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Le cumul des indemnités de licenciement au moment de la rupture du contrat de travail. état des lieux partagé entre admission et interdiction.


par Sébastien Legrand MBALA WOURIA II
Université Libre de Bruxelles - Master de spécialisation en droit social  2019
  

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II. Les cas d'admission du cumul des indemnités de licenciement : l'exigence d'une pluralité de dommages et de

motifs réellement distincts comme principe de base

Prima facie, il est important de noter que la question du cumul des indemnités ne débouche pas sur une solution homogène car le droit à l'indemnisation de plusieurs dommages réellement subis par le travailleur doit être démontré sur base de textes réglementaires différents qui ne portent donc pas sur le même objet. Les indemnités de licenciement intervenant au cas par cas, en fonction des mesures préjudiciables prises par l'employeur et de la situation dans laquelle le travailleur se trouve, force est de constater que le caractère hétéroclite de la législation sociale joue un rôle fondamental dans l'orientation des demandes d'indemnisation du travailleur par rapport à un objet déterminé. En effet, à défaut de prévision dans certains cas par le législateur, la jurisprudence et la doctrine ont pu clarifier le principe de base suivant lequel le cumul des indemnités de licenciement peut être admis lorsqu'il existe des motifs distincts entrainant la réparation des dommages distincts dans le chef du travailleur. C'est sous cette condition respectée par le justiciable que le tribunal du travail de Liège (division de Dinant), dans un jugement 21 novembre 201618, a admis le cumul de l'indemnité compensatoire de préavis avec l'indemnité pour LMD et les dommages et intérêts pour abus du droit licencier.

Nous pouvons identifier conformément à la législation sociale et à la jurisprudence, six cas de figure dans lesquels les indemnités de licenciement peuvent être parfaitement cumulables sous certaines conditions.

Nous commencerons par analyser dans un premier temps, dans cette première partie de notre développement, les cas de cumul des indemnités de licenciement manifestement déraisonnable avec les indemnités classiques (A), avec les dommages et intérêts pour abus du droit de rupture (B). Ensuite, nous nous pencherons sur les possibilités de cumul des indemnités classiques avec les dommages et intérêts pour abus du droit de rupture (C), avec les indemnités de protection spécifique (D). Enfin, nous nous appesantirons sur les possibilités de cumul des indemnités de protection spécifique avec les dommages et intérêts pour abus du droit de rupture (E), et par rapport aux indemnités dues en vertu d'une convention collective de travail (F).

A. Le cumul des indemnités de licenciement manifestement déraisonnable avec les indemnités classiques

L'article 8 de la C.C.T. n° 109 prévoit qu'un licenciement est manifestement déraisonnable : - lorsqu'il n'est pas lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur, ni fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ;

- lorsqu'il n'a pas pu être décidé par un employeur normal (prudent) et raisonnable placé dans les mêmes circonstances que l'employeur fautif.

18 Trib.trav. Liège (div. DINANT), 21 novembre 2016, R.G.15/1.020/A. Disponible sur : http://terralaboris.be/IMG/pdf/ttld 2016 11 21 15 1020 a.pdf

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Compte tenu de ce qu'il s'agit de conditions cumulatives, si l'une des deux fait défaut, le licenciement ne peut pas être considéré comme manifestement déraisonnable.19 A ce niveau, il sied de constater que les juridictions du travail effectuent un contrôle marginal a posteriori des motifs concrets du licenciement au regard des faits qui leurs sont soumis.

Le principe en matière de cumul des indemnités classiques avec les indemnités de licenciement manifestement déraisonnable est posé à l'article 9 § 3 de la CCT n° 109 qui dispose que : « L'indemnisation n'est pas cumulable avec toute autre indemnité qui est due par l'employeur à l'occasion de la fin du contrat de travail, à l'exception d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de non-concurrence, d'une indemnité d'éviction ou d'une indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales. »20 Il ressort substantiellement de cette disposition, qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail par l'employeur, on peut avoir deux catégories d'indemnités dues par ce dernier : les indemnités « classiques » qui sont toujours cumulables avec l'indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable, et les indemnités de protection spécifique qui ne sont jamais cumulables avec cette dernière. Ainsi, l'indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable (LMD) qui emporte 3 semaines à 17 semaines de la rémunération brute du travailleur, est cumulable avec les indemnités « classiques » dues par l'employeur à la fin du contrat de travail notamment l'indemnité compensatoire de préavis, l'indemnité d'éviction, l'indemnité complémentaire de préavis, l'indemnité de non-concurrence, l'indemnité de sécurité d'existence ou payée dans le cadre d'un régime de chômage avec complément d'entreprise.

Cette réponse du législateur semble logique étant donné que ces dernières sont sans lien avec les motifs du licenciement et n'ont dès lors pas le même objet que celui de la C.C.T. n° 109.21 Nous rappelons que l'amende civile est une somme d'argent due qui vise à sanctionner l'employeur qui ne respecterait pas l'obligation formelle de communiquer les motifs concrets du licenciement. Elle n'a donc pas pour fonction d'indemniser le travailleur, mais il n'en demeure pas moins que ce dernier perçoit cette amende qui est autonome et distincte des indemnités de licenciement manifestement déraisonnable.22 De ce fait, même si en principe, ces deux sanctions pécuniaires sont parfaitement cumulables comme le prévoit l'article 7 § 3 de la C.C.T n° 109, force est de relever que l'amende civile peut être due, même si le licenciement n'est pas considéré par le juge comme manifestement déraisonnable.

Il convient dans cette sous-partie, d'examiner en profondeur la typologie des indemnités classiques d'une part (1) et d'illustrer le principe de cumul à l'aide de la jurisprudence pertinente d'autre part (2).

Voir aussi Trib.trav. Hainaut (div. Mons), 9 avril 2018, R.G. 14/1.630/A. Disponible sur : http://terralaboris.be/

20 CCT n° 109 du 12 février 2014 sur la motivation du licenciement et le licenciement manifestement déraisonnable. Disponible sur :

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2014021202&table_name=loi

21 A-V. MICHAUX, A. GERARD, S. et SOTTIAUX, S., op.cit., pp 385 - 386.

22 HERVE DECKERS et PIERRE JOSSART, « Le droit à la motivation du licenciement : règles de forme et cumul d'indemnités », ANTHEMIS, 2014, p. 289. Disponible sur : https://www-jurisquare-be.ezproxy.ulb.ac.be/en/book/978-2-87455-765-1/le-droit-a-la-motivation-du-licenciement-regles-de-formes-et-cumul-d indemnites/index.html#page/289/search/le cumul des indemnités de licenciement

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1. Les indemnités classiques : des sanctions financières intrinsèques aux irrégularités nées à l'occasion de la rupture du contrat de travail

a. L'indemnité compensatoire de préavis : le pouvoir de résiliation unilatéral

Selon l'article 39 de la loi du 3 juillet1978, le droit du travailleur à une indemnité compensatoire de préavis intervient soit lorsque l'employeur n'a pas respecté les règles relatives au préavis23, soit lorsque l'employeur décide de ne pas assortir le licenciement d'une période de préavis à prester, mais de payer l'indemnité correspondante. L'indemnité compensatoire de préavis correspond au montant de la rémunération que le travailleur aurait dû percevoir s'il avait correctement presté son préavis. Elle est au fondement du pouvoir de résiliation unilatérale, et constitue l'indemnité de rupture qui, dans le chef de l'employeur, a donc vocation à sanctionner la rupture irrégulière du contrat de travail. En vertu de l'article 66 de l'arrêté royal du 10 juin 2001 portant définition uniforme des notions relatives au temps de travail à l'usage de la sécurité sociale, il y a lieu d'entendre par rupture irrégulière, la fin du contrat de travail pour lequel l'employeur doit une indemnité au travailleur, en application des articles 39, § 1er ou 40, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail. Ainsi, lorsque l'employeur décide de licencier le travailleur sur-le-champ (avec effet immédiat), sans préavis, les règles relatives à la notification prévues à l'article 37, § 1er, alinéa 4 de cette loi (recommandé ou exploit d'huissier) ne sont pas d'application. L'employeur peut donc notifier au travailleur une rupture du contrat moyennant paiement d'une indemnité compensatoire de préavis par simple courrier ordinaire, voire par e-mail, SMS ou même verbalement (congé verbal avec rupture immédiate).24

Le congé est la décision de rompre le contrat de travail (licenciement ou démission). Il s'agit d'un acte réceptice (il doit être notifié pour produire des effets juridiques) qui n'est soumis à aucune condition de forme et est irrévocable une fois qu'il est exprimé, sauf accord du destinataire. A contrario, le préavis est quant à lui, une modalité qui affecte le congé et qui porte sur l'information de la date à laquelle le contrat doit expirer25. Dans ce cadre, le licenciement (ou la démission) est notifié(e) par l'employeur (ou le travailleur) avec l'annonce d'un délai à l'expiration duquel le contrat de travail prendra effectivement fin. La régularité du préavis est subordonnée à des conditions de forme prévues aux articles 37 et suivants de la loi du 3 juillet 1978. Le congé moyennant préavis constitue donc une période au cours de laquelle le travailleur licencié doit prendre des dispositions utiles, notamment chercher un nouvel emploi. Selon que l'employeur donne son accord ou pas, le travailleur peut continuer à travailler normalement au sein de celui-ci jusqu'à expiration totale de ce délai de préavis.26 Le congé moyennant préavis est donc « un congé affecté d'un terme suspensif » dans la mesure où durant le délai de préavis, le contrat de travail est maintenu et exécuté normalement jusqu'à l'expiration de celui-ci.27

23 Voir commentaire de C. trav. Bruxelles, 7/05/2013, R.G. 2011/AB/1.072, Terra laboris, 2013, p. 1. Disponible sur : http://terralaboris.be/spip.php?article1434 . Voir aussi C. trav. Mons, 21 juin 2019, R.G. 2018/AM/400, disponible sur : http://terralaboris.be/IMG/pdf/ctm_2019_06_21_2018_am_400-2.pdf

24 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, Découvrir le droit du travail, ANTHEMIS, 2017, p. 662.

25 Cass., 23 mars 1981, Pas., 1981, I, p. 787.

26 J. CLESSE, F. KEFER, « Chapitre V- La dissolution du contrat de travail » in Manuel de droit du travail, Bruxelles, Editions Larcier, 2018, p. 432.

27 Ibidem, p. 432.

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En outre, à condition que les deux parties soient d'accord, un préavis peut être octroyé par l'employeur au travailleur avec dispense de prestation de travail. Par contre, dans le chef de l'employeur, le délai de préavis dans le cadre d'une démission du travailleur, doit pouvoir lui permettre de trouver un nouveau travailleur disponible sur le marché du travail afin de remplacer le travailleur démissionnaire. En outre, selon une jurisprudence constante de la cour de cassation, le dommage moral et matériel subi par le travailleur du fait de la rupture du contrat de travail est couvert forfaitairement par l'indemnité de préavis.28 Rappelons par ailleurs que la jurisprudence précise qu'en « cas de préavis nul, si le travailleur ne se prévaut pas de la rupture immédiate du contrat et que les parties poursuivent l'exécution de celui-ci jusqu'au terme du préavis notifié irrégulièrement, l'exécution du contrat durant le préavis ne prive pas le travailleur du droit à l'indemnité compensatoire de préavis. En effet, la poursuite des relations de travail pendant le préavis frappé de nullité ne peut ni être interprétée comme une renonciation à invoquer la nullité du préavis ni couvrir celle-ci. »29

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille