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Les aires marines protégées en droint international de l'environnementpar Fridrich Terrence Moussavou Université de Limoges - Master 2 2023 |
Paragraphe II : Facteurs contributifs aux insuffisances dans la mise en oeuvre du droitinternational de l'environnementLa question des aires marines protégées demeure un enjeu crucial dansla mise en oeuvre du droit international de l'environnement. Son effectivité est souvent remise en cause en raison de nombreux obstacles. Les pressions politiques et économiques (A) ainsi que le manque de coordination entre les parties prenantes (B), constituent les facteurs déterminants l'ineffectivité de cette branche de droit. A- Pressions politiques et économiquesLes aires protégées sont des zones riches en ressources. Ainsi, les États subissent des pressions quand il s'agit de la mise en oeuvre des instrumentsjuridiques en lien avec les aires marines protégées.La divergence d'intérêts qui se développent dans ces espaces engendre des pressions. Ces pressions viennent souvent non seulement de la part de certains groupes d'intérêt qui travaillent dans le milieu marin mais aussi de tous ceux dont les activités ont une incidence sur l'environnement. Il peut s'agir des entreprises pétroliers, gazières. Ces « pressions économiques et financières, voire politiques exercées sur319(*) » les gouvernements ne facilitent pas la transposition ou l'harmonisation des instruments juridiques internationaux ou des directives communautaires320(*) dans les législations nationales. Ces facteurs limitent de manières considérable le droit international de l'environnement et la considération des AMP au niveau local. Dans ce contexte, on peut observer dans certains pays, une certaine inertie législative ou la non-harmonisation des législations nationales aux conventions en lien avec le droit international de l'environnement. C'est ainsi par exemple, « Qu'il s'agisse des marins-pêcheurs qui ont obtenu que les textes de 1976 sur les filets dérivants ne soient jamais transcrits, à telle enseigne que la France a été la première à être doublement condamnée en 2004, après deux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), à des sanctions financières et à une astreinte ; des agriculteurs qui ont obtenu que les textes sur les nitrates et autres pesticides n'entrent pas en vigueur ; des industriels du déchet qui sont parvenus à ce que lestextes surl'incinération soient transcrits et appliqués avec un retardde dix ans, alors même que l'impact sanitaire est indéniable »321(*). On peut aussi constater que lorsqu'un État adapte sa législation nationale pour se conformer à un traité international ou à une directive communautaire, il le fait souvent de manière minimale. On peut s'interroger sur la position de certains États quant à l'efficacité du droit international de l'environnement. Les États-Unis, par exemple, ont adopté une attitude peu responsable en se retirant du Protocole de Kyoto et de l'Accord de Paris sur le climatique322(*)dès lors que leurs intérêts n'étaient pas garantis. Les groupes d'intérêt économiques ne sont pas les seuls à exercer la « pression pour que ne soient pas appliquées ou mal appliquées les dispositions de droit communautaires (ou international) lorsqu'elles visent à favoriser 323(*)» la gestion des AMP et de la biodiversité marine. Il est clair que des fortes pressions et des conflits d'intérêts sont exercées dans le domaine de l'environnement324(*). Toujours en France, par exemple, la « loi sur les organismes génétiquement modifiés montre, du reste, la manière dont le législateur lui-même organise le conflit d'intérêts, permettant aux lobbies OGM de tenir le comité des biotechnologies, chargé lui-même d'évaluer les demandes d'autorisation325(*) ». Des lobbies des entreprises ne cessent d'exercer de pression sur les gouvernements pour ne pas faire passer des lois qui ne répriment pas leurs activités dommageables à l'environnement. Dans le domaine de l'environnement, les pressions économiques sont légion. Des entreprises commerciales, industriels font pression sur les scientifiques et les politiques de sorte que certaines directives ou conventions ne soient pas mises en oeuvre. Il faut reconnaitre que « la lenteur des prises de décision (...) illustre bien à la fois le poids des groupes de pression économique et les déficiences des pouvoirs publics en matière de santé publique326(*) ».Toujours en France, par exemple, « la « nouvelle » loi sur l'eau, lancée en 1998, était un grand dessein destiné à faire la transparence sur la gestion de l'eau. Une quinzaine d'avant-projets plus tard, et sous l'influence de groupes de pression, elle s'est transformée en un simple texte technique et incompréhensible. Agriculteurs, agences de l'eau et industriels du secteur, bien introduits dans les couloirs ministériels, ont agi avec efficacité. Sous la pression des lobbies et des groupes privés le projet de loi sur l'eau s'est réduit comme peau de chagrin327(*) ». Lorsque les intérêts économiques et financiers des États sont très importants,328(*) le droit international de l'environnement ne peut être efficacement mis en oeuvre, car de ce fait, les objectifs environnementaux internationaux entrent en confliteux.Comme les pressions politiqueet économique, la corruption au niveau national peut constituer une entrave déterminante dans la mise en oeuvre du droit international. Les industries polluantes exercent une forte influence sur les décisions politiques au niveau national afin de bénéficier des exemptions pour certains secteurs. La pression « d'un certain nombre d'entreprises et de lobbies (...) (peuvent) entraver l'application de la loi et permettre le développement d'échappatoires329(*) » dans la mise en oeuvre du droit international de l'environnement. Il faut reconnaitre que le domaine de l'environnement touché par l'évolution technologique, est le plus où les pressions sont plus virulentes « et les conflits les plus patents330(*) ». « Les pressions économiques et financières, voire politiques, exercées sur (les gouvernements) pour (qu'ils) ne (transposent) pas (les conventions internationales où) les directives communautaires sont un des exemples les plus probants de ces pratiques à la limite du droit331(*) » international de l'environnement.La forte pression de la croissance économique constitue un véritable défi pourl'effectivité du droit international de l'environnement. En dehors des pressions politiques et économiques, l'inefficacité et les insuffisances du droit international de l'environnement se manifestent aussi lors du règlement des différends interétatiques, puis que, par faute de juridiction internationale de l'environnement, les différends en la matière sont traités par diverses instances internationales332(*). Dans ce contexte, dans l'affaire Gabèíkovo-Nagymaros, où « la Cour internationale de Justice(CIJ) a eu la difficile tâche de mettre en balance les droits des parties alors même que la probabilité et l'ampleur des dommages infligés à l'environnement demeuraient incertaines, ce qui a fait ressortir l'insuffisance des règles ou principes relatifs aux dommages latents333(*) », révèle bien ces insuffisances. * 319 Corinne Lepage, « Les véritables lacunes du droit de l'environnement », pouvoirs 2008/4 no 127, éd. Le Seuil * 320Ibid. * 321 Corinne Lepage, Les véritables lacunes du droit de l'environnement, pouvoirs 2008/4 no 127, éd. Le Seuil * 322Séverine NADAUD, « Introduction général au droit international de l'environnement », cours 2024 * 323 Corinne Lepage, « Les véritables lacunes du droit de l'environnement »,pouvoirs 2008/4 no 127, éd. Le Seuil * 324Ibid. * 325 Corinne Lepage, « Les véritables lacunes du droit de l'environnement »,pouvoirs 2008/4 no 127, éd. Le Seuil * 326 Jean-Noël Salomon, « Danger Pollution », éd. à la croisée des sciences, 2003 * 327 Jean-Noël Salomon, « Danger Pollution », éd. à la croisée des sciences, 2003 * 328 Jean-Marc LAVIELLE, Séverine NADAUD, « Les acteurs du droit international », Cours 2024 * 329 Corinne Lepage, « Les véritables lacunes du droit de l'environnement », pouvoirs 2008/4 no 127, éd. Le Seuil * 330Ibid. * 331 Corinne Lepage, Les véritables lacunes du droit de l'environnement, pouvoirs 2008/4 no 127, éd. Le Seuil * 332 NU, « Lacune du droit international de l'environnement et des textes relatifs à l'environnement : vers un pacte mondial pour l'environnement », Rapport du Secrétaire général, 73e session 2018, p 42 * 333Ibid. |
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