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Bricolage et transactionEn survolant l'itinéraire des actions et les oeuvres du BPA dont Monsieur K était responsable, nous permet de voir une forme de l'action publique locale qui s'est effectuée sous forme de « bricolage » agencé par une série de transactions sociales qui sont des compromis entre agents de champs sociaux différents à base territoriale. Nous utilisons le concept du « bricolage », célébre notion anthropologique employée par Cl. Lévi-Strauss, et le concept sociologique de la « transaction sociale » et du « compromis » pour analyser le processus de la construction du Projet Nô-Life. Ceci dans la mesure où le BPA agit comme un « donneur de sens » vis-à-vis des ressources disponibles à ses yeux afin de « s'en servir » pour la réalisation de son projet, tout en effectuant des communications entre ses propres projet et la structure de ces ressources humaines (personnelles, institutionnelles et représentationnelles) et non-humaines (juridiques et économiques : matérielles, foncières et financières). Concept du « bricolage » chez Lévi-strauss : ses caractéristiques et possibilitéNous relevons ici les caractéristiques du concept du « bricolage » proposé par Lévi-Strauss dans une partie de son ouvrage « la pensée sauvage » publié en 1962, dans laquelle il essaie d'expliquer la nature de la pensée mythique et établit le lien entre celle-ci et la pensée scientifique608(*). D'abord la caractéristique du bricoleur réside dans ses rapports avec les moyens qu'il utilise pour son acte créateur. A la différence de l'ingénieur, le bricoleur effectue son acte créateur non pas à partir de ses projets déterminés par des concepts, mais à partir de moyens disponibles qui lui sont des occasions de réaliser « un ensemble » qui est son oeuvre. Ensuite, il donne des sens à ces moyens pour que ceux-ci puissent effectivement jouer le rôle d' « opérateur » pour la réalisation de son oeuvre. Or, de ce fait, le bricoleur et l'ensemble ainsi réalisé (oeuvre) sont forcément dépendants de la nature des moyens utilisés, c'est-à-dire, leurs fins antérieures. Les moyens du bricoleur ne sont donc pas définissables par les fins proprements conçues par le bricoleur, autrement dit, la structure de son projet. A partir de cette explication de Lévi-strauss que nous avons résumée, nous pouvons relever la qualité, le défaut et la possibilité de l'action et de l'oeuvre de type bricolage. D'abord, la qualité de l'action et de l'oeuvre de type bricolage est son approche ascendante (d'en bas). Il s'agit, comme dit Lévi-strauss, de celle « première »609(*) qui est originale et non standardisée par des critères descendants (d'en haut) donnés par des « savants ». Et ceci surtout dans la mesure où l'action et l'oeuvre de type bricolage sont « libéralisatrices » des objets quelconques mobilisés par cette action, car le bricoleur leur donne une nouvelle signification. Ensuite, son défaut réside dans l'incertitude du résultat de son action, car cette action est limitée par la nature de ses ressources. Il s'agit, comme nous l'avons dit plus haut, de sa dépendance à la structure des moyens qui impliquent toujours des fins antérieures. Lévi-strauss relève ainsi la capacité limitée du « signe » donné par le bricoleur par opposition à la capacité illimitée du « concept » qui donne une « ouverture » vers la généralisation610(*). D'après lui, si l'ingénieur peut toujours aller « au-delà » de ses moyens pour créer un « autre message » par le biais de son projet, de ses concepts et de ses fins, le bricoleur reste « en deçà » de ses moyens611(*). Mais, en complément à la proposition de Lévi-strauss, nous pouvons relever que la possibilité du développement « réel » et non théorique de l'action et de l'oeuvre de type bricolage est illimitée : puisque le processus de l'acte créateur du bricoleur est un processus de « reconstruction incessante à l'aide des même matériaux »612(*) dont le cycle de la fin et du moyen des objets mobilisés est le moteur. Et d'ailleurs, aujourd'hui, est-ce que les matériaux et les savoirs sur ceux-ci doivent toujours être « limités » ou « mêmes » en réalité, comme Lévi-strauss entend le dire ? La réponse peut clairement être non. D'ailleurs Lévi-strauss reconnaît lui-même que la différence entre l'ingénieur et le bricoleur n'est jamais absolue en réalité, en disant que le pouvoir créteur de l'ingénieur est également limité par ses ressources qui sont ses « interlocuteur[s] » avec lesquels il doit toujours dialoguer et transiger. Et il doit souvent recourrir à des moyens dont les fins sont antérieurement déterminées613(*). En plus, vu que la circulation des savoirs est aujourd'hui explosive au niveau mondial, on peut souvent avoir accès à des oeuvres données par des « savants » et des savoirs généraux diffusés sur celles-ci. Ainsi, tout en étant bricoleur, on pourrait bien « détourner » la fin de ces oeuvres scientiques en les « inventoriant » et les transformant en des moyens pour réaliser une nouvelle oeuvre. Et le résultat de cet acte créateur du bricoleur implique toujours, comme dit Lévi-strauss, « un compromis entre la structure de l'ensemble instrumental et celle du projet » du bricoleur. * 608 Lévi-Strauss, 1962 : 30-36. * 609 Ibid. : 35. * 610 Ibid. : 34. * 611 Ibid. : 33. * 612 Ibid. : 35. * 613 Ibid : 33. « lui aussi devra commencer par inventorier un ensemble prédéterminé de connaissances théoriques et pratiques, de moyens techniques, qui restreignent les solutions possibles » |