milieux naturels, une tendance à l'épuisement des sols et des ressources en eau et enfin, l'extension des superficies occupées par les villes. L'accroissement de la demande de terres agricoles se traduit par une pression générale sur le foncier mettant en présence, exploitants agricoles (paysannerie locale), investisseurs nationaux et investisseurs étrangers.

Pour Kouamé (2013), il existe un lien entre l'ampleur des conflits fonciers et les occupations massives de plantations decacao et de café. Ce sont ces occupations de plantations qui déterminent l'ampleur ou l'extension des conflits fonciers.Cela s'explique par le fait que les logiques économiques et politiques englobent une juxtaposition d'intérêts contradictoires qui, non seulement conditionnent les stratégies des acteurs, mais aussi et surtout complexifient les conflits fonciers.

Selon Kouassi (2017), les conflits fonciers et leurs rebondissements actuels s'expliquent certes par la croissance démographique de la population ivoirienne conjuguée aux flux migratoires élevés, mais davantagepar les divergences politiques qui se sont succédées après la mort du premier président Félix Houphouët Boigny. Cette impasse sociétale créée par les élites, a ouvert la voie à un ralliement des populations en ligne identitaire, constituant de ce fait, un terrain propice à des contradictions foncières, voir des rixes entre communautés sédentaires du pays.

Dans un autre regard, Gausset, (2008) affirme que le sud-ouest du Burkina Faso, relativement fertile et peu peuplé, attire depuis quelques décennies un grand nombre de migrants internes cherchant à améliorer leurs conditions de vie. Ce phénomène a pris une telle ampleur que dans plusieurs localités, les « migrants » sont aujourd'hui plus nombreux que les « autochtones ». Un tel flux migratoire en milieu rural ne va pas sans poser des problèmes de cohabitation entre différents groupes, particulièrement au niveau de la gestion du pouvoir et des terroirs. On assiste dès lors à une lutte permanente entre les autochtones et ces migrants.

Cette idée de pression démographique est d'autant plus soutenue par Kakule (2010) qui estime que la problématique foncière en République Démocratique du Congo continue toujours de susciter des inquiétudes. Les pressions démographique et commerciale ainsi que les mouvements de retour des déplacés internes et des réfugiés dans la période post-conflit, engendrent une compétition très ardue pour l'accès et le contrôle de la terre. Ces faits occasionnent très souvent des conflits fonciers qui perturbent la paix sociale.

Pour Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo(2011), la Forêt des Marais Tanoé-Ehy est sujette à de fortes pressions anthropiques qui se traduisent par le braconnage, le prélèvement anarchique des ressources naturelles, l'exploitation forestière et les tentatives de défrichements agricoles.

Ainsi, de 15 millions d'hectares de forêt au début du XXème siècle et de douze 12 millions d'hectares à l'indépendance, la couverture forestière de la Côte d'Ivoire est estimée aujourd'hui à environ trois millions d'hectares. Le manque de terres disponibles pour ces auteurs, pousserait certaines populations à s'engager dans l'exploitation agricole des forêts classées.

La situation serait encore plus alarmante dans le domaine rural où certaines forêts de propriété commune restent assujetties au libre accès pour une exploitation anarchique par certains membres du groupe.

Relativement à ces auteurs, Dévérin (2005) estime que la Côte-d'Ivoire connaît l'un des plus forts taux d'immigration au monde: 26 % de sa population. Dans les plantations de cacao, ce sont les burkinabé et les maliens qui collectent les fèves, mais aussi des baoulé ou d'autres allogènes (originaires d'autres zones de la Côte-d'Ivoire). Avec ce nombre croissant de populations (autochtones, baoulés, burkinabè, maliens,...), le défrichage de la forêt et l'extension concomitante des surfaces exploitées se feront dans une opacité juridique totale avec des empiétements fréquents des normes locales, caractéristiques de rixes latentes.

Dans cette logique, Chauveau, Colin, Bobo, Kouamé, Kouassi et Koné (2012) sont d'avis quele conflit ivoirien (2002-2011) a exacerbédes tensions foncières anciennes engendrées par d'intensesmigrations agraires, notamment dans la zone forestière ivoirienne. Cette population qui a cru rapidement sous les effets conjugués de la poussée démographique nationale et des migrations extérieures a engendré une pression foncière, des fractures sociales durant l'ultime phase du conflit ivoirien.

Banzhaf et Drabo (2000) mettent en avant l'inégale répartition pluviométrique et la concentration des populations vers des zones moyennement alimentées en eau. Pour ces auteurs, le processus de dégradation dont souffrent les contrées Burkinabaises est lié à une péjoration climatique générale à laquelle se sont ajoutés les effets démographiques et l'immigration des populations venant des zones encore plus touchées par la désertification. Les rapports entre ces acteurs aux activités différentes (agriculture et élevage), deviennent de plus en plus concurrentiels, avec une mainmise accrue de l'activité agricole sur l'espace foncier et par conséquent une diminution des superficies pâturables.

Dans la même orientation, Mathieu,Matabaro et Tsongo (1994) affirment le Nord-Kivu de la République Démocratique du Congo connait une escalade de violences foncières liées au rétrécissement de l'espace disponible pour des paysanneries de plus en plus nombreuses, à la dépossession foncière de ces mêmes paysanneries, en grande partie organisée par la collusion entre chefs coutumiers, bourgeoisies, urbaines et administrations corrompues. Enfin, par l'incertitude et la précarité croissantes des droits fonciers paysans, résultant à la fois des pratiques foncières clientélistes et opportunistes des chefs coutumiers autochtones.

Pour Ibo (2012), les acquisitions massives des terres interviennent dans un contexte de saturation foncière généralisée. Dans certaines zones comme le Sud-ouest, notamment dans le département de Méagui, les densités de peuplement excède 80 hab/km2 contre 48 hab/km2 au niveau national. Quant à la densité agricole, elle est va au-delà de 100 exploitants au km2. Les agriculteurs sont obligés de replanter certaines vieilles parcelles, pour ceux qui veulent innover.

Cet aspect de saturation foncière a été aussi évoqué par Bonnecase (2001) pour qui, la politique volontariste de mise en valeur de la colonie a favorisé le gonflement des flux migratoires de populations en quête d'espaces de culture dans les premières décennies de l'accession à l'indépendance. Les conflits fonciers apparaissent comme une opposition récurrente, une indexation mutuelle entre autochtones et allogènes, ivoiriens ou non ivoiriens, ceux-ci étant accusés par ceux-là d'occuper une terre qui ne leur appartient pas.

Selon Chauveau, Colin, Jacob, Lavigne et Le Meur (2006), depuis une quinzaine d'années, les problèmes fonciers se multiplient en Afrique de l'Ouest et se caractérisent par une marchandisation foncière croissante et une compétition accrue entre acteurs (entre ruraux et urbains investissant dans la terre), dont la cohabitation foncière est conflictuelle. Par ailleurs, si les premières décennies après l'accession à l'indépendance ont été marquées par la cohésion entre les communautés, il n'en demeure pas moins que de nos jours, la saturation sociale et foncière soit les signes révélateurs d'éventuels litiges fonciers.

Pour Diakité et Coulibaly (2004), la gestion durable du foncier rural s'avère d'autant plus problématique que la compétition pour l'accès à la terre s'intensifie de jour en jour sous les effets conjugués de la pression démographique et pastorale, de la fréquence des déficits pluviométriques et de l'évolution inquiétante du processus de dégradation de l'environnement. Par ailleurs, la superposition du droit positif et des droits coutumiers complique davantage la question foncière en ouvrant la porte à toute sorte de confusions, spéculations, conflits et procès judiciaires qui ne cessent de compromettre à la fois la sécurité foncière et la stabilité sociale des communautés rurales dans le nord de la Côte d'Ivoire.

Selon Tape (2000), les lacunes du système foncier précédent, les enjeux économiques, la difficile intégration sociale des populations allogènes, la saturation sociale et foncière sont des facteurs qui contribuent fortement à l'émergence des litiges fonciers à Soubré.

Dans cette même logique, Houdeingar (2009) pense que les conflits fonciers au Tchad seraient favorisés par le changement des règles d'accès et d'appropriations des terres en raison de la croissance démographique remarquable (hausse de la valeur de certaines terres, monétarisation des échanges et individualisation des rapports sociaux et financiers).

Pour Ghisalberti (2011),la mobilité est la principale caractéristique des populations sahéliennes qui, depuis des siècles, se déplacent non seulement car leur espace d'action est ouvert et peut favoriser les grands mouvements, mais aussi du fait des modalités traditionnelles d'exploitation des ressources naturelles. Dès lors, les populations migrantes fuyant des crises environnementales liées aux sécheresses cycliques, se focalisent dans des localités supposées propices, bouleversant ainsi l'ordre foncier qui y est établi, par des négociations officielles et officieuses, prophylactique à des conflits sectoriels en urbain et rural.

Pour Mfewou (2013), les paysans migrants et la société agro-industrielle de la Bénoué (SAIB), installés en 2000 dans le Nord-Cameroun, à un point névralgique pour la réalisation de son projet rizicole et fruitier, n'ont pas valorisé l'aval du barrage hydroélectrique. En conséquence, cette installation qui a fait déguerpir 36 % des paysans dans ce périmètre irrigué, a occasionné une série de conflits fonciers entre différents acteurs (paysan, SAIB, élites, lamido, nouvelle génération) qui ont été longtemps négligés par l'État. 

Tallet (1998) soutient que l'Ouest du Burkina Faso connaît depuis trente ans un fort courant migratoire. Il pense que l'ampleur des défrichements, la rapidité des changements socio-économiques bouleversent les rapports fonciers traditionnels : multiplication des conflits fonciers, évolution des contrats agraires.

Selon Maldidier (2000), les conflits fonciers sont provoqués par la réorganisation du milieu rural et l'accroissement des inégalités sociales dans les campagnes qui ont engendré d'importantes conséquences sur le plan foncier, ont fait naître une « pénurie » de terres, suite à l'accentuation des mouvements migratoires au début du siècle. Ainsi, la terre est devenue un enjeu d'une compétition foncière que ce soit dans les régions présentant un dynamisme économique marqué, ou dans d'autres où les bonnes terres sont en faible disponibilité.

Pour Kyaghanda (2008), les conflits fonciers dans le nord Kivu peuvent se résumer à trois facteurs à savoir la course aux ressources naturelles, la faiblesse de la réaction de la communauté internationale face aux crimes graves commis à grande échelle en RDC, et enfin la prolifération des milices dues au retrait des armées étrangères autrefois présentes en République Démocratique du Congo.

Toutefois, Ghisalberti (2011), dans une analyse du rapport entre migrations et conflits dans les régions sahéliennes, souhaiterait faire la distinction entre saturation sociale et saturation foncière. Elle pense de ce fait que ce n'est pas parce qu'il y a saturation sociale dans l'ensemble des villages sahéliens qu'il y a nécessairement saturation foncière dans ces village et qu'il n'existe pas de lien direct entre saturation sociale et conflit foncier. Dès lors, l'auteur pense les litiges fonciers au Sahel surviendraient lorsque des migrants négocieraient certes leur installation dans des villages de préférence mais au-delà, tenteraient de s'intéresser et s'investir dans les activités foncières.

Dans cette dynamique, Doevenspeck (2004) pense que l'analyse de la question foncière au Bénin, a montré que l'acquisition de biens fonciers par la population allogène peut mener à une dynamisation des règles institutionnelles du droit foncier traditionnel ainsi qu'à l'explosion des conflits latents entre les habitants de différents villages autochtones. De plus, les débats sur le droit foncier dans la région d'immigration ne sont pas uniquement influencés par les conflits entre propriétaires fonciers et immigrés mais également par les conflits entre les différents groupes de migrants. Dans une « chasse à la terre », ces derniers développeraient des stratégies propres d'acquisition de droits fonciers qui engendrent de nouveaux conflits.

Pour Yonta (2011), si les conflits surviennent et s'intensifient dans le terroir Camerounais, c'est parce que le cours des prix, qui allait toujours croissant, a provoqué une augmentation de la valeur que les paysans accordaient à la propriété foncière. De ce fait, les vieillards ont cessé d'offrir des parcelles de grande superficie à leur progéniture. L'auteur ajoute que non seulement les jeunes étaient surexploités dans les plantations des cultures d'exportation, mais et surtout la rétribution n'était pas proportionnelle aux travaux effectués. Cette situation a généré un conflit entre les jeunes et les vieux au point où les relations de travail devenaient de plus en plus contractuelles que communautaires. L'insatisfaction foncière des jeunes et le souci de devenir autonomes, ont initié les mouvements migratoires des jeunes vers les villes à la recherche d'un emploi.

Toutefois, bien que ces auteurs s'évertuent à expliquer les conflits fonciers par la rareté des terres, le rapport entre croissance démographique et terres disponibles, les vagues migratoires successives et incontrôlées, la saturation foncière, l'aspect des revendications intrafamiliales des terres par les jeunes autochtones semble avoir été omis du discours saturationniste. Cette faille nous amène à analyser d'autres écrits qui considèrent les conflits fonciers comme la résultante des effets d'accaparements claniques et derevendications foncières par les fonts pionniers au sein de l'institution familiale (Ibo, 2006).

3.1.2.3. Travaux centrés sur la revendication foncière des jeunes

Ces travaux se penchent exclusivement sur le positionnement des jeunes (déscolarisés, aventuriers, citadins,...) dans l'arène foncière, revendiquant par ci et là des espaces de culture à leurs ainés ou oncles. Cette revendication ne se fait pas sans heurts aussi bien au niveau de la famille, du lignage qu'au niveau des allogènes. C'est cette idée qui est mise en exergue par Kodjo (2013) pour qui, la société Abouré est traversée par des tensions autour de la distribution intrafamiliale de la ressource foncière et surtout autour de l'héritage. Ces conflits opposent les membres d'une même famille (neveu / neveu ou fils / neveu). Le développement de la culture de l'ananas ayant favorisé une monétarisation croissante de l'accès à la terre, à travers l'ouverture d'un véritable marché locatif, procurant ainsi aux gestionnaires des terres familiales, une rente locative importante dont la redistribution intrafamiliale conduit souvent à des conflits explicites qui opposent majoritairement les jeunes à leurs ainés. Ce conflit puiserait ses racines dans les ventes occultes de parcelles familiales, les dissensions intrafamiliales et intergénérationnelles et dans le discours amer des jeunes tenus contre les étrangers ayant acheté ces terres.

Pour Kana (2017), les conflits fonciers intrafamiliaux à Sinfra seraient à la fois liés à une mauvaise gestion des biens familiaux par l'héritier désigné des terres et à un effet de vengeance foncière des autres membres de la famille. Ainsi, l'auteur affirme que les héritiers désignés des terres familiales dans la tribu Sian (RCI) disposeraient de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent au quotidien pour brader les terres familiales aux allochtones. De ce fait, les autres membres de la famille qui se seraient sentis frustrés par ces ventes illicites, braderaient à leur tour les portions restantes ou le cas échéant, tenteraient par des moyens physiques et mystiques de revendiquer leur part d'héritage foncier.

En outre, Oumarou (2008), dans une dynamique d'assimilation des conflits de terre en un jeu de pouvoir et de légitimité, pense que la multiplication des litiges et des conflits d'autorité coutumière se ramène à un seul type de problème : les différents jeux de pouvoirs et de légitimité qui s'exercent sur le contrôle de l'espace.

Ainsi, tous les peuples disposeraient d'une série de concepts pour parler et traiter des rapports entre eux ; l'aspect spatial de leur organisation sociale trouve une expression ouverte en paroles et en actes. Le manque de ces espaces lignagers d'échanges auxquels s'ajoutent les inégalités dans la répartition foncière familiale et les revendications plurielles des jeunes génèrent des conflits familiaux difficilement maîtrisables.

Dans cette même perspective, Ibo (2012) pense que le non-respect des clauses des contrats de cession de terre, le poids des sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans le cadre du tutorat, la remise en cause des contrats de cession de terres par les jeunes de retour dans les villages, favorisent les conflits fonciers dans les contrées ivoiriennes.

Pour Toh (2010), les conflits entre populations occultent l'existence des conflits à visée revendicative et antagonique au sein des structures lignagères, des populations autochtones dans des zones forestières, marquées par d'autres cultures d'exportation. Ces conflits sont parfois très meurtriers, comparativement à ceux généralement observés ailleurs dans le monde, mettant en péril l'équilibre social des communautés rurales.

Outre cet auteur, Bologo (2004), dans un décryptage des relations intergénérationnelles et intrafamiliales dans l'Ouest du Burkina Faso montre comment dans un contexte de pressionfoncière, d'affaiblissement des institutions foncières traditionnelles, les transferts intergénérationnels etintrafamiliaux connaissent des mutations profondes. Ces mutations se matérialisent par la manipulation des règles d'héritage, l'individualisation des droits d'usage des terres familiales, etc. La gestion des terres familiales apparaîtcomme un « lieu » de tensions, de conflits entre parents et enfants, entre aînés et cadets et ces conflitsintrafamiliaux entraînent à leur tour assez souvent des conflits intercommunautaires.

Pour Lavigne (2016), les conflits fonciers autour de l'agriculture se cristallisent souvent autour des transferts de droits, soit que les évolutions amènent la nouvelle génération à remettre en cause les accords passés par leurs pères, soit que des ventes soient contestées par des ayants droit familiaux qui n'ont pas donné leur accord et s'estiment spoliés. Le contenu de la cession (vente complète ou cession de droits d'usage) ambiguë et les réinterprétations d'accords passés ou ventes de terres familiales sans l'accord des ayants droits, sont sources fréquentes de conflits au Mali.

Bobo(2012), dans une étude limitée aux familles Autochtones gbâ (centre-ouest ivoirien), montre que les tensions intrafamiliales autour de l'héritage peuvent se transformer en conflits intercommunautaires. L'héritage des terres est devenu objet de compétition et de disputes qui opposent en général des frères et éclatent lorsque l'un des héritiers (l'ainé), disposant du pouvoir de contrôler les terres héritées, exclut ou dispose de façon jugée inéquitable du revenu des terres héritées, procédant ainsi à des cessions clandestines des biens familiaux.

Parallèlement, Zougouri (2006) estime que les interactions entre les migrants moose avec les autochtones Nuna du Burkina Faso se développent dans une relation d'interdépendance entre ces migrants et leurs tuteurs Nuna. Les uns ont besoin de terres de culture et de paix, les autres, de soutiens socio-économiques et politiques.

Les litiges qui opposent les propriétaires fonciers cédants aux exploitants résultent du non-respect ou des interprétations divergentes des termes des contrats de partage mais aussi et surtout des revendications de certains ayants droits installés depuis des décennies en ville et qui retournent définitivement au village en s'intéressant à l'agriculture et à la gestion des terres familiales.

Dans même optique, Kouamé (2010) met en évidence les rapports établis entre les métayeurs et les tuteurs dans la région des agni-Sanwi à Aboisso. Ainsi, l'auteur pense que dans un contexte marqué par la substitution progressive de la culture du caféier et du cacaoyer au profit du palmier à huile et surtout de l'hévéaculture, les relations entre ces ruraux deviennent de plus en plus conflictuelles autour du «  planter-partager » définit dans la plupart des contrats.

Ces conflits sont d'autant plus perceptibles au sein de la famille, où apparaissent des dissensions portant sur des contrats de métayage et cessions clandestins, sur la contestation de la légitimité du droit des cédants, sur l'héritage et sur la confiscation des plantations des défunts au détriment de leurs descendants directs.

Chauveau, Colin, Jacob, Lavigne et Le Meur (2006) s'inscrivent dans cette même orientation en mettant en avant la perception transactionnelle qui est source majeure de conflits autour des « ventes » de terre dans les contrées Burkinabaises, Maliennes et Ivoiriennes. Ainsi, tandis que les « acheteurs » allogènes espèrent en une transaction définitive, les « vendeurs » autochtones, évoquent l'idée d'une transaction partielle puisque la vente des terres pour ces autochtones est fonction de l'origine des allogènes, de leur date d'arrivée et des liens qui existent entre eux et les tuteurs autochtones.

En outre, selonBazaré (2013), la vente des terres en pays Dida n'est pas le fait d'un choix du Dida, mais plutôt une stratégie d'expropriation conçue et pratiquée par les allogènes venus et bénéficiant de l'hospitalité de ce peuple tuteur. On assiste dès lors, à des tentatives de consolidation ou de maintien des parcelles par les uns ou les autres favorisant ainsi, un climat conflictuel à Divo.

Kakule (2011) estime que dans les villages en R.D.C, le processus de retour des déplacés internes et des réfugiés dans la période post-conflit, favorise une compétition très ardue sur la terre suivie d'une vague de revendication des droits primaires ou secondaires entre autochtones et allogènes. Cet enchainement de facteurs dans un cadre d'insécurité foncière, génèrent des conflits fonciers.

Dans cette dynamique des rixes intrafamiliales, Soro et  Colin (2008) proposent un décryptage des relations relatives au contrôle et à la gestion de la ressource foncière, au sein de groupes familiaux de migrants Sénoufo installés en Basse-Côte. Pour ces auteurs, l'individualisation des droits d'usage des terres familiales ne s'accompagne pas d'une individualisation de leur appropriation, et comment l'accès aux terres familiales doit être apprécié au regard des opportunités d'accès à la terre à travers le marché foncier locatif. Ainsi, cette individualisation recentrée exclusivement sur l'individualisation des droits d'usage et non des droits de propriété, regroupent tous les acteurs familiaux autour d'un héritage foncier qui fait dans la plupart des cas, l'objet de joutes au sein de le théâtre familial.

Pour Ibo (2006), les conflits de terre s'expliquent par l'apparition des « jeunes» autochtones, des anciens fonts pionniers de Côte d'Ivoire dans l'arène foncière, procédant régulièrement à des retraits systématiques des allogènes, des terres que leurs parents avaient cédées aux étrangers dans les années 1990.

Ces « jeunes » justifient leurs actions par le manque de terre qui les contraindrait à remettre en cause les contrats passés entre leurs parents et les étrangers.

S'inscrivant dans la dynamique de leurs prédécesseurs, Ouattara et Dakouri (2006) estiment quel'éveil et l'affirmation de plus en plus prononcés de la fibre identitaire régionaliste, « autochtoniste » voire « ethniciste » des jeunes coïncident avec la remise en cause des contrats fonciers d'antan, ainsi que la multiplication des conflits fonciers dans la zone forestière, entre populations autochtones, immigrants nationaux (allochtones) et immigrants non Ivoiriens (étrangers).

Dans cette orientation, Gnabéli (2008) affirme que la production de l'identité autochtone réside dans un repli identitaire des dominants (autochtones), détenteurs des terres par rapport aux dominés (allogènes), détenteurs de biens pécuniaires en milieu rural et urbain ivoirien. Ainsi, dans plusieurs villages du pays, on note le maintien de certains quartiers exclusivement réservés aux autochtones, des expropriations sans motif explicite provoquant de ce fait des frustrations de la communauté allogène  qui, manifestées dans le cadre foncier, génèrent des litiges.

Pour Diop (2007), les problèmes fonciers ne sont compréhensibles que dans leur analyse en rapport avec l'histoire. Ainsi, il pense que l'explication de beaucoup de conflits fonciers actuels en Guinée réside dans l'acharnement des dominants à retrouver leur domination foncière perdue sous Sékou Touré et à la maintenir. Les dominants d'aujourd'hui sont les conquérants d'hier, qui essaient de s'approprier les terres productives (pour la culture de pommes de terre, culture de rente) qu'ils avaient laissées autrefois à ceux qu'ils avaient conquis.

Dans cette optique, Maldidier (2000) affirme que les conflits sont réanimés par le regain de pression des villes sur les campagnes, l'irruption sur le foncier de nouveaux acteurs économiques (tourisme ou l'activité minière, ou même certaines activités industrielles consommatrices d'espace) et des déscolarisés aux appétits fonciers remarquables à telle enseigne qu'ils friseraient les abords de certains massifs forestiers protégés ou sur des sites particuliers sur le littoral au Madagascar.

Selon Mumbere (2012), l'expérience en territoire de Lubero en République Démocratique du Congo révèle que la terre soulève toujours de sérieux problèmes fonciers au sein des familles dus à la succession, au partage et à la gestion de l'héritage foncier.

Dans une autre perspective, Bobo(2012) pense que les conflits intrafamiliaux ne naissent pas de l'héritage en soi mais sont plutôt provoqués par la manière dont les héritiers gèrent l'héritage et des obligations familiales qui découlent de la détention du bien collectif.

Pour Koné(2006), il y a une campagne médiatique autour des conflits entre autochtones et non ivoiriens en Côte d'Ivoire, mais la réalité quotidienne montre que les litiges ou conflits sont autant sinon plus importants entre ivoiriens membres d'une même famille autochtone, entre générations d'une même famille autochtone et entre générations de familles différentes. Les conflits intercommunautaires ne sont que le reflet des tensions intrafamiliales, de la coexistence de générations différentes dans une même famille avec confrontations d'intérêts (jeunes/vieux), de la transmission entre générations (héritage) et de la constitution d'un esprit différent communiqué par la classe des jeunes.

Outre cet auteur, Coulibaly (2015), dans l'analyse du système matrilinéaire en rapport avec les conflits fonciers dans la région de Sanwi, estime que l'institution matrilinéaire, pierre angulaire de la sociabilité Agni semble se présenter comme une niche de conflictualité majeure, au coeur de la définition sociale du droit d'appropriation foncière. Rendue déclinante devant des impératifs de la pression démographique au sein de la famille, l'institution matrilinéaire cherche encore l'alchimie qui garantit à la fois, l'égalité d'accès pour les descendants en ligne utérine et à la ressource foncière familiale. Dans la relation des acteurs familiaux à ce système, on note une propension croissante des héritiers directs à des attitudes d'évitement ou de contournement au détriment de la sollicitation du droit positif en tant que référent de contestation à la conquête des droits fonciers.

Pour Tano (2012), la récession cacaoyère qui a débuté en 1980, a bouleversé les rapports de travail et de production des populations agricoles du sud-ouest. Cette évolution qui a consacré un modèle de subsistance, a mis à mal la cohésion sociale familiale et inter-ethnique à travers les conflits intra-lignagers qu'elle a engendrés. Face à cette situation, l'auteur pense que les producteurs ne se sont pas seulement contentés de trouver des moyens de résolution de ces conflits fonciers, mais au-delà, ils ont innové des mesures préventives.

Ces auteurs, bien qu'exposant sur les conflits intrafamiliaux, négligent l'aspect de la discrimination foncière des femmes au sein de l'arène familiale ou communautaire. Toute chose qui a constitué le fondement des travaux de certains auteurs dont Doka et Monimart (2004), qui estiment que la misogynie foncière s'explique en amont par le rôle ménager attribué à la femme dans l'arène familiale et villageoise et en aval par la nécessité de réajuster ou de rechercher un équilibre social entre la ressource foncière et les bénéficiaires potentiels.

Pour Fatiha (2011), au Maroc, les droits fonciers des femmes se heurtent à deux problématiques majeures : la complexité du système foncier lui-même et le caractère inégalitaire de leur accès. Le système foncier marocain obéit à deux régimes : un régime traditionnel régi par les principes de droit musulman et les coutumes, et un régime moderne d'immatriculation foncière introduit par le protectorat français en 1912. Dans ce contexte, l'accès des femmes aux droits fonciers, se heurte à leur précarité financière et au problème du partage des biens acquis pendant le mariage et lors de sa dissolution. Ce partage n'obéit pas à des règles précises et laisse au juge, une marge d'interprétation avec ce que cela suppose comme part de subjectivité.

Toujours dans cette dynamique d'exclusion foncière de la femme, quelques auteurs évoquent les stéréotypes dont sont victimes certaines minorités sociales. Ainsi, selon Tsongo et Kitakya (2006), les pratiques foncières se diversifient et se transforment sous l'effet des changements démographiques, sociaux, politiques et législatifs. Les acteurs du foncier sont en même temps dans le système coutumier (qui est lui-même mouvant), dans le système moderne (ensemble des lois foncières) et dans le changement lui-même. Et c'est cette volonté des acteurs ruraux de se conformer aux exigences de la coutume au détriment des textes légaux, qui crée ce stéréotype matérialisé au moyen d'une exclusion foncière féministe sur l'échiquier foncier.

Outre cet auteur, Nakabanda (2017) évoque une présence trop affirmée de la coutume dans le processus d'attribution et d'acquisition de la terre dans le terroir africain. Ainsi, l'auteur affirme qu'étant donné que la coutume n'autorise pas la femme à hériter des biens de son père ou de son mari, elle acquiert la terre par l'intermédiaire de ces enfants, de l'époux, ou d'une tierce personne, nonobstant la présence d'une diversité de normes à caractère international et national au Congo.

Dans ce registre, Faye (2008) pense qu'au Sénégal, bien que les lois promeuvent un égal accès à la terre pour tous les citoyens, la question du contrôle de la terre par les femmes se pose encore avec acuité.  En effet, pour l'auteur, si la Constitution du 22 janvier 2001 stipule que « l'homme et la femme ont le droit d'accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions déterminées par la loi », la réalité parait tout autre et s'explique par le rôle culturel de la femme qui s'inscrit dans une perspective ménagère.  Dès lors, l'auteur pense qu'en raison de cette misogynie foncière, des stratégies alternatives sont développées par ces dernières, le plus souvent avec l'appui des projets et programmes de développement ou de la société civile pour un accès plus conséquent au foncier.

Par ailleurs, Berriane (2016) affirme qu'au Maroc, après des vagues de revendications foncières des femmes, elles semblent par circulaire ministérielle, avoir été intégrées dans le processus d'attribution des terres aux ayants-droits. Mais dans la pratique, l'auteur mentionne que cette appropriation foncière reste illusoire et les mesures d'accompagnements de cette décision, paraissent ne pas avoir été en amont, planifiées.

Outre cet auteur, Ouédraogo (2009) pense que la prise en compte de femme dans le processus d'attribution des terres en milieu rural, ne réside ni dans l'application des textes règlementaires, encore moins de la coutume, mais dans une vision centriste et même politique qui assemblerait à la fois des éléments du droit et de la coutume dans une dynamique complémentaire.

Toutefois, bien que ces écrits aient le mérite de nous introduire dans la sphère familiale pour révéler les facteurs explicatifs inhérents à la gestion inégalitaire voir partiale des biens familiaux, force serait de constater que ces écrits se focalisent sur les conflits fonciers et non sur leur gestion. D'autres contributeurs en ont fait l'objet de leurs investigations.

3.1.2.4. Travaux centrés sur la gestion des conflits fonciers

Dans ces travaux, les auteurs portent un regard accusateur sur l'Etat à travers le rôle, la responsabilité de ses élus locaux dans la gestion des conflits fonciers. De façon précise, ils pensent que l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière, les manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, l'implication négative et intéressée de certaines autorités administratives et politiques et la pluralité d'acteurs agissants en matière foncière, catalysent les conflits fonciers.

Ainsi, selon le Rapport Afrique n°213 du 12 février 2014, le Burundi est confronté à des problèmes fonciers. Au lieu d'une réforme profonde des systèmes de gestion foncière, les autorités se sont penchées sur une simple révision du code foncier. Or, en l'absence d'un véritable changement dans la gouvernance foncière, les populations sont cristallisés sur le sentiment de spoliation, rendant plus probable l'éclatement de conflits. Cette loi révisée, paraît donc inadaptée aux réalités rurales burundaises et s'ajoute à la mauvaise gestion des acteurs de régulation foncière pour générer des tensions sociales ainsi qu'un taux de malnutrition proche de 75 pour cent.

Relativement à ce rapport, Babo (2006) estime qu'en Côte d'Ivoire, les conflits fonciers comme celui de Tabou apparaissent comme les prolongements de la gestion par l'État des clivages intercommunautaires autour de la terre. L'instrumentalisation dans la gestion de ce type de conflit, dans un environnement politique «exclusionniste » fondé sur l'idéologie de l' «ivoirité » dans un contexte de crise économique et sociale, a plongé le pays dans la guerre en 2002.

Pour Bonnecase (2001), la politique volontariste de mise en valeur des espaces est manipulée par les acteurs ruraux (migrants et autochtones) qui s'organisent politiquement en tant que groupes porteurs d'intérêts différents et qui, de fait, constituent des populations cloisonnées, du point de vue démographique, social et spatial.

Le développement d'une vie politique posée sur des bases largement régionalistes amplifie l'antagonisme entre migrants et autochtones, les uns et les autres ralliant des partis politiques différents. Cette politisation des antagonismes a accentué les rivalités entre ces communautés autochtones et allogènes qui ne se mélangent guère.

Pour Koetschet et Grosclaude (2008), dans de nombreux Etats africains, la question foncière contemporaine s'enracine dans les legs de la période coloniale et les politiques foncières mises en oeuvre après les indépendances (qui ont souvent vu se pérenniser les décalages entre la réglementation foncière et les «pratiques administratives » ou « informelles » de l'État). Ces pratiques limitent les capacités d'interventions de la puissance publique en matière foncière, provoquant ainsi une quasi-inaction de celle-ci dans la gestion, source d'insécurité foncière dans un monde globalisé.

Dans le contexte social Burkinabé, Ouédraogo (2006) pense que le droit foncier « moderne », hérité de l'administration coloniale n'a jamais été appliqué dans les pays développés qui l'ont introduit en Afrique. Ce droit est resté comme « étranger » aux yeux des populations rurales africaines, et sans lien véritable avec les perceptions culturelles et rapports sociaux relatifs à la terre. Les titres de propriété se sont révélés par ailleurs inaccessibles pour la quasi-totalité des exploitants agricoles. On assiste par conséquent à un dualisme juridique de fait (droit coutumier et moderne) au-delà duquel apparaissent l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière et les manquements des autorités aux principes de bonne gouvernance foncière, sources de litiges fonciers.

Outre cet auteur, Lavigne (2002) met en évidence les petits contrats élaborés par les ruraux sous le regard coupable des autorités administratives. Les urbains qui achètent des terres veulent sécuriser leur achat et les autochtones en quête d'argent préfèrent garder un flou sur le contenu effectif des transactions foncières sous le regard inactif des administrateurs. Pour lui, l'échec de la gestion des litiges fonciers seraient lié au jeu double des acteurs administratifs qui ont maintenu et durci la prétention du monopole étatique sur la terre en créant un espace d'indétermination sur les règles légitimes, mais concomitamment en ont fait un espace de jeu et de manipulation, qu'ils investissent de façon opportuniste. Mais dans ce jeu, tous les acteurs ruraux (autochtones, allogènes) ne sont pas égaux. Ceux qui peuvent mobiliser ces réseaux à leur profit et ceux qui peuvent utiliser à leur avantage une législation complexe et peu connue.

Dans cette même optique, Dire, Keita et Togo (2008) pensent que les divergences foncières seraient liées à une complicité des propriétaires terriens et desautorités communales de Bancoumana. Ces autorités sembleraient se complaire dans une expectative, se laissant porter au gré des humeurs des propriétaires de terre et du conseil de village qui vendent les parcelles et engagent des procédures d'expropriation foncière des acheteurs qui sont pour la plupart des allogènes.

De plus, dans une analyse conjointe des situations foncières du Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Mali, Chauveau, Colin, Jacob Lavigne Le Meur (2006) estiment que les problèmes fonciers émergent ou réapparaissent en raison contexte socio-foncier marqué par l'ajustement structurel et le désengagement de l'Etat à faire face aux difficultés. Cette démission de l'Etat se manifeste par des contradictions des politiques publiques et des défaillances des systèmes d'arbitrages sur les conflits.

Relativement, Kana (2014) s'est inscrit dans cette logique d'indexation des agents de l'Etat comme ayant une responsabilité évidente dans le rebondissement après gestion des conflits à Sinfra. Pour lui, la pluralité d'intervenants, la partialité des autorités, la priorisation des affinités dans la résolution des questions foncières, se sont corrélés à une passivité corruptive généralisée dans le système administratif constituant de ce fait des combustibles à l'éclatement de nouveaux conflits fonciers à Sinfra.

Pour Dicko (2007), les conflits liés aux ressources naturelles au Mali, ne peuvent être compris s'ils sont réduits à des phénomènes locaux, isolés et ethniques. La multiplicité des instances de recours en matière de résolution des conflits,  la lenteur et la lourdeur administrative, le manque de moyens à la disposition des agents de l'Etat, ainsi que la corruption des agents des relations sociales seraient les causes de l'exacerbation des conflits et de l'échec en matière de gestion.

Aussi, dans l'ouest du Burkina Faso,Bologo (2004) pense que la multiplication des conflits qui est un indicateur de la dégradation des relations entre acteurs, témoignerait de l'incapacité des autorités coutumières et de l'administration locale à réguler les modes d'accès à la terre. Ces conflits seraient de ce fait, révélateurs d'une crise latente mais profonde.

Aussi, les nouvelles générations d'autochtones auraient-elles de plus en plus de mal à accéder aux terres familiales et lignagères parce qu'elles auraient été affectées par leurs parents à des migrants selon un processus d'acquisition politique.

Toujours dans l'ouest du Burkina Faso,Zongo (2009) montre que les conflits fonciers sont révélateurs des dynamismes sociales en cours et traduisent également des capacités sociales locales à s'approprier les éléments d'un environnement sociopolitique et économique en pleine mutation.

Encore ajoute-t-il que les conflits fonciers expriment une absence d'instances légitimes et légales qui renvoient elles-mêmes aux difficultés qu'éprouve l'Etat à faire accepter ses lois (insatisfaisants et provisoires) après avoir disqualifié et contribué à fragiliser celles qui préexistaient.

Outre cet auteur, Keita (2012) révèle que le marché foncier bamakois est caractérisé par une opacité totale avec l'intervention d'une multitude d'acteurs agissant chacun en fonction de ses moyens financiers, de l'efficacité de son réseau social ou de son statut social. Le retrait de l'Etat comme instance suprême de régulation à la suite de la réforme de la décentralisation, réclamé par la Banque Mondiale et d'autresbailleurs de fonds, a laissé le champ libre aux logiques marchandes, affairistes et à des formes de régulation clientélistes, sources de litiges.

Par ailleurs, De Beauvais (1991) affirme que dans la région de l'Assaba, située dans le sud-est mauritanien, les conflits surgissent et rebondissent vu que le contrôle de la terre est subordonné d'une part à l'appartenance tribale et, d'autre part, à l'insertion statutaire et hiérarchique de chaque individu et de chaque collectivité socio-politique.

Relativement, All-Yom et Madji (2012) pensent que le Tchad connait depuis les deux dernières décennies une recrudescence des conflits agriculteurs et éleveurs, souvent meurtriers. Les mécanismes mis en place pour le règlement de ces conflits sont inefficaces, du fait du manque de volonté politique et de l'implication négative et intéressée de certaines autorités, des responsables politiques et militaires, laissant libre cours à des rebondissements momentanés de ces litiges.

Kaboré (2009), dans une analyse des interactions entre acteurs des villages du Bam et du Yatenga (Burkina Faso) montre que les aménagements, en tant que marqueurs de contrôle foncier, sont instrumentalisés par des acteurs détenant une position privilégiée dans le champ social et politique local à des fins d'acquisition de droits fonciers. Ainsi, les décisions y sont fréquemment contestées, favorisant la recrudescence des conflits.

Toujours, dans la perspective institutionnaliste, Leonard, Chauveau et Lavigne (2012) révèlent que l'absence d'institutions fortes capables d'assurer le respect des règles d'exploitation des ressources naturelles, l'affaiblissement du contrôle de l'accès ont abouti à des conflits, à un accès libre de fait et à une surexploitation foncière dommageable à la durabilité environnementale. Dans cette logique, chaque groupe d'acteurs cherche à contrôler l'action des autres en créant des dispositifs institutionnels et organisationnels fictifs à même d'imposer son pouvoir.

Selon Mathieu, Matabaro et Tsongo (1994), les conflits au Congo s'expliquent par le fait quela gestion foncière a été à la fois un lieu d'enrichissement pour ceux qui contrôlaient la terre et une cause d'inquiétude pour ceux qui ne la contrôlaient pas, c'est-à-dire pour les paysans craignant d'être exclus ou minorisés dans le jeu du pouvoir politique.De ce fait, l'Etat n'arbitrait pas réellement la compétition foncière car il n'avait ni la force, ni la légitimité, ni la volonté, ni les ressources humaines et techniques pour le faire. Aussi, le marché foncier était-il officiellement absent, mais en fait, présent ou émergent sous une forme largement occulte, imparfaite, opaque et tributaire du politique, à travers les mécanismes de corruption et les relations clientélistes.

Dans un autre regard, Kakai (2014) impute la survenance des conflits au Bénin à la corruption foncière des élites urbaines, des courtiers politiques et des acteurs de l'arène politico-administrative Béninoise. En effet, il n'y aurait selon l'auteur, presque pas de régime politique sans scandales de corruption, sans pillage de l'économie en général et de l'économie agraire en particulier. Cette corruption foncière serait bien organisée dans les arcanes du pouvoir aussi bien au niveau local, intermédiaire que central dans une dynamique séquentielle.

Pour Lavigne (2002), la plupart des litiges surviendraient de la confusion des termes « coutumiers » et « moderne » qui sont déjà très ambigus, et plus encore les raisonnements en termes d'opposition entre « coutume » et « modernité ». Les populations africaines en général et celles du monde rural en particulier, tendent à qualifier de « droit moderne » tout ce qui relève du droit étatique écrit, même lorsque les procédures qu'il contient, sont toutes issues du droit colonial. D'autre part, la coexistence des normes « coutumières » et « étatiques » dure depuis plusieurs décennies et l'interprétation lacunaire des acteurs aussi, créent de ce fait, des zones de confusion textuelles là où il y en a pas et des zones de clarté là où la confusion est patente.

Dans cette dynamique, Amalaman (2015) pense que le divorce entre légalité, légitimité et pratiques, qui maintient une large part de la population dans une situation d'extra-légalité s'est conjugué à l'exclusion foncière des non nationaux réinterprétée en des termes de xénophobie pour attiser les conflits dans la plupart des contrées rurales de la Côte d'Ivoire.

Pour Desdoigts et Kouassi (2012), en dépit des nombreuses lois promulguées, depuis l'État colonial en 1935 jusqu'à l'État indépendant en 1998, le droit coutumier ne bénéficie plus d'aucune protection juridique et sa gestion collective et informelle du foncier rural, fait de la résistance. En 2009, 98% des transactions foncières s'effectuent toujours dans le cadre de la coutume et constituent pour beaucoup d'entre elles, des ventes inachevées et inhibitrices de conflits violents.

Pour Maldidier (2000), l'insécurité foncière au Madagascar s'explique par l'impossible aménagement de l'espace rural et urbain, l'intensification agricole, l'aménagement, la gestion problématique des terroirs, la pénalisation des ressources naturelles et le manque de garanties foncières pour les exploitants.

Dans ce même paradigme, Djiré et Dicko (2007) mentionne que les conflits fonciers dans les contrées maliennes, s'expliquent en amont par le handicap lié au formalisme et la lourdeur des procédures administratives, prophylactique à des rebondissements passagers de conflits latents et en aval, par le développement des transactions marchandes, préjudiciables aux groupes vulnérables.

Pour Chouquer (2011), la compréhension de la responsabilité de l'Etat dans la genèse des litiges fonciers au Madagascar,  prend sa source depuis l'indépendance et ses lois inadaptées au contexte évolutif local. Pour l'auteur, depuis les indépendances, les états n'ont, en général, pas modifié la législation sur la terre mais ont, en revanche, cherché à maîtriser le foncier à la fois pour s'assurer une bonne gestion, le contrôle et la redistribution des pouvoirs dans un contexte social où ces lois se sont révélées impraticables. Dès lors, depuis les années 1980, des évolutions radicales se seraient produites au point de replacer des questions foncières au rang des questions particulièrement sensibles au Madagascar.

Par ailleurs, Kinanga  (2012) révèle que dans les contrées congolaises et plus précisément dans le territoire de Lubero, la loi foncière parait comme étrange, inadaptée aux moeurs et basée sur des règles difficilement compréhensibles pour ces populations locales. Elles se sentiraient peu concernées par cette loi et agiraient selon leur coutume sous le regard passif des instances régaliennes résignées.

Pour Vircoulon et Liégeois (2012), depuis des décennies, les agents fonciers au Congo sont trop peu nombreux, trop peu formés, dépourvus de moyens matériels et logistiques et de surcroît, corrompus. Ces défaillances ont permis à certaines élites plus aisées et mieux éduquées, d'enregistrer massivement des terres en leur nom tandis que des groupes plus démunis, ignorant la loi et dans l'impossibilité de payer les frais d'enregistrement et les agents corrompus, continuent d'occuper leurs terres de façon coutumière.

Dans un autre regard, Ferrari et Tshimbalanga (2015) pensent que la faible représentation de l'Etat, surtout dans l'administration foncière, l'appât du gain, la faible protection des droits fonciers, l' attribution des concessions par l'Etat sans enquête préalable de vacance de terre, la facilité de corrompre l'administration foncière pour avoir de faux documents (ou de « vrais documents » obtenus sans respect de la procédure et avec contrepartie financière), l'usurpation de pouvoir par les entités et autorités politico-administratives (délivrance de titres de propriété par les services n'en ayant pas la compétence) sont les principales causes des conflits fonciers au Congo.

Pour Chauveau (2000), les conflits fonciers intercommunautaires observés dans la plupart des contrées rurales ivoiriennes, prennent leurs sources de la polémique sur l'« ivoirité » et de l'idéologie incontestablement xénophobe véhiculée par le pouvoir en place. Outre ce fait, l'auteur note que la presse d'opposition a établi une nette distinction entre la manière dont les cas de violences foncières étaient traités « timidement » lorsque les violences engageaient des non-Ivoiriens ou des populations originaires du Nord et avec fermeté lorsqu'elles concernaient des Baoulé originaires du Centre. C'est donc cette conjugaison de facteurs aux responsabilités administratives situées, que les nordistes et des non-ivoiriens se sont engagés dans une campagne de consolidation foncière, fondement de la plupart des conflits fonciers en Côte d'Ivoire.

Dans cette même dynamique, Koffi (2010) pense que les cours et tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers, trahissant la faible efficacité du système judiciaire. À cela, il faut ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des coûts élevés des procédures, des lenteurs administratives et de la faible couverture judiciaire du territoire national.Le système judiciaire en principe chargé de régler les conflits fonciers se révèle incapable de trouver des solutions efficaces dans le contexte caractéristique des pays africains, où des législations nationales et des coutumes se côtoient.

Dans un schéma géographique différent, Bourgeois (2009) soutient que le village est le point de départ de la majorité des conflits qui touchent de près ou de loin la propriété de la terre. Etant donné que les terres rurales sont toutes sous la propriété d'un chef coutumier, on peut tout d'abord affirmer que les conflits sont particuliers et qu'ils ne se règlent pas toujours selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des Provinces. L'échelle du village est pour autant un angle d'analyse qui semble restreint.

Pour Machozi, Borve, Lonzama , Kahigwa et Tobie (2010), gérer les conflits de terre, c'est réunir certaines qualités indispensables à cette fonction d'acteur de gestion : Etre capable de comprendre et d'appliquer les grands principes qui doivent guider l'action des acteurs dans la résolution des conflits fonciers (rapidité, disponibilité, justice, acceptation, durabilité, patience), être capable de stimuler une réflexion au niveau local sur les possibilités de modes de résolution des conflits fonciers et explorer des stratégies pour renforcer le travail des structures de bases dans le monitoring et la gestion des conflits fonciers.

Dans le terroir ivoirien, Coulibaly (2006) estime que les procédures de règlement des conflits n'aboutissent pas souvent sur des solutions définitives malgré la compétence relative des instances d'arbitrage en présence. Les raisons de cette situation semblent être liées aux stratégies mises en oeuvre par les différents acteurs lors des procédures.

Pour Matiru (2001), la gestion des ressources foncières prend exclusivement en compte la prévention, la négociation, la médiation, l'arbitrage, le jugement et la coercition. Le rejet ou l'omission d'une de ses composantes entraine un dysfonctionnement dans le processus de gestion qui se matérialise par de nouvelles oppositions et de nouveaux conflits.

3.2. Critique des travaux et présentation de notre posture scientifique

Nombreux sont les auteurs qui se sont investis dans la compréhension des conflits fonciers et de leurs mécanismes de gestion. Ainsi, tandis que certains s'inscrivent dans une dynamique essentiellement interne aux acteurs, d'autres se focalisent sur une approche exclusivement externe aux acteurs sociaux.

Dans la première approche explicative (facteurs internes), les auteurs mettent l'emphase sur l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière, les manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, la stigmatisation des acteurs de gestion, les méthodes de gestion inadaptéeset l'implication négative, intéressée et clientéliste de certaines autorités administratives et politiques comme catalyseurs de l'échec en matière de gestion des conflits fonciers.

Dans la seconde approche (facteurs externes), les auteurs s'intéressent auvide juridique en matière de résolution des conflits fonciers, à l'impact de la crise politique ivoirienne sur le tissu rural, à la difficile cohabitation entre normes modernes et culturelles, aux pesanteurs culturelles et au manque de volonté politique comme facteurs explicatifs de l'échec des conflits fonciers.

Cette thèse s'inscrit dans une dynamique globalisante, c'est-à-dire considérant ces deux tentatives d'explication comme mutuellement inclusives pour rendre compte de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra.

Ce serait doncen recadrant notre sujet sous l'angle de la prise en compte de l'ensemble des facteurs agissants que nous pourrions donner un sens original à cette étude.

IV. Problème et Questions de recherche

Les conflits fonciers et leurs mécanismes de gestion posent d'énormes difficultés dans le tissu social de Sinfra et constituent à la fois un enjeu socio-économique, sécuritaire et culturel pour le département. Cette dynamique se trouve résumée dans la question suivante : Comment redynamiser le fonctionnement des mécanismes de régulation foncière pour éviter les effets de résurgence conflictuelle à Sinfra ? C'est à cette tâche que la présente souhaite se consacrer.

En effet, dans notre zone d'étude, une enquête que nous avons effectuée pendant six mois (de Mai 2015 à Juillet 2015 puis d' Octobre 2017 à Décembre 2017) nous a permis d'observer de nombreux conflits fonciers internes aux familles (djahanénin-péhinénin en 2002 et 2010, digliblanfla en 2013), aux communautés sédentaires (sian et nordistes de Sinfra en 2010 et 2011) et des récupérations politiques de cette crise foncière qui s'en ont suivi pendant et après les violences post-électorales de 2010. Ces violences foncières qui ont pour la plupart, émergé de conflits latents (petits crises en communautés sédentaires, rebondissement de joutes foncières ayant connu de séances de gestion coutumières et/ou pénales), ont débouché sur des affrontements sanglants entre autochtones et allochtones avec la destruction incendiaire de quelques villages autochtones (Koblata et Proniani en 2011).

Il s'agit là, des conflits déclarés aux instances de régulation foncière. Mais au-delà, le chef des différentes tribus du département de Sinfra dit recevoir en moyenne deux (02) cas de conflit chaque semaine, soit environ cent - quatre (104) cas de conflits fonciers chaque année (depuis 2009). Outre ce fait, de nombreux villages du département sont aussi le théâtre de litiges fonciers : Degbesséré (03 cas de litiges avec rixe en 2017), Manoufla (02 cas avec blessure à la machette en 2016), Blontifla (05 cas avec dépôt de canaris à proximité des champs en 2017), Tricata (01 cas avec bagarre dans un champ de cacao en 2015), Paabénéfla (04 cas avec menaces de mort et incendie de plantations en 2013), Kayéta (02 cas avec blessures à la daba et du bois de chauffe en 2016) pour ne citer que ceux-là.

Ces quelques faits qui témoignent de la fréquence des conflits fonciers dans la localité étudiée, se greffent à des conséquences à la fois internes et externes aux consciences villageoises. Au niveau des conséquences internes, il faut noter l'atmosphère d'incertitude sociale qui pousse certains villageois (acteurs de conflits) à mener les activités champêtres en nombre important pour éviter des cas d'attaques sectorielles. A cette donne, s'ajoute le sentiment d'insécurité généralisé qui contraint quelques agriculteurs à rester dans leurs domiciles en laissant leurs plantations sans entretien.

Au niveau des conséquences externes, on note une baisse de la production des cultures d'exportation en raison de la position géographique de Sinfra (zone à prédominance cacaoyère, caféière et anacardière).

Devant ces tensions foncières qui jusque-là perdurent, l'Etat n'est pas resté inactif et a engagé des actions concrètes dans le terroir local. Au titre de ces actions, notons la mise en place des Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale instaurés dans les quarante-quatre (44) villages du département de Sinfra,l'édiction de dispositions règlementaires (Loi n°98-750 du 18 Décembre 1998, promulguée le 23 Décembre1998 au Journal Officiel de la République et amendée en son article 26 par la loi n°2004-412 du 14 Août 2004 et ses décrets d'application), l'établissement de cent-quatre (104) certificat fonciers dans le département, soit environ 2% des terres locales cadastrées (selon la direction du cadastre de Sinfra, Février, 2016).

Au-delà de ces actions, mentionnons l'instauration d'une collégialité professionnelle et une fluidité communicationnelle entre les différentes entités chargées de gérer les litiges fonciers (autorités traditionnelles, administratives, judiciaires et les unités décentralisées des ministères de l'agriculture et de la construction) et la réunion des éléments concrets du projet de création de l'Agence de gestion Foncière Rurale (AFOR).

Dans ce contexte social prophylactique à la gestion des rixes inter-rurales à Sinfra, les représentants locaux de l'Etat qui avaient désormais une portée plus active, en ont profité pour actionner des leviers de résolution des conflits stagnants. La plupart de ces interventions, à défaut de prendre des positions figées visant l'expropriation de certaines catégories sociales, s'érigeaient dans le cadre des transactions amiables laissant ainsi libre cours à des frustrations passagères, des plaintes fréquentes, des tentatives de corruption dans un contexte déjà alimenté par la crise de 2010 et ses récupérations politico-foncières.

Relativement à ces actions de règlement « médianes », certains y saluaient des décisions de justice impartiales parce qu'y trouvant leur compte tandis que d'autres réfutaient autant que possible ces décisions jugées insatisfaisantes. Dès lors, l'on a assisté à une forme de clanisme entre communautés sédentaires et des tentatives de remise en cause des décisions de justice (traditionnelle, administrative ou pénale) manifestée au moyen de rixes pour la consolidation exclusive de droits de propriété sur la plupart des terres litigieuses.

A l'analyse, il ressort que ces tentatives de règlement bien que prometteuses, n'ont pas eu d'écho favorable auprès de la population dans toute la contrée. Bien au contraire, elles ont constitué des combustibles à un repli identitaire de certaines catégories sociales à l'égard d'autres et à un métamorphisme des interactions entre ruraux, prophylactique à des regains de violences foncières.

Devant l'ampleur de ces litiges fonciers qui se manifestent certes dans le département mais également des d'autres régions ivoiriennes et sous-régionales, la communauté scientifique n'est pas restée inactive. De nombreux chercheurs se sont investis dans la recherche des facteurs explicatifs et par ricochet, des voies de résolution. Trois approches explicatives ressortent de ces recherches : l'approche centrée sur la saturation foncière et les tentatives d'appropriation foncière (Alkassoum (2006 ; Tallet et Paré, 1999 ; Merabet, 2006 et Bonnecase, 2001), l'approche centrée sur le positionnement des jeunes pionniers dans le théâtre foncier familial en dépit des principes culturels (Kodjo, 2013 ; Ibo, 2012 ; Agnissan, 2012 et Coulibaly, 2015) et l'approche centrée sur le jeu trouble des acteurs institutionnels (Chauveau, 2000 ; Lavigne, 2002 ; Kéita, 2012 et Dicko, 2007).

Notre démarche explicative inclut ces trois approches abordées dans la littérature. Pour nous, l'inclusion de ces trois dynamiques dans la sphère explicative, permet de comprendre dans sa totalité, la question du rebondissement des conflits fonciers après des séances de gestion (à Sinfra).

L'approche théorique qui sous-tend une telle réalité sociale, est la théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972). En effet, cette théorie postule que pour comprendre un phénomène social donné, il faut recourir à des facteurs à la fois internes et externes aux consciences individuelles. Autrement, cette théorie recherche la réunion de facteurs endogènes et exogènes dans la compréhension d'un phénomène social donné.

Dans notre cas d'espèce, il est à noter que dans le terroir local ivoirien, en raison du culte rendu à la terre (prescriptions et interdictions), est accompagnée d'un certain nombre de rites agraires.Tout paysan est ou doit être conscient que la terre ne peut être consolidée, défrichée, labourée sans l'accomplissement préalable de pratiques propitiatoires susceptibles de lui assurer l'agrément des génies des lieux et esprits des ancêtres (Agnissan, 1997). La terre à Sinfra a donc des attributs sacrés et c'est à travers le non-respect des règles informelles de cette coutume(facteurs endogènes) d'une part et d'autre part par des implications collatérales (facteurs exogènes) au détriment de cette boussole ancestrale que l'on pourrait véritablement comprendre la genèse des obstacles liés à la gestion des conflits fonciers. Tenter donc de repositionner théoriquement ce sujet reviendrait à considérer la structure agraire et les mécanismes de gestion des conflits fonciers comme un système guidée par une norme sacrée dans lequel interagissent des difficultés. Ces difficultés à la fois internes et externes éclairent l'explication des conflits fonciers naissant des procédures de gestion.

Toutefois,il faut remarquer qu'en dépit des textes juridiques (loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et ses mesures d'accompagnement), des institutions régaliennes en charge du traitement des questions foncières, des Comités Villageois de Gestion Foncières Rurales, des conflits fonciers à Sinfra naissent et s'intensifient.Par conséquent, il parait important dans le cadre de la compréhension de ce sujet, d'identifier en amont les obstacles internes et externes à la gestion des conflits fonciers à Sinfra puis en aval, de rechercher les facteurs explicatifs de ces obstacles.

C'est l'occasion ici de rappeler qu'un tel phénomène social (conflits fonciers) intéresse le champ social de la criminologie qui cherche à élucider le phénomène criminel quel que soit l'angle sous lequel il se présente.

Question principale

Pourquoi la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones échoue-t-elle dans le département de Sinfra ?

Questions secondaires

Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs internes aux acteurs sociauxdans le département de Sinfra ?

Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?

V. Objectifs- Thèse et Hypothèses

5.1 Objectifs

5. 1.1. Objectif général

Cette étude vise à rechercher les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.

5.1.2. Objectifs spécifiques

Ø Rechercher la relation entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra.

Ø Rechercher la relation entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra.

5.2. Thèse

Les conflits fonciers observés à Sinfra sont complexes et leur gestion échoue à cause des facteurs internes et des facteurs externes aux acteurs sociaux. La réponse à la régulation de ce phénomène réside dans la formulation d'actions qui s'articulent autour de ces facteurs internes et externes aux acteurs.

5.3. Hypothèses

5.3.1. Hypothèse générale

L'échec de la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra s'expliquent par desfacteurs internes et des facteurs externes aux acteurs sociaux.

5.3.2. Hypothèses spécifiques

H1. L'échec de la gestion desconflits fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs internes aux acteurs sociaux.

H2.L'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs externes aux acteurs sociaux.

5.3.3. Construction du cadre opératoire

5.3.3.1. Identification des variables

3.3.1.1. Variable dépendante

La variable dépendante et ses indicateurs peuvent être récapitulés dans le tableau ci-dessous :

TABLEAU1 : Récapitulatif de la variable dépendante et de ses indicateurs

VARIABLE

CRITERES

Echec de la gestion des conflits fonciers

Facteurs internes aux acteurs sociaux

Facteurs internes aux acteurs sociaux

Source : Terrain

5.3.3.1.2. Variables indépendantes

5.3.3.1.2.1. Variables de la première hypothèse

Variable dépendante  : Echec de la gestion des conflits fonciers.

Variable indépendante : Facteurs internes aux acteurs sociaux.

5. 3.3.1. 2.2. Variables de la deuxième hypothèse

Variable dépendante  : Echec de la gestion des conflits fonciers.

Variable indépendante : Facteurs externes aux acteurs sociaux.

5.3.3.2. Précision des indicateurs des variables indépendantes

Les variables indépendantes et leurs indicateurs peuvent être consignés dans le tableau ci-dessous :

TABLEAU 2 : Récapitulatif des variables indépendantes et leurs indicateurs

VARIABLES

INDICATEURS DES VARIABLES

Facteurs internes aux acteurs sociaux

Corruption des acteurs de gestion

Protection tribale des ressortissants

Stigmatisation des acteurs de gestion

Acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits

Diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles

Facteurs externes aux acteurs sociaux

Absence de texte pour la gestion des conflits fonciers

Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion et exclusion foncière de minorités

Facteurs démographiques

 

Source : Terrain

VI. Cadre de référence théorique : Théorie constructiviste

Le conflit est un phénomène social complexe et apparait comme la résultanted'interactions entre des acteurs d'un environnement social donné. Cela suppose d'une part, l'existence d'acteurs sociaux et d'autre part, un environnement social dans lequel ces acteurs sont intégrés. Chercher donc à rendre théoriquement compte des conflits fonciers, reviendrait dans le cadre de ce travail, à se fonder sur la théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972) qui unifie l'acteur social et son environnement dans l'explication du social. Les constructivistesrestent à la jonction de l'objectif et du subjectif et postulent en effet, que les faits qui sont censés constituer les problèmes sociaux, sont inséparables des acteurs sociaux.

Dès lors, pour les constructivistes, (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972), étudier un phénomène social donné, suppose intégrer dans la sphère explicative les facteurs dépendants ou internes aux acteurs sociaux et des facteurs indépendants ou externes aux acteurs sociaux.

L'intégration de l'ensemble des facteurs endogènes et exogènes aux acteurs permet d'éclairer le phénomène étudié.

Les démembrements de cette théorie constructivisteconcernent notamment les théories individualistes ou actionnistes (1) et les théories multifactorielles (2) que nous exposerons.

6.1. Théories actionnistes

6.1.1. Théorie de l'individualisme méthodologique de Boudon

Selon le principe d'individualisme méthodologique, Boudon(1970) énonce que pour expliquer un phénomène social quelconque, il est indispensable de  reconstruire les motivations des individus concernés par le phénomène en question et d'appréhender  ce phénomène comme le résultat de l'agrégation de comportements individuels dictés par ces motivations.

Les comportements individuels constituent selon l'auteur, la source des conflits de tout genre. Et, dans les systèmes  d'interdépendance et d'interaction que constituent les sociétés, les conflits seraient autant de dysfonctionnements. L'agrégation des conduites des différents acteurs, dans un cadre donné (une usine, une administration, un Etat...), conduit à toute une série d'effets non désirés et pervers, parfois violents. L'intérêt de cette théorie est de comprendre globalement les facteurs de l'échec de la gestion des conflits fonciers à partir des choix, motivations et actions des acteurs sociaux.

6.1.2. Théorie de l'acteur de Blumer

Pour Blumer (1969), le comportement humain ne peut se comprendre et s'expliquer qu'en relation avec les significations que les personnes donnent aux choses et à leurs actions.Dans le cas d'espèce, pour comprendre les antagonismes actuels sur le foncier ivoirien et particulièrement à Sinfra, il faut chercher à connaître ou comprendre la valeur ou la signification des choses ou dans le cas d'espèce, de la terre selon les acteurs intégrés dans le système foncier.

On ne pourra donc comprendre la question des conflits fonciers à Sinfra, que par la recherche des significations que la terre et les actions de consolidation ou d'appropriations des uns, représentent pour les autres.

6.1.3. Théorie de l'analyse stratégique de Crozier et Friedberg

Pour Crozier et Friedberg (1977), l'acteur est  celui dont le comportement contribue à structurer un champ c'est-à-dire à construire des régulations. Ainsi, chercher à expliquer la construction des règles sociales, reviendrait à s'intéresser au jeu de ces acteurs sociaux calculateurs et intéressés. Ceux-ci sont autonomes, dotés de rationalité, même si elle est limitée  et rentrent en interaction dans un système qui contribue à structurer leurs jeux. Dans ce contexte, étant donné qu'on ne peut considérer que le jeu des acteurs soit déterminé par la cohérence du  social dans lequel ils s'insèrent, ou par les contraintes environnementales, il faut, pour comprendre le comportement des acteurs, chercher en priorité à comprendre comment se construisent les  actions collectives à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires. Cette théorie s'inscrit dans une dynamique nomothétique, c'est-à-dire partant des motivations et des actions de l'acteur social pour en venir à une meilleure compréhension du système dans le lequel il s'insère ou est inséré. L'intérêt d'une telle théorie est d'analyser le système social et foncier de Sinfra, à partir des démarches d'actions concrètes des acteurs pour en venir à la compréhension du système foncier local en général.

6.2.Théories multifactorielles

« é t »'

6.2.1 Théorie des élites de Pareto

La théorie de Pareto (1909) est fondée sur une vision fondamentalement conflictuelle de la société. Laquelle est traversée par des tensions et des antagonismes entre les élites (catégorie sociale disposant de pouvoirs) et les couches sociales de la base. Ainsi, tandis que les couches sociales de la base luttent pour la réduction du faussé social entre les élites et elles, les élites, elles, affermissent leur position au sommet de la hiérarchie sociale en plongeant les couches de la base dans le mirage qu'elles luttent en faveur du changement.Dans cette situation, l'auteur pense que pendant que les élites tendent à stabiliser l'ordre social déjà établi, les couches défavorisées tendent à le déstabiliser et le désorganiser pour instaurer un ordre meilleur. L'équilibre sur lequel repose cet ordre ne peut trouver de solution définitive, mais seulement un compromis au moyen de la contrainte par le jeu dialectique du commandement et de l'obéissance.

Dans le département de Sinfra, les élites qui s'apparentent aux autorités locales, voient constamment leurs décisions se heurter à la résistance des acteurs en conflit qui aspirent de plus en plus au changement, même si l'ordre social leur est régulièrement imposé au moyen de larépression.

6.2.2 Théorie du conflit de Freund

Freund (1965) part du postulat que les sociétés contemporaines ne sont pas seulement des sociétés industrielles et démocratiques, elles sont aussi des sociétés conflictuelles. Pour l'auteur, des conflits de toute nature surviennent entre et à l'intérieur des groupes sociaux. Il développe donc la question du tiers (dans le conflit) dont l'intervention se situerait dans un cadre conciliateur et permettrait de rompre la logique du duel entre minorité à majorité, pour asseoir une forme d'entente et d'alliance.

Cette théorie répond aux besoins de cette recherche dans cette localité où les élites locales (coutumières et administratives) essaient fréquemment médiation, négociation et conciliation entre les belligérants des conflits fonciers à Sinfra.

6.2.3 Théorie du complot de Knight

Dans cette théorie conspirationniste, Knight (1976) postule propose de donner une vision de la société perçue comme le produit de l'action d'un groupe occulte agissant dans l'ombre. Loin de la simple rumeur, il s'agit d'un récit théorique qui se prétend cohérent et cherche à démontrer l'existence d'un complot entendu comme le fait qu'« un petit groupe de gens puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste affectant le cours des évènements ». La  conspiration secrète  civilecriminelle ou  politique, visée par la théorie du complot, agirait généralement dans l'objectif de détenir ou conserver une forme absolue de pouvoir (politique, économique ou religieux).

Cette théorie a l'intérêt de nous intégrer dans les arcanes de ce réseautage clandestin purement élaboré par« les personnes influentes »de Sinfra et qui voit s'intégrer exclusivement des acolytes ou détenteurs de pouvoir foncier, financier et décisionnel évident, avec une volonté d'assujettissement foncier des acteurs ruraux extérieurs à ce réseau.

6. 2.4Théorie des systèmes de Ludwig (1993)

Dans la théorie des systèmes, l'action humaine engage quatre systèmes principaux : système biologique (motivations élémentaires de l'individu), système de la personnalité : (organisation psychique de l'individu), système social (ensemble des rapports d'interaction) et système culturel (ensemble des valeurs).Il existe ainsi des interactions entre toutes ces composantes (sous-systèmes) du système social global dans lequel les acteurs sociaux se trouvent intégrés.

De ce fait, le théâtre rural de Sinfra en tant que système, est perçu comme un ensemble organisé et hiérarchisé d'acteurs, de rôles, fonctions,... en interaction permanente avec des acteurs ayant des objectifs parfois similaires, différents ou même contradictoires.

A l'analyse, précisons que la perspective théorique consacrée à ces travaux permet de mettre en évidence la théorie constructiviste (Piaget, 1923 ; Bourdieu, 1972) qui inclut desfacteursobjectifs et subjectifs(par rapport à un référentiel) dans l'explication de l'échec dans la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote