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Le droit international humanitaire et les défis des conflits internes en RDC. Cas du conflit Kamuina Nsapu.


par Kabienakuluila Tshibuabua
Université Notre-Dame du Kasayi - Licence en droit 2019
  

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conflits du Kasaï

Précisons avant toute chose que le Kasaï, dans l'entendement de cette présente étude fait allusion à l'espace dit du «grand Kasaï», cette zone touchée par les conflits Kamuina Nsapu, comprenant les provinces du Kasaï central, du Kasaï et du Kasaï oriental.

Le phénomène des conflits internes en RDC n'est pas nouveau. «C'est depuis août 1998 que ce phénomène a commencé à prendre de l'ampleur en RDC. En effet, enlisée dans un cycle de violence et de guerres civiles aux conséquences politiques, socio-économiques incalculables, le Congo a été victime de l'appétit des seigneurs de guerres qui ont fait du conflit congolais le conflit le plus meurtrier depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.»90

Entendu que le conflit est un moment de prédilection pour les ennemis de la loi, «les parties au conflit ont profité de cet état d'impunité pour commettre toutes formes d'exactions, de violations aux droits humains fondamentaux et au DIH sans faire l'objet d'aucune enquête, d'aucune réparation sur le plan juridique et d'aucune compensation pour les victimes. L'impunité dont jouissent les auteurs de violations des droits de l'homme et

90 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.100.

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notamment les officiers supérieurs de l'armée gouvernementale et les commandants des diverses forces rebelles est un obstacle majeur à une paix durable en RDC.

Cette culture de l'impunité, a alimenté encore davantage des cycles de violence et a fait du Congo une jungle ; un « Etat de guerre de tous contre tous et où seule la raison du plus fort est la meilleure91

En effet, les situations de conflits internes sont fondamentalement distinctes de celles des CAI. Mais il est à noter que ces conflits perdurent dans le temps et sont plus atroces que les CAI.

Il ne fait aucun doute que dès l'ouverture des hostilités, les règles du DIH sont d'application automatique qu'ils s'agissent des CAI ou des CANI, ceci dans l'optique de réglementer le conflit et assurer, tant soit peu, une meilleure protection de la personne humaine contre les passions qu'entraine la guerre.

Ainsi, il s'agira ici pour nous de confronter les règles du DIH relatives aux conflits internes à la réalité des conflits Kamuina Nsapu, démontrer que la mise en oeuvre de ces règles par le truchement du mécanisme de protection humaine et la répression des infractions commises n'a pas été pourtant aisée.

Les événements engendrés par les conflits armés depuis août 2016 sont les prototypes des crises qui menacent la RDC depuis 1997, surtout dans sa partie est. La particularité de ce conflit est d'être de haute intensité et de s'écouler sur une période de temps plus ou moins longue. Il s'est alors posé le problème d'application des règles du DIH relatives à la protection des personnes, des biens, d'assistance humanitaire et du traitement humain des personnes victimes des effets de ces conflits.

Certes, pendant plus de deux ans, la personne humaine dans les conflits Kamuina Nsapu a été, et est même jusqu'à ces jours affectée de manière préoccupante, comme c'est aussi le cas partout dans les CANT en RDC.

Ainsi, en vue d'assurer la protection des droits de la personne humaine et sa dignité contre les atrocités qu'entraînent les CANI en général et le conflit Kamuina Nsapu en particulier, le DIH a prévu, à l'article 3 commun aux quatre conventions de 1949, alinéa 2, le principe d'assistance humanitaire. Ce principe permet d'aider et d'assister toutes les personnes

91 Idem, p.101.

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humaines, sans discrimination aucune, dans des situations d'urgence par des organismes humanitaires à l'instar du CICR.

Voilà pourquoi, pour ce qui est du conflit sous examen qui a occasionné plusieurs actes de barbaries, l'action des organismes humanitaires est importante. En fait, le conflit qui commence en 2016 a fait imposition d'une nécessité humanitaire urgente des organismes internationaux. Ainsi, assiste-t-on, à la présence de plusieurs organismes de ce genre sur terrain. Il s'agit à titre d'exemple des institutions de l'Organisation des Nations-Unies telles que le PAM, l'UNHCR, l'OCHA, l'UNICEF, etc.

Signalons, par ailleurs, que malgré cette assistance humanitaire octroyée, elle ne l'est pas de manière complète ; ceci à cause de l'insécurité dans la région.

Vu cette situation, on déplore sérieusement les conditions de vie dans lesquelles vivent les victimes de ces conflits. La dignité de la personne humaine étant précieuse et sacrée, elle n'a pas de limite, chaque personne l'a malgré son état ou sa situation ; elle mérite pour ce faire une protection en tout temps et en tout lieu sans discrimination aucune.

En réalité, l'abandon de ces victimes sans assistance humanitaire représente une menace à la vie humaine et une atteinte à la dignité de l'homme. C'est d'ailleurs une violation des droits fondamentaux de la personne humaine. Le respect du DIH doit être de mise.

Mais, il existe aussi un seuil d'insécurité où il est impossible de se hasarder à effectuer une mission d'assistance humanitaire. L'Etat devrait donc assurer la protection du personnel humanitaire dans l'exercice de leur mission, car en tant qu'êtres humains, ils doivent s'assurer de leur protection avant de protéger les autres.

Il faut donc, en tout temps, associer les forces de l'ordre ou les forces multinationales de l'ONU dans des missions humanitaires. L'on ne cessera de regretter l'assassinat des deux experts de l'ONU dans le territoire de Dibaya au Kasaï central.

Rassurons, toutefois, qu'en parlant de l'assistance humanitaire dans le conflit Kamuina Nsapu, on assiste à une assistance humanitaire restreinte de la personne humaine. Beaucoup d'efforts devront donc être fournis pour une assistance complète. Nous faisons donc appel à l'ONU en vue de mobiliser ses forces de maintien de la paix pour assurer et

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protéger l'acheminement de l'assistance humanitaire dans les zones d'insécurité afin de secourir les personnes en situation de détresse.

Toutefois, la souffrance humaine n'a pas de couleur ou de race. L'action de l'ONU est très nécessaire.

Faire remarquer une restreinte assistance humanitaire dans les crises du Kasaï montre à plusieurs égards que l'application du DIH a été timide ou difficile dans ces conflits.

Dans ces conflits, s'est posé plusieurs fois le problème du traitement humain, qui du reste n'a été qu'illusoire. En effet, «dans le but de protéger la personne humaine face aux conséquences des conflits armés, le DIH, impose non seulement aux parties aux conflits, mais aussi à la population civile une obligation relevant du bon sens ; un principe fondamental d'humanité. L'homme étant en tout temps et en tout lieu le même, doit être traité avec humanité en toutes circonstances.»92

En période de conflit armé et plus spécifiquement ceux du Kasaï, l'on devrait donc épargner, en tout état de cause, l'homme des actes et comportements inhumains et dégradants, du meurtre, torture, supplices et des prises d'otage, les pillages ; en somme, autant d'actes qui choquent la conscience humaine. Autrement dit, les belligérants doivent traiter avec humanité, en toutes circonstances, les personnes qui ne participent pas aux hostilités, plus encore celles qui se sont rendues, et celles blessés, malades ou naufragés. Même si nous savons que dans le cas du conflit Kamuina Nsapu la réalité n'est pas celle-là, l'armée déclare ne s'intéresser qu'aux miliciens alors que plusieurs jeunes non impliqués dans les conflits ont perdu gratuitement la vie, plusieurs maisons ont été pillées et même certaines personnes forcées à se déplacer.

Encore appelées forces loyalistes, il incombe en premier chef à celles-ci de respecter et faire respecter la personne humaine et ses droits en toutes circonstances, de traiter humainement celle-ci sans aucune discrimination.

Ainsi, est-il à noter que ces forces gouvernementales ont jeté par-dessus bord l'obligation qui leur incombait : le traitement humain de la personne humaine en tout temps et en tout lieu.

92 OLINGA D., Intervention humanitaire et souveraineté des Etats : Les enjeux d'un débat ; in Revue Africaine de Défense n°001, p.86.

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Aussi, parlant des conflits Kamuina Nsapu, et dans le souci d'avoir une idée claire du respect de ce principe de traitement humain, il serait utile pour nous de démontrer ce respect par les forces gouvernementales d'une part et par les miliciens d'autre part.

§1. Par les miliciens

De par leur multiplicité et leurs intérêts poursuivis, les miliciens, en majorité des enfants et des jeunes analphabètes n'ont pas une culture du DIH.

C'est ainsi qu'au cours de ce conflit, il y'a eu plusieurs morts, des biens pillés, des maisons incendiées, ... en matière de respect du principe de traitement humain par exemple, celles-ci ont été souvent les premières à remettre en cause ces règles du DIH, inconsciemment. Même si, au début du conflit, ils ne semblaient que poursuivre leur seul objectif de déstabilisation du pouvoir politique.

En effet, dans les conflits Kamuina Nsapu, les miliciens ont fait recours, très fréquemment et parfois de façon systématique aux viols, tortures, mutilations des populations civiles, incendies des maisons, etc. Ces miliciens ont outre, commis, sur une vaste échelle, des meurtres délibérés de civils non armés, ils ont effectué des meurtres sommaires des militaires captifs, des arrestations arbitraires et autres attaques directes ; tout ceci en violation de l'article 3 commun aux quatre conventions de 1949.

En plus, les miliciens ont dans la plupart des cas, d'une part infligés des traitements horribles à certaines femmes sous prétexte d'avoir apporté du soutien aux militaires ou d'être de leurs ; et d'autre part, ils ont enlevé certaines femmes et filles, et les ont forcés à fournir des faveurs sexuelles et travaux domestiques. Le conflit avait donc perdu ses horizons initiaux.

Aussi assiste-t-on à des actes de représailles contre les civils, de la part de ces miliciens, se traduisant par la destruction, des infrastructures de santé, des écoles, églises et maisons sans oublier les stocks de réserves.

De tels actes effroyables, commis en violation du DIH en période de conflit armé, sont restés par ailleurs impunis.

Le problème de l'impunité ou de la répression des infractions traduit toute la pathologie du DIH en RDC, et s'insurge à certains égards contre l'efficacité du DIH car, la beauté du droit réside dans la sanction, dit-on.

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Après les atrocités survenues entre l'armée et la milice, nous avons essayé de contacter certains témoins, certaines victimes de la scène malheureuse qui, jusqu'à ces jours a laissé des horreurs et plusieurs dégâts, dus à un conflit coutumier qui a paru simple au départ.

Visiblement, le non-respect du DIH aux Kasaïs (l'espace grand Kasaï) est très préoccupant. Pour parler de ces violations, nous nous sommes plus servi de la méthode d'interview et des constats sur terrain, en recourant aussi avec intérêt à plusieurs rapports des certains organisations non-gouvernementales (ONG) et internationales afin d'asseoir nos affirmations, qui du reste restent réfragables pour qui le pourrait.

Un de nos témoins interrogé à propos des violations se confie à nous décrivant qu'il y a eu des violations graves commises pas toutes les parties impliquées dans ledit conflit. Ce qui laisse transparaitre en filigrane la méconnaissance ou carrément l'ignorance par les troupes impliquées dans les conflits du Kasaï du DIH.

En effet, il raconte à propos des miliciens : « Ils ont provoqué un grand désordre. Ils ont commencé à tuer des gens, ils les décapitaient avant de brûler les têtes dans leur Tshota [leur camp, qui est aussi un lieu de culte]. Ils ciblaient la population tout entière, n'importe qui pouvait être tué. Ils sont arrivés avec un discours qui disait : Nous sommes ici pour protéger la population, restez calmes. Mais leurs actes ont montré tout le contraire.»

Certes, les miliciens, au début de ces atrocités, donnaient l'impression d'avoir pour cibles les militaires et les policiers, mais au fur et à mesure que la situation s'empirait, ils sont allés jusqu'à viser tout le monde, plusieurs personnes ont succombé sur base d'un simple soupçon.

Cette triste réalité a vu périr les militaires s'étant rendus, les membres des familles des militaires connus, les civils, les enfants de tout genre à partir de 8 ans qui refusaient d'adhérer au mouvement insurrectionnel ; plusieurs autres personnes ont déclaré que les miliciens décapitaient des voleurs et des gens accusés de posséder des fétiches, connus pour être la cible de la milice.

Du côté de la province du Kasaï par exemple, plusieurs témoins déplacés et venus chercher asile à Kananga ont rapporté avoir entendu les membres de la milice chanter « La terre est à nous» ou encore « Nous avons riposté contre les Tchokwe qui ont pris les armes pour tuer les Luba », ce que nous avons pu interpréter comme une menace contre les autres groupes ethniques.

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Cependant les avis différaient sur la question de savoir si la milice ciblait aussi les civils. Si beaucoup pensaient qu'ils ne ciblaient que les fonctionnaires, d'autres ont fait savoir par exemple que les miliciens ne tuaient pas que les agents de l'État (fonctionnaires, agents, militaires, policiers, etc.) ils tuaient aussi des civils. Un jeune homme, avec amertume a dit : « Ils ont décapité mon oncle en ma présence.»

Certains autres témoins ont déclaré même que des habitants Luba de Kamako avaient demandé à la milice de venir dans la localité et l'avaient assistée en leur indiquant qui appartenait aux autres groupes ethniques, et d'après un jeune homme, c'est ce qui explique pourquoi les miliciens ciblaient certains civils. Les Kamuina Nsapu ciblaient les représentants de l'État et les militaires.

Signalons tout de même que les miliciens ont rendu l'espace kasaïen incontrôlable par l'armée régulière, ils y ont fait la loi ; de plus, certaines personnes en ont profité pour se régler les comptes, car il suffisait juste d'une simple indexation pour se voir décapité ou brûlé vif sans raison valable.

§2. Par les FARDC

Après des multiples tentatives de restauration de l'autorité de l'Etat dans cette zone, l'armée est finalement parvenue à battre la milice en avril 2017. C'est là que des violations graves des règles du DIH et des droits de l'homme93 ont commencé de se commettre par l'armée. Plusieurs rapports ont fait état de l'utilisation d'armes lourdes et d'exécutions aveugles d'adultes et d'enfants.

Ces violations ont inclus des attaques systématiques et non sélectives contre des civils, des exécutions sommaires des civils et d'autres non combattants, des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions, des viols, des destructions d'objets indispensables à la survie de la population civile et des pillages.

En effet, les FARDC, dans la grande majorité des situations, remis en cause le principe de traitement humain en perpétrant des actes effroyables à l'encontre de la personne humaine des exécutions des civils portant parfois la couleur rouge , des violences sexuelles, etc.

Elles ont commis des atteintes systématiques aux droits de la personne humaine notamment le viol des femmes, les pillages et destruction des petits stocks de vivre, abandon des combattants malades ou blessés ; autant

93 HCDH, août 2017, p.15.

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d'actes qui n'ont jamais fait progresser le DIH en matière de protection de la personne humaine.

Le principe du traitement humain n'a pas été respecté véritablement par les forces gouvernementales ; reléguant ipso facto la protection de la personne humaine à l'arrière-plan ; ceci au profit des intérêts politiques car celles-ci ont été déterminées à ne pas céder à la pression grandissante des forces miliciennes.

Au moment de ces attaques, pas de travail, pas de nourriture, les populations en pleine fuite vers les zones les moins touchées. Selon IRRI, un aide-maçon qui avait quitté la province du Kasaï, interrogé, a expliqué pourquoi il a fui : Ce qui m'a convaincu de partir, c'est que les militaires ont dit : « Nous tuerons les Luba, un après l'autre. Nous commencerons par cette province, nous vous tuerons tous. » Ce discours m'a vraiment inquiété. [...] Ils pouvaient accuser à tort n'importe quel Luba resté à Kamako et le tuer.

Il faut aussi signaler que les militaires qui utilisaient les armes lourdes contre les miliciens, les utilisaient aussi contre les citoyens paisibles qui, selon eux, étaient complices de la milice; la particularité était portée sur les jeunes.

D'ailleurs, dans certaines localités et communes de la ville de Kananga, la commune de Nganza, la localité Cilumba par exemple, les militaires, toujours selon le même rapport, sont entrés pour un recrutement forcé des jeunes, filles et garçons, qu'ils ont utilisés à leur merci. Mais ils les ont tués, tout comme plusieurs autres qui avaient porté la couleur rouge étaient visés et tués. Ce qui a, par ailleurs, expliqué le dénombrement de plusieurs fosses communes, environ 80 selon le rapport du bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l'homme et de l'ONG Humans rights watch.94

Par ailleurs, hormis les tueries, les militaires ont commis des actes de violence sexuelle contre les femmes et les enfants. Plusieurs témoins interrogés à propos par IRRI ont décrit et affirmé cette triste réalité.95

Dans un entretien leur accordé par cette organisation internationale (IRRI), un d'eux rapporte : « Les militaires sont venus pour nous protéger. Mais à peine arrivés, ils ont changé de mission et se sont mis à violer des femmes. Je l'ai vu de mes propres yeux. Les militaires ont frappé à la porte de mon ami. Ils sont entrés et l'ont menotté. Puis ils ont violé son épouse. Il ne pouvait rien faire. J'ai assisté à la scène. Ils étaient douze. Après l'avoir violée, ils lui ont inséré un bout de

94 www.radiokapi.net-onflits?du-kasaï?, consulté le 16 avril 2019, à 19h03. 95UNICEF, Children, Victims of the Crisis in Kasai, July 2017.

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bois. Heureusement, elle a survécu. Ces militaires, ils étaient fous furieux parce que la milice leur avait tenu tête. Ils ont pillé et commis beaucoup de violences. »

A Sumbula, une cité de la province du Kasaï par exemple, selon les Nations unies96 dans leur rapport sur les violations des droits de l'homme au Kasaï : « les miliciens, arrivés dans la localité bien armés et en grand nombre, ont égorgé cinq agents de police ainsi que le chef de la Direction Générale de Migration (DGM). La situation a dégénéré lorsque l'armée congolaise, qui au départ avait reculé devant la milice, a attaqué Sumbula. Plusieurs témoignages ont confirmé qu'elle avait utilisé des armes lourdes et tiré sans discernement.

Selon toujours cette source, un père de deux enfants a déclaré : « Les Kamuina Nsapu ne ciblaient que les agents de l'État et ne détruisaient rien. Mais les soldats des FARDC, quand ils sont entrés dans le village, ils tiraient sur tout le monde. Ils ont détruit des biens et tué beaucoup de gens. Ils ont tué un prêtre car ils l'accusaient d'être membre de Kamuina Nsapu. C'était une boucherie. [. .] Ils ciblaient des civils parce qu'ils avaient besoin d'argent. Ils ont même tiré sur des gens qui enterraient des cadavres. » De même, une jeune femme a décrit comment elle s'est enfuie après que les militaires aient tué son voisin : « il avait donné sa moto à la milice - et violé une femme qu'elle connaissait sous la menace d'une arme. » Une autre a déclaré que ses deux frères avaient été tués par l'armée : « Ils ont tué mes frères, qui avaient 16 et 18 ans. Ils les ont tués devant moi, je l'ai vu. Ils les ont trouvés dans une hutte et les ont abattus. Même quand ils ont tué mes frères, je n'ai pas eu le droit de pleurer. Ils ont brûlé les corps à l'aide d'un pneu. [. .] La raison de leur comportement, c'est que la population avait bien accueilli les Kamuina Nsapu. » Donc, à bien comprendre, il s'agissait des représailles, les militaires manifestaient leur colère contre la population. Ils tuaient des gens chaque jour.

Cette situation, nous pouvons aussi le relever, fut une occasion pour que des ethnies s'affrontent, c'est ainsi que, d'après une jeune mère, l'opération militaire a aussi été l'occasion, pour certaines milices d'autres groupes ethniques, de représailles contre la population Luba en réponse aux agissements des Kamuina Nsapu : Les Tchokwe ont déclaré aux militaires que certains d'entre eux avaient été tués par les Kamuina Nsapu. Par conséquent, les militaires se sont mis à massacrer les Luba. J'ai vu les Tchokwe tuer des gens, mais nous ne pouvions pas rester, nous avons dû prendre la fuite. Ils avaient des fusils de chasse et des pistolets, tandis que l'armée utilisait des armes lourdes.

Une femme a déclaré à IRRI que tout le monde avait quitté la localité suite à l'assaut de l'armée : « Personne n'est restée là-bas, il fallait que

96 Jeune Afrique, RDC : l'ONU évoque 38 nouvelles fosses communes dans le Kasaï, 16 juillet 2017.

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tout le monde parte. Il y a toujours des problèmes là-bas. Certains y sont retournés pour chercher des proches, mais ils sont repartis à nouveau. »

Ce tableau sombre des violations des droits de l'homme et du DIH n'est pas exhaustif. Pour ce qui nous concerne, nous pouvons nous limiter à ces quelques descriptions des violations car nous ne saurions répertorier tous les actes de violations.

Bref, il convient de retenir que cette situation des conflits a provoqué plusieurs déplacements, plusieurs réfugiés vers l'Angola, plusieurs tueries, plusieurs situations de violences sexuelles, etc. En somme, plusieurs civils ont été des cibles dans ces conflits, parfois avec disproportionnalité d'armes contre les miliciens, les attaques contre les personnes qui avaient abandonné les atrocités, ... et tout ceci a constitué des violations du DIH.

Dans ces violations, aucune des parties engagées ne peut rejeter la responsabilité sur une autre car, aux termes de l'article 13 de la première Convention de Genève, toutes les parties en présence sont tenues au respect du DIH, et selon la lettre : « La présente Convention s'appliquera aux blessés et malades appartenant aux catégories suivantes :

1) les membres des forces armées d'une Partie au conflit, de même que les membres des milices et des corps de volontaires faisant partie de ces forces armées ;

2) les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés, remplissent les conditions suivantes :

a) d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ;

b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à

distance ;

c) de porter ouvertement les armes ;

d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre.

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3) les membres des forces armées régulières qui se réclament d'un Gouvernement ou d'une autorité non reconnus par la Puissance détentrice ;

4) les personnes qui suivent les forces armées sans en faire directement partie, telles que les membres civils d'équipages d'avions militaires, correspondants de guerre, fournisseurs, membres d'unités de travail ou de services chargés du bien être des militaires, à condition qu'elles en aient reçu l'autorisation des forces armées qu'elles accompagnent ;

5) les membres des équipages, y compris les commandants, pilotes et apprentis, de la marine marchande et les équipages de l'aviation civile des Parties au conflit qui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu d'autres dispositions du droit international ;

6) la population d'un territoire non occupé qui, à l'approche de l'ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d'invasion sans avoir eu le temps de se constituer en forces armées régulières, si elle porte ouvertement les armes et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. »

En vue de punir ces actes de violences, il sera donc juste de recourir aux textes en la matière, car il n'y a pas eu de protections envers les catégories des personnes protégées en DIH.

Toutefois, l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève dispose qu'« en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes :

1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue. A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées ci-dessus :

a) les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;

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b) les prises d'otages ;

c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

d) les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.

2) Les blessés, les malades et les naufragés seront recueillis et soignés. Un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux Parties au conflit. Les Parties au conflit s'efforceront, d'autre part, de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention. L'application des dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des Parties au conflit. »

Voilà pourquoi, hormis le fait que les auteurs et les commanditaires de ces violations doivent être punis, il faut toujours envisager quelques solutions en termes de suggestions pour le futur, en vue d'éviter ce genre de situation.97

En effet, Tous ces manquements ont conduit à des possibles crimes contre l'humanité dans la région du Kasaï. Il est indispensable que les responsabilités de ces crimes internationaux soient établies afin de prévenir que des tels crimes ne soient commis à nouveau, aussi bien dans ces localités que partout ailleurs dans la région ; de dissuader les acteurs politiques et militaires de ne plus provoquer des conflits similaires dans d'autres parties du pays et de permettre aux citoyens, surtout ceux qui envisagent de retourner chez eux, de retrouver un niveau de confiance minimal aux institutions de leur pays. A ce jour, malheureusement, ce point n'a connu presqu'aucune avancée.

Section 2. Suggestions en vue de la mise oeuvre du DIH au Kasaï Comme nous l'avons dit tantôt, les solutions en amont sont d'une grande importance dans la prévention d'un conflit, tels les conflits de Kamuina Nsapu.

En effet, « cette situation aurait pu être évitée si les autorités avaient mieux géré leur litige avec un chef coutumier. Si elles avaient opté pour le dialogue plutôt que pour une action militaire disproportionnée, la mobilisation de ses partisans, devenue la milice Kamuina Nsapu, n'aurait pas

97 IRRI, idem, p.30.

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eu l'effet dévastateur que l'on sait. Si l'armée congolaise avait choisi des opérations ciblées au lieu d'user d'une force brutale et sans discernement, aussi bien contre la milice mal armée que contre les civils, de nombreux morts auraient été évités ; si les fonctionnaires locaux et provinciaux avaient protégé leurs citoyens au lieu d'ignorer les assauts de la milice Bana Mura sous prétexte qu'il s'agissait d'un conflit local et tribal, et pire encore, s'ils n'avaient pas soutenu activement la milice, aucun des crimes supposés contre l'humanité n'aurait pu être commis. Si la MONUSCO avait pu maintenir sa présence dans la région, elle aurait sans doute été capable de réagir plus vite et plus efficacement, afin de mettre en oeuvre son mandat de protection des civils. »98

Cette situation prouve à suffisance qu'il y a eu des nombreuses violations du DIH, et face à cet état de fait, quelques mesures doivent s'imposer.

Nous avons regroupé ces mesures en deux groupes : les mesures juridiques telles que la ratification des instruments internationaux relatifs au DIH et la mise en place d'une réglementation spéciale(A), et comme le travail de mise en oeuvre ne saurait suffire seulement à une mesure juridique, nous avons aussi pensé à une action politique tendant à vulgariser les instruments du DIH (B).

§1. Mesures juridiques et mise en place d'une réglementation

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo