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Les garanties de l'indépendance du juge constitutionnel en République Démocratique du Congo.


par Dieu-Merci Wasingya Musonia
Université Catholique du Graben (UCG) - Graduate en Droit (Droit Public Interne et International) 2017
  

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§2. La cooptation au sein du Conseil supérieur de la magistrature

L'importance de la cooptation des membres de la cour constitutionnelle au sein du CSM (A) amène a une indépendance à l'égard des autres institutions étatiques (B).

A. Importance de la cooptation

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est l'organe de gestion du pouvoir judiciaire composé exclusivement d'un grand nombre de magistrats qui en font partie en leur qualité (généralement) de chef de corps. Le CSM élabore les propositions de nomination, de promotion et de révocation des magistrats et il exerce le pouvoir disciplinaire sur les magistrats. Il donne ses avis en matière de recours en grâce.

Dans les lignes précédentes, nous avons précisé que un organe est qualifié de juridictionnel lorsque les membres qui le compose sont des magistrats et par conséquent chargés de dire le Droit. Le Conseil supérieur de la magistrature est au sommet des magistrats car il est leur organe de contrôle. Ce qui constituerait un élément important d'indépendance est que les juges ne devraient dépendre que d'eux même. La désignation des juges constitutionnels par les autorités politiques ainsi que leur nomination par le chef de l'Etat lui-même empiète leur indépendance. En plus, de ces neufs membres composant la juridiction constitutionnelle, seuls trois sont désignés par le CSM. Ce qui représente une moindre garantie d'indépendance du juge constitutionnel.

Par conséquent, pour éviter une quelconque politisation des membres de la juridiction constitutionnelle, leur cooptation au sein même et seulement du Conseil supérieur de la magistrature est une garantie renforçant l'indépendance organique du juge constitutionnel. Grosso modo, d'abord par son mandat plus ou moins long par rapport à celui des autorités politiques, ensuite par sa cooptation au sein du Conseil supérieur de la magistrature- un organe purement judiciaire-

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et enfin par son détachement de la sphère politique, le juge constitutionnel retrouve alors les mécanismes garantissant effectivement son indépendance sur le plan organique.

B. Indépendance à l'égard des institutions étatiques

Si la séparation des pouvoirs est garantie constitutionnellement au Congo-Kinshasa, la pratique donne l'impression d'un Congo monarchique. Quand bien même la Constitution le rattache au seul Pouvoir exécutif, le Président de la République, fort de son titre constitutionnel de « Chef de l'État », peut être considéré aussi bien par lui-même que par les membres des Pouvoirs législatif et judiciaire comme étant au-dessus des trois pouvoirs traditionnels. Pour éviter ce risque, il faudrait que les cours et tribunaux fassent respecter le principe de la séparation des pouvoirs, en analysant à la loupe les actes juridiques posés par l'Exécutif pour annuler ceux qui le violent.

L'indépendance du juge constitutionnel exige donc, en plus d'un salaire décent, qu'aucun autre pouvoir ne se mêle ni dans la désignation des magistrats, ni dans leur transfert, ni dans leur promotion, ni dans les mesures disciplinaires à leur encontre, ni dans leur révocation.

Le Professeur Vunduawe plaide pour une indépendance effective de la Justice à l'égard du Pouvoir exécutif. Pour cela, il estime qu'il faudrait que le Gouvernement qui a le monopole de la puissance publique s'interdise de refuser d'appliquer les décisions judiciaires ou de faire obstruction à leur exécution et d'interférer dans les nominations et promotions des magistrats en gênant le fonctionnement normal du Conseil supérieur de la magistrature ; que l'Administration verse régulièrement et à temps les rémunérations des magistrats. Le Président de la République est, pour sa part, invité à user de ses prérogatives constitutionnelles (art. 69) à bon escient : « Il doit protéger de bons magistrats en les encourageant par des avantages tant matériels que moraux (...) il doit faire sanctionner négativement les mauvais en les mettant à la disposition du CSM qui est leur juridiction disciplinaire. C'est ainsi que le corps de la magistrature sera débarrassé des éléments incompétents, corrompus et indésirables. En définitive, le Président de la République doit veiller à ce que non seulement des rémunérations dignes de leurs fonctions soient données aux

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magistrats, mais aussi et surtout que des conditions décentes et permissives de travail de qualité soient assurées»62.

Les différentes solutions que Vunduawe propose pour l'effectivité de l'indépendance du Pouvoir judiciaire à l'égard de l'Exécutif au Congo semblent peu efficaces du point de vue juridique, surtout quand il s'agit de la cour constitutionnelle. En effet, il s'en remet à la bonne volonté du Gouvernement et de l'Administration, comme s'il s'agissait d'un présent à décerner aux magistrats. Pourtant, il s'agit des droits appartenant à ces derniers et des devoirs incombant aux premiers. Il est donc regrettable de constater que le Professeur Vunduawe ne fait pas allusion à la possible sanction juridictionnelle de l'immixtion du Pouvoir exécutif dans le domaine d'exercice du Pouvoir judiciaire.

Contrairement à l'opinion de Vunduawe, la conquête de l'indépendance effective du juge constitutionnel peut être l'oeuvre du Conseil supérieur de la magistrature et des praticiens du droit. Le Conseil supérieur de la magistrature a un grand rôle à jouer dans la lutte pour l'indépendance du Pouvoir judiciaire en général et de la Cour constitutionnelle en particulier. C'est lui qui doit en être le garant, en exerçant ses compétences constitutionnelles, en encourageant les magistrats à n'obéir qu'à la loi et en les défendant, le cas échéant, contre les mesures de rétorsion que pourrait adopter le Pouvoir exécutif qui a le commandement de l'armée et de la police, toujours prêtes à torturer au lieu de défendre le territoire congolais et protéger les biens.

En France, par exemple, le Conseil supérieur de la magistrature a permis une avancée en matière d'indépendance de la Justice, puisque, outre ses deux prérogatives essentielles nominations et discipline, il est chargé d'assister le Président de la République dans son rôle de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire63. Pour ce faire, il effectue des missions d'information

62F. VUNDWAWE te PEMAKO, Traité de droit administratif, Larcier, Bruxelles 2007, p. 119.

63Art. 64 de la Constitution du 4 octobre 1958. À noter qu'avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le nouveau Conseil supérieur n'est plus présidé par le Président de la République. Le nouvel article 65 de la Constitution consacre l'existence de trois formations du Conseil supérieur de la magistrature : la formation compétente pour les magistrats du siège est présidée par le premier Président de la Cour de cassation ; la formation compétente pour les magistrats du Parquet est présidée par le Procureur général près la Cour de cassation et la formation plénière est présidée par le premier Président de la Cour de cassation. Cette dernière

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auprès de la Cour de cassation, des cours d'appel, des tribunaux et de l'École nationale de la magistrature. Dans le cadre de cette mission, il a ainsi adressé à plusieurs reprises des avis, rendus publics, au Président de la République.

Aussi, l'Administration peut être interpellée pour versement irrégulier et tardif du salaire des magistrats. En statuant, la cour devra faire preuve effectivement d'une indépendance tant recherchée. En tout état de cause, la solution pragmatique du juriste congolais ne paraît pas apte à contribuer durablement et efficacement à l'indépendance de la juge constitutionnel. Au contraire. Il faut plutôt allouer effectivement un salaire décent et correct aux magistrats et leur assurer une immunité vis-à-vis des agents de l'ordre, comme le suggère par ailleurs et à juste titre le Professeur Vunduawe. Que le juge constitutionnel lui-même aussi sache utiliser le droit pour assurer leur indépendance et garantir ainsi leur impartialité.

Les membres des juridictions constitutionnelles bénéficient fréquemment d'une immunité. Il est aussi envisageable que leur soit accordé un privilège de juridiction. Une immunité est, au sens strict, une « cause d'impunité qui, tenant à la situation particulière de l'auteur de l'infraction au moment où il commet celle-ci, s'oppose définitivement à toute poursuite, alors que la situation créant ce privilège a pris fin ».64 Dans un sens plus large, c'est « un privilège faisant échapper une personne, en raison d'une qualité qui lui est propre, à un devoir ou une sujétion pesant sur les autres ».65 Ce mot désigne parfois des « prérogatives reconnues à une personne [...] l'exemptant à certains égard de l'application du droit commun ».66 Cette immunité peut ne concerner que certains domaines de l'activité de la personne en bénéficiant, ou bien s'étendre à l'ensemble des actes dont cette personne est susceptible de répondre pénalement ou civilement.

formation est compétente pour donner des avis au Président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire selon l'article 64 (Sur cette révision, cf. P. PACTET / F. MÉLIN-SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel, 27è édition, Sirey, Paris 2008, p. 523-524). Il faut relever que le fait d'attribuer au Président de la République le titre de garant de l'indépendance du Pouvoir judiciaire n'est pas conforme à la séparation des pouvoirs et porte paradoxalement atteinte à l'indépendance de ce pouvoir.

64Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 6ème éd., 1996, p. 417.

65Ibidem, p.417

66Ibidem, p.417

67Article 92 de la loi organique no 13/026 du 15 Octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery