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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra


par Jean Noel Pacôme KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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CHAPITRE II : CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES

Ce chapitre se focalisera sur la description du terrain d'étude, de la population d'enquête, de l'échantillon considéré (I), des méthodes de recherche (II), des techniques de recueil des données (III), des modes d'analyse des données collectées (IV) et des conditions sociales de l'étude (V).

I. Terrain, Population et Echantillon

1. Terrain d'étude

1.1. Champ géographique, caractéristiques socio- démographiques, regroupement historique et activités économiques et raisons du choix

1.1.1. Champ géographique

Selon le rapport provisoire de gouvernance locale du Bureau National d' Etudes Techniques et de Développent (BNETD 2005), Le département de Sinfra s'étend sur une superficie de 1618 km2. Il est limité dans la partie Nord par le Département de Bouaflé, au sud par les départements d'Oumé et de Gagnoa, à l'Est par le district de Yamoussoukro et à l'ouest par le département d'Issia.

Chef-lieu de département, Sinfra est situé à environ 246km d'Abidjan, la capable économique, à environ 77 km de Yamoussoukro, la capitale politique et à 49 Km de Bouaflé, chef- lieu de région. Ce département est situé en zone forestière. Le système hydrographique a des particularités aussi bien régionales que locales.

En outre, la localité de Sinfra est arrosée par un affluent du fleuve Bandama. Les précipitations sont importantes dans cette région et engendrent une moyenne annuelle pluviométrique située entre 1200 mm et 1500 mm / an.

Le Département est caractérisé par une pénéplaine jalonnée d'élévations dans le nord-est où se dressent le mont «  liago » et les chaines « kokoumbo ».

Le site urbain est constitué de deux plateaux (1 à 3% et 5 à 10% en quelques endroits) qui sont intercalés par des bas-fonds et des marigots.

Aussi, deux types de forêt dominent le paysage ; on y rencontre une forêt dense dans le sud et une forêt clairsemée dans le nord.Par ailleurs, on note la présence d'un îlot de savane dénommée «  la plaine des éléphants » qui crée une sorte de rupture dans le paysage naturel.

Aujourd'hui, l'ensemble du couvert végétal fait l'objet d'une exploitation accrue à travers de vastes plantations de cultures vivrières et de rente.

Mais au-delà de ce fait, le Département de Sinfra compte 71 localités dont 54, bénéficient de l'électrification (BNETD, 2005). Cette zone totalise 848 km de route dont 99 km sont bitumées. Les routes sont d'une façon générale des pistes qui mènent dans les localités villageoises. Enfin, la situation géographique de cette zone convient à l'agriculture.

1.1.2. Caractéristiques sociodémographiques

Selon le RGPH (2014), la population de Sinfra est estimée à environ 90.711 habitants. Cette population a connu différentes phases dans son évolution. Déjà en 1975, la population de Sinfra était estimée à environ 67. 789 habitants (RGPH, 1975).Cette population est passée à 120.301 habitants 1988 puis à 170.015 habitants dont 80 .056 femmes et 89.959 hommes (RGPH, 1998), à 186 .864 habitants (RGPH, 2001) avant de régresser en 2014 (90.711 habitants).

Au niveau des caractéristiques, il faut noter que cette population locale est majoritairement jeune et hétérogène constituée d'autochtones « kwênins », d'allochtones et des ressortissants des pays de l'Afrique de l'ouest. Elle comprend les principales communautés religieuses (chrétienne, musulmane, animiste) se compose d'autochtones Gouro, investis principalement dans les activités champêtres, d'allochtones (Baoulé, nordistes...) qui, tantôt investissent dans les activités agricoles, tantôt dans le transport et le commerce, et les non-nationaux (Maliens, Nigériens, Guinéens, Mauritaniens, Libanais, ...) qui sont les opérateurs économiques (BNETD, 2005). On les retrouve dans l'industrie de bois, le commerce de matériaux de bâtiments, de produits alimentaires, phytosanitaires et dans la transhumance. Les Burkinabés, eux, s'intéressent pour la plupart aux activités champêtres.

Les données démographiques se trouvent consignées dans le tableau ci-dessous.

ANNEES

1975

1988

1998

2001

2014

POPULATION LOCALE (HABITANTS)

67.789

120.301

170015

186.864

90.711

Tableau n°3 : Evolution démographique de la population de Sinfra de 1975 à 2014

SOURCE : BNETD (2005)

Ainsi, cette évolution démographique de la population de Sinfra, nous permet de présenter la figure suivante :

Source : RGPH, 2014

A partir de cette figure, l'on peut remarquer que :

- De 1975 à 1988, soit en 13 ans, la population est passée de 67.789 à 120 .301 habitants, équivalant à 52.512 habitants, soit 4.039 habitants /an.

-De 1988 à 1998, soit en 10 ans, la population est passée de 120 .301 à 170.015 habitants, ce qui donne environ 49.714 habitants, soit 4.971 habitants / an.

-De 1998 à 2001, soit 3 ans plus tard, la population de Sinfra est passée de 170 .015 habitants à 186 .864 habitants, soit une croissance de 16 .849 habitants, soit environ 5.616 habitants/ an.

-De 1975 à 1998, soit en 23ans, la population de Sinfra a plus que doublé.

Cet accroissement assez rapide de la population est certes lié à un fort taux de natalité relativement à un faible taux de mortalité mais aussi et surtout à une course, à des vagues de migrations croissantes et incontrôlées des populations allogènes vers les terres locales de Sinfra.On assiste dès lors à un déséquilibre dans le ratio populations/ terres et conséquemment à des compétitions, des luttes pour la consolidation des droits de propriété sur les terres de Sinfra.

- De 2001 à 2014, cette population estimée à environ 186.864 habitants, a considérablement chuté à 90.711 habitants. Ces résultats relativement faibles par rapport au RGPH (2001 : 186 .864 habitants) corroborent certainement les propos des autorités locales qui affirment avoir noté un fort taux d'abstention de la population durant cette campagne de recensement.

1.1.3. Regroupement historique et activités socio-économiques

1.1.3.1. Regroupement historiquedu peuple « Sian »

Selon le chef T. (61, rétraité à Blontifla) « les Gouro de Sinfra vivaient avec les Yacouba et les Gagou à Goele au début du XIe siècle ».Ainsi, la croissance démographique de ces peuples sédentaires, poussera certains d'entre eux en occurrence les Gagou et Gouro à migrer progressivement de l'ouest vers le sud-ouest en quête de terres propices de cultures et d'installation.D'escales en escales, ces peuples vont stagner entre le XVe et le XVIe siècle à « tonla » (Bediala) où les gouro prendront une ascendance démographique.

Ainsi, à partir de « tonla », il y a eu des détachements caractérisés par des affrontements entre ses peuples aux caractéristiques sociodémographiques inégales.

Ces violences ont été imputées à un cas d'adultère commis par un gagou sur un gouro et le refus de réparation du préjudice matériel au peuple Gouro lésé.

Ces violences se soldent par la défaite des gagou du fait de la minorité et leur fuite vers l'est (actuel Oumé) et simultanément, le départ des Gouro vers le Nord, parce que refusant de demeurer sur un espace qui a servi de champ de conflit.

Cette vague de migrants Gouro va stopper sa marche aux abords de « Davo », un affluent du fleuve Sassandra où, passionnés par la pêche, l'activité agricole constituera pour ce peuple, une activité secondaire dont le soin sera aux premiers migrants (nordistes, baoulés) en quête d'espaces d'habitation et de culture.

Selon ce même chef, « Gagou » proviendrait de « Kagou » qui signifie « partez » en Gouro.

La dénomination « Sianfla » aurait donc été donnée en début de XVIIe siècle par les premiers migrants Gouro.

Par ailleurs, à cette époque, les propriétaires terriens « terezan » cédaient ou louaient des parcelles de terre aux premiers migrants allochtones (senoufo, malinké, baoulés,...) et aux non-ivoiriens (burkinabés, maliens, peulh) à cause des invasions fréquentes de plantations par les éléphants, qui étaient en nombre important dans la zone(Chauveau, 2002 ;Meillassoux, 1964).

Ces derniers, reconnus pour leurs aptitudes mystiques, avaient pour tâche, au-delà des prestations champêtres, la surveillance et l'entretien des plantations des « terezan » contre les éléphants et les voleurs de récoltes.

Pour mener à bien cette surveillance, ceux-ci fondaient leurs familles non loin des plantations et ces endroits, prenaient peu à peu l'allure de grands espaces d'habitations avec la mise en place des marchés hebdomadaires, des terrains de jeu et l'organisation d'activités socio-culturelles.

Aujourd'hui, certains paysans gouro, notamment dans le souci de préserver leurs plantations constamment sous la menace des voleurs et des feux de brousse, surveillent leurs différentes cultures pérennes et maraîchères en se regroupant en communauté dans le voisinage de leurs plantations. Ces nouvelles entités ainsi formées (campements) se limitent généralement à un nombre restreint de cases et sont souvent le fait d'une même lignée (Kana, 2010).

Ces migrants allogènes négociaient donc la cession d'une parcelle de terre par le système de « tutorat », créant ainsi une dépendance vis-à-vis de leurs tuteurs à qui, ils reversaient une partie généralement faible de leur revenu annuel (Chauveau, 2002 ; 2006 ; Lavigne, 2002). Nous y reviendrons au chapitre suivant.

1.1.3.2.Activités socio-économiques

Dans le département de Sinfra, la principale source de richesse est l'exploitation agricole et forestière(1), quand bien même il existe des activités quelque peu marginalisées telles que la chasse(2), la pêche(3) et l'élevage (4).

1.1.3.2.1. Exploitation forestière et agricole

Regroupés en général dans les villages, les gouro de Sinfra pratiquent principalement l'agriculture (BNETD, 2005). Leurs activités agricoles sont dominées par les cultures pérennes telles que le café, le cacao et souvent par le coton et l'anacarde et les cultures maraîchères (tomate, oignon, aubergine, piment,...).

Les cultures commerciales sont associées aux cultures vivrières pour contenir les périodes de famine (LeBlanc, 2004).

Dans la pratique, on note que les modalités de semence ou d'implantation ne sont pas excellentes puisqu'elles épuisent les sols, l'usage d'engrais et la jachère sont négligées au profit de la technique sur brulis (technique la plus utilisée dans les contrées rurales de Sinfra). On note aussi une quasi-absence des cérémonies associées aux prémices ou à la récolte, aucun culte n'est voué à l'agriculture et le défrichage des nouvelles terres ne s'accompagne qu'exceptionnellement de sacrifices de poulets (Chauveau, 2002 ; Jacob, 2007).

Mais au-delà, l'exploitation agricole joue un rôle majeur dans l'économie de subsistance, dans l'affirmation de l'identité socio-culturelle des ruraux et c'est autour de cette activité que s'organisent les rapports sociaux les plus étroits et les plus durables (Echui, 1993 ; Meillassoux, 1964).

Les Gouro de Sinfra apprécient en premier lieu le riz et la banane plantain. L'igname et le taro apparaissent comme des cultures d'appoint dont la récolte se fait en période de soudure du riz. Le maïs est trimestriellement cultivé et le manioc est considéré comme une nourriture de disette. La banane qui se récolte toute l'année, permet un étalement de la production vivrière et atténue les disettes les plus graves. A ces plantes qui fournissent l'alimentation de base, s'ajoutent quelques légumes et condiments dont, en particulier le gombo, les courgettes, la tomate et le piment (Meillassoux, 1964).

L'agriculture gouro repose sur deux principes : l'association et la succession des cultures vivrières (riz, igname) et des cultures de rente (cacao, café). (Chauveau et Dozon, 1984).

1.1.3.2.2. Chasse (lupa)

Dans les contrées rurales du Département de Sinfra, la chasse est très marginalisée et dite « secondaire » par les populations locales (BNETD, 2005).

Selon l'ONG Inter-Environnement Wallonie (2002), diverses raisons ont réduit cette pratique en une activité de second ordre :

- La raréfaction du gibier due aux chasses collectives contre les éléphants et d'autres animaux destructeurs de plantations.

- La restriction de la possession des armes à feu excepté le calibre 12, qui lui aussi, par certaines restrictions administratives, limitent son usage à son possesseur.

Dans ces conditions, les gouro de Sinfra ne se livrent généralement qu'à la chasse des rongeurs, des singes, des antilopes, des biches et des oiseaux,... Ainsi, avec des chiens préparés à cet effet, les chasseurs, aux heures tardives de la nuit fouillent les brousses et y débusquent parfois quelques bêtes.

Les chasseurs gouro ou « loupazan » avaient un rôle social déterminant (Meillassoux, 1964 ; BNETD, 2005). Ils constituaient les éclaireurs pendant les déplacements massifs des populations« kwênins ». Ils découvraient lors des expéditions, des terres qu'ils qualifiaient de « vômantèrè » et s'y installaient avec les siens. Ils avaient, par leur art, la possibilité de s'émanciper de la tutelle de leurs ainés et s'installer sur de nouvelles terres à l'écart du groupe.

Toutefois, bien que moins fréquente de nos jours à Sinfra, la chasse remplit une fonction sociale importante ; les produits issus de la chasse constituent pour le meneur et le groupe, un certain prestige et une source de cohésion dans le partage du gibier entre les groupes dénommés « bêyi » et « bêbou » qui, après quelques petites ventes, utilisent leurs différentes parts pour nourrir leurs familles.

1.1.3.2.3. Pêche

Les « kwênins » de Sinfra n'ont pas une grande tradition de pêche à cause du manque de grands cours d'eau dans le département (de Sinfra). La pêche y est saisonnière et ne peut satisfaire les besoins locaux si bien que le marché central est approvisionné par le poisson venant de la mer (Abidjan, San-pédro) et du lac Kossou (Bouaflé) (BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1964).

De plus, elle est pratiquée dans les petits barrages ou puits construits par les populations pendant la saison sèche c'est-à-dire entre le mois de décembre et le mois de février.

Les méthodes utilisées y sont encore rudimentaires (filets, nasses, cannes à pêche,..) et les produits issus de cette pêche, après quelques ventes, servent directement à l'alimentation des populations rurales.

1.1.3 .4. Elevage

Dans le passé, les Gouro de Sinfra s'investissaient régulièrement dans la transhumance et le bétail n'était élevé que dans un but strictement alimentaire (BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1999). Plus généralement le bétail était sacrifié rituellement lors de cérémonies propiatoires ou expiatoires selon le conseil des sages. La viande en était consommée collectivement ou partagée entre les membres du village ou même de la tribu selon l'ampleur de la cérémonie, avec distillation des os pendant la 2 ou 3 nuits.

Selon l'enquêté M. (Kononfla, 49 ans, planteur),« les hommes riches offraient souvent une tête de gros bétail en guise de dot, à côté d'autres biens. Le meurtre volontaire ainsi que l'adultère commis entre proches (au sein d'un même gouniwuo ou avec la femme de son frère), les insultes graves comme traiter par exemple un homme d'esclave étaient également compensés par la remise d'un boeuf ».

De ce fait, la fonction sociale de l'élevage demeurait liée aux pratiques cérémonielles et religieuses. Le bétail fournissait la matière des échanges sociaux. Par ailleurs, l'existence d'un troupeau abondant permettait de multiplier les manifestations de cohésion sociale et d'alliance. Le gros bétail plus que le petit permettait d'étendre ces manifestations aux groupes les plus larges, parfois à la tribu tout entière, parce qu'il constitueune nourriture hautement appréciée par la population rurale de Sinfra.

Aujourd'hui, c'est le petit bétail (mouton, cabri) qui tend à remplir ces fonctions: il est lui aussi utilisé dans les sacrifices et des alliances et est utilisé dans la composition des amendes, des compensations et des dots comme premier cadeau offert à la mère de la jeune fille.

Il sert également aux rituels villageois tels que l'adoration des rivières « sokpo », du python « ménin san » et des masques sacrés « djê ».  

L'élevage du gros bétail est aujourd'hui de plus en plus monopolisé par les peulhs, maliens, guinéens et certaines autorités (coutumières et administratives) du département.

1.1.4 Raisons du choix du terrain

Trois raisons ont milité en faveur du choix du département de Sinfra.

· La première s'articule autour la bonne connaissance du terrain d'étude. En effet, nous sommes originaires de ce département et nous y avons passé une grande partie de notre adolescence. Les autorités coutumières dans leur majorité et certaines autorités administratives sont des parents  proches ou éloignés; ce qui a facilité les autorisations d'échanges et la mobilisation des données dans les différentes structures de la localité.

· La deuxième raison est relative à la taille de la population d'enquête (90.711 habitants selon les recensements de 2014). Une telle population d'enquête favorise la réussite de cette étude qui serait impertinente dans un environnement caractérisé par un faible effectif, quoique les versants positifs de la gestion des conflits fonciers, au plan coutumier et administratif restent des secrets de polichinelle.

· La troisième est liée à la position géographique du cadre d'étude. En effet, le département est situé en zone forestière et dominée par les plateaux avec une diversité de sols (ferralitiques et ferrugineux, c'est à dire riches en oxyde de fer et en humus) capables de favoriser le développement des cultures aussi bien saisonnières que pérennes (Léon, 1983 ; Brou, Oswald, Bigot et Servat, 2005). A cela s'ajoutent les migrations allochtones et leurs méthodes de consolidation foncière qui font de ce département, un véritable environnement social ou les acteurs sédentaires s'entrechoquent et se disputent de façon récurrente les portions de terre.

2. Population et échantillon

2.1 Population

L'enquête concerne l'ensemble des populations autochtones et allogènes susceptibles de nous aider à comprendre le phénomène étudié. Ainsi, les personnes présentes sur le terrain (autorités administrative, coutumières et administrés) ont été privilégiées au détriment des personnes extérieures au terrain, à l'exception des acteurs de la direction du foncier rural sise dans l'enceinte du ministère de l'agriculture à Abidjan.Rappelons que cette forme d'inclusion des acteurs locaux et d'exclusion des acteurs extérieurs au département s'explique par un souci d'objectivité visant à n'associer que les personnes ressources du département qui observent ou participent à la manifestation ou à la gestion du phénomène.

Cette population se répartit en trois catégories.

La première catégorie  est celle des « autorités administratives ». Ce choix se justifie par leur rôle administratif caractérisé par la gestion de toute question sociale sur leur circonscription de compétence. Outre ce fait, ellesreprésentent les supérieurs hiérarchiques directs des chefs traditionnels et sont au coeur du processus de gestion des litiges fonciers à Sinfra. Elles sont composés du Préfet, du secrétaire général de la préfecture, du Sous-préfet et de ses accesseurs, des acteurs de la direction du foncier du ministère de l'agriculture, du directeur départementale de l'agriculture, des agents des services spécialisés du cadastre et transactions foncières, du direction départementale de la construction, la direction des eaux et forêts, des magistrats du tribunal et des agents de la mairie de Sinfra.

La deuxième catégorie concerne les « autorités coutumières » et se justifie par leur rôle central dans la gestion des questions villageoises en général et foncières en particulier. L'effectif se compose de chefs de villages et de tribus, de leurs notabilités, de chefs de terre, d'assistants, de sages et de suppléants à la notabilité, d'agents des comités villageois de gestion foncière.

La dernière catégorie est celle des « administrés ». Ce choix s'explique par leur participation à la manifestation et à la gestion des litiges de terres à Sinfra. Elle se compose de cultivateurs de tout bord ethnique, de transhumants, d'hommes, de femmes, de religieux, de témoins et victimes des conflits fonciers et de responsables des ONG Ziza et Yiri vivant et exerçants sur les sites enquêtés.

Au niveau du choix des catégories, il faut noter que celles des « autorités administratives » et « autorités coutumières » s'est effectuée de façon raisonnée en raison de leur implication fréquente dans la gestion des conflits fonciers à Sinfra.

Sur le terrain, nous avons élaboré un calendrier de rendez-vous relatif à ces autorités ciblées puisque nous avions connaissance du nombre d'agents, des services à visiter et des personnes ressources auprès desquelles nous pouvions obtenir des informations utiles à notre travail.

Contrairement à cette technique d'échantillonnage par choix raisonné, le choix de la catégorie « administrés » s'est fait de façon hasardeuse vu que nous ne pouvions connaitre ni l'emploi du temps individuel de cette constellation de ruraux, ni leurs domiciles respectifs encore moins leurs champs ou leurs lieux d'exercice professionnel. Nous avons donc établi un emploi du temps personnel que nous avons respecté et adapté au terrain en faisant des visites « surprises » dans les villages et quartiers retenus, nous contentant ainsi des questionnaires et entretiens négociés avec les enquêtés trouvés sur place.

2.2. Echantillon

L'échantillonnage est un procédé qui permet de rassembler dans un sous-ensemble, un échantillon réduit, présentant l'ensemble des caractéristiques de la population initiale.

SelonDiahou (2003), « la détermination de cette population-cible est commandée par le chercheur en fonction des objectifs visés. L'intégration de la dimension spatiale, des principaux groupes en présence peut se traduire par la prise en compte des micro-territoires qui fondent l'unité géographique. »

Nous avons donc subdivisé le département en six (6) strates correspondant aux six (6) tribus : BINDIN (Huafla, Nadiéta, Paabénéfla, Bégouafla, Broufla, Porabénéfla, Zéménafla), GOHI(Bazré, Bounafla, Bindinfla, Gohouo, Koadji, Gonfla)  , NANAN ( Kononfla, Koumodji, Kayéta, Manoufla, Bérita, Baléfla, Diénembroufla, Broufla), PROGOURI (Manoufla, Kouêtinfla, Kouroudoufla, yanantinfla) SIAN(Blontifla, Douafla, Benhuafla, Béliata, Digliblanfla, Bégonéfla, Kouétinfla, Manoufla, Barata, Tricata, Bérita, Dégbésséré, Proziblanfla, Koaizra,Koblata,...), VINAN (Zéménafla, Zougourouta, Djénédoufla, Sanégourifla). Les différentes populations interrogées étaient constituées d'autorités administratives, pénales, coutumières, de villageois, planteurs, religieux,...

Toutefois, vu que le RGPH (2014) a produit peu de données sur certaines variables (sexe, âge, niveau d'instruction scolaire, catégorie socio-professionnelle, répartition démographique par tribu, par village,...), nous avons procédé par stratification des différents villages et quartiers du département en mettant l'emphase d'une part, sur l'indentification des peuples sédentaires (autochtones, allochtones) et d'autre part, sur l'inventaire et l'identification des autorités locales et autres enquêtés.

v Détermination de l'échantillon des autochtones des tribus

Selon le chef des différentes tribus (Mr Z. K.), « la tribu Sian compte seize (16) villages, chaque village compte vingt-cinq (25) lignages puis chaque lignage compte vingt membres (20) dont en moyenne, quatre parents (parents directs et oncles ou tantes) et des enfants.

La tribu Gohi compte six (06) villages, chaque village compte dix (10) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.

La tribu Bindin compte sept (07) villages, chaque village compte treize (13) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.

La tribu Nanan compte huit (08) villages, chaque village compte quinze (15) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres

La tribu Progouri compte quatre (04) villages, chaque village compte six (06) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.

La tribu Vinan compte également quatre (04) villages, chaque village compte cinq (05) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres ».

Tribu Sian :

Population estimative : 16 villages × 25 lignages × 20 membres

Population estimative : 8.000 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 16 villages × 25 lignages × 2 membres = 800 individus

Femmes : 16 villages × 25 lignages × 2 membres = 800 individus

Fils et filles : 16 villages × 25 lignages × 16 membres = 6.400 individus

Tribu Gohi :

Population estimative : 06 villages × 10 lignages × 20 membres

Population estimative : 1.200 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 06 villages × 10 lignages × 2 membres = 120 individus

Femmes : 06 villages × 10 lignages × 2 membres = 120 individus

Fils et filles : 06 villages × 10 lignages × 16 membres = 960 individus

Tribu Bindin :

Population estimative : 07 villages × 13 lignages × 20 membres

Population estimative : 1.820 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 07 villages × 13 lignages × 2 membres = 182 individus

Femmes : 07 villages × 13 lignages × 2 membres = 182 individus

Fils et filles : 07 villages × 13 lignages × 16 membres = 1.456 individus

Tribu Nanan :

Population estimative : 08 villages × 15 lignages × 20 membres

Population estimative : 2.400 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 08 villages × 15 lignages × 2 membres = 240 individus

Femmes : 08 villages × 15 lignages × 2 membres = 240 individus

Fils et filles : 08 villages × 15 lignages × 16 membres = 1.920 individus

Tribu Progouri :

Population estimative : 04 villages × 06 lignages × 20 membres

Population estimative : 480 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 04 villages × 06 lignages × 2 membres = 144 individus

Femmes : 04 villages × 06 lignages × 2 membres = 144 individus

Fils et filles : 04 villages × 06 lignages × 16 membres = 384 individus

Tribu Vinan :

Population estimative : 04 villages × 05 lignages × 20 membres

Population estimative : 400 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 04 villages × 05 lignages × 2 membres = 40 individus

Femmes : 04 villages × 05 lignages × 2 membres = 40 individus

Fils et filles : 04 villages × 05 lignages × 16 membres = 320 individus

En termes d'échantillonnage, la technique par choix accidentel a été privilégiée au niveau des autochtones des tribus sus-citées. Nous avons élaboré un emploi du temps de travail que nous avons adapté au terrain en nous contentant des visites surprises dans ces tribus et en privilégiant les entretiens obtenus avec les enquêtés trouvés sur place.

Pour également respecter la question du genre, nous avons retenus autant d'hommes que de femmes et autant de fils que de filles au niveau des familles interrogées.

Echantillon de la population autochtone des tribus

06 hommes × 06 tribus = 36 hommes

06 femmes × 06 tribus = 36 hommes

17 fils× 06 tribus = 102 fils

17 filles× 06 tribus = 102 filles

Le tableau ci-dessous résume les précédentes données.

TABLEAU N°4 : Descriptif quantitatif de l'échantillon autochtone

Catégories d'enquêtés des 06 tribus

Echantillon d'enquête

Hommes

36

Femmes

36

Fils

102

Filles

102

Total

279

SOURCE : TERRAIN

v Détermination de l'échantillon des allochtones dans les zones

La méthode d'échantillonnage de la population allochtone a répondu à l'instar de la population autochtone, a un choix accidentel en raison du manque de données démographiques actualisées.

L'enquête a déterminé seize (16) zones d'occupations allochtones. Les potentiels enquêtés étaient constitués d'hommes, de femmes, de fils et de filles.

Les détails se trouvent synthétisés dans le tableau ci-dessous

TABLEAU N°5 : Descriptif quantitatif de l'échantillon allochtone

Zones d'enquête

Echantillon d'enquête

Brunokro

11

N'Drikro

11

Niamienkro

11

Yaokro

11

Bolokro

11

Katiénou

11

Koffikro

11

Kouadio Bakro

11

Akakro

11

Dramanekro

11

N'Zuékro

11

Gbrizokro

11

Dioulabougou I

11

Dioulabougou II

11

Dioulabougou III

11

Dioulabougou IV

11

Total

176

SOURCE : TERRAIN

v Détermination de l'échantillon des autorités locales

Contrairement aux populations sédentaires qui ont répondu à une méthode accidentelle, les autorités locales, en raison des données liées à leurs effectifs par service, ont été ciblées par choix raisonné.

Tribunal coutumier

Sur les :

Quarante-quatre (44) chefs de villages sur l'ensemble des six (06) tribus, nous avons retenu vingt-huit (28).

Quarante-quatre (44) chefs de terre, nous avons retenu trente (30).

Douze (12) membres par bureau de chefferie ; soit soixante-douze (72) membres au total, nous avons retenu quarante (40).

Tribunal pénal

Sur les douze (12) travailleurs du tribunal, nous avons retenu six (06); soit un (01) juge de jugement, un (01) juge d'instruction et quatre (04) greffiers.

Préfecture

Sur les huit (08) travailleurs de la préfecture, nous avons interrogé : le préfet, le secrétaire général de la préfecture et la secrétaire du préfet.

Sous-préfectures

Sur les quatre (04) sous-préfectures (Sinfra, Kononfla, Kouêtinfla et Bazré) qui comptent environ de dix (08) travailleurs chacune, nous avons interrogé les quatre (04) sous-préfets, les quatre 04 archivistes et quatre (04) autres employés.

Direction départementale de l'agriculture

A cette direction d'environ huit (08) travailleurs, le directeur départemental de l'agriculture et 04 employés du service cadastral ont été interrogés.

Direction départementale de la construction

Trois enquêtés sur six (06), ont été interrogés. Il s'agit du directeur et de deux (02) autres collaborateurs.

Ministère de l'agriculture.

Trois enquêtés ont été interrogés sur les sept (07) identifiés.

TABLEAU N°6 : Descriptif quantitatif de l'échantillon des autorités locales

Zones d'enquête

Population d'enquête

Echantillon d'enquête

Tribunal coutumier

160

98 61,25%

Tribunal pénal

12

06 50%

Préfecture

08

03 37,5%

Sous-préfectures

32

12 37,5%

Direction de l'agriculture

08

05 62,5%

Direction de la construction

06

03 50%

Ministère de l'agriculture

07

03 42,85%

Total

233

130 55,79%

SOURCE : TERRAIN

v Détermination de l'échantillon d'autres enquêtés

D'autres enquêtés ont été associés aux investigations à l'effet de diversifier les sources d'informations. Il s'agit des :

Responsables religieux : neuf (09) personnes y ont accepté de répondre à nos questions

Les témoins ont été identifiés par la technique boule de neige. Leur nombre est de six (06) personnes.

v Détermination de l'échantillon général

TABLEAU N°7 : Descriptif quantitatif de l'échantillon général

Typologie des enquêtés

Effectif

Autochtones

279

Allochtones

176

Autorités locales

130

Autres enquêtés

15

Total

600

SOURCE : TERRAIN

II. Méthodes de recherche

Trois méthodes ont été exploitées. Il s'agit de la méthode dialectique (1), le fonctionnalisme (2) et la méthode systémique (3).

1.Méthode dialectique

Pour N'DA(2015), « c'est une démarche qui part de l'idée de la présence de contradictions dans la réalité elle-même. Elle recherche les incohérences, les oppositions, les ambivalences des choses qui constituent souvent l'essence de la réalité ». En d'autres termes, cette méthode recherche les incompatibilités, les contradictions dans un système social donné (Gurvitch, 1962 ; Brohm, 2003 ; Bruaire, 1993 ; Nadeau, 1999 ; Kervégan, 2005). Elle est une méthode de recherchedocumentaire (Levray, 2014 ; Prost, 1996 ; Bloch, 1993) que le chercheur se doit, par abstraction de se le représenter (Langlois, 1897 ; Seignobos, 1897 ; 1901).

Dans le cadre de ces travaux, cette méthode a présenté un double intérêt :

· Elle a dans un premier temps, permis d'exhumer la « mémoire » documentaire du département de Sinfra pour y récupérer des documents historiques portant le regroupement du peuple « sian », le processus de migration des allochtones, les phases de l'évolution démographique de la population de Sinfra, le processus d'acquisition ancestrale et actuelle des terres, les liens socio- culturels antiques qui existaient entre les autochtones et certains groupes ethniques en vue comprendre les comportements dualistes actuels de ces peuples sédentaires (autochtones et allochtones) de Sinfra. Dans cette mesure, l'on a pu à la fois connaître les différentes vagues de migrations à Sinfra qui ont conduit à cette forme de saturation foncière constatée à Sinfra et connaitre le processus d'évolution du conflit (naissance, évolution et transformation).

· Elle a dans un second temps, permis de comparer les données documentaires, archivistiques mis à notre disposition avec les verbatim recensés sur le terrain afin d'y relever les incompatibilités et les incohérences.

En somme, retenons qu'il a été possible à travers cette méthode, d'établir le lien entre les variables dépendantes (conflit foncier) et indépendantes (pression démographique, consolidation clanique des espaces fonciers familiaux et implication des acteurs institutionnels).

2. Fonctionnalisme

Selon Malinowski (1944), « Chaque coutume, chaque objet, chaque idée et chaque croyance remplit une fonction ».

Pour Mayer et Laforest (1990),« il faut étudier les phénomènes humains dans une logique d'unité, d'interdépendance pour en éclairer les fonctions ».

Le fonctionnalisme suppose donc la stabilité et l'intégration des systèmes sociaux (Kouassi, 2005), qui tendent à ramener l'explication des faits sociaux, à la mise en évidence de leurs fonctions (Mystere, 2009).Autrement, la  méthode fonctionnaliste renvoie à la structure sociale, à la fonction que remplissent les faits sociaux et culturels pour les uns et les autres (Bemb, 2009).Les conflits fonciers seront perçus comme le résultat d'un dysfonctionnement social ou un ensemble social dans lequel, les fonctions n'ont pas été remplies de façon efficiente par les acteurs sociaux.

Cette méthode nous a intéressé dans l'analyse du statut et du poids social des autorités à charge de la question foncière, dans l'organisation et le fonctionnement des différents mécanismes de gestion foncière, mais aussi et surtout, a-t-elle permis d'apprécier le rôle, les fonctions des conflits fonciers à Sinfra et l'écart entre la marge d'exercice des acteurs de l'administration publique et les agissements observés sur le terrain.

3. Méthode systémique

La méthode systémique est une approche globale qui tend à expliquer le social comme un sous ensemble (sous-système) intégré dans un système social (Ludwig, 1993).Il existe des interactions entre tous les éléments et constituants de la société. Tous les secteurs essentiels, les problèmes publics, les solutions, les politiques sociales, les programmes sont considérés et évalués comme des composantes d'un système global.

L'intérêt de cette méthode est de considérer les acteurs sociaux comme des acteurs intégrés et qui interagissent dans un système social. Les facteurs de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra seraient des facteurs liés au système global local, à ses composantes ou à ses acteurs interagissant.

III. Techniques de recueil des données

Selon N'DA (2015), « les techniques sont des procédés opératoires définis, transmissibles, susceptibles d'être appliqués dans les conditions adaptées au genre de problème ou de phénomène en cause ».Autrement, les techniques constituent des canaux utilisés pour atteindre des buts ; lesquels peuvent être d'ordre processuel en ce sens qu'elles suivraient un cheminement méthodique, des étapes pratiques pour une bonne cueillette des informations.

Dans cette étude explicative, nous avons opté pour: la recherche documentaire(1), l'observation (2), le questionnaire (3) et les différents entretiens (4).

3.1. Recherche documentaire

Elle renvoie d'emblée à l'étude de documents relatifs à un domaine d'étude.

Selon N'DA (2015), « le terme document renvoie à toute source de renseignements déjà existante à laquelle le chercheur peut avoir accès .Ces documents peuvent être sonores, visuels, audio-visuels et/ou écrits ».

La recherche documentaire a constitué un travail préalable et essentiel à notre étude. Elle nous a permis de faire la recension des écrits méthodologiques et empiriques antérieurs afin d'avoir une vue générale et claire de notre objet d'étude. Dans la pratique, son apport s'est situé à quatre niveaux :

· Dans un premier temps, elle a consisté en une recension des écrits tenant à la méthodologie de recherche en sciences sociales.

· Ensuite, en une recension des documents spécifiques aux conflits fonciersafin de mettre en évidence les différentes orientations abordées pouvant nous permettre de dégager notre posture scientifique.

· De plus, cette technique nous a permis de recenser des données factuelles à travers quelques visites dans des institutions de l'Etat (Institut National de Statistique, le Service Cadastre du Ministère de l'Agriculture et sa section décentralisée de Sinfra, les Sous-préfectures des différentes tribus). Ces données concernaient le regroupement historique des populations de Sinfra, les procédures de cession des terres en pays gouro, le processus d'acquisition des terres, les facteurs susceptibles d'expliquer les conflits fonciers et les données statistiques sur l'évolution du phénomène dans la localité.

· Dans un second temps, elle a permis à travers ces données factuelles (Bureau National d'Eudes Techniques et de Développement et l'Institut National de la Statistique ) d'avoir des données statistiques relatives à l'évolution démographique de Sinfra dans l'intervalle [1975- 2014].

3.2. Observation

Pour Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer, (1999), «l'observation consiste en la constatation d'un fait à l'aide de moyens d'investigations appropriées. Elle peut être directe ou indirecte, qualitative ou quantitative, effectuée sur le terrain ou en laboratoire ».

N'DA (2015), la conçoit comme une démarche consistant « à regarder se dérouler sur une période de temps donné, des comportements ou des évènements et à les enregistrer ».

Dans ce travail, nous avons opté pour une observation directe qui rengorge à la fois l'observation «  flottante » et l'observation «  participante ».

En ce qui concerne l'observation flottante, elle a consisté en une observation des comportements des acteurs ruraux et administratifs, des autorités locales, de la manifestation des relations sociales conflictuelles, des tensions inter-ethniques fréquentes dans le département de Sinfra et dans la compréhension des fondements culturels auxquels la population « kwênin » reste fortement attachée.

Pendant la phase d'enquête de terrain qui a duré six (0 6) mois, nous avons remarqué « de visu in situ » des cas de violences foncières, des tentatives de règlements de ces conflits de terre par différents tribunaux coutumiers des localités ciblées, ainsi que les règlements de litiges fonciers par la section détachée (Sinfra) du tribunal de Première Instance de Bouaflé.

Nous avons aussi observé quelques cas de conflits qui opposaient les ruraux à l'administration (coutumière et pénale). Ce sont entre autres des contestations verbales, des défiances portant pour la plupart sur les revendications concernant les décisions de justice, le mode de traitement des litiges entre agriculteurs autochtones et allochtones et entre « kwênins » et transhumants, etc.

Cette observation a été possible au moyen d'un certain nombre de matériels de base dont nous nous sommes munis pendant cette phase observatoire : vade-mecum, appareil photo et caméra numérique.

En ce qui est de l'observation participante, nous avons revêtu une « triple casquette » lors des investigations ; tantôt cultivateur intégrédans des groupes sectoriels d'acteurs ruraux ; tantôt, notable sous autorisation particulière du chef de tribu. Finalement, agent enquêteur, observateur des enquêtes de commodo-incommodo pouvant permettre de procéder à la délimitation cadastrale des espaces fonciers.

3.3. Questionnaire

Pour Mucchielli (1989),« font partie de ce qui sera appelé questionnaire, tous les moyens de recherche de réponse, étant entendu que la réponse recherchée est idéalement celle qui, à travers la subjectivité des individus, exprime directement ou indirectement le phénomène social que l'on veut connaître ou comprendre ».

Selon N'DA (2015), « le questionnaire consiste à poser, par écrit, à des sujets une série de questions relatives à leur situation, à leur opinion, à leurs attentes, à leur niveau de connaissance ou de conscience d'un problème ».

A Sinfra, nous avons adressé des questionnaires aux autorités coutumières, administratives, à la population rurale. Ces étaient relatives aux modalités d'acquisitions terres à Sinfra, au déroulement des conflits fonciers, aux obstacles liés à la gestion, aux facteurs explicatifs de ces obstacles ainsi qu'à l'impact d'une gestion partielle ou partiale des litiges fonciers sur la cohésion sociale à Sinfra.

Cela nous a permis de chercher à comprendre, interpréter les réponses, limiter les risques liés à la personnalisation des questions, d'approfondir et de compléter certaines informations par des questions improvisées en vue de dresser des tableaux de distributions statistiques (de type descriptif).

3.4. Entretien

L'entretien peut être défini comme un échange au cours duquel un ou des interlocuteurs expriment des idées, leurs perceptions, leurs expériences tandis que le chercheur, par des questions précises, délimite le champ social d'intervention.

Pour Grawitz (2001),ce terme désigne « un procédé scientifique qui consiste en un processus de communication verbale dans le but de recueillir des informations en relation avec les objectifs que l'on s'est fixés ».

Dans le cadre de cette recherche, nous avons eu recours à l'entretien individuel(1) et au focus-group(2).

3.4.1. Entretien individuel

A ce niveau, les entretiens étaient tantôt directifs et tantôt sémi-directifs.

· Directifs, en ce sens que nous avons élaboré des guides d'entretiens avec des réponses préconçues. De nombreuses données y ont pu être recueillies grâce à des prises de notes et des enregistrements vidéographiques.

· Sémi-directifs, dans la mesure où nous avons distribué un certain nombre de questionnaires aux enquêtés quelques jours avant les échanges afin de leur permettre de se préparer. Nous y avons délimité le cadre d'échanges et de ce fait, permis à ces enquêtés de demeurer dans le canevas d'échange avec une marge de tolérance restreinte lors des interviews.

Dans l'ensemble, les entretiens auprès des autorités locales : Préfet, Sous-préfet, Maire, Directeur départemental de la construction, Directeur départemental de l'agriculture ont porté sur les thématiques suivantes : historique du peuplement et des conflits fonciers à Sinfra, modes de gestion des litiges fonciers, évaluation des procédures judiciaires et extra-judiciaires de gestion, obstacles de la gestion des litiges fonciers à Sinfra et des facteurs explicatifs de ces obstacles.

Pour ce faire, l'option des questions ouvertes était indispensable afin de donner une marge d'expression aux enquêtés. Ce qui n'a pas favorisé le suivi de l'ordre des questions mais plutôt a permis de compléter certaines questions par d'autres, improvisées.

3.4.2. Focus group

Pour Thibeault (2010), « le focus group est une technique d'entretien de groupe d'expression et d'entretien dirigé, qui permet de collecter des informations sur un sujet ciblé ».Il peut aussi« constituer en une technique qualitative dont le but est de recueillir des discussions centrées sur des situations concrètes particulières, des sujets pertinents pour une recherche »(Touré, 2010).

Sur le site d'investigations, cette méthode a semblé la plus fructueuse du point de vue des données collectées.Elle a permis aux enquêtés de se délier la langue, d'être moins stressés, de s'exprimer en toute latitude du fait du groupe et de donner diverses positions recentrées autour de notre objet d'étude. Ainsi, nous avons formé des groupes de cinq à dix enquêtés dans les différents villages et quartiers visités. Ces entretiens se sont articulés pour la plupart autour des facteurs liés à la résurgence des conflits fonciers, à l'évaluation des actions des instances de régulation foncière à Sinfra , aux difficultés liées à la gestion de ces conflits et les facteurs directs ou indirects pouvant catalyser la résurgences de ces litiges fonciers après gestion.

IV. Modes d'analyse des données

Dans de cadre de cette étude, nous avons eu recours à deux méthodes d'analyse des données : la méthode qualitative et la méthode quantitative.

4.1. Analyse qualitative

Elle a consisté à recueillir les opinions, les attitudes, les perceptions diverses et les réactions individuelles et collectives des enquêtés en rapport avec le phénomène étudié. Pour ce faire, elle s'est appuyée sur l'approche phénoménologique et l'analyse culturaliste.

· Phénoménologie

La phénoménologie privilégie le point de vue des sujets de l'action. Elle accorde l'importance à l'interprétation que le sujet donne des évènements qu'il vit (N'DA, 2015).

Elle a certes consisté à recueillir les opinions, les perceptions et les expériences des enquêtés par rapport au phénomène étudié mais au-delà, elle a permis de faire une attention particulière à la gestuelle, au regard, à la communication corporelle, aux hésitations et aux commentaires de ces personnes ressources.

· Culturalisme

Selon Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer (1999), « le culturalisme est un système de pensée anthropologique qui tend à expliquer la culture comme système de comportement appris et transmis dans un système social. »

Son intérêt dans cette étude s'est principalement situé dans l'analyse du système culturel à Sinfra, dans la transmission de l'héritage culturel, dans le rôle des divers rituels d'invocation d'ancêtres dans la gestion coutumière des conflits fonciers.

Aussi, a-t-il permis de comprendre la cohabitation mutuelle de deux systèmes culturels différents (celui des autochtones et celui des allochtones).

4.2.Analyse quantitative

Cette méthode qui permet de quantifier les informations diversifiées relatives aux données du terrain, nous a intéressé dans le regroupement, l'organisation et le classement des informations selon leur degré de convergence.

Elle nous a aussi été significative à travers l'usage des tableaux de distributions statistiques de type descriptif et de pourcentages et du traitement inférentiel des données pour mettre les hypothèses d'étude à l'épreuve des faits.

V. Conditions sociales de l'étude

Pendant le déroulement de nos investigations, nous avons été confrontés à deux difficultés. Ce sont :

· L'indisponibilité des enquêtés : quelques autorités du département (Préfet, Sous-préfets, Président du tribunal, Directeur départemental de l'agriculture), avaient du mal à s'ouvrir vu la délicatesse du sujet et ce, en dépit des autorisations de recherche. Cette difficulté a été contournée par l'insistance et la mise en rapport des liens familiaux.

· L'inaccessibilité à la documentation : Des informations ont été tenues au secret professionnel. Les informations sur la gestion des conflits fonciers (procès-verbaux de décisions de justice, statistiques sur les conflits fonciers gérés, ceux stagnants,...) ont été difficilement traitées faute de supports informationnels. Des témoignages et l'observation de quelques situations nous ont permis de contourner cette insuffisance.

· Difficultés liés aux déplacements : Le terrain d'étude est un champ géographique constitué de six tribus (Bindin : sept villages ; Gohi : six villages ; Nanan : huit villages ; Progouri : quatre villages ; Sian : seize villages et Vinan : quatre villages), soit un ensemble de quarante-cinq villages explorés dans les quatre sous-préfectures (Sinfra, Kononfla, Bazré et Progouri). Les pistes villageoises menant à ces localités souvent reculées, sont inaccessibles aux véhicules et reconnues que par le truchement d'anciens de villages.Cette difficulté a été contournée par l'usage de bicyclettes et de guide durant ces voyages.

DEUXIEME PARTIE :

RESULTATS, ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS, ET DISCUSSION

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry