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L'Obligation Essentielle dans le contrat

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par Alima Sanogo
Université de Bourgogne - Master II Recherche Droit des Marchés,des Affaires et de l'Economie 2005
  

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PARAGRAPHE II : L'EXPLICATION DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE PAR LA THEORIE DE LA CAUSE DU CONTRAT

Grâce aux explications que nous venons de donner, on peut faire la distinction entre la cause du contrat et la cause de l'obligation.

La cause du contrat sert à contrôler la licéité dudit contrat. La cause de l'obligation, quant à elle, sert à vérifier l'existence et la réalité de la cause.

Dans notre tentative d'explication de l'obligation essentielle par la cause, nous nous intéresserons à la seule cause de l'obligation sans doute parce que celle-ci implique une certaine notion de contrepartie. Est ce que cette cause là sert à expliquer parfaitement les applications de l'obligation essentielle?

Pour répondre à cette interrogation, nous allons partir des différentes étapes de l'existence du contrat :

La phase de formation du contrat : si l'existence et la licéité de la cause doivent être vérifiées à la formation du contrat, et si à ce moment précis les prestations se servent mutuellement de causes; on peut, dans ce cas, dire que la cause du contrat correspond à l'obligation essentielle. Mais si on appréhende la cause comme H.Capitant, à savoir l'exécution de son obligation par un contractant; l'obligation essentielle ne correspond pas forcément à la cause. Autrement dit, dans cette hypothèse, la cause du contrat ne serait plus l'obligation essentielle mais l'exécution ou les effets de cette obligation .

Ainsi, pour qu'une obligation ait une cause, il faut que le contractant exécute son obligation principale et que cette exécution corresponde à l'attente de l'autre partie. Cela s'entend bien si l'on sait que « la vie l'obligation une fois qu'elle est née, reste subordonnée à la réalisation de la fin poursuivie, car si cette fin ne se réalise pas, il n'est pas admissible que l'obligation garde sa force obligatoire ... »

La phase de l'exécution et de l'extinction du contrat : ici, c'est le mécanisme de la résolution pour inexécution du contrat qui démontre que la notion de cause peut être prise comme l'expression de la notion d'obligation essentielle. Selon ce mécanisme (comme nous allons le démontrer dans la partie sur le rôle de l'obligation essentielle), l'inexécution d'une obligation par l'une des parties, supprime la cause de l'obligation de l'autre. Certains auteurs précisent que « la résolution est justifiée par la disparition de la cause en cours d'exécution du contrat » et qu'elle ne peut être prononcée que si l'inexécution est suffisamment grave pour que l'obligation de l'autre partie manque de cause.

Sur un plan plus pratique, il faut reconnaître que la cause paraît le fondement le plus sûr pour l'obligation essentielle. En effet, la jurisprudence fait appel généralement à la notion de cause chaque fois que l'exécution d'une obligation essentielle se trouve menacée notamment par la disparition de la cause liée à une inexécution totale ou partielle ou par une clause afférente à la responsabilité contractuelle. Cette logique fut adoptée par la Cour de cassation au sujet de l'arrêt Chronopost et confirmée six ans plus tard dans l'arrêt Securinfor qui est une espèce siamoise de Chronopost . Ces deux décisions méritent notre attention.

Dans l'affaire Chronopost, il était question d'une société (Banchereau) qui avait confié, à deux reprises, un pli contenant une adjudication. La société Chronopost s'était engagée à acheminer celui-ci le lendemain de leur envoi avant midi. La société Chronopost n'ayant pas tenu cet engagement, la société Banchereau l'assigne en réparation du préjudice subi. Cette prétention se heurte toutefois à la clause limitative de réparation que Chronopost avait incluse dans le contrat. Cette dernière limitait le montant de la réparation au prix payé par l'expéditeur.

Le Tribunal de Commerce de Nantes avait, le 17 septembre 1992, condamné la société Chronopost sur le fondement de la faute lourde. Mais cette décision fut infirmée par la Cour d'Appel de Rennes, le 30 juin 1993. Cette dernière relevait que, « faute d'établir l'existence » d'une telle faute, la clause limitative de responsabilité devait être appliquée. L'arrêt du 22 octobre 1996 casse cette décision et répute non écrite la clause limitant la responsabilité au remboursement du prix du transport. La Cour d'appel de renvoi (Caen) enregistra cette solution tout en la complétant sur deux points :1) la Cour de Caen avait considéré que l'obligation de livrer dans le délai convenu devait s'analyser en une obligation de résultat dont le manquement engage la responsabilité du transporteur spécialiste du transport rapide.

2) la Cour de Caen avait déclaré inapplicable le droit commun des transports dans la mesure où le contrat comportait une obligation particulière de garantie de délai et de fiabilité. Elle justifiait cette démarche par le fait que seule la clause d'exonération était réputée non écrite mais qu'en revanche la stipulation de l'obligation essentielle, dérogatoire au droit commun des transports, restait intacte.

La Cour de cassation casse la décision de la Cour de Caen et renvoie l'affaire devant la Cour d'appel de Rouen. Pour ce faire, la haute juridiction relève que l'annulation de la clause limitative de responsabilité du contrat pour retard de livraison, entraîne l'application du plafond légale d'indemnisation que seule une faute lourde pourrait tenir en échec et que le manquement de Chronopost à son obligation essentielle conduit à une absence de cause pour le client.

L'intérêt d'un tel arrêt ne fait pas de doute, vue la complexité de la procédure. Tout d'abord, il confirme l'influence du droit de la consommation sur le droit commun. Ensuite, il restitue à la notion de cause du contrat toute sa valeur. En effet, l'obligation de célérité générée par le contrat à la charge de la société Chronopost constituait la cause de l'engagement de la société expéditrice et justifiait le supplément de prix à la charge de celle-ci. Donc ici, il y a une interdépendance entre la rapidité et le prix élevé que paie l'adhérent. C'est justement à cause de cette rapidité que la société Bancherau a fait appel aux services de son cocontractant. Si la rapidité n'est pas respectée, l'obligation de Bancherau de payer si cher n'a plus de cause. Car on ne peut imaginer les parties valablement conclure tout en excluant la cause de leur engagement. De plus, en privant l'obligation de célérité (considérée comme essentielle en l'espèce) d'effets, on privait par la même occasion de cause l'obligation réciproque de l'expéditeur.

L'arrêt Chronopost bénéficie d'une appréciation controversée par la doctrine. Selon certains auteurs, cette décision est liée à la théorie de la cause selon Capitant. Ainsi, la cause serait devenue un instrument de justice commutative du fait de la prise en compte de l'équilibre du contrat par les juges; « la théorie de la cause permet de corriger l'économie du contrat, d'en rééquilibrer le contenu par l'annulation de la clause qui est à l'origine du déséquilibre ». D'autres auteurs, par contre, relèvent le caractère inutile et calamiteux du recours à la notion de cause car cela conduit à faire l'impasse sur l'article 1150 du Code civil, sauf faute dolosive.

Au delà de tout cela, tous les auteurs semblent d'accord pour considérer que le concept d'obligation essentielle est liée à la cause; seulement si la faute lourde n'est pas établie.

En dépit de cette controverse, la Cour de cassation semble restée fidèle aux règles qu'elle avait posées à propos de l'arrêt Chronopost. L'arrêt rendu par sa Chambre commerciale le 17 juillet 2001 en témoigne.

En l'espèce, il s'agissait de la société Securinfor qui avait conclu un contrat de maintenance du matériel informatique commercialisé par une autre société. Elle s'engageait à intervenir sur le site de la cliente dans un délai de « 48 heures chrono ». Ayant failli à cette obligation d'intervention, la cliente assigna Securinfor en paiement de dommages et intérêts, mais elle s'est vue opposer une clause limitative de responsabilité par Securinfor. Les juges du fond n'ont pas appliqué ladite clause. Ils furent approuvés par la Cour de cassation d'avoir « fait l'exacte application de l'article 1131du Code civil en retenant, pour écarter la clause limitative de responsabilité dont se prévalait la société Securifor; qu'une telle clause revenait à priver d'effet l'obligation essentielle souscrite par cette société ».

La similitude avec l'arrêt Chronopost est frappante. Une fois encore c'est la cause (à travers l'article 1131 du Code civil), qui est appelée au secours de l'obligation essentielle. De plus, cette décision consolide la construction jurisprudentielle selon laquelle lorsque le droit spécial est impuissant à corriger les excès de la liberté contractuelle, il y a un recours automatique au droit commun .

A travers ces décisions, on peut dire que la cause, bien que décriée par une partie de la doctrine, paraît être l'un des fondements sûr de l'obligation essentielle en ce sens qu'elle permet de condamner directement la clause portant sur l'obligation essentielle dès lors qu'elle est de nature à la priver d'effet.

Aussi ces deux décisions marquent une nouvelle ère dans la protection contre les clauses abusives. Avec elles, le domaine de la protection s'élargit, désormais, cette protection s'étend même aux professionnels. Cela était formellement exclu jusque là. Dans l'affaire Chronopost, le contrat était conclu entre professionnels car la société Banchereau contractait dans le cadre et pour les nécessités de son activité professionnelle. De même que dans l'arrêt du 17 juillet 2001 les parties en litige étaient toutes des professionnelles. Même si cette remarque est passée inaperçue aux yeux des commentateurs, nous pouvons dire que la Cour de Cassation, par le biais de la notion d'obligation essentielle, a aussi engagé la lutte contre les clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels. En cela la jurisprudence française en matière de clauses abusives rejoint la jurisprudence américaine où les professionnels ont toujours étés protégés contre ces clauses.

L'obligation essentielle étant déterminée ainsi que ses fondements établis, il ne reste plus qu'à nous pencher sur son délicat rôle et l'épineuse question de sa sanction

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway