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Les aires marines protégées en droint international de l'environnementpar Fridrich Terrence Moussavou Université de Limoges - Master 2 2023 |
Section 1 : Insuffisances dans la mise en oeuvre des conventions existantesLe droit international de l'environnement (DIE) fait l'objet des critiques très acerbes bien qu'il « constitue un corpus étoffé repose sur des principes spécifiques adaptés aux enjeux environnementaux globaux et qui sont particulièrement novateurs277(*) ». Les aires marines protégées ne bénéficient pas d'une véritable attention juridique sur le plan international, certainement du fait de sa `'jeunesse''. Des conventions internationales dédiées à la protection del'environnement ou à la biodiversité ne donnent pas trop de place aux aires marines protégées alors qu'elles sont confrontées à des défis majeurs. Pour bien cerner les enjeux des aires marines protégées sur le plan international, il est important de procéder à l'identification des insuffisances dans la mise en oeuvre du droit de l'environnement (paragraphe 1) et l'analyse des acteurs contributifs aux insuffisances dans la mise en oeuvre du droit international de l'environnement (paragraphe 2). Paragraphe I : Identification des insuffisances dans la mise en oeuvrePlusieurs facteurs sont à l'origine des insuffisances constatées dans la mise en oeuvre des instruments juridiques internationaux concernantles aires marines protégées, autrement, l'effectivité des conventions internationales par rapport aux aires marines protégées est une véritable problématique. En étudiant le DIE, une question émerge dans l'esprit des juristes ; quelles défaillances du DIE sont régulièrement relevées278(*) ? Le faible niveau d'harmonisation et de transposition des instruments juridiques internationaux concernant les AMP dans les législations nationales (A) et le déficit des ressources financières, techniques et humaines (B), sont autant des défaillancesobservées dans la mise en oeuvre droit international de l'environnement. A- Faible niveau d'harmonisation et de transposition dans les législations nationalesLe droit international de l'environnement-marin se développe depuis des années par des règles régionales spécifiques ou internationales279(*).Ces règles doivent être mise en application pour que le droit international de l'environnement soit respecté. Compte tenu de son évolution, on observe avec clarté une « fragmentation normative et institutionnelle du droit international de l'environnement et l'approche sectorielle de la règlementation environnementale 280(*)». Cette fragmentation peut être considérée comme une faiblesse dans la mise en oeuvre du droit international de l'environnement. Laplupart des États inscrivent souvent dans leurs constitutions la sauvegarde de l'environnement, principe de droit international, comme un droit fondamental des citoyens et constitue à cet effet une exigence pour ces États281(*).Mais l'effectivité de ce droit reste une problématique majeure à la résolution des problèmes environnementaux. L'intégration des instruments internationaux en lien avec l'environnement, valablement ratifiés par les États dans leurs ordres juridictionnels se pose comme une véritable épine. Le problème d'harmonisation de transposition des normes juridiques internationales dans les législations nationales« met en exergue la nécessité de mettre en oeuvre une reforme juridique etinstitutionnelle282(*)». Pour cela, les États sont appelés à coopérer afin d'harmoniser leurs politiques au niveau283(*) international.« Une harmonisation (...) (des conventions internationales) pourrait (...) prévenir toute régression et tension entre les obligations 284(*)» internationales. « Le droit international de l'environnement est caractérisé par sa fragmentation, ainsi que par un manque général de cohérence et de synergie entre ses multiples cadres réglementaires sectoriels. Cette fragmentation est inévitable compte tenu de la nature parcellaire, progressive et évolutive du droit international de l'environnement285(*) ».Dans ce contexte par exemple, « l'organe de l'OMC a été sollicité (...) pour régler des différends portant sur des mesures commerciales liées à l'environnement, des lacunes ont été clairement relevées par sa réticence à appliquer des principes environnementaux pour justifier des mesures incompatibles avec les obligations commerciales ». Les questions des aires marines protégées ne sont pas assez intégrées dans les législations nationales bien que les instruments juridiques internationaux recommandent aux États de tenir d'en tenir compte dans leurs législations. On dénote une insuffisance dans les mécanismes de suivi, d'évaluation et de sanction auniveau international. Ceci peut être du fait que les conséquences des atteintes au droit de l'environnement ne sont pas vécues de la même manière. « De nombreuses conventions sont signées et ratifiées, entrées en vigueur et pourtant elles ne sont pas toujours suivies d'effet, ne sont pas respectées en l'absence de mécanismes de suivi ou de contrôle ou de sanctions286(*) ». Devant une telle `'paralysie juridique'', « même en présence de mécanismes de suivi et de contrôle et de sanctions lourdes pesant sur les États, certains peinent à respecter leur engagement287(*)». La protection de l'environnement concerne également l'efficacité des outils utilisés pour assurer une protection environnementale durable. L'efficacité des instruments juridiques dépendent non seulement de la mise en oeuvre au niveau national, mais aussi de leur adoption et ratification que de leur efficacité sur le terrain. La déclinaison des accords internationaux au niveau national par des lois est un outil majeur pour apprécier l'impact de ces accords et permet d'atteindre les objectifs de la protection de l'environnement. La manière dont les pays adoptent des lois en lien avec les obligations internationales permet d'apprécier notamment les mécanismes de mise en application efficace des conventions. On peut aussi noter une mauvaise transposition des conventions internationales et une mauvaise application des lois288(*). En fait, les instruments internationaux devraient être dotés de mécanismes de suivi et d'évaluation robustes pour évaluer leur mise en oeuvre et leur impact. Cela peut inclure les rapports réguliers des Etats parties sur le progrès, des examens périodiques par des organes de surveillance internationaux et mécanismes de règlement des différends. Étant donné la nature mondiale des défis environnementaux, une coordination internationale efficace est essentielle. Les instruments internationaux doivent encourager la coopération entre États parties, les organisations internationales, la société civile et le secteur privé pour relever les défis environnementaux de manière efficace, coordonnée et concertée. L'évaluation de l'efficacité des instruments juridiques internationaux doit prendre en compte leur impact réel sur le terrain en termes de protection de l'environnement et de respect des droits de l'homme. Cela peut inclure des mesures telles que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préservation des écosystèmes, la protection des populations vulnérables et la promotion du développement durable. La faiblesse d'harmonisation du DIE dans les législations nationales observée peut être le résultat d'un certain replie des États sur « les souverainetés pour ne pas se voir imposer certaines obligations. L'exemple de la position américaine vis-à-vis du Protocole de Kyoto puis de l'Accord de Paris en matière climatique en est la parfaite illustration289(*) ». La multiplicité de convention constitue également une difficulté énorme d'harmonisation290(*) dans la les législations nationales. Le droit international de l'environnement souffre toujours de manque d'efficacité comme le témoigne le bras de fer qui s'est engagé entre la Pologne et la Commission européenne, sur la destruction de la forêt de Bialowieza291(*).« Alors que les lois relatives à l'environnement et à la protection des ressources (sont prises par les États), la tendance générale à la dégradation de l'environnement n'a pas été enrayée efficacement, ce qui montre que l'application de la législation environnementale a été, en fait, compromise par de lourds manquements en termes d'efficacité. Le droit de l'environnement est de plus en plus complexe et sa clarté de plus en plus rare, posant des problèmes de forme et de fond292(*) ». Les mécanismes internationaux pour surveiller et appliquer le droit international de l'environnement sont faibles ou inexistant. Il y a lieu, pour les États, d'harmoniser leurs législations environnementales, dans lecadre de la mise en oeuvre des conventions sur l'environnement, et mettre en place un mécanisme de suivi, d'évaluation et de sanction. L'évaluation des engagementsdans la mise oeuvre du droit international par les États se fait par la simple transmission des rapports des équipes293(*). Des mécanismes de poursuite forts permettraient de dissuader des États récalcitrants 294(*)et les imposeraient d'adopter des règles requises pour appliquer les conventions internationales. Il est important de faire savoir que dans le cadre de l'application du droit de l'environnement, les États membres disposent des moyens limités295(*). On constate aussi que certains États ne respectent pas les conventions comme le cas du Japon qui a refusé le caractère non contraignant des sanctions qui lui ont été infligées pour non-respect du protocole de Kyoto296(*). Il est à noter que les différences culturelles et la diversité des systèmes juridiques entre les États peuvent compliquer l'harmonisation des normes et des politiques environnementales. De plus, des conflits peuvent survenir entre les législations nationales et les instruments internationaux ou entre différents engagements internationaux. L'absence de règles claires sur la responsabilité, la portée géographique limitée297(*) de certains instruments juridiques et d'autres lacunes dans la mise en oeuvre du droit international de l'environnement constituent également des défis majeurs. Cette multiplicité d'instruments juridiques avec parfois des objectifs différents, rend complexe la mise en oeuvre efficace du droit international. « Ainsi, le Groupe de haut niveau sur la cohérence de l'action du système des Nations Unies dans les domaines du développement, de l'aide humanitaire et de la protection de l'environnement a souligné que du fait de leur fragmentation, les structures institutionnelles n'offrent pas le cadre opérationnel voulu pour s'attaquer aux problèmes qui se posent à l'échelle de la planète298(*) ». Toutefois, on reproche au droit international de l'environnement, « son absence d'homogénéité299(*) », car il est en constance modification à mesure que les problèmesapparaissent. * 277 Séverine NADAUD, Introduction général au droit international de l'environnement, cours 2024 * 278 Séverine NADAUD, Introduction général au droit international de l'environnement, cours 2024 * 279 Bonnin M., Ould Zein A., Queffelec B., Le Tixerant M., Droit de l'environnement marin et côtier en Mauritanie, p 14 * 280NU, « Lacunes du droit international de l'environnement et des textes relatifs à l'environnement : vers un pacte mondial pour l'environnement », Rapport du Secrétaire général de la 73e session p5 * 281 Bonnin M., Ould Zein A., Queffelec B., Le Tixerant M., Droit de l'environnement marin et côtier en Mauritanie, p 15 * 282Merceron, T., Clément, T., Gabrié, C., Staub, F., Ba, T., & Traore, M. S. (Éds.) (2024). « État des aires marines protégées d'Afrique de l'Ouest », 2022. Gland, suisse : UICN, p 177 * 283 Bonnin M., Ould Zein A., Queffelec B., Le Tixerant M., Droit de l'environnement marin et côtier en Mauritanie, p 197 * 284NU, « Lacunes, du droit international de l'environnement et des textes relatifs à l'environnement : vers un pacte mondial pour l'environnement », Rapport du Secrétaire général de la 73e session p 17 * 285Ibid. p 48 * 286 Séverine NADAUD, Introduction général au droit international de l'environnement, cours 2024 * 287Ibid. * 288 Florence Simonetti, « Le droit européen de l'environnement », pouvoirs 2008/4, no 127 * 289 Séverine NADAUD, Introduction général au droit international de l'environnement, cours 2024 * 290Ibid. * 291 Séverine NADAUD, Introduction général au droit international de l'environnement, cours 2024 * 292 Li Zhang, « Le future code de l'environnement chinois. Réflexions sur la systématisation du droit de l'environnement en chine », Revue juridique de l'environnement, 2020/4, éd. JLE Editions * 293 Jean-Marc LAVIELLE et Séverine NADAUD, l'air et les climats, cours 2024 * 294 Florence SIMONETTI, « Le droit européen de l'environnement », Pouvoirs, 2008/4 No 127, Le Seuil * 295Ibid. * 296 Jean-Marc LAVIELLE et Séverine NADAUD, « L'air et Climat », cours 2024 * 297 NU, « Lacunes du droit international de l'environnement et des textes relatifs à l'environnement : vers un pacte mondial pour l'environnement », Rapport du Secrétaire général,73e session 2018, p 20 * 298NU, « Lacunes du droit international de l'environnement et des textes relatifs à l'environnement : vers un pacte mondial pour l'environnement », Rapport du Secrétaire général,73e session 2018, p 38 * 299 Florence SIMONETTI, « Le droit européen de l'environnement », Pouvoirs, 2008/4 No 127, Le Seuil |
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