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Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon


par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège
Traductions: Original: fr Source:

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3 Conséquences pour les stagiaires, du compromis entre les agents gestionnaires

Le compromis basé sur la divergence d'intérêts entre les agents gestionnaires produisant l'ambiguïté ou la contradiction de la finalité du Projet Nô-Life. Quelles conséquences aura-t-il pour les stagiaires ?

Pour répondre à cette question, rappelons-nous d'abord l'analyse que nous avons effectuée dans la chapitre précédent sur la relation de compromis établie entre les acteurs institutionnels au travers du processus de la construction du Projet Nô-Life.

Compromis précontraint

Ce compromis institutionnel est d'abord le produit d'un processus historique marqué par une série de bricolages intersectoriaux qui se sont successivement opérés ces dix dernières années. Par là, nous pouvons relever une des caractéristiques de ce processus : la dépendance de celui-ci vis-à-vis des instruments existants. Le principe du compromis ainsi établi pour le Projet Nô-Life implique donc nécessairement une certaine incertitude ou imprévisibilité de son résultat, de sa finalité voire de sa vertu.

Concrètement parlant, le Projet Nô-Life, ses gestionnaires et agents partenaires dépendent de ceux qu'ils intrumentalisent pour la mise en oeuvre du Projet. D'un côté, il s'agit notamment des réactions de ces agents eux-mêmes qui s'instrumentalisent, ainsi que de leurs instruments non-humains qui sont disponibles, de l'autre, des réactions des stagiaires ainsi que de leurs instruments humains et non-humains qui sont disponibles.

Comme le relève Lévi-Strauss, un tel processus est caractéristique du bricolage comme étant un processus de « reconstruction incessante à l'aide des même matériaux ». Cette remarque est intéressante pour voir plusieurs actions constructives comme un processus, mais non comme une série de simples contingences. Ceci, bien que nous nous gardions de rejoindre totalement le point de vue de Lévi-strauss : comme nous l'avons déjà dit, aujourd'hui rien qu'en tenant compte de la mobilité physique, sociale et informative764(*), il est très difficile de déterminer réellement (non théoriquement) la structure invariante des instruments tel que Lévi-Strauss entend la conceptualiser. Ces éléments interagissants765(*)qui sont à la fois instrumentalisés et instrumentalisant, se constituent réciproquement comme « interlocuteurs » et « bricoleurs »766(*).

Puis, comme relève encore Lévi-Strauss, chaque instrument (actant) a sa structure déterminée par ses fins (ou raison d'existence) antérieures767(*), et le processus et le résultat du bricolage sont ainsi précontraints par une telle structure instrumentale.

Concrètement parlant, le processus de la construction du Projet Nô-Life et son résultat (sa finalité et sa vertu), sont précontraints par les structures des acteurs mobilisés, à savoir leurs identités antérieures ou trajectoires, ainsi que leurs ressources disponibles, relations préétablies voire les circonstances intégrées à leurs actions.

* 764 D'ailleurs, cette conception semble fortement se baser sur un présuposé théorique particulier que nous ne rejoignons pas forcément : celui de l'universalité de l'esprit humain. Une telle vision ne produit-elle pas la dichotomie absolue entre « la culture et la nature » sur laquelle se base, en fait, la réflexion de Lévi-strauss ? Ainsi, dit-il : « Sur l'axe de l'opposition entre nature et culture, les ensembles dont ils [l'ingénieur et le bricoleur] se servent sont perceptiblement décalés. En effet, une des façons au moins dont le signe s'oppose au concept tient à ce que le second [bricoleur] se veut intégralement transparent à la réalité, tandis que le premier [ingénieur] accepte, et même exige, qu'une épaisseur d'humanité soit incorporée à cette réalité. » (Lévi-Strauss, 1962 : 34) S'il faut dépasser cette dichotomie dans notre épistémologie, il suffit de se référer à la pensée de « Fûdo » de T. Watsuji (1889-1960), philosophe japonais. Pour lui, la nature telle qu'elle est conceptualisée de façon à l'opposer à l'être humain, n'est qu'un produit d' « objectivation » humaine qui est, en fait, elle-même déjà déterminée par Fûdo dont la définition possible du terme est une condition écologique de l'existence humaine (Watsuji, 1979 : 3).

* 765 Ceci renvoit à la notion d' « actant », terme désignant les êtres humains et leurs objets interagissants dans la société. Depuis que B. Latour a employé ce terme, certains sociologues francophones préfèrent l'employer comme terme au lieu d'utiliser les termes habituels comme acteur, agent, individuel. Cela va ainsi chez Boltanski et Thévenot : « Boltanski et Thévenot se montrent critique à l'égard de l'usage des catégories sociologiques habituelles : individus, groupe, classe, culture, société, etc. L'enjeu essentiel est, pour eux, de se débarasser de toutes les formes de catégorisation a priori afin de pouvoir élucider les processus, dynamiques sociales et opérations cognitives qui sont à l'oeuvre chez les personnes ordinaires. Pour ce faire, ils se servent notamment du concept d'actant, d'être, d'état... » (Nachi, 2006 : 49).

* 766 Pour Lévi-Strauss, la structure instrumentale est également considérée comme limitant le pouvoir de l'ingénieur, une fois que celui-ci est obligé d'entrer dans un rapport de « dialogue » avec son objet (Ibid. 33)

* 767 Lévi-Strauss, 1962 : 35.

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